Bob Fosse (1927-1987)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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onvaalapub
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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par onvaalapub »

odelay a écrit : "The rythme of life " avec Sammy Davis Jr, là aussi la mise en scène/ Choré est à son top:

ça donne envie de voir le film ! La qualité est bien meilleur sur ce lien, ce qui permet de profiter de la choré complètement déjantée 8) .


erci pour la critique !
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odelay
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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par odelay »

Wow, on dirait de la HD! ca change après le DVD pourri d'Universal. En tout cas, je n'hésiterais pas pour un Bluray
Dernière modification par odelay le 26 sept. 12, 22:21, modifié 1 fois.
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onvaalapub
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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par onvaalapub »

odelay a écrit :Wow, on dirait de la HD! ca change après le DVD pourri d'Universal. En tout cas, je n'hésiterais pas sur Bluray
Oui on peut le mettre en 720p sur youtube. Ça doit être une diffusion HDTV. Peut-être un master HD existe-il...
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Père Jules
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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par Père Jules »

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Je n'avais jusqu'ici de Bob Fosse que le très bon mais en définitive assommant Lenny. Amère chronique d'une Amérique tragiquement engoncée dans un discours policé alors que, dans les faits, la "plus grande démocratie du monde" n'en était plus vraiment une. All That Jazz et son pitch alléchant semblaient confirmer cette tendance désenchantée chez un réalisateur qui me parait aujourd'hui un peu oublié. Mettons les pieds dans le plat d'entrée, Que le spectacle commence est un chef-d'œuvre, un film maîtrisé de bout en bout (et pas uniquement en termes de chorégraphie et de musique). La mise en scène est incroyablement virtuose et dynamique, la narration aussi surprenante que justifiée, les parties musicales formidables ("Bye Bye Love" évidemment -j'en ai encore la gorge nouée, les larmes au yeux et le sourire aux lèvres rien que d'y repenser-, mais aussi la présentation du futur spectacle de Gideon aux producteurs ou encore le show privé de sa femme et de sa fille dans son grand appartement)... je suis resté sans voix. C'est juste, mordant, acide, humain. Et putain, Roy Scheider, quel acteur ! Je suis pas loin de penser qu'il s'agit là de sa plus grande prestation. Drogué, malade, rieur, espiègle, charmeur, lâche, Joe Gideon est tout ça à la fois. Bob Fosse signe une satire d'une intelligence remarquable sur le monde du spectacle autant qu'un autoportrait lucide. C'est ce qui fait tout le prix d'All That Jazz, dans le top 3 annuel des claques reçues.

Et je me permets de m'être ici les quelques lignes du toujours excellent Thaddeus qui en peu de mots parvient à synthétiser parfaitement le film:
Cinéaste-chorégraphe bouffé par la dope, les pilules et l’alcool, rongé par le doute artistique, Joe/Bob n’en finit pas de peaufiner le montage de son dernier film (évocation d’un comique de scène – pour que le parallèle soit bien clair), jongle avec les femmes de sa vie, fait le bilan douloureux de son existence. Surtout, il entame un flirt à l’issue sans cesse différée avec la Faucheuse, qui possède la blonde beauté de Jessica Lange. Crépusculaire et prémonitoire, cette époustouflante comédie chorégraphique est incendiée par un montage d’une vitalité prodigieuse, électrisée par des idées formelles, des procédés de narration qui éclatent à chaque plan. La réflexion morbide mais joyeuse s’y traduit en des gerbes étincelantes, felliniennes, un jeu allègre avec les métaphores et les niveaux pirandelliens, qui l’élèvent en hymne au spectacle et à la création. "It’s showtime, folks !"
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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par Gégé »

Père Jules a écrit :Que le spectacle commence est un chef-d'œuvre
Non.
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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par kiemavel »

J'aurais pu en choisir un autre mais...Un monument dans le monument : Les répétitions du numéro Take Off With Us qui commence comme un numéro que Fosse aurait pu chorégraphier dans un musical des années 50…et qui se termine en partouze symbolique multiraciale et "multisexuelle". Montez à bord d'Airotica :mrgreen:
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Tout ceci se déroulant sous le regard consterné de Fosse/Gideon assis à coté des producteurs :

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Avant que ces producteurs ne commencent à s'inquiéter parce que le spectacle risque de ne pas être pour toute la famille :mrgreen: :


