Kôji Wakamatsu (1936-2012)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alligator
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Re: Quand l'embryon part braconner (Kôji Wakamatsu - 1966)

Message par Alligator »

Gendai sei hanzai zekkyo hen: riyu naki boko (Viol sans raison) (Kôji Wakamatsu, 1969) :

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plus de captures
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Encore un drame social de Wakamatsu qui décortique ici les divers éléments amenant une bande de jeunes oisifs, cyniques et paumés à un certain nihilisme criminel.

Ce sont trois gamins qui sortent de l'adolescence avec peine, dans un état de frustration généralisée. Les frustrations sociale (classe inférieure) et familiale (ils se disent eux-même issus de capotes trouées, des accidents de parcours) vont se confondre et se focaliser sur leur frustration sexuelle, de celle qui esquinte ceux qui ne s'aiment pas. Que ce soit dos au mur ou face à la mer, leur avenir est plus que sombre. Toutes leurs démarches sont vouées à l'échec. Alors ils prennent de force. Quand une jeune fille veut bien se donner à eux, dans la plus grande simplicité et innocence (c'est à voir mais eux le croient un temps), il se trouve qu'elle appartient à un gang de yakusas qui les rouent de coups avant de les rançonner. Le subreptice rêve de vivre une sexualité épanouie, partagée et sereine s'effondre.

Il va sans dire que l'érotisme qu'on accolle instantanément à Wakamastu est encore une fois réduit à sa portion congrue. Certes, la première scène de viol laisse apparaitre du téton mais pour le reste du film, on est bien dans le film noir, très noir et pas du tout dans le genre érotique. Faudrait arrêter d'évoquer l'érotisme à tout bout de champ quand on parle de Wakamastu, c'est relativement fatigant et malhonnête et pourrait détourner le regard de certains spectateurs dédaigneux du genre érotique alors qu'on a là un cinéma intéressant, violent, volontiers grossier et provocateur dans sa démarche parfois éléphantesque mais dont l'agressivité et la vigueur ne sont pas sans charme. De plus, Wakamastu n'est pas avare en beaux et maitrisés cadrages, quelques scènes ici encore sont particulièrement bien pensées et construites.

Le jeu des comédiens est excellent. C'est peut-être même ce qui m'a semblé le plus intéressant finalement et c'est avec une certaine frustration que j'ai cherché en vain (mais il est vrai rapidement) à retrouver une trace sur le net. Il faudra que j'y mette plus d'efforts et de temps, ils en vaillent la peine. Ils sont très étonnants. Il n'y a que le chef de gang que j'avais déjà vu dans "Saison de la terreur", en policier espion mais que dont je ne connais pas encore le nom.
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Re: Quand l'embryon part braconner (Kôji Wakamatsu - 1966)

Message par Eigagogo »

Selon JMDB, ils n'ont rien fait d'autres ... ce qui n'est pas étonnant vu l'habitude qu'avait Wakamatsu de tourner avec des amateurs. Ce film est aussi particulier en ce sens que le trio de comédien a aussi accouché du scénario, Wakamatsu cherchant un peu d'idées fraiches auprès de nouvelles têtes.
Alligator
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Re: Quand l'embryon part braconner (Kôji Wakamatsu - 1966)

Message par Alligator »

Merci pour les renseignements. J'ai eu beau fureter ce matin je n'ai rien trouvé. JMDB, je n'y ai pas accès.
Nicolas Mag
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Re: Quand l'embryon part braconner (Kôji Wakamatsu - 1966)

