L'Argent (Marcel L'Herbier - 1928)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Roy Neary
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L'Argent (Marcel L'Herbier - 1928)

Message par Roy Neary »

Sortie chez Carlotta cette semaine d'un classique français particulièrement soigné par l'éditeur.
Pour signer la chronique du site, place à M. Fox. :)

:arrow: L'Argent
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MJ
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Re: L'Argent (M. L'Herbier)

Message par MJ »

Je relève une coquille:
Loin d’être un inconnu, mais au contraire l’une des plus fortes personnalités du cinéma français dans la dernière décennie du muet, Marcel L’Herbier est né en 1988.
Beau texte Mr. Fox qui aguiche ma curiosité concernant ce cinéaste dont j'ignorais jusqu'à l'existence. :oops: Avant-garde française, symbolisme... il n'en faut pas plus pour faire vibrer le porte-monnaie.
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2501
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Re: L'Argent (M. L'Herbier)

Message par 2501 »

J'ai acquis cette édition qui mérite bien le teme de collector.
Portfolio sublime, bonus plus qu'intéressants.

Bien aimé le film, que je trouve juste un peu long pour ce qu'il a à raconter, mais quel régal esthétique avec ces décors gigantesques et ces nombreux travellings (et pas des plus faciles) très étonnants pour un muet.
Le documentaire de Jean Dréville, "making-of" d'époque, est un document précieux, absolument passionnant.

Reste plus qu'à espérer qu'ils réservent le même sort à d'autres films du cinéaste.
Dernière modification par 2501 le 1 mai 08, 23:44, modifié 1 fois.
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Sam Fulton
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Re: L'Argent (M. L'Herbier)

Message par Sam Fulton »

Merci pour cette chronique fouillée et instructive qui remet à l'honneur l'avant-garde française. On attend avec impatience en DVD, d'autres films de cet auteur, ainsi que ceux de Germaine Dulac, Jean Epstein, Louis Delluc, etc.
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allen john
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Re: L'Argent (M. L'Herbier)

Message par allen john »

Merci pour cette belle chronique d'un film qui m'a transporté, ce que je n'attendais certainement pas d'un film de Marcel L'Herbier. C'est non seulement le seul que j'ai vu qui ne soit pas ridicule, mais c'est aussi l'un des chefs d'oeuvres du cinéma muet Français. J'avais moi aussi un peu peur d'aborder un film de presque trois heures(De L'Herbier)basé sur les spoéculations financières, mais c'est passé tout seul, grace à l'enthousiasme comunicatif et au génie formel constant. Sinon, grosse surprise en voyant Henry "Hercules" Victor en jeune premier.
bruce randylan
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Re: L'Argent (Marcel L'Herbier, 1928)

Message par bruce randylan »

Hé bé ! il n’a pas volé sa réputation celui-là ! :o

C’est encore aujourd’hui un film incroyablement moderne visuellement. L’herbier multiplie les plans expérimentaux et innovants pour un spectacle impressionnant au terme de mise en scène qui n’a que peu vieilli : la caméra est pratiquement perpétuellement en mouvement, la photographie lumineuse et la profondeur de champ tout bonnement extraordinaire !
La beauté seule des plans font des 160 minutes un spectacle captivant de bout en bout qui ne souffre de pratiquement d’aucune longueur.
Les idées de réalisation ne manquent jamais de maintenir l’intérêt : qu’il montre en un brillant montage alterné le décollage d’un avion avec l’exultation des boursiers ou qu’il montre une tentative d’étranglement similaire à un acte sexuel tandis que les ombres surréalistes de parties de cartes se projettent sur le plafond, L’Herbier prouve qu’il était l’un des grands formalistes de son temps ( avec Abel Gance ) avec gestion toute personnelle de son langage cinématographique bien que le symbolisme soit parfois trop appuyé notamment dans l’interprétation du « héros » dont la laideur physique renvoie à sa laideur intérieur et dont le jeu manque de finesse.

Dans le fond, sa fable économique pourrait sembler naïve et moralisatrice mais l’actualité prouve tristement que les hommes seront toujours prêt à tout pour s’enrichir et que l’argent règne sur le monde. La lucidité de la dernière scène fait d’ailleurs froid dans le dos : incapable d’apprendre sur ses erreur, l’homme est une créature faible qui se laissera toujours appeler par la facilité et l’appât du gain.

Toujours est-il que la principale raison de découvrir ce film est évidemment sa mise en scène fabuleuse portée par une des plus belle restauration que j'ai pu voir !
Dernière modification par bruce randylan le 10 mars 13, 17:07, modifié 1 fois.
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Watkinssien
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Re: L'Argent (Marcel L'Herbier, 1928)

Message par Watkinssien »

C'est une œuvre vraiment foudroyante, qui constitue incontestablement le sommet de la filmographie de L'Herbier, cinéaste très intéressant, excessif mais passionné.