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AtCloseRange
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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par AtCloseRange »

kiemavel a écrit :
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Pour la petite histoire, c'est Sandahl Bergman dans son premier rôle avant Conan.
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Alexandre Angel
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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par Alexandre Angel »

onvaalapub a écrit : Crépusculaire et prémonitoire, cette époustouflante comédie chorégraphique est incendiée par un montage d’une vitalité prodigieuse, électrisée par des idées formelles, des procédés de narration qui éclatent à chaque plan.
Oui!!!
ALL THAT JAZZ est mon "Rosebud" à moi, le film que j'ai le plus vu, de sa sortie en salle au printemps 1980 alors que je fêtais mes 14 ans à maintenant, reprises en salle, vhs et dvd confondus. Est-il un chef d'oeuvre pour autant? Je n'en suis pas sûr; le scénario, remarquable dans l'absolu, étant quelque peu alourdi, dans sa partie centrale, par des conventions qui font marquer le pas à l'imagination, qui la bride et la banalise (les pitreries de Gideon à l'hôpital notamment, sous l'oeil désapprobateur du cardiologue). Quelques invraisemblances viennent un peu ternir, de plus, le brio de l'équilibre entre réalisme et projections fantasmatiques qui sous-tend l'édifice narratif : je pense à ces moments où Gideon, toujours à l'hôpital, exécute des petits pas de danse alors qu'il sort juste du billard, s'étant fait opéré du coeur. Je veux bien que la morphine fasse son effet, mais tout de même!! Ces détails passent difficilement l'épreuve du temps. Cela dit, oui Thaddeus, le montage est un des plus exaltant de l'histoire du cinéma (carrément) et n'en finit plus, plus ou moins souterrainement, de faire école (et cela est également vrai de CABARET, de LENNY et de STAR 80.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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tenia
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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par tenia »

J'ai eu une poignée de grosses baffes cette année (Her et Persona, notamment), mais là où les 2 films sus-mentionnés trotteront dans ma tête quelques mois, All That Jazz me hantera probablement quelques... années. C'est d'une puissance cathartique monstrueuse, couplée à une honnêteté brute de décoffrage impressionnante.

Le film débute pourtant de manière assez classique, mais dès les 1ers inserts "subliminaux", on comprend qu'on va prendre cher. Et effectivement.

Bye Bye Love, au final, devient le point d'orgue logique d'un film qui ne laisse aucun échappatoire à son personnage principal, brûlant sans aucun altruisme la vie par les 2 bouts, délaissant tous ceux qui comptent sur lui, et finissant là où forcément il doit finir.

A ce jeu-là, le film ne justifiera jamais le comportement profondément égocentrique de Joe, que pas même un montage de génie sur un film de stand-up ne pourra excuser.
Au final, sa famille, ses collègues, ses acteurs, ses producteurs, il semble s'en contre foutre de tout et de tout le monde jusqu'à finir par en assumer les conséquences. Ou les assume-t'il vraiment ? N'est-ce que pas en fait la suite logique d'un individu qui n'a jamais vraiment assumer quoique ce soit, et a continué de fuir tout cela en s'enfonçant dans une fuite en avant à l'issue certaine ?

Quoiqu'il en soit, la dernière 1/2 heure ne laisse aucune chance à ce qui ne sera ni plus ni moins que la traversée du processus de deuil en 5 étapes à vitesse grand V, jusqu'à un dernier plan sans pitié (qu'on retrouve d'ailleurs sous forme sonore sur le CD de la BO du film, clôturant Bye Bye Love, et par là le CD entier).
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Alexandre Angel
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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par Alexandre Angel »