Message par Nicolas Mag »

je cherchais à trouve l'embryon en DVD

et je suis tombé sur cette news de filmsactu
Non content d'avoir distribué dans nos salles le massif et tétanisant United Red Army, Blaq Out s'apprête à éditer en DVD les oeuvres de jeunesse de l'énervé Kôji Wakamatsu, des films érotiques au discours révolutionnaire appuyé, réalisés durant les années 60.
Un coffret de quatre films sortirait en octobre suivi en début d'année suivante par deux autres coffrets au nombre exact de films encore inconnu. Les Anges violés (1967), Secrets Behind the Wall (1965), Go Go Second Time Virgin (1969) ainsi que Quand l'embryon part braconner (1966) qui avait écopé d'une interdiction au moins de 18 ans lors de sa sortie en salles il y a deux ans.
Une première vague constituée de ses films les plus connus donc. Gageons que les suivantes comprendront des pelloches plus obscures encore non éditées en DVD (Endless Waltz, biopic sur le saxophoniste Kaoru Abe par exemple).
A noter également que l'éditeur proposera dès le mois de novembre une édition 2DVD de United Red Army.
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Re: Quand l'embryon part braconner (Kôji Wakamatsu - 1966)

Message par Alligator »

Jûsan-nin renzoku bôkôma (Le démon de la violence) (Kôji Wakamatsu, 1978) :

http://alligatographe.blogspot.com/2009 ... okoma.html

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De prime abord, je me suis inquiété de la relative médiocrité de compression et d'édition du dvd. Cela ressemble à une vhs. Et puis le souci constant de créer un bel objet chez Wakamatsu, sa recherche d'angles et d'une certaines picturalité console en partie le spectateur. Néanmoins, il apparait clairement que le bon vieux scope noir & blac fait tout de même défaut. Le passage au 4/3 n'est pas dû à un recadrage comme le prouvent plusieurs jolis plans exploitant le format. Je ne connais pas l'histoire de ce film mais je suppose que les temps sont durs pour Wakamatsu et qu'il s'agit avant tout d'une donnée budgétaire. Malgré un aspect un peu cheap, vidé, délavé, le cinéaste s'en sort parfois fort bien. Sauf peut-être sur les scènes de nuit.

L'histoire est l'antienne wakamatsienne du jeune garçon mal dans sa peau qui, dans un environnement oppressant de HLM et de terrains vagues, promène son oisiveté et son malaise jusqu'à ce que des rencontres lui permettent de laisser exploser son amertume, son aigreur dans des bouffées de violence criminelle. A noter que tous ses crimes sont accompagnés dans leur paroxysme des sons et cris de la modernité (sirène de police, de bateaux, hurlements des moteurs à réaction des avions, circulation, etc.). Là dessus s'ajoute une inaptitude à affronter ses peurs sexuelles, à accepter la sexualité, les femmes, le passage à l'âge adulte, les engagements et ses propres pulsions morbides. On suit donc pendant un peu plus d'une heure l'errance criminelle de ce personnage joué par un jeune acteur rondouillard, au jeu plutôt correct mais pas extraordinaire. Femmes et couples sont violés, trucidés jusqu'au moment où il rencontre une jeune aveugle qu'il épargne enfin et qu'il se fasse ensuite descendre à coups de mitraillette (rien que ça!) par on ne sait qui.

C'est le gros reproche que je ferais au film : une fin abrupte et insensée qui tombe comme un couperet injustifié. On a le sentiment que le scénario ne sait pas comment clore ce récit et a choisi cette fin prématurément, de manière un peu absurde, précipitée, dans une urgence non réfléchie et puis pour absolument livrer le serial killer à une fin aussi violente que son parcours. Sorte de morale à deux yens.

Au détour d'une scène on est juste cueilli par la poésie dans ce monde de brutes que Wakamatsu tient à insufler à son personnage monstrueux. Tout comme il semble ne pas concevoir un de ses films sans au moins une allusion politique à l'histoire de son pays.

