Ermanno Olmi (1931 - 2018)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jack Carter
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Re: Ermanno Olmi

Message par Jack Carter »

NotBillyTheKid a écrit :
C'est, dans mon souvenir, un film formidable, lent bien sûr comme toujours chez Olmi. C'est l'histoire d'un petit gars ado, avé le duvet qui pousse sous le nez, qui vient pour aider à faire le service lors d'un banquet en l'honneur d'une vieille femme. Ce garçon d'un milieu modeste tombe donc dans le luxe suranné et vieillot d'une maison bourgeoise dans lequel il est mal à l'aise (je me souviens de dogues qui l'effraient). Je me souviens aussi (à raison ? à tord) d'un film très peu bavard tout en impressions...
tu as de tres bons souvenirs, dis-moi !

bref, j'ai beaucoup aimé, le personnage de l'adolescent est, c'est vrai, tres proche de celui de l'Emploi. Et le film est effectivement pas tres bavard. Olmi oppose l'innocence de "l'ado" face au monde adulte, ou l'hypocrisie regne en maitre. La scene de preparation et de deroulement du banquet occupe la quasi totalité du film mais on ne s'y ennuie jamais.

Abronsius a ecrit son sentiment envers le film dans son blog : http://myimaginarylandscapes.blogspot.c ... manno.html , je le rejoins dans les grandes largeurs.
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Re: Ermanno Olmi

Message par NotBillyTheKid »

Pff ! je veux le revoir du coup !!
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Re: Ermanno Olmi

Message par Abronsius »

Jack Carter a écrit :
Abronsius a ecrit son sentiment envers le film dans son blog : http://myimaginarylandscapes.blogspot.c ... manno.html , je le rejoins dans les grandes largeurs.
Mais tu traînes partout !!
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Re: Ermanno Olmi

Message par NotBillyTheKid »

& il a raison ! :D :wink:
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Re: Ermanno Olmi

Message par Joe Wilson »

Je comble des lacunes en matière de cinéma italien et la découverte de L'Emploi fut un émerveillement. Sandro Panseri et Loredana Detto sont inoubliables, et leur relation naissante, incertaine, est remplie de moments d'état de grâce. La mise en scène suit la fluidité des gestes, les maladresses, les regards, avec une lucidité et une justesse impressionnantes. Olmi parvient alors à saisir le trouble du passage à l'âge adulte, l'acceptation d'un renoncement et les promesses d'un ailleurs...son exploration du monde du travail est rude mais jamais froide vis à vis des êtres. La société n'offre que peu de portes de sortie et il nous appartient de les saisir.

J'ai enchaîné avec Les Fiancés, très beau film même si l'approche est plus difficile. Le récit est fragmenté et Olmi creuse un éloignement, une solitude. Le dilemme entre travail et vie affective crée une impasse nécessaire pour retrouver une intensité et une clarté d'intentions.
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Demi-Lune
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Re: Ermanno Olmi

Message par Demi-Lune »

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L'arbre aux sabots (1978)

Olmi est un cinéaste exigeant qui aime prendre son temps. Mais comme sur Il Posto, le jeu en vaut la chandelle.
Il ne faut pas se laisser intimider par la durée du film ou par l'austérité du sujet.
Déjà, esthétiquement, le travail à la lumière naturelle rapproche le film des toiles rurales de Courbet.
Fresque d'une humilité terrassante, L'arbre aux sabots est une évocation ultra-réaliste de la vie quotidienne de paysans lombards à la fin du XIXe siècle, mais aussi un poème filmique sur nos racines. L'idée de transmission serpente en permanence dans ce film, avec les naissances, le cycle de la vie adossé à celui des saisons, la terre comme origine de tout. Le film dépasse son cadre pour tendre à quelque chose d'universel sur l'existence. Olmi exhume ce passé rural autant pour immortaliser le souvenir des ancêtres, la modestie voire précarité de leur mode de vie, que pour figer une force indicible : celle qui anime les hommes depuis la nuit des temps pour survivre, donner la vie, travailler de ses mains, partager. Il y a une dignité absolument bouleversante qui traverse cette fresque, à la mesure des riens qui ponctuent le quotidien des paysans mais qui surgissent, par leur humilité, comme des épiphanies : des veillées entre familles autour d'une histoire, une nouvelle naissance, un mariage, une adoption dans un couvent. Tout ça est passionnant et beau à regarder, bouleversant d'humanisme, transcendé par l'Arioso de Bach qui accompagne ces événements de sa spiritualité mélancolique. L'incertitude (et l'injustice) de la fin est déchirante. On quitte le film en se sentant humble, étrangement en paix, méditatif sur la valeur des choses. Seul reproche : l'assassinat et la découpe du cochon, justifiable dans une démarche quasi documentaire, mais très discutable par son insistance brute et sa durée.
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Re: Ermanno Olmi