Poursuivons sur le montage.
Je soupçonne Martin Scorsese d'avoir beaucoup puisé chez Bob Fosse peut-être à partir de BRINGING OUT THE DEAD pour dynamiser ses montages plus classiques, d'ampleur plus spectaculaire, moins "punk" que par le passé. Surtout dans cette façon d'insérer des plans comportementaux, "koulechoviens", d'individus en groupes ou isolés, pour densifier encore une scène.
Bob Fosse s'entourait d'excellents chefs-monteur au style reconnaissable tels qu'Alan Heim, monteur également de Milos Forman sur AMADEUS et VALMONT (de mémoire). Milos Forman, lui-même, qui ne démérite pas dans ce domaine, s'inspire du cinéaste-chorégraphe, pour muscler la rythmique, la musicalité des plans. Ce qu'il ne réussit pas totalement dans MAN ON THE MOON dont les scène de "stand-up" palissent à côté de celles de LENNY, Forman usant et abusant des plans de visages forcés et démonstratifs, du genre : "Voyez comme mes figurants réagissent à ce que fait Jim Carrey".
Revenons à Bob Fosse. Quelqu'un a dit plus haut que Fosse était un peu oublié aujourd'hui, comme cinéaste en tous cas. Il faut donc rappeler à quel point le mec était doué, au de-là d'un très grand talent de chorégraphe, et qu'il voulait tout donner et s'affirmer comme un cinéaste reconnu comme tel. Les récompenses obtenues montrent qu'il y est parvenu malgré certains défauts ou autres maniérismes. La science du montage "fossien" mal dégrossie dans SWEET CHARITY (sauf dans les scènes musicales) s'installe et contamine tout le récit à partir de CABARET. Fosse n'invente pas le montage (Griffith, Eisenstein ou Orson Welles sont passés par là) mais lui donne un rôle de "mortier" stylistique rassemblant en une même coulée classicisme hollywoodien et expérimentations 70'. Cela procure au spectateur une euphorie fondée sur le respect du rythme comme catalyseur d'émotions et garant de la progression dramatique. Chez Fosse, on est à mille lieues du clip; on ne confond pas vitesse et précipitation. On emporte le spectateur dans la jubilation du récit. Comme la magnifique première séquence musicale d'ALL THAT JAZZ, le fameux 'Tri du bétail", dont le pouvoir d'évocation et d'enivrement ne se démord pas 34 ans plus tard, moment carillonnant, virevoltant et porteur d'émotion, dont le montage, constamment fluide et excitant, donne, en 5 ou 6 minutes, à comprendre la logique collatérale du show bizness.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par AtCloseRange »

tenia a écrit :A ce jeu-là, le film ne justifiera jamais le comportement profondément égocentrique de Joe, que pas même un montage de génie sur un film de stand-up ne pourra excuser.
Au final, sa famille, ses collègues, ses acteurs, ses producteurs, il semble s'en contre foutre de tout et de tout le monde jusqu'à finir par en assumer les conséquences. Ou les assume-t'il vraiment ? N'est-ce que pas en fait la suite logique d'un individu qui n'a jamais vraiment assumer quoique ce soit, et a continué de fuir tout cela en s'enfonçant dans une fuite en avant à l'issue certaine ?
Il me semble surtout que c'est parce que son art prend le dessus sur tout. Sa vie privée ne sert finalement qu'à nourrir son imaginaire.
ça ne veut pas dire qu'il ne ressent pas les choses mais que ça reste subalterne par rapport à la création artistique.
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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par tenia »

Ah mais il ne pense qu'à ce qui passe par lui : SON art, SA vie sexuelle, SES sentiments, SES envies.
Ca ne veut pas dire qu'il est de pierre, au contraire. Joe est quelqu'un qui est profondément vivant, justement. Mais il se contre-fiche juste un peu beaucoup des conséquences de ce qu'il fait ou dit. Il le regrette parfois, comme quand on le trouve au lit avec une nana d'un soir. Mais bon, ça s'arrête un peu là.
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Re: Bob Fosse (1927-1987)

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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par Jeremy Fox »

Que le spectacle commence (All that Jazz) 1979

Je connaissais le génie de Bob Fosse dans le domaine de la chorégraphie ; après avoir redécouvert récemment Cabaret, All that Jazz me confirme qu'il s’avérait aussi doué pour la mise en scène. Un film musical en tout cas déjà assez unique de par sa thématique principale qui n'est autre que la mort (n’oubliant évidemment pas au passage de se fendre d'une description à la fois mordante et passionnée du monde du spectacle). Un film au rythme effréné et d'un dynamisme extraordinaire mais jamais fatiguant car Bob Fosse réussit une construction en tout point remarquable entre réalisme et onirisme, noirceur et vitalité.

Roy Scheider trouve le rôle de sa vie, comme la même année ce fut déjà le cas dans le domaine du film musical, pour Bette Midler dans The Rose ; il est ici superbement entouré par des comédiennes toutes mémorables. Montage et réalisation virtuoses, scénario d'une remarquable fluidité malgré le fait qu'il parte expressément dans tous les sens, numéros musicaux culottés et inoubliables (la scène qui ouvre le film par le choix des futurs participants au spectacle, la chorégraphie érotique, le spectacle offert à Scheider par sa fille et sa maitresse ainsi que l'extraordinaire et puissamment émouvant numéro final). Un chef d’œuvre tout simplement, toujours d'une étonnante modernité. Le film dans lequel la mort trouve sa plus belle représentation, en la personne de Jessica Lange.
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Re: Bob Fosse (1927-1987)