Une rengaine wakamastienne qui ne m'étonne plus beaucoup.
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Re: Quand l'embryon part braconner (Kôji Wakamatsu - 1966)

Message par Alligator »

Shinjuku maddo (Le fou de Shinjuku) (Kôji Wakamatsu, 1970) :

http://alligatographe.blogspot.com/2010 ... maddo.html

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Un bon film de Wakamatsu : critique féroce de la société japonaise, constat politique amer de la cruelle confrontation des générations. L'émergence d'un nouveau Japon, en contradiction avec la société traditionnelle ancrée sur des valeurs que la jeunesse rejette, est le point d'ancrage sur lequel le cinéaste s'appuie pour universaliser son propos, car les conflits générationnels à la fin des années 60 ne sont pas l'apanage du Japon bien entendu. Quoiqu'il en soit, en nous faisant suivre les pas de ce père en quête de deuil après le meurtre de son fils, il analyse le fossé creusé entre un Japon traditionnel et un autre qui s'ouvre de plus en plus à la culture occidentale, mêlant l'américaine, libre-échangiste et l'européenne révolutionnaire. Mais sans pour autant enfoncer des portes ouvertes son film établit l'évolution de ses personnages sur un constat universel comme éternel : les jeunes finissent par tuer leur père et cela ne se fait pas toujours de douce façon.

Heureusement, ce qui captive et porte tout l'intérêt du film, se trouve davantage dans la structure du récit, le parcours de ce père de plus en plus désillusionné et anéanti par l'évolution de la société urbaine et de sa jeunesse "dépravée".

Avec Wakamatsu, le discours politique n'est jamais très éloigné de la sexualité, ce qui en soi me semble parfaitement cohérent. Mais sur ce film, à part la toute première séquence, en couleur -Wakamatsu s'accorde toujours une ou deux séquences en couleurs dans ses flims en noir & blanc- et la présence d'une fille nue et enchainée lors de la confrontation entre le père et la gang responsable de la mort de son gamin, ce film disais-je avant de digresser éhontément, n'est pas vraiment "érotique" mais bien un polar noir, pessimiste, d'une mélancolie désenchantée.

Ici le rôle de l'acteur qui joue le père -damnation, je ne retrouve pas son nom- est primordial. Cet acteur est remarquable, donne une intensité époustouflante même. Au regard des prestations banales des jeunes -pour deux ou trois c'est même franchement merdique- il passe pour un grand monsieur. On ne peut lui enlever qu'il est habité par son personnage. Je retiendrai donc surtout sa performance, celle de Masao Adachi, le scénariste habituel de Wakamatsu dont l'écriture se révèle aussi sèche et froide que l'exigeait le sujet et pour finir cette réalisation toujours aussi bonne, originale, incorporant ces plans urbains, disséquant la froideur du béton et la mort de l'humanité comme peu savent le faire, dessinant une esthétique qui n'appartient qu'à lui.
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Re: Notez les films naphtas - Octobre 2010

Message par nobody smith »

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Découverte de Koji Wakamatsu avec ce va va vierge pour la deuxième fois. Très impressionné par la chose qui de manière attendu est aussi choquante que troublante. Je ne sais si c’est lié à son passif de yakuza mais Wakamatsu n’y va pas avec le dos de la cuillière dans sa peinture de violence et de désespoir. Cette impression de crudité est très palpable à travers un noir & blanc glaçant et une caméra pratiquement toujours fixe. Des choix pertinents qui démontre également la fibre artistique du film. D’une économie de moyens sidérante (un toit d’immeuble servira pour 90% de l’action du film), Wakamatsu montre une recherche dans sa mise en scène qui étonne toujours. Cadrages brillants, mouvements de caméra murement réfléchis, excellente incursion de la couleur... Du lourd pour un potentiel film du mois.
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Alligator
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Re: Quand l'embryon part braconner (Kôji Wakamatsu - 1966)

Message par Alligator »

Erotikkuna kankei (Les liaisons érotiques) (Kôji Wakamatsu, 1992) :

http://alligatographe.blogspot.com/2010 ... ankei.html

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Tout de suite, que les choses soient claires : d'érotisme, il n'est pas trop question, si ce n'est l'habillage sado-masochiste qui décore un peu l'intrigue de ce polar français que Wakamatsu a voulu s'offrir dans la capitale.
Autre élément à souligner en préambule : le caractère iconoclaste du film dans la filmographie de Wakamatsu. On est très loin des œuvres subversives, érotiques, ultra violentes et revendicatrices.