Message par Jeremy Fox »

:D
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Re: Ermanno Olmi

Message par NotBillyTheKid »

La mort de cochon me semble un élément essentiel. Il participe, je pense, à la réussite du reste. On est dans un film "en costume", avec des acteurs non professionnels, une vraie photo et de la musique classique et il obtient, "malgré" ça, une vérité incroyable, au delà du réalisme. L'épisode du cochon, geste ancestral ici (on est loin de l'abattoir de Prime cut !), filmé "pour de vrai", nous assomme et, par contagion, instille cette illusion de vérité aux autres scènes. C'est du moins comme cela que je le justifie.
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Re: Ermanno Olmi

Message par Demi-Lune »

NotBillyTheKid a écrit :La mort de cochon me semble un élément essentiel. Il participe, je pense, à la réussite du reste. On est dans un film "en costume", avec des acteurs non professionnels, une vraie photo et de la musique classique et il obtient, "malgré" ça, une vérité incroyable, au delà du réalisme. L'épisode du cochon, geste ancestral ici (on est loin de l'abattoir de Prime cut !), filmé "pour de vrai", nous assomme et, par contagion, instille cette illusion de vérité aux autres scènes. C'est du moins comme cela que je le justifie.
Le parallèle va sans doute te faire tomber de ton siège, mais d'un point de vue cinématographique cette séquence est aussi condamnable que celle de la tortue dans Cannibal holocaust. Non pas que je mette les deux films sur le même plan artistique, mais au final ce sont les mêmes considérations. Il s'agit d'édifier le spectateur en abolissant le confort de son rapport à l'image : c'est réel, un animal a été tué et dépecé pour de vrai, il souffre et c'est insoutenable. C'est le genre de truc qui peut me flinguer un film et me faire prendre le réalisateur en détestation. Y a pas que le travelling qui est affaire de morale. :)
Ici, ce qui est très déstabilisant, c'est que dans les deux cas la chose peut potentiellement être justifiable dans la démarche documentaire. Une forme d'hypocrisie intellectuelle serait en effet de faire les autruches et feindre de nier la vérité, qui est que dans une ferme comme dans la jungle, ben il faut survivre, et que c'est ragoûtant. Ce qui fait toute la différence selon moi, c'est le point de vue qu'aura le cinéaste sur cette scène. Le film de Deodato, pour revenir à lui, posait justement la question de la limite de l'image et de la déontologie médiatique. Le "reportage dans le film" créait une mise en abyme, une distanciation qui, peut-être hypocritement, dédouanait le réalisateur pour mieux mettre en exergue l'inqualifiable complaisance du documentaliste, son absence d'éthique. Autrement dit on était en plein dans le discours du film. Dans le film d'Olmi, la séquence est filmée sans "écran", si je puis dire : du coup la scène paraît plus gratuite. Les hurlements du cochon sont insoutenables, Olmi ne nous épargne rien... où est la déontologie du cinéaste là-dedans. L'insistance de cette scène participe certes de l'hyper-réalisme mais une autre façon de la filmer, plus allusive, aurait sans nul doute été possible sans que cela amoindrisse l'approche du film.
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Re: Ermanno Olmi

Message par NotBillyTheKid »

Oui, ils ont tué un cochon, il l'a filmé. (NB : il est dépecé APRES sa mort !)
Or, il se tue toujours des cochons, dans les fermes. Il est fort probable que les paysans jouant dans le film ait élevé et mangé ce cochon, comme d'habitude (Je te rappelle que ce sont de vrais paysans de Lombardie, des non professionnels, tous). Ils l'ont fait en costume devant une caméra, certes. Mais le cochon a été élevé à la ferme, je suppose, pas en batterie, et a été tué comme tout cochon est tué chaque jour dans les fermes du monde entier. Il n'est pas tué POUR le spectacle, mais dans celui ci. Il aurait forcément été tué quand même, et certainement ainsi. Il filme la vie rurale dont c'est un des moments forts de l'année.
Les cochons sont élevés pour ça (différence importante avec la mort d'un autre animal ou d'un humain dans Cannibal H !)
Les morts de cochons sont assez nombreuses au cinéma. Je crois bien que Eustache en a fait un film d'ailleurs. Il me semble l'avoir vu aussi dans Symphonie pastorale de Storck ; chez Depardon, je ne sais plus. Mais c'est un moment obligé de la vie à la ferme. (oui, je suis ardéchois :wink: ).
Je trouve normal que ce soit présent.
Après, bien sûr, je comprends tout à fait que ça soit dur (à voir, à entendre) d'assister à la véritable mort d'un animal au cinéma, plus habitué à l'ellipse dans ces cas là.
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Re: Ermanno Olmi

Message par AtCloseRange »

