L'évadé d'Alcatraz (Don Siegel - 1979)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Répondre
Avatar de l’utilisateur
Boubakar
Mécène hobbit
Messages : 52280
Inscription : 31 juil. 03, 11:50
Contact :

L'évadé d'Alcatraz (Don Siegel - 1979)

Message par Boubakar »

Image
Frank Morris s'est évadé de plusieurs prisons. En 1960, il est écroué et transféré au célèbre pénitencier d'Alcatraz construit sur un piton rocheux face à la côte. Il réussira, une nouvelle fois avec deux complices, à s'évader de la prison la plus surveillée des Etats-Unis.
Tirée d'une réelle évasion ayant eu lieu en 1962, http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89vasi ... az_de_1962, c'est encore une fois un film passionnant que livre Don Siegel.
Toute la première partie se base sur la vie dans cette prison, avec des moments assez durs (l'homme qui se fait couper les doigts), et des personnages bien typés (Patrick McGoohan, excellent, est un petit peu caricatural dans le rôle du chef de la "forteresse"), et des réelles communautés qui se créent, tout en projetant l'idée improbable d'une évasion.
La seconde partie, proprement dite destinée à la fuite, est aussi très bien faite, et apparament fidèle à la réalité, avec la musique de Jerry Fielding (une de ses dernières B.O., d'ailleurs) franchement efficace, qui retranscrit bien l'urgence et la "pression" dans laquelle vivent ces hommes pour tenter de s'échapper. Leurs ruses pour s'enfuir sont édifiantes.
La fin est à l'image de ce qui s'est réellement passé, ambigüe, et n'en rajoute pas plus sur leur supposée disparition ou fuite.
Et c'est en plus superbement interprété par Clint, pour une histoire vraie vraiment maline, intelligente, et ça donne un film passionnant.
Dernière modification par Boubakar le 18 avr. 08, 09:29, modifié 1 fois.
angel with dirty face
Six RIP Under
Messages : 4656
Inscription : 7 mars 07, 22:23

Re: L'évadé d'Alcatraz (Don Siegel, 1979)

Message par angel with dirty face »

J'aimais bien ce film, mais je ne l'ai pas revu depuis un bon moment (et ton commentaire me donne envie de m'y replonger). Peux-tu me dire ce que vaut le DVD au niveau son + image? Merci Bouba! :wink:
Avatar de l’utilisateur
Boubakar
Mécène hobbit
Messages : 52280
Inscription : 31 juil. 03, 11:50
Contact :

Re: L'évadé d'Alcatraz (Don Siegel, 1979)

Message par Boubakar »

L'image n'a pas dû être restaurée, car il y a pas mal de points blancs. Et pour le son, celui de la V.O. est très bon, assez clair, la V.F. étant assez "sourde".
Mais au prix où il est vendu actuellement (6 euros dans un programme télé, Télé loisirs en l'occurrence), tu peux y aller sans soucis.
Et puis, il y a Clint, rien que ça, c'est une bonne raison ! :o
angel with dirty face
Six RIP Under
Messages : 4656
Inscription : 7 mars 07, 22:23

Re: L'évadé d'Alcatraz (Don Siegel, 1979)

Message par angel with dirty face »

Je pense que je vais suivre ton conseil... En plus, en ce moment, C'est ma phase Don Siegel. Merci Bouba! :wink:
Lord Henry
A mes délires
Messages : 9466
Inscription : 3 janv. 04, 01:49
Localisation : 17 Paseo Verde

Re: L'évadé d'Alcatraz (Don Siegel, 1979)

Message par Lord Henry »

Que l'on me pardonne de céder à la complaisance de l'auto-citation:
Pour ma part, je tiens L'Evadé d'Alcatraz pour l'aboutissement d'un style. A la manière des vieux maîtres, Siegel tend à l'épure et on y trouve l'apogée de ce que Tavernier me semble-t-il décrivait comme une "virtuosité dans l'économie".

Sentiment renforcé par le travail du compositeur Jerry Fielding
Image
someone1600
Euphémiste
Messages : 8853
Inscription : 14 avr. 05, 20:28
Localisation : Québec

Re: L'évadé d'Alcatraz (Don Siegel, 1979)

Message par someone1600 »

Excellent film en effet. :D
Abronsius
Producteur Exécutif
Messages : 7321
Inscription : 23 oct. 04, 12:29
Contact :

Re: L'évadé d'Alcatraz (Don Siegel, 1979)

Message par Abronsius »

Quel film passionnant!!! Il me fait penser à ce que disait André Gide à propose de La Bruyère : "Si claire est l'eau de ses bassins qu'il faut se pencher longtemps au-dessus pour en apercevoir la profondeur." Car derrière la simplicité nous trouvons la maîtrise.
La prison d'Alcatraz, aujourd'hui fermée, se situe sur une île rocailleuse dans la baie de San Francisco. Personne ne s'en était évadé jusqu'à Frank Morris et les frères Anglin, en 1962. La prison ferma peu après. C'est cette histoire vraie que conte avec une maîtrise déroutante Don Siegel aidé par l'interprétation toujours excellente de Clint Eastwood. Les seconds rôles sont efficaces avec un Patrick McGoohan qui passe du prisonnier (série mythique que je n'ai pas encore vue mais qui est sur mon bureau puisqu'empruntée à la bibliothèque aujourd'hui, c'est un événement que je ne pouvais décemment occulter) à un directeur de prison aux pulsions sadiques ; ce directeur tente bien de séduire le spectateur en se déguisant en Patrick Brion mais rien n'y fera, il restera détestable. Les prestations de Frank Ronzio et Paul Benjamin sont à remarquer également. Les scènes classiques d'un film de prison sont là, offertes au spectateur : l'entrée, la cantine, le gros dur qui vient intimider le nouveau, les groupes raciaux, et j'en passe puis l'évasion elle-même avec sa préparation et sa réalisation. Tout est là et pourtant on garde les yeux ouverts constamment, on cille un peu mais parce qu'il le faut bien. Siegel arrive à un degré de maîtrise dans la narration qui est remarquable, pas de gras dans la viande, il ne garde que le meilleur et on reste captivé par tant d'efficacité narrative. Le sentiment de claustration est très bien rendu avec un cadrage et une composition des plans au millimètre. Tonalités froides, musique cauchemardesque grandiose de Fielding, seuls quelques aubes et crépuscules viennent ponctuer cet univers étouffant. Beau travail sonore avec bruits étouffés et d'autres répercutés en sons sourds, les portes de cellule, les pas dans les couloirs... Les scènes marquantes le sont sans en rajouter dans le pathétique, je pense à la mutilation de Doc qui est rendue par un montage précis et brutal, je pense à la visite que reçoit Charly, très sobre et émouvante. Les trois hommes ne furent jamais retrouvés, morts noyés ou en clandestinité le film ne tranche pas laissant cette fleur sur le rocher narguer le directeur qui en goûte amèrement le parfum.
Avatar de l’utilisateur
nobody smith
Directeur photo
Messages : 5166
Inscription : 13 déc. 07, 19:24
Contact :

Re: L'évadé d'Alcatraz (Don Siegel - 1979)

Message par nobody smith »

Revu hier soir avec un immense plaisir. C’est définitivement un classique à mes yeux. En le revoyant, je me dis que c’est probablement parce que le film arrive à transmettre parfaitement ce besoin impérieux de l’évasion. Je suis probablement influencé là par ma lecture récente de V Pour Vendetta avec toute sa complexe description d'avilissement des masses et de planification pour y remédier. En effet, les émotion communiquées Escape From Alcatraz semblent dépasser son simple cadre pénitentiaire. Abstraction de la particularité du contexte, le film décrit avant tout une organisation sociétale autoritaire faites de règles strictes et déshumanisantes. Le scénario joue foncièrement sur cette portée plus généraliste, notamment par rapport à la culpabilité des personnages. Au-delà de la figure du criminel de petite envergure qui n’a pas mérité un tel traitement, il y a la caractérisation du personnage principal. Les principales informations à son sujet concernent son Q.I très important, son absence d’attache (il n’a pas de famille) et son goût de l’évasion. Il se positionne ainsi d’emblée comme l’ennemi suprême du système. Il a le potentiel de le faire vaciller et n’a rien à perdre s’il le met en œuvre. Il lui suffira juste d’une motivation. Ce qui arrivera naturellement lorsqu’il sera témoin de la manière dont l’expression individuelle est à peine tolérée et comment cette mince échappatoire peut être arbitrairement retirée. Cette peinture de la répression fait d’autant plus partager son besoin à s’en affranchir. Ça rend également d’autant admirable sa créativité et persévérance pour s’échapper d’un système jugé infaillible. L’ambiguïté de la fin trouve ainsi une part de sa force par la manière dont le seul doute suffit à ébranler les croyances en la perfection de cette organisation. La mise en scène de Siegel n’est évidemment pas en reste vis-à-vis de ce constat. Il y a quelque chose de vertigineux dans sa maîtrise. La mise en scène n’est jamais sur-explicative dans ses intentions et pourtant tout y sonne comme une évidence, comme si le film n’aurait jamais pu être aussi fort si il avait dérivé vers d’autres choix. La composition discrète de Jerry Fielding et la photographie sensationnelle de Bruce Surtees (notamment sur les scènes nocturnes assez hallucinantes en terme d’éclairage) amplifient encore un peu l’immersion au sein du spectacle. Vraiment très très grand.
"Les contes et les rêves sont les vérités fantômes qui dureront, quand les simples faits, poussière et cendre, seront oubliés" Neil Gaiman
Image
Répondre