12 hommes en colère (Sidney Lumet - 1957)
Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky
-
- Howard Hughes
- Messages : 19884
- Inscription : 19 mai 04, 00:43
- Localisation : sous une pierre...
- Contact :
12 hommes en colère (Sidney Lumet - 1957)
Twelve angry men de Sidney Lumet.
Un duel au sommet. Où comment avec une histoire simple, une unité de lieu fixe et douze personnes atteindre une grâce impressionnante. Des jurés qui débattent sur le sort d’un gamin accusé du meurtre de son père, un verdict qui ne laisse planer aucun doute, est remis en cause par un homme. Le cinéaste prend son temps avant d’installer les hommes à table, et les faire débattre. Sans présenter les différents hommes, il les laisse s’exprimer au détour de dialogues anodins. Lumet les observe, cliniquement, comme une étude scientifique sur le conditionnement, l’enfermement. Il maîtrise parfaitement l’espace de cette pièce pourtant restreinte, use de long travelling sur les visages, essayant de pénétrer leurs pensées à travers leur regard. Le réalisateur est attentionné, vigilant lorsque les hommes décident de se lever. Il les scrute, et ne perd aucune information. Formellement, le film n’impressionne pas outre mesure, mais la minutie déployée, cette capacité à devenir invisible tout en maîtrisant parfaitement la scène confine au plus grand respect.
Mais surtout, derrière les hommes, il y a des acteurs qui portent le film. Leur interprétation rigoureuse ne laisse aucune place à l’approximation. Avec un professionnalisme qu’il n’est plus besoins de souligner, il livre une prestation irréprochable et campe chacun des personnages riches dont les convictions vont petit à petit vaciller sous les propos d’un homme. La lutte intestine qui s’opère est incroyable de fureur, de force, comme une lutte violente dont les mots seraient les armes. Le film est évidemment très écrit, c’est un métrage de mot, du verbe, reposant sur des acteurs chevronnés caractériser par des personnages différents. Une assemblée plurielle, une minuscule communauté où toutes les classes ou presque sont représentées. Une lutte de pouvoir et de raison. Une démonstration de force.
Au fur et à mesure que le film avance, que le doute s’installe, ce qui paraissait si évident et irréfutable s’estompe, ce n’est plus seulement la vie d’un gamin qui tente d’être sauvé, mais leur propre salut. Leur conscience, leur âme est mise à partie, tout comme leur vie. L’implication émotionnelle et subjective n’est plus la seule donnée, il est également question de leur existence, de leur intime conviction. Il est impressionnant de voir comment se déroule cette joute oratoire, comment elle s’installe et comment cette affaire prend place insidieusement dans leur vie. La psychologie de ces hommes est mise petit à petit à nue, les portraits s’affinent. De simples esquisses, ils deviennent des êtres à part entière avec leurs qualités, leurs défauts, leur caractère.
Le film se garde de tout jugement, de tout épilogue. Il évite soigneusement toutes explications sur les conséquences de cette lutte, si l’action de cet homme – magnifiquement interprété par Henri Fonda – était finalement justifiée ou non. L’homme s’est toujours défendu de détenir la vérité, exposait simplement son doute sur la mise à mort d’un gamin. Un personnage lui demande : et si vous vous trompiez ? Si notre décision relâchait un assassin ? Il n’y aura pas de réponse à cette supposition, à nous d’apporter notre réponse. Spectateur plus ou moins passif au préalable, le film n’oublie pas de nous inclure au détour de cette réflexion, et somme de nous poser cette question également. Et si ? Et vous, qu’auriez vous fait ?...
Un duel au sommet. Où comment avec une histoire simple, une unité de lieu fixe et douze personnes atteindre une grâce impressionnante. Des jurés qui débattent sur le sort d’un gamin accusé du meurtre de son père, un verdict qui ne laisse planer aucun doute, est remis en cause par un homme. Le cinéaste prend son temps avant d’installer les hommes à table, et les faire débattre. Sans présenter les différents hommes, il les laisse s’exprimer au détour de dialogues anodins. Lumet les observe, cliniquement, comme une étude scientifique sur le conditionnement, l’enfermement. Il maîtrise parfaitement l’espace de cette pièce pourtant restreinte, use de long travelling sur les visages, essayant de pénétrer leurs pensées à travers leur regard. Le réalisateur est attentionné, vigilant lorsque les hommes décident de se lever. Il les scrute, et ne perd aucune information. Formellement, le film n’impressionne pas outre mesure, mais la minutie déployée, cette capacité à devenir invisible tout en maîtrisant parfaitement la scène confine au plus grand respect.