Message par Jeremy Fox »

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Sweet Charity - 1969

Fin des années 60. Charity Hope Valentine (Shirley MacLaine) est entraineuse dans un cabaret malfamé de New York, le Fandango. Là, ses collègues et amies ne cessent de gentiment se moquer de son optimisme béat, de sa naïveté concernant sa certitude d’être un jour ‘aimée d’un amour véritable’. En effet, éternelle rêveuse, malgré ses innombrables déboires sentimentaux, elle continue sans en démordre à croire au ‘grand amour’ qui lui apportera stabilité et respectabilité. Ce jour-là, à Central Park, alors qu’elle exulte de bonheur, elle se fait violemment jeter (au propre comme au figuré) par son inquiétant amant du moment qui en profite pour la dépouiller de toutes ses économies. Elle oublie vite son chagrin et sa désillusion lorsqu’elle croise le chemin d’un acteur célèbre qu’elle idolâtre depuis longtemps (Ricardo Montalban) qui l’invite à venir passer la soirée chez elle. Elle finit malheureusement la nuit dans une penderie après que la capricieuse maîtresse de la vedette de cinéma soit revenue en plein milieu de la soirée. Une panne d’ascenseur lui fait alors rencontrer un agent d’assurances claustrophobe et timoré, Oscar Lidquist (John McMartin) ; elle ne tarde pas à en tomber follement amoureuse au point d’envisager le mariage…

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Fils d’un vaudevilliste, Bob Fosse monte sur les planches dès sa plus tendre enfance avant de commencer sa carrière professionnelle en tant que danseur. Les quelques rares comédies musicales qu’il chorégraphie à Hollywood durant les années 50 font désormais partie des chefs-d’œuvre du genre. Citons l’inégalable et jubilatoire Embrasse-moi, chérie (Kiss me Kate) de George Sidney pour lequel il n’était pas cité au générique en tant que chorégraphe mais sur lequel il travailla pourtant et où on pouvait également le voir en tant que comédien ; puis ce furent le célébrissime Noël blanc (White Christmas) de Michael Curtiz, mais également deux autres sommets au ton assez unique, Ma Sœur est du tonnerre (My Sister Eileen) de Richard Quine avec Janet Leigh, Betty Garrett et Jack Lemmon, ainsi et surtout que Pique-nique en pyjama (Pajama Game) de Stanley Donen avec Doris Day. Hormis le film de Michael Curtiz, réjouissant mais assez conventionnel, les trois autres sont des merveilles de modernité due pour une bonne partie au travail de Bob Fosse en tant que chorégraphe.

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En 1969, sur les conseils de Shirley MacLaine qui l’imposa en quelque sorte aux producteurs un peu frileux, Fosse passe derrière la caméra avec Sweet Charity, premier d’un petit corpus de cinq films dont au moins trois chefs-d’œuvre : Cabaret que l’on ne présente plus tellement, nanti de ses huit Oscars, il est désormais connu de quasiment tout le monde ; Lenny, biopic intense d'une remarquable portée sociale, à la construction brillante, à la mise en scène virtuose et d'une vitalité formidable, véritable brûlot salutaire contre toutes les hypocrisies ; et enfin Que la fête commence (All That Jazz), film musical assez unique de par sa thématique principale qui n'est autre que la mort, œuvre au rythme effréné et d'un dynamisme extraordinaire sans jamais être fatigante, Bob Fosse réussissant une construction en tout point remarquable entre réalisme et onirisme, noirceur et vitalité. Entre sa carrière de chorégraphe à Hollywood puis de réalisateur, il travailla beaucoup pour Broadway, dès 1954. Il fût vite remarqué par son ton tout à fait personnel et novateur, encore plus moderniste que Jerome Robbins, sa principale source d’inspiration. Des danses et numéros largement métissés, véritables patchworks d’influences diverses et variées, du jazz à la danse de salon, mélange détonnant d’ancien et de moderne.