Non content d'être en plus une remarquable adaptation du livre de Zola, L'Argent est un film puissamment expressif, visionnaire dans le contexte de l'époque (le crash de 1929 n'est pas loin) et visuellement somptueux.

Un classique tonitruant et contemplatif à la fois.
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Nestor Almendros
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Re: L'Argent (Marcel L'Herbier - 1928)

Message par Nestor Almendros »

Pour ma part, je suis resté un peu sur ma faim.

J'ai d'abord cru à une sorte de transposition de film de guerre dans le milieu des finances, avec affrontement impitoyable entre deux clans, deux chefs. Il y a bien un peu de cela ici, mais j'ai surtout vu un récit presque didactique sur les us et coutumes de nos amis boursiers. Car le film montre assez bien cet univers refermé sur lui-même, motivé par le gain et la concurrence, où les êtres sont seuls face aux autres, où les vrais sentiments d'amitié et d'amour n'existent pas car ne s'achetant pas, n'étant pas compatibles avec un intérêt matériel. Mis à part le couple central, uni, tous les autres personnages gravitent dans des relations fabriquées, opportunistes, basées sur l'éphémère (la bonne affaire du jour).
Le sujet est, de toutes façons, intemporel puisqu'encore aujourd'hui il est d'actualité. Le film, annonciateur du crack de 1929, montrait déjà une certaine addiction des hommes pour l'appât du gain dans un milieu dont dépend l'équilibre du monde. 80 ans plus tard, nous n'avons pas du tout évolué. Il est intéressant de voir que dans le film, les maîtres du jeu sont ceux qui comprennent le système, ses rouages, ses réflexes, et qui ne tombent pas dans ce qui peut rappeler le jeu d'argent tel qu'on peut le pratiquer au casino. A ce titres, on retrouve dans le film une similitude évidente entre les boursicoteurs et les joueurs (lors d'une soirée privée) réunis de la même manièrer autour d'une table (de jeu ou de spéculations). Et Grundman, qui apparait au début comme impitoyable, est en fait celui qui m'a semblé le plus sage dans ce monde de la finance: il le dit lui-même il "ne joue jamais" et maintient ainsi une santé indiscutable sur son empire et une mainmise écrasante sur la Bourse. Il garde quand même le profil du rapace boursier, réfléchi mais impitoyable dans les affaires, quelqu'un qui, comme Saccard, ne semble vivre que pour l'argent.
Saccard se voudrait aussi doué et établi que son ennemi mais il est quelque part affaibli par un besoin de sentiments. Il mélange séduction (de la jeune fille) et spéculation (avec l'aviateur), cocktail dangereux qui déséquilibre son sens de l'observation et de l'anticipation au point de perdre son marché et sa liberté (momentanément).

L'un des plus gros défauts du film, je trouve, réside dans la gestion de la longueur de certaines scènes: le film aurait certainement gagné à être raccourci. En l'état, je me suis souvent fait la réflexion qu'on brodait pas mal pour pas grand chose. Certains moments s'étendent beaucoup à mon goût. Evidemment je rejoins tout le monde pour saluer l'avancée technique très moderne du film avec ces travellings étonnants, fluides et réussis qui, je pense, étaient relativement nouveaux à l'époque (je ne connais pas le cinéma muet, j'imagine que les américains avaient peut-être déjà expérimenté un équivalent pour une caméra très mobile). Le résultat est, en tout cas, assez spectaculaire, bien utilisé dans des décors gigantesques et qui n'en font pas trop (comme le disait justement Ann Harding dans le topic consacré à Marcel L'Herbier).
J'ai aussi remarqué une gestion très habile du son dans le film. Je ne parle pas de la partition improvisée de Zygel mais du jeu et du "rendu sonore" perceptible à travers les images. Il s'agit de la scène dans la banque où tous écoutent Radio Paris et les dernières informations sur la traversée de l'aviateur. Pendant cette scène, ça fonctionne si bien qu'on sent la foule se taire instantanément pour écouter la radio. Impression très étrange: le pouvoir des images et du montage est décidément très fort...

