The Last Movie (Dennis Hopper - 1971)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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bruce randylan
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The Last Movie (Dennis Hopper - 1971)

Message par bruce randylan »

C'était quasiment invisible depuis sa sortie en salle qui fut un bide retentissant.
Et c'est largement compréhensible même si injuste. Doté d'un budget de 1.000.000 de dollars avec une liberté totale et surtout le final cut, Hopper tourne au Pérou et dérouta complétement le public et les critiques avec ce film ambigu, désanchanté et abstrait.
Mais de quoi ça parle au fait : de la vie d'un cascadeur/dresseur de chevaux vivant en Amérique du Sud qui se rapelle par bride le tournage d'un western de Samuel Fuller ( qui joue son propre rôle :o ) et de ces conséquences sur la vie des habitants qui n'avait alors connu le cinéma et encore moins de tournage.

C'est trés destabilisant, le montage ne suit aucune règle passant d'une scènes à autres sans aucune transition ni ce n'est via des séquences de ballades en cheval au sons de chansons mélancoliques. C'est d'autant plus pertubant qu'aucune explications psychologique n'est donné sur le malaise du personnage de Dennis Hopper.
Cette première partie qui dure 40 minutes m'a scotché. Le montage virtuose comme le traitement du son et de la musique ( un plan-séquence incroyable montre Hopper passer devant plusieurs fenêtres à l'ambiance sonore différentes traduisant l'instabilité du personnage ) donne lieu a du cinéma plus sensorielle que narrative et ça fonctionne trés bien d'autant que de nombreux plans, qui n'ont quasiment aucun rapport avec le puzzle, donnent lieu à quelques pistes. Le film dans le film ( une nouvelle version de Billy the kid ) se montre même trés fun dans son pastiche excessif ( fusillades pleines de bruits, de fureur et de sang ) mais dont le contenu annonce sans prévenir le futur virage dramatique : les villageois fascinés par la violence "réaliste" et l'effervescence du tournage se lancent dans un faux tournage avec caméra et moyens techniques en bout de bois qui dégènère bientot.

Bref 40 minutes de haute volée mais Hopper change brusquement son film pour virer sur une critique violente du rêve américain avec une trés longue partie plus classique dans sa narration où son personnage conduit un industriel et ses amis dans un bordel. Le propos n'est pas ininterressant ( loin de là ) mais son aspect complétement hors sujet m'a
plongé dans l'ennui après l'aspect décousu qui demandait une certaine concentration.

On est alors plutot heureux quand il repasse ( tout aussi brutalement ) sur la première partie avec son montage virtuose et sa dérive du tournage "péruvien" qui parvient à être encore plus déroutant que la première partie. La fin laisse les portes ouvertes à toutes les explications, hypothèses et conclusions imaginables ( on pense bien sur du coup à Fuller dont de nombreux film ne possédait pas non plus de fin ).
Mais le plus pertubant demeure tout de même le propos que tient Hopper sur le cinéma qui demeurent trés ambigu : fin d'un certain type de cinéma et d'une époque lib(é)re ( la filliation avec Easy Rider est évidente ) ? Parabole sur l'occupation américaine au Vietman ? Charge envers un cinéma américain qui cherche à imposer son style au reste du monde ? Interrogation sur un cinéma qui pousse toujours plus loin ses excès dans la violence et le sang ? Claque au spectateur qui errige le cinéma en nouvelle religion ( Tomas Millian dans le rôle d'un prêtre assez gratiné ) ? etc...

Ce coté obscur, abstrait, surréaliste, amer, malsain peut expliquer bien sur la surprise des spectateurs de l'époque mais n'enlève rien à une oeuvre certes bancale qui s'égare quelques fois ( on devine aussi que Hopper a du dépenser tout l'argent de la production avant la fin du tournage et qu'il a bricolé la fin en conséquence ) mais tout celà n'enlève rien à ce film passionnant.


Quelqu'un d'autre l'a vu hier à la cinémathèque ( ou vu tout court ) ?
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Kevin95
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Message par Kevin95 »

Juste vu des extraits et lu des anecdotes (savoureuses) respectivement dans le doc et le livre Le Nouvel Hollywood.

Mais ton texte donne envie !!! :P
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Message par bruce randylan »

Kevin95 a écrit :anecdotes (savoureuses) respectivement dans le doc et le livre Le Nouvel Hollywood.
Du genre ?
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Kevin95
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Message par Kevin95 »

bruce randylan a écrit :
Kevin95 a écrit :anecdotes (savoureuses) respectivement dans le doc et le livre Le Nouvel Hollywood.
Du genre ?
Rapido, tous pétés pendant le tournage (où le réal est au bord de la folie) ou Hopper qui se prend une baigne par une spectatrice à la sortie du film (entre autres).
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Message par bruce randylan »

:lol:
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Re: The Last Movie ( Dennis Hopper - 1971 )

Message par 7swans »

The Last Movie - Dennis Hopper (1971)