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Son premier film en tant que metteur en scène porte déjà en germe toutes les caractéristiques de ses futurs chefs-d’œuvre, malheureusement ici encore mal dégrossies et moyennement bien gérées, aboutissant néanmoins à une œuvre, bien que maladroite, bougrement attachante. S’inspirant du scénario des Nuits de Cabiria de Federico Fellini (cinéaste avec qui Fosse possède pas mal de points communs à commencer par la caractérisation savoureusement outrancière des personnages, le fait d'oser des innovations formelles qui pourront paraitre grossières à certains, une certaine vulgarité assumée...), Bob Fosse en fit tout d'abord une adaptation scénique pour un spectacle sur Broadway. Pour son passage à l’écran les chansons furent étirées en longueur tout comme d’ailleurs chacune des scènes, musicales et autres. Et c’est surtout là que le bât blesse : la durée inusitée du film comme de chacune de ses séquences n’est absolument pas justifiée d’autant que le pitch est très mince ; alors que certains ne manqueront pas d'argumenter que, comme certains cinéastes qui y réussissent parfaitement, les auteurs se sont servis expressément de la dilatation du temps pour permettre à l'empathie de mieux s'installer, cet étirement forcé par Bob Fosse et son scénariste n’est visiblement pas en faveur de leur film qui en devient parfois épuisant à force de faire du sur-place. Ceci étant dit, même si ce défaut empêche Sweet Charity d’être aussi convaincant que ses réussites ultérieures, le résultat est néanmoins sacrément réjouissant. Et avant tout grâce à Bob Fosse qui s’avère d'emblée un réalisateur fougueux, talentueux et novateur, des qualités qui s'appliquaient déjà toutes à l'artiste en tant que chorégraphe.

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Prenant à bras le corps tous les outils de la grammaire cinématographique à sa disposition, il s’en amuse en les triturant avec une délectation et avec une exubérance qui font plaisir à voir ; une frénésie formelle faite de dissonances visuelles et sonores, d’un montage syncopé et de ruptures brutales -les forts contrastes au sein d’une même chanson entre douceur et stridence venant se succéder parfois jusqu’au malaise sonore- un rythme dégingandé et saccadé qui trouve son pendant visuel dans un grand nombre de chorégraphies qui jouent beaucoup avec la gestuelle hachée d'automates aux regards vides. Zooms assez agressifs, ralentis, accélérations, surimpressions, arrêts sur images, successions d’images fixes, jeu sur les contrastes de couleurs (le sublime morceau ‘I’m a Brass Band’ en rouge et noir), etc., Bob Fosse fonce tête baissée et ose tout, préfigurant ce qu'il fera à nouveau dans ses films à venir, tout aussi modernes et remplis de vitalité mais néanmoins beaucoup mieux canalisés. Pour les amateurs de comédies musicales, c’est un véritable régal de retrouver disséminés ici et là quelques gros clins d’œil ou hommages à ces chefs-d’œuvre que sont Pique nique en pyjama (au travers le sublime ‘Hey, Big Spender !’ et ses bruits de bouche chuchotés en guise d’instruments), Une étoile est née (la succession d’images fixes sur lesquelles le réalisateur zoome en avant ou en arrière ne serait-elle pas là pour renvoyer à la version reconstituée du superbe film de Cukor ?), Un jour à New York (On the Town) de Stanley Donen (avec notamment la scène en haut de l’Empire State Building), et, plus voyants encore, à la fois West Side Story et Kiss me Kate lors de la danse des trois prostituées (Shirley McLaine, Paule Kelly & Chita Rivera) sur le toit du Fandango. On notera aussi une ressemblance voulue ou non avec An Affair to Remember (Elle et lui) de Leo McCarey lors de la séquence du restaurant où nos deux tourtereaux se retrouvent dos à dos.

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La mise en scène s’avère aussi expansive que ses personnages, la vitalité de tout ceci cachant bien évidemment les failles de chacun, une profonde mélancolie et un immense désarroi, surtout pour Charity, inoubliable Shirley MacLaine qui avait déjà tenu un personnage semblable de prostituée naïve au grand cœur dans Comme un torrent (Some Came Running) de Vincente Minnelli ainsi que dans Irma la douce de Billy Wilder ; des femmes qui se sentent souvent désespérément seules et qui sont en quête perpétuelle du grand amour. Ici, avec sa sensibilité unique faite d’un mélange d’innocence, de douceur, de charme et d’exaltation, l'actrice porte le film sur ses épaules, en fait des tonnes sans presque jamais nous agacer, le scénariste Peter Stone (le complice de Stanley Donen pour ses films d’espionnage des années 60) lui ayant écrit un rôle sur mesure, profondément touchant. A ses côtés un inénarrable Ricardo Montalban dans la peau d’une vedette de l’écran suffisante mais pas forcément antipathique, John McMartin qui se sort parfaitement bien du rôle peu gratifiant de l’agent d’assurances timoré d’autant plus que la première séquence où il apparait est celle sacrément laborieuse de la rencontre dans l’ascenseur qui tombe en panne, ou encore Stubby Kaye dans le rôle du tenancier de la boite de nuit, 'inélégant' et radin (voir à ce propos la scène très drôle du gâteau d'anniversaire).

