Le Guépard (Luchino Visconti - 1963)
Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky
- Demi-Lune
- Bronco Boulet
- Messages : 14972
- Inscription : 20 août 09, 16:50
- Localisation : Retraité de DvdClassik.
Re: Le Guépard (Luchino Visconti - 1963)
Dans Hollywood moderne, Berthomieu montre bien, démonstration imagée à l'appui, la descendance du Guépard chez Cimino (Le Sicilien mais j'ajouterai aussi pour ma part La Porte du Paradis) et surtout Coppola, dont les Parrains s'imposent effectivement comme des héritiers formels (le classicisme flamboyant) mais aussi plus encore spirituels. Le Parrain 3, qui conte la "fin de règne" de Michael Corleone, déploie une imagerie dont la filiation avec le chef-d'oeuvre de Visconti est évidente (toute la seconde partie, en Sicile, avec le pèlerinage, la grande demeure familiale, l'atmosphère, la mélancolie...). L'utilisation de Nino Rota n'est pas fortuite, bien sûr.
- Watkinssien
- Etanche
- Messages : 17106
- Inscription : 6 mai 06, 12:53
- Localisation : Xanadu
Re: Le Guépard (Luchino Visconti - 1963)
La séquence du bal (que tu évoques) contient pourtant un rythme d'une totale maîtrise. Elle suit le tempo d'une lente agonie, à la fois socio-politique et physique, tout en combinant le pouvoir de la jeunesse, donc de l'avenir... Il y a donc la représentation d'une transition de l'Histoire et c'est ce rythme contemplatif qui en traduit le mieux le regard...Rick Blaine a écrit :Si le film est formellement impeccable, d'une beauté à couper le souffle, j'avoue m'y être ennuyé à quelques moments (notamment la scène du bal). Ceci ne remet évidemment pas en cause les nombreuses qualités du film mais j'ai regretté un léger manque de rythme peut-être.
Mother, I miss you
-
- n'est pas Flaubert
- Messages : 8464
- Inscription : 19 nov. 05, 15:35
- Contact :
Re: Le Guepard (Luchino Visconti 1963)
Ton post enthousiaste me fait bien plaisir, Demi-Lune. Je me retrouve dans plusieurs de tes affirmations, notamment sur la mise en scène, et sur la prestation de Burt Lancaster. "Né pour ce rôle", j'ai déjà eu les mêmes mots à propos de Burt Lancaster pour parler de son Prince Salina.Demi-Lune a écrit :N'ayant pas eu le temps de chroniquer plus longuement le film au moment de sa découverte, je me contenterai de livrer quelques commentaires rapides, qui ne rendront pas justice, de toute manière, à l'envergure du Guépard et qui paraîtront bien rabâchés après tout ce qu'on a pu écrire à son sujet. Je ne crois pas m'aventurer bien loin en affirmant que Le Guépard est un chef-d'oeuvre, un authentique monument, de cette étoffe qui s'impose naturellement, comme une évidence, et ce, en une poignée de minutes. Ce qui est étrange, c'est que j'ai eu l'impression, en découvrant Le Guépard, que je le connaissais déjà depuis très longtemps, peut-être parce que son influence sur le cinéma a posteriori est incalculable ; pour reprendre Scorsese, c'était comme la première écoute d'une fugue de Bach où l'on sait presque, instinctivement, comment elle se poursuit. Bref. La demeure majestueuse du Prince Salina, les collines siciliennes baignées dans les teintes mordorées de la somptueuse photographie, les fins rideaux qui s'agitent au gré des courants d'air, la puissante musique de Nino Rota... dès l'introduction, en quelques plans, la plénitude picturale déployée trahit un niveau d'accomplissement cinématographique ébouriffant, une sorte d'idéal de perfection auquel Visconti se cramponnera sans fléchir, avec une aisance désarmante, durant les 3 heures de son odyssée aristocratique, des reliefs ruraux et paisibles aux salons fastueux et bruyants. La flamboyance formelle (dont l'influence me semble manifeste sur