Mais surtout, derrière les hommes, il y a des acteurs qui portent le film. Leur interprétation rigoureuse ne laisse aucune place à l’approximation. Avec un professionnalisme qu’il n’est plus besoins de souligner, il livre une prestation irréprochable et campe chacun des personnages riches dont les convictions vont petit à petit vaciller sous les propos d’un homme. La lutte intestine qui s’opère est incroyable de fureur, de force, comme une lutte violente dont les mots seraient les armes. Le film est évidemment très écrit, c’est un métrage de mot, du verbe, reposant sur des acteurs chevronnés caractériser par des personnages différents. Une assemblée plurielle, une minuscule communauté où toutes les classes ou presque sont représentées. Une lutte de pouvoir et de raison. Une démonstration de force.
Au fur et à mesure que le film avance, que le doute s’installe, ce qui paraissait si évident et irréfutable s’estompe, ce n’est plus seulement la vie d’un gamin qui tente d’être sauvé, mais leur propre salut. Leur conscience, leur âme est mise à partie, tout comme leur vie. L’implication émotionnelle et subjective n’est plus la seule donnée, il est également question de leur existence, de leur intime conviction. Il est impressionnant de voir comment se déroule cette joute oratoire, comment elle s’installe et comment cette affaire prend place insidieusement dans leur vie. La psychologie de ces hommes est mise petit à petit à nue, les portraits s’affinent. De simples esquisses, ils deviennent des êtres à part entière avec leurs qualités, leurs défauts, leur caractère.
Le film se garde de tout jugement, de tout épilogue. Il évite soigneusement toutes explications sur les conséquences de cette lutte, si l’action de cet homme – magnifiquement interprété par Henri Fonda – était finalement justifiée ou non. L’homme s’est toujours défendu de détenir la vérité, exposait simplement son doute sur la mise à mort d’un gamin. Un personnage lui demande : et si vous vous trompiez ? Si notre décision relâchait un assassin ? Il n’y aura pas de réponse à cette supposition, à nous d’apporter notre réponse. Spectateur plus ou moins passif au préalable, le film n’oublie pas de nous inclure au détour de cette réflexion, et somme de nous poser cette question également. Et si ? Et vous, qu’auriez vous fait ?...
Ainsi, toujours et pourtant...
- Boubakar
- Mécène hobbit
- Messages : 52249
- Inscription : 31 juil. 03, 11:50
- Contact :
12 hommes en colère (Sidney Lumet, 1957)
Le film ressort actuellement au ciné et, au vu du pitch, je suis très tenté de le voir.Un jeune homme d'origine modeste est accusé du meurtre de son père et risque la peine de mort. Le jury composé de douze hommes se retire pour délibérer et procède immédiatement à un vote : onze votent coupable, or la décision doit être prise à l'unanimité. Le juré qui a voté non-coupable, sommé de se justifier, explique qu'il a un doute et que la vie d'un homme mérite quelques heures de discussion. Il s'emploie alors à les convaincre un par un.
Des avis ?
- Major Tom
- Petit ourson de Chine
- Messages : 22225
- Inscription : 24 août 05, 14:28
- Contact :
Re: 12 hommes en colère (Sidney Lumet, 1957)
C'est un huis-clos très prenant, le premier très grand film de Lumet. Un classique qu'il faut voir au moins une fois. Voilà.Boubakar a écrit :Des avis ?
- ed
- Le Cary de l'hypoténuse
- Messages : 24411
- Inscription : 19 janv. 06, 15:33
- Localisation : Californie, années 50
Très grand film.