Je ne connais pas l'histoire de ce film, je vais donc en rester aux supputations. Mais il semble que le cinéaste ait voulu se faire un polar à la française avec tous les clichés qui lui tombent sous l'œil de la caméra (Tour Eiffel, Paris by night, La Concorde, Pigalle, la mode et le luxe, le petit Lu, la deudeuche, les châteaux, le Figaro, la Marseillaise, la "Vie en rose", le "Flore", etc.).

Bizarrement, Wakamatsu introduit son film par une scénette qui se veut comique je suppose, avec un sosie d'Edith Cresson débitant ses âneries sur les Japonais. Chacun ses stéréotypes.

La majeure partie du film présente une action lente et des personnages peu loquaces, à la Melville. L'enquête et le personnage joué par Yûya Uchida font penser à Nestor Burma et Léo Malet, une histoire à chausses-trappes, où les sentiments du détective sont mis à rude épreuve, impliqué plus qu'il ne faudrait dans son enquête.

La toute dernière partie est plus étonnante : une fusillade à coups de Colts et d'Uzis -si je ne m'abuse- fait beaucoup plus référence au cinéma d'action récent de Hong-Kong. La séquence détonne et donne l'impression que Wakamatsu ne maitrise pas son sujet, qu'il navigue un peu à vue.

A noter la présence de Takeshi Kitano dans un rôle Takeshi Kitanien.

Au final, je ne retiens pas grand chose d'intéressant. Le film reste une curiosité, regardable, sans doute essentiellement destiné aux Japonais qui pourraient être plus réceptifs à un certain exotisme français. Il émane de ce fatras une naïveté qui ne me touche pas du tout. Ça sonne trop creux, trop toc.

Alors que j'estime la puissance de feu du cinéaste, je me retrouve tout penaud, le bec dans l'eau, devant une œuvre aussi fadasse.
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Re: Quand l'embryon part braconner (Kôji Wakamatsu - 1966)

Message par 1kult »

Je mets l'interview du réalisateur ici, je n'ai pas trouvé de rubrique dédiée à Wakamatsu seulement. En espérant que ça ait sa place ici...

http://www.1kult.com/2010/11/26/wakamat ... du-cinema/

:wink:
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Re: Quand l'embryon part braconner (Kôji Wakamatsu - 1966)

Message par bruce randylan »

C'est parti pour la rétro ! :D


Le curriculum vitae des liaisons sexuelles (1965)

A la découverte du cadavre d'un homme dans un appartement, la police soupçonne la maitresse de celui-ci. Interrogée, elle raconte son passée tout en niant être la coupable.

Un drame qui se veut avant tout un double portrait : celui d'une femme et celui d'une société machiste qui utilise les femmes comme des objets par des hommes pour leurs bons plaisirs et quand bon leurs semblent,
En gros, des étudiants à l'homme d'affaire en passant par les yakuzas ou les patrons d'entreprises, tous la violent sans scrupule et par égoïsme, Même les policiers aimeraient bien profiter d'elle.
Le problème est que le film en devient très répétitif même si au final toutes les scènes sont justifiées et n'ont rien de racoleur, Wakamatsu a beau essayer de renouveler la réalisation durant ces séquences (images déformées, contrastes plus violents, très gros plan sur la peau etc...), au bout de la 4ème scènes du genre, on commence à décrocher de l'histoire qui n'est pas non plus exempt de passages inutiles qui rappellent la dimension engagée du cinéaste (le passage où l'étudiant communiste se lance dans un monologue)
Les allées et retour dans le passé via de nombreux flash-back lassent aussi rapidement même si la structure permet de mieux saisir le cynisme de l'héroïne au début du film qui tranche avec celui des hommes de plus en plus pathétiques et ridicules. Meurtri et désensibilisé, elle va à son tour se servir de la faiblesse des hommes pour se venger

Donc sur le principe, c'est une charge très violente contre la situation des femmes dans le Japon contemporain, mais ça donne un film trop long, parfois confus et qui tourne un peu en rond sans être bien-sûr un film raté.
Mention spéciale à l'actrice Midori Chigusa, parfaite du début à la fin, qu'elle soit une jeune fille pure, une amoureuse transie ou une beauté glaciale.


la tombe de plomb (1965)
Wakamatsu tourne le dos au pinku eiga et livre un film entre le policier façon yakuza et le drame sous forme d'étude de mœurs.
Il suit l'arrivisme d'une jeune frappe prêt à tout pour intégrer un clan, puis pour se faire bien voir du Boss, Après avoir assassiné deux personnes sans vraiment le vouloir, il devient désormais le tueur officiel du clan,

C'est un film étonnement travaillé et bien écrit qui surprend assez avec ses films un peu « fourre-tout » et presque expérimentaux de la même époque. La mise en scène est solide et plutôt sobre, le film est dénué d'expérimentations ou de discours subversifs. Wakamatsu reste centré sur son histoire et son personnage avec une rigueur qui surprend sans décevoir d'autant que le film est bien mené même si la dernière partie s'avère prévisible sur de nombreux points,
La force du film vient de cette violence froide et dérangeante des scènes de meurtres filmées sans excès de style ni musique : seulement un bon sens du cadre et du noir et blanc,
Cette violence fonctionne car l'évolution du personnage fonctionne sans être superficiel aidé en cela par une excellente interprétation,
Les 2 scènes érotiques sont par ailleurs réussis, logique dans la psychologie mais peut-être vite oublié narrativement parlant.
Un drame qui prend donc des allures de tragédie moderne pour Wakamatsu qui règle ses comptes avec un milieu qu'il a fréquenté et auquel il voue une grande haine. On sent qu'il veut tordre le coup à l'image un peu romantique des yakuza qu'on peut trouver à la même époque,
C'est aussi toujours l'occasion d'en faire une parabole sociale assez forte sur la schizophrénie d'une certaine jeunesse sauf que cette fois il l'a fait sans abstraction, ni excercice de style ou de métaphore (juste l'image récurrente un peu trop facile du Boss, « décapitant » des branches d'arbres).

Un bon film, plus classique donc, qui surprend agréablement dans la filmographie du cinéaste,



Relations perverses (1965)

Celui-ci est très proche du curriculum vitae des liaisons sexuelles : même introduction autour d'un cadavre filmé sous toutes ses coutures durant le générique du début, même structure en flash-back autour d'une enquête policière,
A la différence que relations perverses est bien plus réussi : la raison ? Wakamatsu opte pour une approche plus légère voire même humoristique par moment avec des seconds rôles bien amusant et une approche décalée sûr les quelques scènes sexuelles qui sont là aussi très bien intégré à l'intrigue. La sexualité est même le moteur (et les conséquences) des actions des personnages... presque ce qui les définit. Sauf qu'elle est régulièrement ridiculisé par la manière dont Wakamatsu oppose les points de vue comme dans les moments où le mari observe sa femme s'envoyant en l'air avec un étudiant depuis une vitre sans teint.

