NotBillyTheKid a écrit :La mort de cochon me semble un élément essentiel. Il participe, je pense, à la réussite du reste. On est dans un film "en costume", avec des acteurs non professionnels, une vraie photo et de la musique classique et il obtient, "malgré" ça, une vérité incroyable, au delà du réalisme. L'épisode du cochon, geste ancestral ici (on est loin de l'abattoir de Prime cut !), filmé "pour de vrai", nous assomme et, par contagion, instille cette illusion de vérité aux autres scènes. C'est du moins comme cela que je le justifie.
Le parallèle va sans doute te faire tomber de ton siège, mais d'un point de vue cinématographique cette séquence est aussi condamnable que celle de la tortue dans
Cannibal holocaust. Non pas que je mette les deux films sur le même plan artistique, mais au final ce sont les mêmes considérations. Il s'agit d'édifier le spectateur en abolissant le confort de son rapport à l'image : c'est
réel, un animal a été tué et dépecé pour de vrai, il souffre et c'est insoutenable. C'est le genre de truc qui peut me flinguer un film et me faire prendre le réalisateur en détestation. Y a pas que le travelling qui est affaire de morale.
Ici, ce qui est très déstabilisant, c'est que dans les deux cas la chose peut potentiellement être
justifiable dans la démarche documentaire. Une forme d'hypocrisie intellectuelle serait en effet de faire les autruches et feindre de nier la vérité, qui est que dans une ferme comme dans la jungle, ben il faut survivre, et que c'est ragoûtant. Ce qui fait toute la différence selon moi, c'est le point de vue qu'aura le cinéaste sur cette scène. Le film de Deodato, pour revenir à lui, posait justement la question de la limite de l'image et de la déontologie médiatique. Le "reportage dans le film" créait une mise en abyme, une distanciation qui, peut-être hypocritement, dédouanait le réalisateur pour mieux mettre en exergue l'inqualifiable complaisance du documentaliste, son absence d'éthique. Autrement dit on était en plein dans le discours du film. Dans le film d'Olmi, la séquence est filmée sans "écran", si je puis dire : du coup la scène paraît plus gratuite. Les hurlements du cochon sont insoutenables, Olmi ne nous épargne rien... où est la déontologie du cinéaste là-dedans. L'insistance de cette scène participe certes de l'hyper-réalisme mais une autre façon de la filmer, plus allusive, aurait sans nul doute été possible sans que cela amoindrisse l'approche du film.