Je ne suis pas certain d'avoir vu le master Carlotta sur Arte (ce qui m'étonne). La qualité des captures dans le post d'Ann est bien meilleure que ce que j'ai pu voir. Egalement, concernant les "flous voulus par le réalisateur" (dixit Jeremy dans sa chronique) je n'en suis pas si sûr pour tous. J'ai noté un grand nombre de problème de mise au point (vu l'époque et la machinerie particulière qu'a nécessité le tournage, je n'en tiendrai pas rigueur) et surtout des défauts de lentille (flou au milieu, net sur le reste).
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Sybille
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Re: L'Argent (Marcel L'Herbier - 1928)

Message par Sybille »

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L'argent
Marcel L'Herbier (1928) :

J'ai tout d'abord été séduite par l'énergie, l'inventivité, la fulgurance de la mise en scène, ainsi que par la beauté parfois étrange, stylisée des décors. Une réussite qui se remarque particulièrement au cours des premières minutes du film, mais paraît s'assagir quelque peu par la suite (même si de nombreuses séquences postérieures offrent un mouvement dans la mise en scène et une recherche plastique qui équivalent celles du début, exemple avec la réception donnée dans la demeure du financier).
L'histoire, souvent intéressante, parfois prenante, est malheureusement inégale, défaut qu'on peut attribuer à la veine en partie mélodramatique du scénario, certe pas toujours exempte de son pouvoir d'émotion mais qui, de par sa description des personnages, contribuent en même temps à dater le film. Les relations du jeune couple, la vision des femmes en différents types moraux sont ainsi particulièrement représentatifs de l'époque, de sa littérature, et par conséquence de son cinéma. Cela peut se révéler socialement et historiquement instructif (on voit d'ailleurs que bien qu'inspiré d'un roman du 19ème siècle, le film s'inscrit pourtant parfaitement dans la "modernité" des années 1920) mais ôte en même temps de sa force, de son pouvoir de conviction au film, surtout évidemment pour qui le regarde aujourd'hui.
Plus prosaïquement, on peut aussi reprocher au film sa longueur un peu trop fatiguante et pas forcément justifiée. Finalement c'est le personnage du banquier déchu qui apparaît le plus digne d'intérêt, voire le plus sympathique, en tout cas celui qui semble le plus échapper aux conventions de toutes sortes : un personnage dont les défauts ne sont nullement gommés, mais au contraire renforcés, qui n'apparaît ni totalement vertueux ni totalement maléfique ou calculateur, comme certains des autres personnages du film. C'est en fin de compte le plus humain car le plus réaliste, d'autant plus que l'acteur qui l'incarne est parfaitement à l'aise dans son rôle (les autres ne sont pas mauvais mais plus fades, davantage prisonniers du schématisme de leur personnage).
Le film se termine sur une note ouvertement ironique que j'ai beaucoup appréciée, même si l'oeuvre dans son ensemble, que je voulais découvrir depuis quelques temps, m'a au final relativement déçue. 6/10
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Demi-Lune
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Re: L'Argent (Marcel L'Herbier - 1928)

Message par Demi-Lune »

Le problème de Marcel L'Herbier, j'ai l'impression, c'est la durée de ses films. Trop longue pour l'histoire qu'ils ont à raconter. Un problème de tempo qui ne vient pas tant du découpage des scènes (extrêmement moderne, un film comme L'Argent peut en remontrer à n'importe quel film d'aujourd'hui) que de la durée des plans eux-mêmes, qui finit par bercer l'ensemble dans un espèce de faux-rythme nocif. C'était le cas sur L'inhumaine, ça l'est encore pour L'Argent.

Et c'est dommage parce que L'Argent reste une vraie belle découverte du muet, à recommander plus que vivement.

Grâce à son travail de réalisation très audacieux (systématisation du travelling, profondeur de champ, gros plans, cadrages très modernes, scènes de foule...) L'Argent s'avère une étape importante dans l'élaboration du langage cinématographique contemporain. Le spectateur de 2013 sera frappé par le caractère massif d'une œuvre à bien des égards anticipatrice. La complexité technique du film impressionne et fait corps avec l'effervescence du monde de la haute finance parisienne. Car le film ne se résume pas à sa seule forme novatrice : à l'aide de son scénario ambitieux, L'Argent est un témoignage fascinant des années 1920 finissantes, un témoignage qui sous le couvert de l'adaptation de Zola dépeint une crise de confiance générale envers le milieu économique à l'orée des scandales politico-financiers qui vont bientôt éclater. C'est un film incroyablement en prise sur son temps, dont on se demanderait presque comment il a pu être monté ; un film à forte connotation morale, sociale et politique, et dont l'acuité d'analyse sur la Bourse des années 20 laisse à méditer sur la crise systémique actuelle. L'Herbier jette un regard précieux sur son temps et ses dérives, comme peut l'être celui de Stone avec Wall Street pour le capitalisme US des 80's, et son film devient un signal d'alerte investi d'une force prophétique assez fameuse.
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