C'est bien-sûr à une cinglante satire des mentalités et des mœurs japonais auquel se livre Wakamatsu pour l'un de ses films les plus accessible même si on trouve fugacement plusieurs de ses signatures expérimentales : images sur-exposées, superpositions, musique dissonantes, images qui se dégradent etc...
Il y a là, je trouve, une forme de maturité dans sa façon d'aborder un sujet avec recul, ironie, intelligence, une certaine virtuosité, une excellente direction d'acteur et un bon rythme.
Du moins durant la première heure, les 20 dernières minutes en donnant une réponse à son « wodunit » fait un peu baisser l'intérêt car le réalisateur prend soin de nous détailler les zones d'ombres qu'on arrivait pourtant facilement à combler une fois le coupable connu. Il se rattrape avec une machination bien tordue qui va bien au bout de sa logique et de son humour noire pour quelques séquences mémorables.

C'est bien-sûr moins radical et intransigeant que ses films édités en France mais on prend vraiment du plaisir à ce règlement de compte en règle des japonais et leurs libidos. Une excellente surprise.
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Re: Quand l'embryon part braconner (Kôji Wakamatsu - 1966)

Message par bruce randylan »

séance de dimanche

Doux piège (1963)

Le film le plus ancien diffusé à cette rétrospective. Ca se sent un peu car on devine un cinéaste jeune avec des choses à dire et de bonnes intentions mais des maladresses que ce soit dans la mise en scène et dans son scénario.
La réalisation manque de personnalité et de caractère mais il faut lui reconnaitre en revanche qu'il y a un point de vue au travers d'un scénario qui va au bout de son principe.
Ici, il n'attaque pas le pouvoir mais les yakuzas contre qui il est très remonté. Dans cette histoire, une bande de crapule kidnappe une jeune fille sage pour en faire une prostituée. Son petit ami essaye de la retrouver.
L'histoire est assez pessimiste et glauque mais l'effet ne fonctionne qu'à moitié à cause d'une écriture très semble très exagérés dans le comportements des yakuzas. Celà dit, Koji Wakamatsu a connu plus le milieu que moi, donc on va lui donner le bénéfice du doute... :P
Bref, tout ça pour dire que l'ambiance manichéenne entache plus le film qu'elle ne l'appuie avec également plusieurs facilité, des dialogues plats et une interprétation dans l'ensemble moyenne.
Un film un peu flottant donc mais qui trouve malgré tout sa force dans la description qu'il fait du second personnage féminin, une prostituée impuissante face au sort que subit son amie. Les hommes, comme d'habitude, sont des monstres d'égoïsme qui les utilise avec un cynisme terrifiant.
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Re: Quand l'embryon part braconner (Kôji Wakamatsu - 1966)

Message par Alligator »

Bon, pour une fois, je l'admets, je voudrais bien être parisien.
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gnome
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Re: Quand l'embryon part braconner (Kôji Wakamatsu - 1966)

Message par gnome »

Alligator a écrit :Bon, pour une fois, je l'admets, je voudrais bien être parisien.
+1 :|
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bruce randylan
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Re: Kôji Wakamatsu

Message par bruce randylan »

Et bien craignez et tremblez car j'ai bien l'intention d'en voir un maximum (du moins ceux indisponible en DVD)... mais c'est pas évident avec la rétro Edward Yang qui commence la semaine prochaine et surtout les travaux dans mon apart' (ouais, je deviens proprio ! 8) )

Bon, je continue !
Nouvelle histoire de la violence de l'underground japonais : chronique de la violence (1968)

Si vous en doutiez après la lecture du titre : Wakamatsu livre un film violent de vengeance.
Une vengeance de quoi ? De paysans stupidement superstitieux pour croire qu'une frère et une sœur contamineront tout leur village à cause d'une maladie que porte leur mère. Ils passent donc à tabac le frère qu'il laisse pour mort et violent la sœur qui en perd la raison.
Pas de chance pour eux, le frère n'est pas mort et est bien décidé à se rappeler à leur bons se(r)vices.