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Quant à la partie purement musicale et chorégraphique, elle est bien évidemment de très haut niveau, toujours aussi moderne près de 50 ans après. Appréciant tout particulièrement les instrumentations cuivrées, le compositeur Cy Coleman nous délivre une partition d’un dynamisme et d’une puissance assez étonnante. Rythmes syncopés, mélodies assez rapidement reconnaissables, vigoureux contrastes sonores, un ensemble très réussi avec, outre les mémorables ‘Hey, Big Spender’ et ‘I’m a Brass Band’ évoqués plus haut, les non moins superbes 'My Personal Property' chantée par une Shirley MacLaine exubérante, ‘If you could see me now’, autre ‘One Man Show’ de la comédienne dans ‘l’antre’ de Montalban, le ballet se déroulant au Pompeii Club composé de trois tableaux successifs aussi formidables les uns que les autres (‘The Aloof’, ‘The Heavyweight’ et ‘The Big Finish’) emmené par une sculpturale et contorsionniste danseuse au charme certain, Suzanne Charney, le fameux numéro sur les toits du fandango, ‘There's Gotta Be Something Better Than This’ par les trois prostituées(Shirley MacLaine, Paula Kelly, Chita Rivera) ou encore le délirant et très amusant ‘The Rhythm of Life’ conduit et chanté par un Sammy Davis Jr. en hilarant en gourou 'Power Flower'. Musicalement formidable, le film en met également visuellement plein les yeux grâce aux costumes chamarrés d’Edith Head et à la photographie lumineuse de Robert Surtees.

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Le casting a beau être très réussi, les chorégraphies d'une étonnante modernité et la mise en scène ne manquant ni d'originalité ni d’inventivité -préfigurant notamment au travers du montage celles de ses chefs-d’œuvre à venir- l’ensemble n’emporte donc pas totalement l’adhésion faute à un manque de maitrise du rythme qui fait souvent piétiner le film ! Une œuvre inégale et qui aurait mérité d’être resserrée mais cependant très attachante, énergique et remplie de fulgurances visuelles et émotionnelles. Et puis le final inhabituel, mélange d’amertume et d’espoir, devrait rallier les suffrages. Même s’il ne se révèle pas aussi satisfaisant que les autres films de Bob Fosse, son monumental échec financier me semble totalement injuste ; surement que cette superproduction de 20 millions de dollars et son réalisateur étaient un peu trop en avance sur leur temps ! Il est temps d’aller réhabiliter Sweet Charity et faire retrouver une seconde jeunesse à ce film à l’image de son actrice principale, tendre, savoureux et pétulant !




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Lenny - 1974

Je ne connaissais pas le personnage (sorte de Coluche américain en beaucoup plus incisif et provocateur) et j'avoue que j'avais un peu peur d'un film ennuyeux sur un type faisant des sketchs pas drôles... Quelle erreur que je me félicite d'avoir réparée ce soir.

Un biopic intense comme on aimerait en voir plus souvent ; un film à la construction brillante, à la mise en scène virtuose mais jamais m'as-tu-vu, doté d'une interprétation phénoménale de Dustin Hoffman qui trouve sans doute là son plus beau rôle (à noter que je n'ai jamais été particulièrement fan de l'acteur), sans oublier une bouleversante Valerie Perrine dans le rôle de sa compagne.

C'est d'une vitalité formidable mais c'est surtout et avant tout un brûlot salutaire contre toutes les hypocrisies, une œuvre d'une remarquable portée sociale, d'autant plus indispensable en ces périodes de montées des extrêmes. Je voudrais encore dire un mot du splendide noir et blanc de Bruce Surtees, de ce montage fabuleux ou encore de ces idées de mises en scène tout simplement géniales comme ce long plan fixe assez éloigné sur la dernière intervention sur scène de ce génie de la provocation complètement imbibé d'alcool et de drogue. Mais n'oublions surtout pas ce qui constitue l'ossature du film, la drôlerie et le culot des sketchs de ce brillant comique. Un homme qui méritait qu'on lui consacre un tel film. Magnifique !

Ne me reste plus qu'à trouver Star 80 pour parfaire ma connaissance de l’œuvre de Bob Fosse en tant que réalisateur.
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