C'est quasiment un huis-clos, avec également une quasi unité de temps (hormis quelques ellipses temporelles) et Sidney Lumet y fait déjà preuve de son incroyable élégance, tant dans le traitement psychologique des personnages que dans sa mise en scène d'une rigueur et d'une lisibilité ahurissante. La grande force du film est évidemment dans sa tension continue, avec en plus une dimension thématique (j'avais d'abord écrit philosophique) passionnante sur la culpabilité, la manipulation mais surtout sur le doute, la remise en cause permanente de ses propres certitudes et donc sur le questionnement intime...
C'est génial, fonce.
C'est quasiment un huis-clos, avec également une quasi unité de temps (hormis quelques ellipses temporelles) et Sidney Lumet y fait déjà preuve de son incroyable élégance, tant dans le traitement psychologique des personnages que dans sa mise en scène d'une rigueur et d'une lisibilité ahurissante. La grande force du film est évidemment dans sa tension continue, avec en plus une dimension thématique (j'avais d'abord écrit philosophique) passionnante sur la culpabilité, la manipulation mais surtout sur le doute, la remise en cause permanente de ses propres certitudes et donc sur le questionnement intime...
C'est génial, fonce.
Me, I don't talk much... I just cut the hair
-
- rat d'auteur
- Messages : 5566
- Inscription : 17 août 06, 10:25
- Localisation : Rech. Optimum désesp.
- Cathy
- Producteur Exécutif
- Messages : 7321
- Inscription : 10 août 04, 13:48
- Contact :
Un super film qui montre tous les défauts d'une enquête policière mal faite ! A ne pas manquer !
Mon blog : http://leblogdecathy.over-blog.fr/
-
- Six RIP Under
- Messages : 4655
- Inscription : 7 mars 07, 22:23
-
- Assistant opérateur
- Messages : 2285
- Inscription : 2 mai 05, 16:19
angel with dirty face a écrit :J'ai beaucoup aimé, c'est bien foutu!
Dans 50 ANS DE CINEMA AMERICAIN de Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, le film n'était pas très apprécié si ma mémoire est bonne...
Ce n'est pas le seul chef-d'oeuvre villipendé dans ce livre (à a commencer par THE HILL de Sidney Lumet) qui fait référence mais dont de nombreux points de vue sont discutables..
- AtCloseRange
- Mémé Lenchon
- Messages : 25396
- Inscription : 21 nov. 05, 00:41
Un livre de ce genre qui serait indiscutable, je ne vois pas comment ça pourrait arriver de toute façon.blaisdell a écrit :angel with dirty face a écrit :J'ai beaucoup aimé, c'est bien foutu!
Dans 50 ANS DE CINEMA AMERICAIN de Jean-Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier, le film n'était pas très apprécié si ma mémoire est bonne...
Ce n'est pas le seul chef-d'oeuvre villipendé dans ce livre (à a commencer par THE HILL de Sidney Lumet) qui fait référence mais dont de nombreux points de vue sont discutables..
On a tous des avis "discutables".
Meilleur topic de l'univers
https://www.dvdclassik.com/forum/viewto ... 13&t=39694
https://www.dvdclassik.com/forum/viewto ... 13&t=39694
- Flol
- smells like pee spirit
- Messages : 54619
- Inscription : 14 avr. 03, 11:21
- Contact :
- Kevin95
- Footix Ier
- Messages : 18363
- Inscription : 24 oct. 04, 16:51
- Localisation : Devine !
Si avant de découvrir ce film, j'avais beaucoup de craintes (celles d'y voir une pièce de théâtre filmée véhiculant son message à coups de massue), je dois bien avouer, qu'au bout de cinq minutes de visionnage, je me suis totalement plongé dans ce huit-clos étouffant et émotionnellement intense.
Un grand Lumet, avec (en plus de Fonda), un Lee J. Cobb exceptionnel !
Sinon, quelqu’un à déjà vu le remake TV réalisé par Friedkin avec Jack Lemmon ????
Un grand Lumet, avec (en plus de Fonda), un Lee J. Cobb exceptionnel !
Sinon, quelqu’un à déjà vu le remake TV réalisé par Friedkin avec Jack Lemmon ????