C'est un histoire bien torturé et sanglante qui va assez loin dans la folie meurtrière de son héros qui en devient lui aussi à moitié fou. Autant dire que la vision du cinéaste est pessimiste voire nihiliste.
Wakamatsu et pinku eiga oblige, le film alterne scènes de meurtre et scènes de sexe un peu trop mécaniquement durant la première moitié. C'est tellement régulier qu'on a l'impression de voir un métronome écrire le scénario, Ca en deviendrait vite fatiguant si la dureté des assassinats ne venait à chaque fois nous impressionner. Wakamatsu a aussi la bonne idée d'intégrer en flash-back les raisons de ce viol et ce passage à tabac. En plus de rendre l'ouverture plus saisissante, l'histoire y gagne une dimension tragique qui culmine dans un passage en couleur. Comme toujours Wakamatsu contourne cette exigence des distributeurs pour tirer son film dans un lyrisme intimiste de toute beauté qui tend à retrouver une pureté virginale.
Ca sera le seul moment de calme avant une dernière ligne droite encore plus radicale où le frère décide de décimer tout le village.
Loin de glorifier la loi du talion, Wakamatsu fait de son « héros » un personnage totalement aveuglé par sa quête au point de ne même pas voir les personnes qu'il massacre. Ca se traduit visuellement par des meurtres filmés hors-champs dans un montage très cut pour des ellipses directes et efficaces.

Ce qui ne gâche rien aussi : une mise en scène assez inventive dans son utilisation des décors qu'ils soient naturels ou non. Rien à dire, Wakamatsu sait cadrer et sa photo a également de l'allure et met particulièrement bien valeur la hargne de Akiko Ritshushima,
Dommage par contre que les coups portés aux sabres soit si approximatifs, ca casse un peu la tension.
Excellente musique au fait.

Un très bon film qui aurait pu être meilleur si la première moitié n'était pas aussi répétitive. Ca donne cela dit un côté slasher avant avant l'heure : « qui baise, meure » :mrgreen:


Crimes sexuels (1967)
Wakamatsu venait surement de découvrir Jean-Luc Godard avec ce film. C'est une sorte de trip sociologique sur la sexualité avec des dialogues vaguement intellectuels et « philosophiques ».
Je dois admettre ne pas être client de ce genre de films : ça parle dans le vide, ça assène des propos de comptoirs marqués par des phrases abstraite et puis surtout le propos est assez douteux comme cette femme qui découvre enfin sa vraie sexualité après avoir pris son pied dans un viol collectif.
L'affiliation avec Godard est en tout cas vraiment évidente avec une fin qui reprend celle de Pierrot le fou (tout aussi gratuite et mal amenée je trouve).

C'est dommage car le film ne manque pas non plus de bons moments surtout dans tout les mises en abîme de Wakamatsu sur son propre cinéma : dans l'introduction, on voit un étudiant se masturber devant un film Pink au cinéma. Plus tard, l'étudiant tient un discours sur le plaisir voyeur qu'il a à épier les femmes. Enfin, le cinéaste se moque de l'hypocrisie de la censure et des « bonne-penseuse » qui critique une jeunesse dépravée mais n'en demeure pas moins obsédée.
Ce sont des moments assez troublant et bien mises en scènes mais généralement la séquence suivante vient tout faire retomber à plat.
A noter tout de même une séquence géniale à l'humour noir pince sans rire quand le couple se retrouve avec un cadavre sur les bras.
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Re: Kôji Wakamatsu

Message par bruce randylan »

Et on continue !

Le vagabond du sexe. (1967)

Après une soirée trop arrosée, un salary-man se réveille dans un train arrivé à une gare bien loin Tokyo où il vit et travaille.
Comme il a du temps à tuer avant le prochain train, il flâne dans cette ville portuaire et pense à sa femme et son boulot... Est-ce que tout ça mérite vraiment de rentrer ?

