Le Corbeau (Henri Georges Clouzot - 1943)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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Message par bruce randylan »

Le corbeau
Enormément de plaisir devant ce film à la noirceur quasi misanthrope qui m’a procuré les mêmes sensations qu’il y a presque 10 ans lors de mon précédent visionnage. L’ambiance paranoïaque est installé en moins de 5 minutes, les personnages, quoique qu’assez stéréotypé dans l’ensemble, existent et émeuvent bel et bien ( ce couple improbable entre le Dr. et la sœur de l’instituteur m’a profondément marqué). En plus tous cela n’empêche pas les cartes de se brouiller et le doute de s’installer dans l’esprit du Dr comme du mien. La aussi, impossible de ne pas se laisser prendre au jeu du « ah je suis sur que c’est lui », « ça serait elle, ça serait trop facile », « ben, zut, si c’est pas celui-là, mais qui est-ce à la fin »
Quelques grands moment : la scène où le professeur redéfini les limites du bien et du mal avec l’oscillation de la lampe est un pur bijou ( mêmes si la métaphore n’est pas très original ), la fuite de l’infirmière soupçonnée à travers des ruelles désertes mais remplies de la colère d’un foule invisible, Et Cerise sur le gâteau, le plan de la mère en deuil s’éloignant de dos à la fin m’a carrément donné des frissons.
Bon, c’est peu brouillon comme critique, mais le film est trop riche pour pouvoir en parler en quelques lignes.
C’est pourquoi je suis un peu déçu que devant un tel classique impérissable ( comme le salaire de la peur ou les diaboliques ), Clouzot ne soit souvent réduit qu’à un Hitchcock français, lui niant de la sorte un univers et des thèmes profondément personnel. Autant dire que la découverte de L’assassin habite au 21 se fait attendre. Un Dvd correct existe-t-il ?
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Cathy
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Message par Cathy »

bruce randylan a écrit :Le corbeau
Enormément de plaisir devant ce film à la noirceur quasi misanthrope qui m’a procuré les mêmes sensations qu’il y a presque 10 ans lors de mon précédent visionnage. L’ambiance paranoïaque est installé en moins de 5 minutes, les personnages, quoique qu’assez stéréotypé dans l’ensemble, existent et émeuvent bel et bien ( ce couple improbable entre le Dr. et la sœur de l’instituteur m’a profondément marqué). En plus tous cela n’empêche pas les cartes de se brouiller et le doute de s’installer dans l’esprit du Dr comme du mien. La aussi, impossible de ne pas se laisser prendre au jeu du « ah je suis sur que c’est lui », « ça serait elle, ça serait trop facile », « ben, zut, si c’est pas celui-là, mais qui est-ce à la fin »
Quelques grands moment : la scène où le professeur redéfini les limites du bien et du mal avec l’oscillation de la lampe est un pur bijou ( mêmes si la métaphore n’est pas très original ), la fuite de l’infirmière soupçonnée à travers des ruelles désertes mais remplies de la colère d’un foule invisible, Et Cerise sur le gâteau, le plan de la mère en deuil s’éloignant de dos à la fin m’a carrément donné des frissons.
Bon, c’est peu brouillon comme critique, mais le film est trop riche pour pouvoir en parler en quelques lignes.
C’est pourquoi je suis un peu déçu que devant un tel classique impérissable ( comme le salaire de la peur ou les diaboliques ), Clouzot ne soit souvent réduit qu’à un Hitchcock français, lui niant de la sorte un univers et des thèmes profondément personnel. Autant dire que la découverte de L’assassin habite au 21 se fait attendre. Un Dvd correct existe-t-il ?
Film extraordinaire, la manière de filmer est superbe, même si la scène de l'ombre et de la lumière n'est plus très originale, elle devait plus l'être à l'époque. Et la scène finale, la mère part comme un véritable corbeau, et c'est très fort. Pour moi un véritable chef d'oeuvre !

Le DVD René Chateau de l'Assassin habite au 21 est équivalent à la copie qui a été diffusée récemment sur Cinétoile à savoir des points blancs au départ, et après une copie tout à fait honnête. Pierre Fresnay est très bien en Wens tout comme Suzy Delair en Mily Malou ! Puis bon le reste du casting est éblouissant, Jean Tissier, Noel Roquevert ou Pierre Larquey...

Clouzot est sans doute un de mes réalisateurs français préférés, la Vérité est aussi un magnifique film et mériterait une sortie en DVD !