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Le film est plein d’une majestueuse prétention artistique et d’une liberté de ton tout à fait rafraîchissante.
Dennis Hopper ne s’embarrasse pas de conventions narratives ou d’une construction linéaire de son récit.
Il sert et abreuve son Idée, son thème au travers de situations, de scènes construites et déconstruites de façon totalement aléatoires. Mais le grand thème du film est là et bien présent des les premières images : la corruption de l’innocence.
Hopper organise (c’est un grand mot tant le film semble bancal) le développement de son thème autour de trois points importants : La violence (l’arrivée du tournage d’un film de cinéma dans un village retiré, apprend la violence, ou la reproduction à l’identique de la violence, avec son lot de grotesque aux habitants du village), le sexe (un riche industriel qui a réussit dans le balais, vient s’encanailler avec sa femme dans les bordels péruviens) et l’argent (cette recherche frénétique de l’or, qui alimente une intrigue secondaire du récit, l’or fascine, on ne sait pas comment l’extraire, on ne sait pas pourquoi, on se contente de faire comme dans le trésor de la Siera Madre).
Hopper montre aussi l’incapacité de la Religion à faire face a ses dégénérescences nouvelles. Le curé, un moment perplexe voir inquiet, baisse rapidement les bras, et ne dira de tout ça (la violence qui habite désormais les gens du village, le sexe qui intriguera ses jeunes disciples épiant Hopper et sa compagne faisant l’amour au grand air) qu’il ne s’agit que d’un Jeux sans conséquence.
Sur la forme, le montage se veut très novateur, ou du moins libre dans son enchaînement de séquences ou de plans. Le film se paye également deux panneaux : « Scène Manquante », dont on ne sait pas si ça fait parti intégrante du récit, de l’univers que veut développer Hopper pour accompagner son idée, ou de scènes véritablement manquantes, vu les problèmes de Production et de Post Production que le réalisateur à connu sur ce film (le fait de se poser la question pointe un vrai défaut du film : a quel niveau Hopper maîtrise t il ce qu’il raconte ? Du moins sa façon de le raconter…).
Certaines scènes décontextualisées peuvent prêter a sourire (Hopper et sa compagne courant en un léger ralentit dans des champs de pissenlits sur un fond de musique Folk douce) mais imprègnent a différents moments le récit et forme un contraste latent avec les vices qui rongent peu a peu les villageois.

Un ami qui m’accompagnait en est ressorti beaucoup plus mitigé que moi, apparentant le film a du Jodorowsky en roue libre.

Me concernant : 8/10
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Re: The Last Movie ( Dennis Hopper - 1971 )

Message par Pete Dayton »

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Cette seconde réalisation de Dennis Hopper m'a captivé de bout en bout. Un film courageux, presque autodestructeur, qui n'a peur de rien et qui brasse des idées à ne plus savoir qu'en faire, d'où ce rythme et ce montage bancals et déroutants. Parfois amusant (le tournage rocambolesque du western de Fuller, la discussion au coin du feu), à d'autres moments mélancolique (les interludes musicaux, le plan-séquence très justement relevé par bruce randylan qui m'a subjugué), troublant, mystérieux... mais toujours attachant, le film est d'une générosité de tous les instants. Le montage enchaîne les séquences de manière abrupte et sans apparente logique, si bien qu'il est difficile de déterminer tout de suite à quoi l'on a affaire. Flashback ? Flashforward ? Réalité alternative ? C'est parfois difficile à dire. Il y a de plus un passage vers la fin du film où le monteur (tout comme le personnage de Dennis Hopper) semble péter les plombs, enchaînant les plans à une vitesse plus que déstabilisante. :o Décrit comme cela, le film peut sembler totalement abscons mais c'est tout de même loin d'être le cas. Dennis Hopper, qui est de quasiment tous les plans, y est magnétique. A noter la présence de quelques guest stars comme Kris Kristofferson, Peter Fonda et Dean Stockwell. Jolie découverte pour moi donc ; ce serait bien que le film soit édité en DVD maintenant ! :(
7swans a écrit :Un ami qui m’accompagnait en est ressorti beaucoup plus mitigé que moi, apparentant le film a du Jodorowsky en roue libre.
La comparaison avec Jodorowsky est assez pertinente, ce dernier ayant participé au montage du film. Impossible par contre de savoir dans quelle mesure son travail se retrouve dans le résultat final, Hopper ayant repris la main sur le montage après que Jodorowsky ait livré son cut. En tout cas, ça ressemble fortement à son style par endroits. Voici ce que ce dernier a répondu quand il a été interrogé à ce sujet :
Bright Lights Film Journal a écrit :
Talking of other infamous moviemakers, is it true that you worked with Dennis Hopper on the editing for The Last Movie?
Yes that's true. I don't know how. I had showed El Topo privately around the studios, I showed it to Metro Golden Mayer, Universal. And, all the time, the people at the screenings were enthusiastic, but then, when the salesmen came along, they would say, "We don't know to sell this picture." And Dennis Hopper was at one of these private shows, and he liked El Topo a lot. And so he invited me to come to Taos. And in Taos, he had four or six editing machines and twelve editors working. At that time, he didn't know what to with The Last Movie. And I saw the material, I thought it was a fantastic story. And I said, "I can help." I was there for two days, and in two days I edited the picture. I think I made it very good. I liked it. But when he went to show it to Hollywood, they didn't want it, because by then he was in conflict with them. Later, I think that Dennis Hopper decided that he couldn't use my edit, because he needed to do it himself. And so he destroyed what I did, and I don't know what he did with it later. I never told that to anybody through the years, but I am sure that if, one day, they found my edit, it was fantastic. Because the material was fantastic. I took out everything that was too much like a love story or too much Marxist politics. For me it was one of the greatest pictures I have ever seen. It was so beautiful, so different. I don't know what it is like now, how it has been edited, the final thing, I don't know if he conserved anything of mine. But it was a fantastic film. One thing I do remember from back then, though, was how strong the smell of Dennis Hopper's underarm perspiration was. It was so strong, and one day — he had I think ten women there — and I put everyone in a line in order for them to smell the perfume of Dennis Hopper. Because he never changed his shirt, for days upon days. He smelled very strong. That I remember.
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Re: The Last Movie ( Dennis Hopper - 1971 )