Coppola et Cimino) n'a d'égale que la perfection du format large, solennel et millimétré, loin des zooms hésitants qui peupleront plus tardivement Les Damnés ou Mort à Venise. D'une grande fluidité et d'un grand intérêt historique, cette fresque conjugue majesté et mélancolie, à l'image de son protagoniste principal, auguste prince désabusé et réaliste, qui contrairement à sa classe sociale aveuglée par les dorures sait que son temps est déjà révolu. Ce film est l'écrin d'une angoisse sourde (dissimulée derrière l'air olympien du Prince Salina) envers les plaines inconnues d'une Histoire qui s'écrit trop vite et au gré des opportunismes (c'est, me semble-t-il, ce qui caractérise le personnage de Tancrède), envers l'inadaptation : ce noble félin de Salina semble condamner à errer tout le long du film, perdu dans ses pensées, perdu dans les tumultes révolutionnaires et unitaires de l'Italie, et las de la vanité du monde dans lequel il a vécu et déjà de la nature de celui qui va lui succéder. Il est en sursis tout le long, il est déjà mort, comme s'il contenait son agonie et réservait ses dernières forces pour assurer la succession de son sang. Si Delon et Cardinale sont impeccables, il n'y a pas de mots suffisamment adéquats pour qualifier la prestation de Burt Lancaster. Il semblait être né pour ce rôle. Et ce serait injuste de ne pas mentionner l'extraordinaire dernière heure, dont la lenteur, la magnificence teintée d'abattement et le développement en quasi temps réel touche à quelque chose de tout bonnement immense au cinéma.
-
- n'est pas Flaubert
- Messages : 8464
- Inscription : 19 nov. 05, 15:35
- Contact :
Re: Le Guépard (Luchino Visconti - 1963)
Sinon, à toutes fins utiles, je replace ici ce que je disais du Guépard dans le fuseau Visconti (faute de replacer d'autres interventions faites dans d'autres topics ; le Guépard fait partie de ces rares films qui me donnent envie de parler d'eux à chaque fois que j'en ai l'occasion ou le prétexte) :
J'aime beaucoup le livre de Lampedusa. Ce grand livre est parfois plus vivant et en tout cas plus drôle que le film. Il intériorise davantage les pensées du Prince et celui-ci a la dent dure, qui livre aux lecteurs plusieurs aphorismes ironiques sur son temps. Mais ce n'est pas un livre cynique. C'est simplement le livre d'un homme sans illusions (Lampedusa), qui met en scène un héros extra-lucide (le Prince Salina) qui voit tout et comprend tout mais décide de vivre la dernière partie de sa vie par procuration au travers de Tancrède, ce neveu qu'il aime tant. La grande différence entre le livre et le film se situe moins dans les idées et leur traitement (de ce point de vue, Visconti est très fidèle à Lampedusa, y compris sur un plan politique) ou dans l'histoire d'amour entre Tancrède et Angelica, que dans quelque chose d'inestimable : la beauté. Visconti insuffle à tous les niveaux de son film une extraordinaire beauté visuelle, en magnifiant les paysages, les palais siciliens, les couleurs, les groupes de personnages, priant en grappes à côté d'un rideau ondulant dans une blanche lumière ou déjeunant sur l'herbe éparpillés en essaim. Et bien sûr, il magnifie Angelica. Aucune des descriptions du livre (et il y en a de très belles), ne rejoignent en beauté les images somptueuses de Visconti. C'est à mon avis à cause de cette beauté, et non pas à cause de ses thèmes, que certains prétendent parfois que Le Guépard a des allures de film proustien ; Visconti réussit à rendre ce passé de la Sicile si beau que l'on pourrait presque s'en éprendre et croire qu'il s'agit d'un "temps retrouvé" (alors qu'en fait il ne s'agit que d'un temps du passé recréé, transfiguré même, par l'art).