Je te rejoins aussi sur Infidèlement votre, la scène de l'exécution du crime est désopilante. Et puis La Mélodie du bonheur est une très jolie comédie musicale trop souvent dénigrée :? !
Jipi
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Le Corbeau (Henri Georges Clouzot - 1943)

Message par Jipi »

Y a-t-il une frontière entre le bien et le mal ? Dans une ampoule lancée manuellement se balançant de gauche à droite ou est l’ombre ou est la lumière ? Si une main tente de stopper ce mouvement semblant éternel, une douleur instantanée libère la main de l’ampoule en redonnant vigueur à ce Ying Yang sombre et lumineux.

Un climat particulier déclenche haines et dénonciations collectives, semant désordres et vengeances dans un contexte préalablement trop passif. Soudainement activé par un mécanisme invisible, un microcosme épargné implose de l’intérieur en déroulant inexorablement une implacable théorie des dominos

Considéré comme anti Français avec un résidu boulevardier le corbeau et avant tout un laboratoire expérimental contenant dans son noyau une machine nauséabonde suspicieuse et délatrice prête à l’emploi.

Le Polar sert une fois de plus de cache misère à un cinéma ayant momentanément perdu dans un contexte particulier une liberté d’expression. Le Corbeau tout en paraissant déconnecté d’un climat historique imposant œillères et silences saupoudrent quelques messages.

L’œuvre est initiatrice, un maître de jeu démontre par quelques missives bien pendues la fragilité psychologique de ses concitoyens.

Le cinéma Français en ces années d’occupation effectue par des scénaris répétitifs une lessive interne montrant des habitants désemparés, désunis, broyés par un logiciel démoniaque lancé sur un marché déserté rapidement par la résistance et la bravoure.

Le Corbeau n’échappe pas à la règle, une bourgade s’autodétruit en refusant la cohésion contre une pestilence initiatique. Le corbeau est l'ampoule délivrant la lumière ténébreuse d'âmes inconsistantes.

Tous ces esprits brusquement perturbés se déchirent au lieu de lutter solidairement contre un appareil destructeur. Il n’en faut pas plus pour établir un état des lieux lâche et dénué d'un esprit de groupe.

Le peuple France juge négativement certains de ses comportements en images ceci par l'intermédiaire de ses propres enfants, voila de la manne pour un occupant n’ayant pas d’appréciation à opérer sur les comportements en interne d’un pays conquis.

Le Corbeau possède un esprit auto immolateur offert à un maître éphémère. Un point de l’hexagone livre un huit clos sordide, une citoyenneté lâche, divisée au premier soubresaut.

Le professeur Vorzet explique admirablement l’impossibilité de fractionner ombres et lumières dans une figure décente préférant favoriser le symbole éternel de l’incertitude celui-ci devenant une procédure existentielle. Le docteur Remi Germain entamé se met à douter.

Le corbeau délivre sur une dernière bombe écrite inachevée, une alchimie associant le mot sentence dans un transfert épiloguant une remise à niveau en commun.

Une double main achève l’épidémie. Celle d'un vengeur repu.

« La punition est levée »

Le cours est terminé.
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Watkinssien
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Message par Watkinssien »

Le Corbeau est un indiscutable chef-d'oeuvre !

Clouzot mettait effectivement en avant la nature de la délation qui s'appliquait fortement sous l'Occupation et crache au visage du spectateur un miroir d'une noirceur hallucinante !

Ce qui est sublime dans le film, c'est la mise en scène en tous points remarquable de Clouzot, sachant faire vivre une galerie de personnages douteux en même temps que de raconter en cadrages prodigieux, en ambiances sonores sublimes et en éclairage très habile, une histoire absurde, qui n'exclut cependant l'amour sincère.

Outre la qualité des dialogues et la justesse des comédiens, le film regorge de séquences d'anthologie (notamment une poursuite mentale d'une religieuse suspecte où le son de la foule devient terrorisant) et propose avec le recul une vision certes pessimiste mais surtout d'une grande lucidité et d'une superbe clairvoyance !

Un des meilleurs films français de tous les temps !
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Boubakar
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Re: Le Corbeau (Henri Georges Clouzot, 1943)

Message par Boubakar »

Oui, c'est vraiment très bien, avec des acteurs d'exceptions (le vieux monsieur ressemble à Emil Jannings, coïncidence ?), et une histoire vraiment prenante, et dont le suspens demeure jusqu'au bout. Pour ne rien gâcher, le dvd est d'excellente qualité. :)
Et le documentaire présentant le film est aussi excellent.
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Re: Le Corbeau (Henri Georges Clouzot, 1943)

Message par Marceline Bonheur »

Un très bon film : chaque fois qu'on le repasse à la télévision, je le regarde à nouveau.
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Re: Le Corbeau (Henri Georges Clouzot, 1943)

Message par Sabsena »

Clouzot realise son chef d'oeuvre avec Le corbeau.

La scene dans laquelle Fresnay et Larquey discutent et ou ce dernier parle du bien et du mal, de l'ombre et de la lumiere alors qu'une ampoule est en train de se balancer est d'anthologie.

Le film multiplie les scenes grandioses, le suspense est maintenu jusqu'au bout, il tient le spectateur en haleine pour identifier le corbeau, un des plus grands chefs d'oeuvre du cinema francais.
Vous conviendrez qu'il vaut mieux arroser quelqu'un que de l'assassiner. Fernando Rey : Cet obscur objet du désir.
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Cathy
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Re: Le Corbeau (Henri Georges Clouzot, 1943)

Message par Cathy »

Antoine Balpêtre est Antoine Balpêtré, il ressemble peut-être à Emil Jannings, mais je pense que c'est pure coincidence, car il a toujours cette tête-là dans tous les films. Je dois dire que Clouzot est un de mes cinéastes préférés, et j'adore Le Corbeau,
Spoiler (cliquez pour afficher)
notamment le dernier plan avec Sylvie qui s'en va tel un corbeau
Cadichon
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Re: Le Corbeau (Henri Georges Clouzot, 1943)

Message par Cadichon »

Ce film fut soupçonné d'anti-vichysme puis de vichysme. Honnêtement je trouve que par la suite Clouzot a fait bien mieux: "L'assassin habite au 21", "Quai des orfèvres" le surréaliste "Les espions". Mais je le reverrais néanmoins avec plaisir.
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Watkinssien
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Re: Le Corbeau (Henri Georges Clouzot, 1943)

Message par Watkinssien »

Cadichon a écrit :Ce film fut soupçonné d'anti-vichysme puis de vichysme. Honnêtement je trouve que par la suite Clouzot a fait bien mieux: "L'assassin habite au 21", "Quai des orfèvres" le surréaliste "Les espions". Mais je le reverrais néanmoins avec plaisir.
Ca c'est plutôt Le Ciel est à Vous qui fut accusé de ces deux termes. Le film de Clouzot a été pris pour "représentatif de la société française à l'étranger".

Et L'Assassin habite au 21 est le premier film de Clouzot.
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Re: Le Corbeau (Henri Georges Clouzot, 1943)

Message par Cathy »

L'assassin habite au 21 est le premier film officiel de Clouzot, le premier film officieux est l'autre adaptation de Steeman avec son inspecteur Wens qu'est le Dernier des six, crédité officiellement à Georges Lacombe.
Sabsena
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Re: Le Corbeau (Henri Georges Clouzot, 1943)

Message par Sabsena »

Il me semble que Le dernier des six, Clouzot est seulement l'adaptateur et scenariste, je trouve que L'assassin habite au 21 est un extraordinaire coup de maitre, dialogues particulierement brillants, suspense intensement maintenu, il annonce le futur chef d'oeuvre Le corbeau.
Vous conviendrez qu'il vaut mieux arroser quelqu'un que de l'assassiner. Fernando Rey : Cet obscur objet du désir.
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Re: Le Corbeau (Henri Georges Clouzot, 1943)

Message par Cathy »

Il me semble qu'il n'est pas crédité réalisateur, mais qu'il a contribué largement au Dernier des six. De toute façon peu importe, les deux Wens sont fort sympathiques tous les deux, même si l'Assassin est supérieur :) !
Lord Henry
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Re: Le Corbeau (Henri Georges Clouzot, 1943)

Message par Lord Henry »

Je ne sais pas ce qu'il en est aujourd'hui, mais la dernière fois que j'ai vu ce film dans une copie restaurée sur le câble, la bande sonore avait été retravaillée de telle façon qu'elle donnait la sensation d'avoir été enregistrée dans une chambre d'écho.
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Fukurou
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Re: Le Corbeau (Henri Georges Clouzot - 1943)

Message par Fukurou »

Je suppose que c'est le bon topic pour poser la question, donc : quelle édition pour Le Corbeau ?
D'emblée on se dit Criterion mais il y a deux problèmes : le premier c'est qu'elle est épuisée donc les prix grimpent en occase...passe encore s'il faut payer le prix pour un chef'oeuvre, mais en fouinant un peu je découvre un comparatifdes éditions US, Criterion et Optimum.
Oui, y'a un petit problème...l'image de la Criterion bien que d'apparence mieux constrastée est méchamment rognée.

Du coup on se dit hop, Optimum, meilleure, prix abordable, parfait.
Mais ce serait trop facile puisque celle-ci a des sous-titres inscrustés, impossible désactiver.

Retour à la case Zone 2 donc.
On y a donc le choix entre l'édition Studio Canal et apparemment une mise à jour du même Studio fraichement sortie, sous la bannière "Classics".
Est-ce que quelqu'un sait ce que vaut cette dernière ? Similaire à la première de chez Studio, ou améliorée ?
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