Message par 7swans »

Pete Dayton a écrit :Il y a de plus un passage vers la fin du film où le monteur (tout comme le personnage de Dennis Hopper) semble péter les plombs, enchaînant les plans à une vitesse plus que déstabilisante.
J'étais complètement estomaqué par ce passage, un émerveillement.
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Re: The Last Movie ( Dennis Hopper - 1971 )

Message par Pete Dayton »

ça fait son petit effet, c'est clair ! :P
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Re: The Last Movie ( Dennis Hopper - 1971 )

Message par osierm »

bruce randylan a écrit :Quelqu'un d'autre l'a vu hier à la cinémathèque ( ou vu tout court ) ?
Personnellement, je l'ai vu le 16 Octobre dernier à la Cinémathèque aussi... :D
j'ai énormément apprécié; tous les acteurs m'ont fait bonne impression, que ce soit Dennis Hopper, Don Gordon (très convainquant), Julie Adams, et aussi Kris Kristofferson (qui n'y fait cependant que de courtes apparitions)...; l'histoire est volontairement décousue, et j'en ai eu d'autant plus d'appétit pour chercher la signification possible de chaques moments; les paysages Péruviens sont extraordianires; le film ne pas pas ennuyé, je me suis laissé prendre au jeu, et l'action (les scènes de bagarres Western reconstituées sont remarquablement bien filmées) a soutenu le rytme nécessaire à ce genre de réflexion, de même que les passages plus "intimistes" (entre Dennis Hopper et l'actrice jouant l'autochtone de l'endroit, ou Julie Adams) ont suscité l'intérêt étant donné le charme avéré de tous ces acteurs....
Tout à été dit sur ce film me semble t'il dans ce topic :)
Il ne reste plus qu'à en attendre une sortie Dvd avec Sous-titres Français (mais je doute que cela se fasse de sitôt :? ), ou un passage télé (sur Arte pourquoi pas, mais bon, je n'y crois pas trop non plus)...

En première partie de la soirée du 16/10 était également projetée "Californie terre nouvelle" avec le même Dennis Hopper, Western assez linéaire, et peu animé (le fort du sujet est l'attente d'un procès suite au meurtre (?) de la première scène); Dennis, tout jeune y est saisissant en déluré qui n'a peur de rien, et Patrick Wayne, tête d'affiche est aussi magnétique :)
Le Dvd Zone 1 n'a pas de sous-titres Français, hélas, et une diffusion télé (sur Ciné Classic par exemple) n'est guère envisageable, ce film étant de la Columbia, studio dont on ne voit quasiment rien sur nos écrans, les chaînes cablées préférant des re-re-re-re-re-re-diffusions des sempiternels Majors MGM/Warner Bros...
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Re: The Last Movie ( Dennis Hopper - 1971 )

Message par lecoinducinéphage »

Évoqué dans le documentaire "Dennis Hopper - Rebelle à Hollywood" cette nuit à 0h25 et déjà visible sur Arte+7, où comment aussi faire remplacer Christophe Lambert, sur le tournage de "The piano player"... par un bouc ! : http://www.arte.tv/guide/fr/058929-000- ... -hollywood Sinon, des nouvelles d'un éventuel DVD voire ressortie de "The last movie" ?
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Re: The Last Movie (Dennis Hopper - 1971)

Message par lecoinducinéphage »

En cours de restauration, lu sur la page Facebook de Carlotta Films : "Grosse séance de travail hier avec @arbelosfilms sur la sortie à venir du film culte, mythique et rarissime de Dennis Hopper, « The Last Movie ». Actuellement, en restauration 4K, dans sa version director’s cut. Coming soon !"

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Re: The Last Movie (Dennis Hopper - 1971)

Message par Jack Carter »

En salles le 18 juillet (Carlotta)
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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Re: The Last Movie (Dennis Hopper - 1971)

Message par bruce randylan »

Un director's cut ? Intriguant :)
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Boubakar
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Re: The Last Movie (Dennis Hopper - 1971)

Message par Boubakar »

Un texte signé Jean-Baptiste Thoret ;

http://next.liberation.fr/cinema/2018/0 ... er_1667912
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