Les premières images du film sont à cet égard très révélatrices de ce que Visconti a essayé de faire. Il nous montre une succession de plans du jardin d'un palais, qui semble presque abandonné. Temporellement, on ne sait pas si l'on se situe dans le temps présent d'un documentaire, au moment où l'on voit ce jardin (comme si Visconti nous montrait ce qu'il reste des vestiges d'un domaine, soit quelques statues ébrechées et une demeure ocre au fond d'une allée), ou si l'on se trouve déjà en 1860, à l'époque où commence le film. Je ne serais pas surpris d'apprendre que Visconti a tenu à cette incertitude temporelle, ou mieux encore, qu'il a voulu filmer ces premières images comme s'il s'agissait d'images de 1960, pour mieux déployer ensuite tous les fastes du passé afin de démontrer combien ils supplantaient en beauté les vestiges du présent. Le travelling vers le palais du générique de début serait alors une sorte de voyage vers le passé.
L'Angelica de Claudia Cardinale est le symbole de la beauté du film. Dans le livre, lorsqu'elle apparait, tous les hommes sont pétrifiés. Mais Lampedusa insiste ensuite surtout sur l'attirance physique qu'elle exerce. Alors que chez Visconti, en particulier grâce à la musique de Rota, au visage soudain frappé de tristesse de Lancaster qui se découvre vieux et à la grâce de Cardinale, l'apparition d'Angelica est comme l'apparition d'une incarnation humaine de la beauté, qui par sa seule présence rachèterait le monde, lui donnerait comme une raison supplémentaire d'exister pour quelque temps. Cette scène d'apparition est miraculeuse (et n'a comme équivalent au cinéma s'agissant du choc esthétique causé par l'apparition d'une femme que certains plans de Grace Kelly ou Kim Novak chez Hitchcock) ; soudain tout s'arrête, les conversations s'interrompent, les visagent se figent : hommes et femmes, tous s'inclinent devant cette beauté et cette jeunesse, la reconnaissent comme telles. La beauté d'Angelica, d'une pureté qui confine à la douleur, diminue presque l'importance des évènements historiques du film et aux yeux du Prince rachète sur le plan des idées le mariage de Tancrède avec un paysan comme Sedara pour en faire autre chose qu'un simple mariage d'intérêt. Cette idée d'un rachat par la beauté d'Angélique est déjà présente dans le livre, mais Visconti lui donne toute sa plénitude. Cette beauté fragile qui traverse tout le film lui confère son caractère lyrique et pathétique, car si ce monde est voué à disparaitre alors sa beauté aussi. Même la beauté et la jeunesse d'Angelica sont périssables. Dans le livre, au contraire, l'aspect pathétique du récit est surtout concentré sur la personne du Prince, jusqu'à mettre en scène sa propre mort (ce que Visconti, avec ce génie de la condensation propre aux grands cinéastes, s'est refusé à faire, notamment pour élargir encore la dimension lyrique de son film ; et puis, le Prince, étranger à la nouvelle ère qui commence, est déjà mort au monde...).
PS: ce texte, qui ne parle du film que selon un angle particulier, celui de la beauté, était écrit en réaction à la chronique du film sur le site : Le Guépard
J'aime beaucoup le livre de Lampedusa. Ce grand livre est parfois plus vivant et en tout cas plus drôle que le film. Il intériorise davantage les pensées du Prince et celui-ci a la dent dure, qui livre aux lecteurs plusieurs aphorismes ironiques sur son temps. Mais ce n'est pas un livre cynique. C'est simplement le livre d'un homme sans illusions (Lampedusa), qui met en scène un héros extra-lucide (le Prince Salina) qui voit tout et comprend tout mais décide de vivre la dernière partie de sa vie par procuration au travers de Tancrède, ce neveu qu'il aime tant. La grande différence entre le livre et le film se situe moins dans les idées et leur traitement (de ce point de vue, Visconti est très fidèle à Lampedusa, y compris sur un plan politique) ou dans l'histoire d'amour entre Tancrède et Angelica, que dans quelque chose d'inestimable : la beauté. Visconti insuffle à tous les niveaux de son film une extraordinaire beauté visuelle, en magnifiant les paysages, les palais siciliens, les couleurs, les groupes de personnages, priant en grappes à côté d'un rideau ondulant dans une blanche lumière ou déjeunant sur l'herbe éparpillés en essaim. Et bien sûr, il magnifie Angelica. Aucune des descriptions du livre (et il y en a de très belles), ne rejoignent en beauté les images somptueuses de Visconti. C'est à mon avis à cause de cette beauté, et non pas à cause de ses thèmes, que certains prétendent parfois que Le Guépard a des allures de film proustien ; Visconti réussit à rendre ce passé de la Sicile si beau que l'on pourrait presque s'en éprendre et croire qu'il s'agit d'un "temps retrouvé" (alors qu'en fait il ne s'agit que d'un temps du passé recréé, transfiguré même, par l'art).