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
-
- Euphémiste
- Messages : 8853
- Inscription : 14 avr. 05, 20:28
- Localisation : Québec
Ce film est vraiment fantastique... j'aurai eu du mal a croire avant de le voir que je puis tenir devant un film ou il n'y a aucune véritable action, mais non, on est carrément emporté par l'histoire... Un huis-clos fantastique.
Top 20 actuel
http://www.shompy.com/someone1600/l10080_frfr.html
Mes dvd
http://someone1600.dvdaf.com/
- cinephage
- C'est du harfang
- Messages : 23872
- Inscription : 13 oct. 05, 17:50
Comme beaucoup ici, je trouve qu'il s'agit d'une énorme réussite, remarquablement interprétée, mais aussi filmée.
C'est précisément un film qui illustre l'idée de "mise en scène" invisible chère à son auteur. J'ai pu lire les faits suivant, tirés de Making Movies, le livre écrit par Lumet sur son art :
Pour donner le sentiment que la pièce rétrécit au fil du temps, il a changé progressivement de focales, prenant petit à petit des focales plus longues, de façon à ce que le décor colle de plus en plus aux personnages.
Dans la même idée, il a filmé un premier tiers du film en plaçant la caméra au dessus du regard de ses comédiens, le second tiers à hauteur des personnages, puis le dernier tiers avec une caméra placée en dessous de leurs yeux. Ainsi, vers la fin, on commence à voir le plafond dans certains plans. "Le sentiment de claustrophobie croissante devait beaucoup jouer pour accroître la tension dans la dernière partie du film."
Boris Kaufman allait être un collaborateur proche de Lumet (son rendu de New York dans Pawnbroker est extraordinaire), sa photographie est remarquable de bout en bout. Ce n'est pas un jeune opérateur, puisqu'il éclairait deja des films de Vigo avant la guerre. Parmi ses faits d'armes, la lumière de America, America doit avoir séduit Lumet.
Enfin, alors que tout y parait naturel, la précision du cadrage demande une remarque particulière. Rien ne choque, et pourtant un gros travail de lisibilité, mais aussi de mise en sens, est exécuté à ce niveau.
Par exemple, lors de la tirade raciste du juré n°10 (Ed Begley), chacun quitte la table pour marquer un désaccord/une prise de distance avec ce discours bourré de préjugés minable. Mais le placement de chacun offre un cadre remarquable : chacun reste dans le champs, le dos tourné à ce juré.
C'est précisément un film qui illustre l'idée de "mise en scène" invisible chère à son auteur. J'ai pu lire les faits suivant, tirés de Making Movies, le livre écrit par Lumet sur son art :
Pour donner le sentiment que la pièce rétrécit au fil du temps, il a changé progressivement de focales, prenant petit à petit des focales plus longues, de façon à ce que le décor colle de plus en plus aux personnages.
Dans la même idée, il a filmé un premier tiers du film en plaçant la caméra au dessus du regard de ses comédiens, le second tiers à hauteur des personnages, puis le dernier tiers avec une caméra placée en dessous de leurs yeux. Ainsi, vers la fin, on commence à voir le plafond dans certains plans. "Le sentiment de claustrophobie croissante devait beaucoup jouer pour accroître la tension dans la dernière partie du film."
Boris Kaufman allait être un collaborateur proche de Lumet (son rendu de New York dans Pawnbroker est extraordinaire), sa photographie est remarquable de bout en bout. Ce n'est pas un jeune opérateur, puisqu'il éclairait deja des films de Vigo avant la guerre. Parmi ses faits d'armes, la lumière de America, America doit avoir séduit Lumet.
Enfin, alors que tout y parait naturel, la précision du cadrage demande une remarque particulière. Rien ne choque, et pourtant un gros travail de lisibilité, mais aussi de mise en sens, est exécuté à ce niveau.
Par exemple, lors de la tirade raciste du juré n°10 (Ed Begley), chacun quitte la table pour marquer un désaccord/une prise de distance avec ce discours bourré de préjugés minable. Mais le placement de chacun offre un cadre remarquable : chacun reste dans le champs, le dos tourné à ce juré.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell