Messagepar Tristana » 20 nov. 07, 00:20
J'ai découvert sur Arte ce soir l'adaptation de Kubrick de ce monument qu'est LOLITA.
J'avais vu le film de Lyne il y a quelques années, avant de découvrir l'oeuvre littéraire, et je l'avais trouvée plutôt bien menée, avec le personnage d'Humbert magistralement interprété par Jeremy Irons, tout en ambiguïté, entre perversion et romantisme ; et une jeune Lolita égocentrique, adorable et elle aussi très ambiguë sous les traits de Swain.
Après avoir vu (et adoré) BARRY LYNDON il y a peu, j'espérais que LOLITA me fasse le même effet. Et bien... non. Non parce qu'indéniablement, le film a vieilli, et la censure sous-jacente empêche l'intrigue de réellement se développer : aucun baiser entre Lolita et Humbert (alors que le livre raconte des étreintes autrement plus osées qu'un simple baiser), tout est dans le sous-entendu. Et que dire du personnage de Lolita qui n'a pas tout cette ambiguïté, cette perversité liée à l'innocence qui la rend si intéressante dans le roman (ou dans le film de Lyne). Là où Nabokov décrit une enfant devenant une femme, consciente de son potentiel sexuel, mais aussi parfois embarquée bien trop loin pour son âge, Kubrick montre une jeune fille qui semble en tous points passive, pratiquement constamment victime, sans aucune audace ni fraîcheur. Humbert parle lui-même de candeur mélangée à la vulgarité : la Lolita de Kubrick n'est nullement vulgaire, elle est toujours très propre sur elle, bien coiffée, savamment habillée de manière à ne rien laisser paraître... Sans doute Kubrick ne pouvait-il pas aller plus loin à cause de la censure qui menaçait, mais je trouve que ça ampute vraiment l'histoire, qui n'est pas qu'une histoire d'amour mais aussi et surtout une histoire sur le désir, et hormis la scène où Humbert découvre une Lolita aguicheusement avachie au soleil, jamais la sensualité n'affleure pendant le film...
Les meilleures scènes sont peut-être celles où Humbert est coincé avec la mère de Lolita, qui l'ennuie à mourir et qu'il déteste, mais qu'il va néanmoins épouser pour se rapprocher de Lolita. Une fois qu'elle disparaît, le film repose entièrement sur la relation entre Lolita et Humbert, et si on exclut la jalousie maladive d'Humbert, aucune relation véritable ne semble se nouer entre eux... Seule la tendresse est évoquée lorsque Lolita pleure sa mère et qu'il la serre dans ses bras, mais toute la perversité de cet amour interdit n'est absolument pas rendue à l'écran.