Les premières images du film sont à cet égard très révélatrices de ce que Visconti a essayé de faire. Il nous montre une succession de plans du jardin d'un palais, qui semble presque abandonné. Temporellement, on ne sait pas si l'on se situe dans le temps présent d'un documentaire, au moment où l'on voit ce jardin (comme si Visconti nous montrait ce qu'il reste des vestiges d'un domaine, soit quelques statues ébrechées et une demeure ocre au fond d'une allée), ou si l'on se trouve déjà en 1860, à l'époque où commence le film. Je ne serais pas surpris d'apprendre que Visconti a tenu à cette incertitude temporelle, ou mieux encore, qu'il a voulu filmer ces premières images comme s'il s'agissait d'images de 1960, pour mieux déployer ensuite tous les fastes du passé afin de démontrer combien ils supplantaient en beauté les vestiges du présent. Le travelling vers le palais du générique de début serait alors une sorte de voyage vers le passé.
L'Angelica de Claudia Cardinale est le symbole de la beauté du film. Dans le livre, lorsqu'elle apparait, tous les hommes sont pétrifiés. Mais Lampedusa insiste ensuite surtout sur l'attirance physique qu'elle exerce. Alors que chez Visconti, en particulier grâce à la musique de Rota, au visage soudain frappé de tristesse de Lancaster qui se découvre vieux et à la grâce de Cardinale, l'apparition d'Angelica est comme l'apparition d'une incarnation humaine de la beauté, qui par sa seule présence rachèterait le monde, lui donnerait comme une raison supplémentaire d'exister pour quelque temps. Cette scène d'apparition est miraculeuse (et n'a comme équivalent au cinéma s'agissant du choc esthétique causé par l'apparition d'une femme que certains plans de Grace Kelly ou Kim Novak chez Hitchcock) ; soudain tout s'arrête, les conversations s'interrompent, les visagent se figent : hommes et femmes, tous s'inclinent devant cette beauté et cette jeunesse, la reconnaissent comme telles. La beauté d'Angelica, d'une pureté qui confine à la douleur, diminue presque l'importance des évènements historiques du film et aux yeux du Prince rachète sur le plan des idées le mariage de Tancrède avec un paysan comme Sedara pour en faire autre chose qu'un simple mariage d'intérêt. Cette idée d'un rachat par la beauté d'Angélique est déjà présente dans le livre, mais Visconti lui donne toute sa plénitude. Cette beauté fragile qui traverse tout le film lui confère son caractère lyrique et pathétique, car si ce monde est voué à disparaitre alors sa beauté aussi. Même la beauté et la jeunesse d'Angelica sont périssables. Dans le livre, au contraire, l'aspect pathétique du récit est surtout concentré sur la personne du Prince, jusqu'à mettre en scène sa propre mort (ce que Visconti, avec ce génie de la condensation propre aux grands cinéastes, s'est refusé à faire, notamment pour élargir encore la dimension lyrique de son film ; et puis, le Prince, étranger à la nouvelle ère qui commence, est déjà mort au monde...).
PS: ce texte, qui ne parle du film que selon un angle particulier, celui de la beauté, était écrit en réaction à la chronique du film sur le site : Le Guépard
-
- Producteur
- Messages : 9706
- Inscription : 15 oct. 10, 21:58
Re: Le Guépard (Luchino Visconti - 1963)
C'est aussi l'impression que le film m'a faite : c'est beau, splendide, même, d'un point de vue formel. Mais d'une beauté un peu froide, qui fait que je me suis quelque peu ennuyée.Rick Blaine a écrit :Si le film est formellement impeccable, d'une beauté à couper le souffle, j'avoue m'y être ennuyé à quelques moments (notamment la scène du bal). Ceci ne remet évidemment pas en cause les nombreuses qualités du film mais j'ai regretté un léger manque de rythme peut-être.