C'est un excellent film très riche qui abandonne l'aspect violent, torturé et sadique des pinku-eiga façon Wakamatsu... Enfin pas totalement, mais celui-ci est presque « sage » pour le cinéaste. On est devant une comédie de mœurs qui égratigne la société avec un bonheur permanent : société de consommation, sexe, famille, télévision, police, média, monde de l'entreprise. Tout est remis à plat par un personnage qui s'interroge sur sa vie. Du coup, toutes ses questions sont très bien intégrées au récit et abordées de manière naturelle sans appuyer le trait ou en rajoutant sur l'aspect sociologique comme pouvait le faire « Crimes sexuels ».
Wakamatsu reste centré sur son salary-man en le mettant dans presque tout les plans et en accentuant sa marginalité et son vagabondage en optant pour des plans en longue focale qui le détache (au sens propre comme figuré) de toute environnement. Il choisit aussi régulièrement des plans très larges (parfois au grand angle) qui l'isole dans une nature sauvage, loin de toute civilisation.
Son périple le fera croiser une multitude de personnage secondaire qui seront donc à chaque fois l'occasion d'aborder les thèmes que j'évoquais plus haut : une prostituée, une employée voleuse, un policier trouillard, des routiers, une actrice de télé etc...
Sans devenir un film à sketch, ses péripéties donne un rythme soutenu, jamais répétitif (oh joie !) avec un humour décalé qui fait plaisir, notamment un musique jazzy enjoué chanté en scat. Ca fonctionne vraiment dans les moments les plus crus du film pour une approche expérimental la aussi toujours bien intégré au récit et à la psychologie comme l'image de sa femme qui l'attend nu chez lui et qui lui fait la moral constamment d'une façon castratrice.
C'est aussi l'occasion de donner libre court à des expérimentations visuelles et sonores là aussi très pertinentes et dans la logique de l'état d'esprit du personnage avec de nombreuses images en surimpressions ou un mixage trafiqué.

L'acteur principal est génial et impose immédiatement l'image de l'employé sans personnalité, écrasé par sa vie professionnel et familial. Ses dérives et son retour à un état presque animal où il essaye d'écouter ses instincts et ses pulsions livre un film décalé très en avance sur son temps qui pourrait par aspect évoquer un Fight Club des années 60.

Et puis, encore une fois, la mise en scène comme le cadrage noir et blanc scope sont un régal. La copie présentée à la cinémathèque était en plus vraiment magnifique pour ne pas dire époustouflante.




La femme qui prêtait son ventre (1968)
Un député cherche à tout prix a avoir une descendance... Comme il n'arrive pas à avoir d'enfant, il passe par l'insémination artificielle. Sa maitresse tente de convaincre aussi sa sœur de subir l'opération pour multiplier les chances par deux.

Une histoire vraiment étonnante, riche, dense et très en avance sur son temps (on voit mal une histoire comme ça au états-unis à la même époque, voire même aujourd'hui). Le scénario va assez loin dans la violence de sa charge contre tout un pan de la mentalité japonaise qui se réfugie derrière un rang social, une ambition ou une richesse pour commettre les pires manipulations même au sein de la même famille. Ca en devient même dérangeant à plusieurs reprises avec une radicalisation qui se durcit encore plus sur la fin, sans doute un peu trop même.
La galerie de personnage que l'on croise n'ont rien de recommandable. Ceux qui ont l'air le plus sympathique (le couple de jeune) n'en sont pas moins ambigus sur leurs motivations...

A côté de ça, la narration est très déstabilisante avec de longues plages musicales de rock psychédélique sur une jeunesse japonaise en pleine libération. 2-3 passages assez long qui pourraient être inutile s'il la musique excellente (le solo de guitare déchire bien) et la beauté des images -parfois en couleurs- n'étaient entêtantes et hypnotique. Et Wakamatsu parvient malgré tout à pointer la solitude la jeune sœur quelque soient le monde qu'elle fréquente, peu aidé par un petit-ami égoïste.

Un bon film, pas toujours facile à suivre, au propos parfois un peu flou mais que la densité du scénario rend très recommandable.
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
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