Le Flambeur (Karel Reisz - 1974)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jihl
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Le Flambeur (Karel Reisz - 1974)

Message par Jihl »

On ne parle pas beaucoup de Karel Reisz sur Classik. Ce réalisateur anglais qui a participé au mouvement Free Cinema (sorte de nouvelle vague anglaise de la fin des années 50) a fait aussi une carrière américaine durant laquelle il tourna Le Flambeur. C'est la première fois que je voyais un film de ce réal et j'ai été impressionné par le scénario très documentaire et la façon de filmer les corps de Reisz (scène de sport, de casino, de violence, de danse, d"amour"). Les scènes les plus fortes sont d'ailleurs les scènes muettes. Je trouve que le film dans son ambiance, dans l'enfermement du personnage principal ressemble à un autre film de 1974 : Conversation Secrète.
Sans atteindre le niveau du chef d'oeuvre de Coppola, le film de Reisz est une plongée réussie dans le monde du jeu, portée par un casting solide : James Caan, Paul Sorvino, Jacqueline Brookes et aussi dans deux petits rôles James Woods et l'improbable Antonio Vargas.7/10
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Jeremy Fox
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Re: Le Flambeur / The Gambler (Karel Reisz - 1974)

Message par Jeremy Fox »

Film noir remarquable sur le descente aux enfers et surtout la décrépitude morale d'un professeur d'université qui flambe au jeu et qui, pour se dépêtrer de ses problèmes de dettes, est prêt -tout en essayant de rester le plus possible digne et humain- à toutes les compromissions même auprès de ses proches.

Karel Reisz nous offre ici pas moins que l'un des meilleurs films américains des années 70 à travers le portrait d'un antihéros d'une formidable richesse d'écriture, un professeur new-yorkais qui a pour vice le jeu. On en a vu quelques uns des films sur la passion du jeu mais rarement aussi bons et aussi puissants par le fait tout d'abord de nous surprendre à presque chaque tournant. Naïf comme je suis, j'avoue que je ne m'attendais par exemple pas à ce dernier quart d'heure sans concessions. Excellente description de l'atmosphère de New York, beaux portraits de l'entourage de James Caan (sa mère, son grand-père, sa petite amie, superbe Lauren Hutton) et suspense psychologique constant. Interprétation et mise en scène parfaite... un seul regret, que Karel Reisz n'ait pas utilisé une musique originale, typique des années 70 à la place de la symphonie Titan de Mahler qui a beau être superbe et très bien utilisée, m'a plusieurs fois fait l'effet n'être pas en phase avec les images. Tout simplement parce que je la connaissais déjà trop hors ce contexte.

7.5/10
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Rick Blaine
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Re: Le Flambeur / The Gambler (Karel Reisz - 1974)

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :Tout simplement parce que je la connaissais déjà trop hors ce contexte.
Oui c'est possible, car j'avoue que cela ne m'avait pas du tout gêné.

Tu donnes envie de revoir ce superbe film, assurément une des meilleures performances de Caan, et aussi un des plus beaux rôles de Paul Sorvino que j'aime beaucoup.
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Jeremy Fox
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Re: Le Flambeur / The Gambler (Karel Reisz - 1974)

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit : et aussi un des plus beaux rôles de Paul Sorvino que j'aime beaucoup.
Il est effectivement superbe comme d'ailleurs tous les seconds rôles dont Burt Young qui pour sa seule apparition fait froid dans le dos.
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Profondo Rosso
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Re: Le Flambeur (Karel Reisz - 1974)

Message par Profondo Rosso »

Grand amateur du filmet de Karel Reisz aussi hop je remets un ancien avis qui trainait

Le Flambeur de Karel Reisz (1974)

Image

Axel Freed est un professeur de littérature qui a un vice : le jeu. Un vice qui lui fait perdre tout son argent, sa petite amie et l'affection de ses proches. Une descente aux enfers qui ne l'empêche pourtant pas de continuer à dépenser son argent aux tables de jeux...

Karel Reisz signe son premier film américain avec The Gambler, transposition moderne façon polar urbain du Joueur de Dostoïevski. C'est ce dernier aspect qui semble faire le lien avec la filmographie anglaise de Karel Reisz alors qu'à première vue ce cadre semble bien éloigné de son univers. Bien au contraire, l'addiction au jeu du héros autobiographique de Dostoïevski (puisque l'auteur était dévoré lui-même par le même démon du jeu) rejoint totalement les thématiques du réalisateur. Les héros de Karel Reisz sont tous des obsessionnels névrosés en quête d'un absolu les faisant fuir leur mal-être, leur environnement oppressant. Le plus marquant reste l'ouvrier incarné par un Albert Finney s'étourdissant en beuverie pour oublier sa condition sociale dans Saturday Night and Sunday Morning (1960), bientôt suivi par David Warner amoureux acharné dans le survolté Morgan (1966) et une Vanessa Regrave tout entière consacrée à son art de la danse dans Isadora (1968) flamboyant biopic d'Isadora Duncan. Le Nick Nolte traumatisé par la guerre du Vietnam suivrait également dans le précurseur Les Guerriers de l'enfer (1978).

Le film s'ouvre sur une frénésie de notre héros Axel Freed (James Caan) qui se met dans un terrible pétrin dans une salle de jeu clandestine ou ne sachant s'arrêter malgré les avertissements il contracte une dette de 44 000 dollars. L'ensemble de l'intrigue le verra tenter de rattraper ce dérapage tout en essayant de réfréner ses pulsions de jeu. James Caan est toujours excellent lorsqu'il s'agit de dévoiler la fragilité de personnages qui en apparence en impose (le Sonny Corleone du Parrain, le cambrioleur du Solitaire) et son prestation intense ne fait pas exception ici. Réfléchi et mélancolique après ses errements (les multiples inserts où il se revoit pariant), pris de folie mais lucide sur les risques encourus (ces mêmes inserts teintant de regrets ses actes lorsqu'il repense à ceux l'ayant aidés sa mère notamment) le personnage possède un vrai charme et une détermination qui le rendent attachant, fragile et font comprendre cette force de conviction qui l'enfonce en fait face au bookmaker conciliant ou aux amis trop compréhensifs qu'il tape. On a ainsi une relation mère/fils fort bien illustrée par Reisz avec une Jacqueline Brookes poignante en mère dépassée et la romance entre Caan et Lauren Hutton parait faussement superficielle au départ pour prendre un tour tout aussi fort et intime.

Sans surligner à l'excès, le scénario de James Toback lance quelques pistes passionnantes quant à la nature du vice d'Axel. Les scènes de cours (il est prof de littérature) nous éclairent à travers ses choix de lecture avec une allusion directe à Dostoïevski et sa notion du 2+2 = 5. Cette idée exprime complètement le fonctionnement du danger recherché par le joueur (ou l'artiste, le sportif comme il est suggéré) qui pense un court instant surmonter la logique naturelle des choses et la transcender dans par sa prise de risque. C'est cette adrénaline qui est recherché par le parieur compulsif la défaite est indispensable au plaisir des rares victoires et le gain n'a finalement que peu d'importance (la scène où il défie de jeunes basketteurs). Caan dans sa fuite en avant semble constamment rechercher cela, prenant des risques insensés alors qu'il est renfloué, défiant la chance à l'excès lorsqu'elle lui sourit enfin. Autre point intéressant, le carcan de son milieu juif respectable, nanti et étouffant semble provoquer ce besoin de liberté pour Freed tel cette scène où il flambe la somme qu'il devait rembourser après les remontrances de son oncle sur sa petite amie Lauren Hutton. Finalement, notre héros ne se sent vivant qu'à la table de jeu, quoi qu'il lui en coûte.

Reisz qui avait si bien su filmer les milieux populaires dans son Saturday Night and Sunday Morning est tout aussi inspiré capturer cette urbanité new yorkaise, ses salles de jeux enfumées (hormis une escapade plus prestigieuse à Las Vegas) ou son ghetto noirs hostile à la fin. On baigne dans une atmosphère de polar même s'il n'y a pas de réelle intrigue policière notamment avec un joyeux casting de trognes connues tel Paul Sorvino en ami bookmakers ou un mémorable Burt Young en homme de main rappelant virilement leurs dettes aux mauvais payeurs. La déchéance est totale pour notre héros qui n'y réchappera finalement qu'au prix de son âme, la seule chose à parier restant finalement sa vie dans un tragique final suintant la haine de soi. Un grand Karel Reisz. 5/6
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Jeremy Fox
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Re: Le Flambeur (Karel Reisz - 1974)

Message par Jeremy Fox »

Profondo Rosso a écrit :
Karel Reisz signe son premier film américain avec The Gambler, transposition moderne façon polar urbain du Joueur de Dostoïevski.