- Père Jules
- Quizz à nos dépendances
- Messages : 16901
- Inscription : 30 mars 09, 20:11
- Localisation : Avec mes chats sur l'Atalante
Re: Le Guépard (Luchino Visconti - 1963)
'tain, j'aurais jamais réussi à le dire aussi bien.Watkinssien a écrit :La séquence du bal (que tu évoques) contient pourtant un rythme d'une totale maîtrise. Elle suit le tempo d'une lente agonie, à la fois socio-politique et physique, tout en combinant le pouvoir de la jeunesse, donc de l'avenir... Il y a donc la représentation d'une transition de l'Histoire et c'est ce rythme contemplatif qui en traduit le mieux le regard...Rick Blaine a écrit :Si le film est formellement impeccable, d'une beauté à couper le souffle, j'avoue m'y être ennuyé à quelques moments (notamment la scène du bal). Ceci ne remet évidemment pas en cause les nombreuses qualités du film mais j'ai regretté un léger manque de rythme peut-être.
C'est tout à fait ça !
- Demi-Lune
- Bronco Boulet
- Messages : 14972
- Inscription : 20 août 09, 16:50
- Localisation : Retraité de DvdClassik.
Re: Le Guepard (Luchino Visconti 1963)
Content que cette modeste contribution ait pu plaire à l'admirateur guépardien que tu es. Je savais que tu allais m'attendre au tournant (comme avec Ford)Strum a écrit :Ton post enthousiaste me fait bien plaisir, Demi-Lune.
- Rick Blaine
- Charles Foster Kane
- Messages : 24122
- Inscription : 4 août 10, 13:53
- Last.fm
- Localisation : Paris
Re: Le Guépard (Luchino Visconti - 1963)
Effectivement, la notion de lenteur représente peut-être mieux ce que j'ai ressenti qu'un manque de rythme. Cette lenteur, sur une première vision, m'a fait sortir émotionnellement du film à certains moments. D'où cette petite impression de froideur et d'ennui, comme l'écrit riqueuniee.Watkinssien a écrit :La séquence du bal (que tu évoques) contient pourtant un rythme d'une totale maîtrise. Elle suit le tempo d'une lente agonie, à la fois socio-politique et physique, tout en combinant le pouvoir de la jeunesse, donc de l'avenir... Il y a donc la représentation d'une transition de l'Histoire et c'est ce rythme contemplatif qui en traduit le mieux le regard...Rick Blaine a écrit :Si le film est formellement impeccable, d'une beauté à couper le souffle, j'avoue m'y être ennuyé à quelques moments (notamment la scène du bal). Ceci ne remet évidemment pas en cause les nombreuses qualités du film mais j'ai regretté un léger manque de rythme peut-être.
Comme tu le dis aussi, cette lenteur correspond à ce que veut dire Visconti, au sens du film, mais sur le coup de la découverte, ce n'était pas évident à percevoir pour moi.
A la lecture de tout ce qui précède, le film est encore bien plus riche que ce que j'ai pu voir lorsque je l'ai découvert, il est probable que le rythme choisi soit plus parlant pour moi en comprenant mieux ce que Visconti veut faire lors d'un prochain visionnage.
-
- Euphémiste
- Messages : 8853
- Inscription : 14 avr. 05, 20:28
- Localisation : Québec
Re: Le Guépard (Luchino Visconti - 1963)
Un chef d'oeuvre pour ma part, a n'en pas douter... ca a été mon film du mois de janvier et pour l'instant cette année le seul film a lui avoir été supérieur c'est La harpe de Birmanie.
Top 20 actuel
http://www.shompy.com/someone1600/l10080_frfr.html
Mes dvd
http://someone1600.dvdaf.com/
-
- n'est pas Flaubert
- Messages : 8464
- Inscription : 19 nov. 05, 15:35
- Contact :
Re: Le Guepard (Luchino Visconti 1963)
Je me demandais d'ailleurs, l'ayant vu dans tes films du mois, quand tu allais finir par en dire quelques mots.Demi-Lune a écrit :Content que cette modeste contribution ait pu plaire à l'admirateur guépardien que tu es. Je savais que tu allais m'attendre au tournant (comme avec Ford)
-
- Assistant opérateur
- Messages : 2502
- Inscription : 12 mars 06, 09:57
Re: Le Guépard (Luchino Visconti - 1963)
Quand on revoit le film, et que l'on a conscience de ce qui se trame dans ce drame et dans la tête du Prince Salinas, c'est là que l'on peut profiter du jeu d'acteur de Lancaster, tellement intériorisé vis à vis de l'effervescence du bal et de la splendeur des ses oripeaux. L'agonie dont parle Watkinssien, on peut la lire sur le visage de Lancaster et cela provoque une émotion très forte.Rick Blaine a écrit :Effectivement, la notion de lenteur représente peut-être mieux ce que j'ai ressenti qu'un manque de rythme. Cette lenteur, sur une première vision, m'a fait sortir émotionnellement du film à certains moments. D'où cette petite impression de froideur et d'ennui, comme l'écrit riqueuniee.Watkinssien a écrit :
La séquence du bal (que tu évoques) contient pourtant un rythme d'une totale maîtrise. Elle suit le tempo d'une lente agonie, à la fois socio-politique et physique, tout en combinant le pouvoir de la jeunesse, donc de l'avenir... Il y a donc la représentation d'une transition de l'Histoire et c'est ce rythme contemplatif qui en traduit le mieux le regard...
Comme tu le dis aussi, cette lenteur correspond à ce que veut dire Visconti, au sens du film, mais sur le coup de la découverte, ce n'était pas évident à percevoir pour moi.
A la lecture de tout ce qui précède, le film est encore bien plus riche que ce que j'ai pu voir lorsque je l'ai découvert, il est probable que le rythme choisi soit plus parlant pour moi en comprenant mieux ce que Visconti veut faire lors d'un prochain visionnage.
D'ailleurs, ce n'est pas moi qui le dit, cela a été rabâché dans ce fil de discussion...
Strum a écrit :; et puis, le Prince, étranger à la nouvelle ère qui commence, est déjà mort au monde...).
Lancaster n'incarne pas le prince uniquement par sa stature de Stentor, mais aussi par son jeu tout en subtilité, il livre une prestation énorme.Demi-Lune a écrit :Si Delon et Cardinale sont impeccables, il n'y a pas de mots suffisamment adéquats pour qualifier la prestation de Burt Lancaster. Il semblait être né pour ce rôle. Et ce serait injuste de ne pas mentionner l'extraordinaire dernière heure, dont la lenteur, la magnificence teintée d'abattement et le développement en quasi temps réel touche à quelque chose de tout bonnement immense au cinéma
- Jerome
- Producteur Exécutif
- Messages : 7615
- Inscription : 23 mai 03, 15:29
- Localisation : Parti chercher des archives inédites
- Contact :
Re: Le Guépard (Luchino Visconti - 1963)
Nouveau documentaire sur la production du Guépard
http://www.forgottensilver.net/2011/07/ ... e-guepard/
http://www.forgottensilver.net/2011/07/ ... e-guepard/
"Sa place est dans un Blu-Ray"
- Barry Egan
- Assistant opérateur
- Messages : 2412
- Inscription : 5 janv. 12, 18:51
Re: Le Guépard (Luchino Visconti - 1963)
Je continue dans ma bonne volonté pour découvrir des chefs d’œuvre réputés, et ce qui suivra ne sera qu'un flot de réflexions peu objectives.