Demi-Lune a écrit :
NotBillyTheKid a écrit :La mort de cochon me semble un élément essentiel. Il participe, je pense, à la réussite du reste. On est dans un film "en costume", avec des acteurs non professionnels, une vraie photo et de la musique classique et il obtient, "malgré" ça, une vérité incroyable, au delà du réalisme. L'épisode du cochon, geste ancestral ici (on est loin de l'abattoir de Prime cut !), filmé "pour de vrai", nous assomme et, par contagion, instille cette illusion de vérité aux autres scènes. C'est du moins comme cela que je le justifie.
Le parallèle va sans doute te faire tomber de ton siège, mais d'un point de vue cinématographique cette séquence est aussi condamnable que celle de la tortue dans Cannibal holocaust. Non pas que je mette les deux films sur le même plan artistique, mais au final ce sont les mêmes considérations. Il s'agit d'édifier le spectateur en abolissant le confort de son rapport à l'image : c'est réel, un animal a été tué et dépecé pour de vrai, il souffre et c'est insoutenable. C'est le genre de truc qui peut me flinguer un film et me faire prendre le réalisateur en détestation. Y a pas que le travelling qui est affaire de morale. :)
Ici, ce qui est très déstabilisant, c'est que dans les deux cas la chose peut potentiellement être justifiable dans la démarche documentaire. Une forme d'hypocrisie intellectuelle serait en effet de faire les autruches et feindre de nier la vérité, qui est que dans une ferme comme dans la jungle, ben il faut survivre, et que c'est ragoûtant. Ce qui fait toute la différence selon moi, c'est le point de vue qu'aura le cinéaste sur cette scène. Le film de Deodato, pour revenir à lui, posait justement la question de la limite de l'image et de la déontologie médiatique. Le "reportage dans le film" créait une mise en abyme, une distanciation qui, peut-être hypocritement, dédouanait le réalisateur pour mieux mettre en exergue l'inqualifiable complaisance du documentaliste, son absence d'éthique. Autrement dit on était en plein dans le discours du film. Dans le film d'Olmi, la séquence est filmée sans "écran", si je puis dire : du coup la scène paraît plus gratuite. Les hurlements du cochon sont insoutenables, Olmi ne nous épargne rien... où est la déontologie du cinéaste là-dedans. L'insistance de cette scène participe certes de l'hyper-réalisme mais une autre façon de la filmer, plus allusive, aurait sans nul doute été possible sans que cela amoindrisse l'approche du film.
Et tu penses quoi de la fin d'Apocalypse Now?
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Re: Ermanno Olmi

Message par Demi-Lune »

AtCloseRange a écrit :Et tu penses quoi de la fin d'Apocalypse Now?
Tu veux dire la vache sacrifiée ? Ben c'est comme avec Cimino et les chevaux qu'il a dynamités pour de vrai dans la bataille de La porte du paradis : la démesure et la folie du film n'excusent pas tout. En tout cas c'est le genre de trucs qui me gênent quand même beaucoup sur le plan déontologique. La "vision" de l'artiste, s'appelle-t-il Michael Cimino ou Coppola, n'est plus sacrosainte à ce moment-là. La séquence du sacrifice de la vache dans le Coppola est importante puisqu'elle marque la ritualisation primitive de la mort qui s'abat en parallèle sur le demi-dieu Kurtz ; en ce sens il y a un vrai intérêt pour le récit, ce n'est pas juste gratuit. Mais vu le budget du film ils auraient pu faire une reproduction sculptée. Ça n'aurait strictement rien changé. Coppola n'a pas fait son film dans une optique documentaire, contrairement à celui d'Olmi ou de Deodato dans un autre genre. Le montage aurait fait l'illusion. D'ailleurs, j'ai longtemps cru que c'était une fausse vache, parce que lorsque les machettes s'abattent, tout a l'air très propre, truqué.
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Re: Ermanno Olmi

Message par Jack Carter »

Du 25 fevrier au 17 avril, retrospective à la Cinematheque Française.

Bruce, on compte sur toi pour faire vivre le topic pendant cette periode ! :D :mrgreen:
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Re: Ermanno Olmi

Message par NotBillyTheKid »

Whooooooooooooooo-Hoooooooooooooooooooooooo !

(Bon, je n'habite pas à Paris, mais si ça peut entraîner des rééditions...)
Quand on pense que Les Fiancés n'est jamais sorti en France alors que c'est un P**** de chef d’œuvre...
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Re: Ermanno Olmi

Message par bruce randylan »

Jack Carter a écrit :Du 25 fevrier au 17 avril, retrospective à la Cinematheque Française.

Bruce, on compte sur toi pour faire vivre le topic pendant cette periode ! :D :mrgreen:
Hé hé hé :)
(même si Oshima aura la priorité)
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