C'est d'ailleurs ce roman qu'il fait étudier dans ses cours à un moment donné.
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Alexandre Angel
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Re: Le Flambeur (Karel Reisz - 1974)

Message par Alexandre Angel »

Profondo Rosso a écrit :Un grand Karel Reisz
Jeremy Fox a écrit : Karel Reisz nous offre ici pas moins que l'un des meilleurs films américains des années 70
J'adorerais découvrir Le Flambeur et je trouve Les Guerriers de l'Enfer toujours aussi étonnant et magnifique.
(pas le dvd MGM, par contre, horrible pendant les 20 premières minutes)
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Le Flambeur (Karel Reisz - 1974)

Message par AtCloseRange »

Alexandre Angel a écrit :
Profondo Rosso a écrit :Un grand Karel Reisz
Jeremy Fox a écrit : Karel Reisz nous offre ici pas moins que l'un des meilleurs films américains des années 70
J'adorerais découvrir Le Flambeur et je trouve Les Guerriers de l'Enfer toujours aussi étonnant et magnifique.
(pas le dvd MGM, par contre, horrible pendant les 20 premières minutes)
Je le trouve beaucoup moins bon pour ma part.
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Alexandre Angel
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Re: Le Flambeur (Karel Reisz - 1974)

Message par Alexandre Angel »

AtCloseRange a écrit :Je le trouve beaucoup moins bon pour ma part.
Ça promet pour Le Flambeur :)
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Le Flambeur (Karel Reisz - 1974)

Message par AtCloseRange »

Alexandre Angel a écrit :
AtCloseRange a écrit :Je le trouve beaucoup moins bon pour ma part.
Ça promet pour Le Flambeur :)
Oui sauf que je ne l'aime pas beaucoup :mrgreen: J'en attendais beaucoup parce que c'est un Karel Reisz et il me semble que Tavernier en parle comme d'un grand film mais j'ai été très déçu.
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Re: Le Flambeur (Karel Reisz - 1974)

Message par El Dadal »

Idem. Je ne vois pas ce qu'on lui trouve à ce film :mrgreen:
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Re: Le Flambeur (Karel Reisz - 1974)

Message par AtCloseRange »

El Dadal a écrit :Idem. Je ne vois pas ce qu'on lui trouve à ce film :mrgreen:
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Alexandre Angel
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Re: Le Flambeur (Karel Reisz - 1974)

Message par Alexandre Angel »

El Dadal a écrit :Idem. Je ne vois pas ce qu'on lui trouve à ce film
C'est un vrai polar, complètement cramé, sans concessions, aussi cafardeux et anxiogène qu'irradié de soleil.

Coincé entre la chute de Saigon et The Deer Hunter, c'est un film peu aimable, inquiétant et fébrile qui inspire le respect en visant une espèce de panache désespéré (Nick Nolte marchant vers son destin dans les derniers plans). Faux film de guerre du Viêt-Nam, mais vrai film sur la défaite morale, la déréliction. Who'll stop the rain (j'adore ce titre original) est le cousin pas très éloigné dans le temps de Cutter's Way, d'Ivan Passer.

Nick Nolte trouve là un de ses meilleurs rôles pour un beau personnage. Il y a une belle musique de Leonard Rosenman, grandiose et triste.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Le Flambeur (Karel Reisz - 1974)

Message par Demi-Lune »

Alexandre Angel a écrit :cousin pas très éloigné dans le temps de Cutter's Way, d'Ivan Passer
Arf, tu viens de doucher direct ma curiosité. :?
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Alexandre Angel
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Re: Le Flambeur (Karel Reisz - 1974)

Message par Alexandre Angel »

Demi-Lune a écrit :Arf, tu viens de doucher direct ma curiosité.
C'est fait pour :wink:
Ah oui mais t'as dit "doucher', donc c'est pas fait pour :(
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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