Quel film génial ! Ce serait impossible à produire aujourd'hui, trop franc dans sa description des classes sociales, des rapports économiques, de la guerre civile. Ce qui m'a choqué dans les scènes de bataille, c'est la prédominance des armes à feu, qui s'oppose à la peinture de l'aristocrate, assimilé à un noble d'épée, pouvoir immémorial, dont la maison est ancienne et puissante parce qu'elle a fait ses preuves dans le temps, et non dans l'argent, comme les nouveaux riches qui veulent s'inviter à leurs bals. Il y a toujours eu des injustices, mais ce qui a changé le rapport du pauvre au riche, c'est que celui-ci a perdu le prestige d'être un combattant, les balles et la distance ayant remplacé la lame et le corps-à-corps. Du fusil à l'Internet, il n'y a qu'une morale à tirer : il est nécessaire d'instaurer toujours plus de distance. Le troc, l'argent liquide, le chèque : trop direct tout ça. Désormais, on promeut le paiement "sans contact" (à partir du 21 mai 2012 à la Caisse d’Épargne).
Je ne digresse pas.
Ce film, c'est le chant du cygne du guépard (je me marre en écrivant cette suite d'animaux improbable), un guépard dont on nous fait croire qu'il a été doux pour conquérir sa position, et on voudrait nous faire pleurer avec lui. Non, non, mille fois non. Le cœur compatit, l'esprit se révolte. Oui, le faste est beau, l'or brille, le soleil éclaire, et dans leur sécheresse les paysages de la Sicile sont aussi merveilleux que les hanches trempées de Claudia Cardinale après l'amour. Mais je vois aussi en Claudia Cardinale l'orgueil naissant de la fille de parvenue, qui n'est déjà plus assez naïve pour s'extasier sur les dorures du palais du voisin et qui s'en renseigne sur le prix. Oui, la hyène remplace le guépard. On est bien avancés. Ce film, parce qu'il est lucide, me fait détester les animaux sauvages Quand viendra enfin le règne de la fourmi ?
Quel film génial ! Ce serait impossible à produire aujourd'hui, trop franc dans sa description des classes sociales, des rapports économiques, de la guerre civile. Ce qui m'a choqué dans les scènes de bataille, c'est la prédominance des armes à feu, qui s'oppose à la peinture de l'aristocrate, assimilé à un noble d'épée, pouvoir immémorial, dont la maison est ancienne et puissante parce qu'elle a fait ses preuves dans le temps, et non dans l'argent, comme les nouveaux riches qui veulent s'inviter à leurs bals. Il y a toujours eu des injustices, mais ce qui a changé le rapport du pauvre au riche, c'est que celui-ci a perdu le prestige d'être un combattant, les balles et la distance ayant remplacé la lame et le corps-à-corps. Du fusil à l'Internet, il n'y a qu'une morale à tirer : il est nécessaire d'instaurer toujours plus de distance. Le troc, l'argent liquide, le chèque : trop direct tout ça. Désormais, on promeut le paiement "sans contact" (à partir du 21 mai 2012 à la Caisse d’Épargne).
Je ne digresse pas.
Ce film, c'est le chant du cygne du guépard (je me marre en écrivant cette suite d'animaux improbable), un guépard dont on nous fait croire qu'il a été doux pour conquérir sa position, et on voudrait nous faire pleurer avec lui. Non, non, mille fois non. Le cœur compatit, l'esprit se révolte. Oui, le faste est beau, l'or brille, le soleil éclaire, et dans leur sécheresse les paysages de la Sicile sont aussi merveilleux que les hanches trempées de Claudia Cardinale après l'amour. Mais je vois aussi en Claudia Cardinale l'orgueil naissant de la fille de parvenue, qui n'est déjà plus assez naïve pour s'extasier sur les dorures du palais du voisin et qui s'en renseigne sur le prix. Oui, la hyène remplace le guépard. On est bien avancés. Ce film, parce qu'il est lucide, me fait détester les animaux sauvages Quand viendra enfin le règne de la fourmi ?
-
- Stagiaire
- Messages : 36
- Inscription : 3 juil. 12, 23:53
Re:
J'approuve ce message comme si je l'avais écrit moi-même.Strum a écrit :Un des plus beaux films du monde avec une des plus belles musiques jamais composées pour le cinéma. Un film monde où le personnage principal est le reflet de son époque.
Concernant Burt Lancaster, absolument prodigieux en Prince Salina, je crois me souvenir que Visconti a eu cette phrase: "je ne connais pas d'homme plus étrange que Burt Lancaster", ou quelque chose d'approchant.
Visconti a pensé jouer lui-même Salina, en qui il apercevait certains de ses traits de caractères et une communauté de destin (la mélancolie, la lucidité dans la perception des bouleversements du monde, un certain mépris de la bourgeoisie, la perception aigue de l'existence de différentes classes sociales, le sentiment de ne plus appartenir à son époque). Alors, par cette phrase sur l'étrangeté de Lancaster, Visconti se demande peut-être comment cet acteur américain avait réussi à "devenir" à ce point Salina dans le film. Ou pour le dire autrement, comment Lancaster était devenu à ce point Visconti lui-même.
Au sujet de la transformation de Lancaster en Salina, on peut tenter l'expérience suivante: lire le livre original de Lampedusa (très grand livre) et imaginer quelqu'un d'autre que Lancaster jouant Salina. C'est impossible. Dans la gestuelle, dans le physique, jusqu'au plus petit froncement de sourcil, tout ce que Lampedusa décrit de son héros parait appartenir au Lancaster du Guépard. Chapeau l'artiste.
J'ai vu récemment Le Guépard et j'ai été bouleversé par l'interprétation de Burt Lancaster.
D'ailleurs, je suis très surpris de constater que ce topic n'aborde pas une seule fois LA QUESTION qui m'a torturé tout le long du film :
Quelle est la meilleure version pour voir Le Guépard ?
J'ai le Blu-ray Pathé et pendant le visionnage je n'arrêtais pas de passer de la VF à la version italienne sans jamais être totalement satisfait.
De manière générale, je ne supporte pas le doublage des films et, du coup, j'ai été très frustré de constater que, conformément à l'école italienne, toutes les versions sont doublées.
Et donc aucune n'est vraiment LA bonne.
D'ailleurs, si je ne me trompe pas, on ne peut jamais entendre la voix de Burt Lancaster, il est doublé dans les 2 version du film et cela rend son interprétation encore plus énigmatique je trouve.
D'où la question que je pose : quelle est la meilleure ou plutôt la moins pire des versions ? italienne ? française ?
Pour ma part, j'ai fini par opter pour la version française mais en basculant d'une version à l'autre pendant le visionnage j'ai parfois eu le sentiment de passer à côté de la prestation de certains acteurs italiens ayant tourné dans leur langue d'origine...
Par ailleurs, je me suis souvent demandé si Delon n'avait pas tourné en anglais pour donner la réplique à Lancaster ?
En tout cas, j'ai l'impression qu'il n'a pas tourné en français.
Certes, sur la VF, il se double lui-même mais j'ai le sentiment qu'il ne se double pas dans la même langue que la langue de tournage tellement ce n'est pas raccord. Vous avez eu le même sentiment ?
-
- Stagiaire
- Messages : 36
- Inscription : 3 juil. 12, 23:53
Re: Re:
Je m'auto-réponds à moi-même, pour éviter un bide monumental.
En voulant regarder Mort à Venise, je me suis de nouveau posé la question de savoir quelle version regarder.
Et cette fois, après quelques recherches, je suis tombé sur ce topic très intéressant qui m'avait échappé la première fois :
http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... =2&t=17936
Pour le Guépard, un consensus a l'air de se dégager pour la version italienne.
(Et pour Mort à Venise, on préconise la version anglaise).
Merci à moi-même pour ces éclaircissements.
En voulant regarder Mort à Venise, je me suis de nouveau posé la question de savoir quelle version regarder.
Et cette fois, après quelques recherches, je suis tombé sur ce topic très intéressant qui m'avait échappé la première fois :
http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... =2&t=17936
Pour le Guépard, un consensus a l'air de se dégager pour la version italienne.
(Et pour Mort à Venise, on préconise la version anglaise).
Merci à moi-même pour ces éclaircissements.