House by the river (Fritz Lang - 1950)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

C'est très rare que j'achète un dvd sans avoir vu le film (et encore plus que je le visionne si rapidement). Mais le film et ses compléments étaient très tentants.

Forcément, l'attente étant peut-être trop grande, je suis un peu resté sur ma faim. Probablement en grande partie à cause du rythme globalement trop tranquille du film. Mais à part cela il y a beaucoup de choses fort intéressantes ici. A commencer par le personnage principal, très complexe, dont le profil progresse tout au long du film, passant du presque innocent victime de ses pulsions à un véritable manipulateur calculateur, immoral, etc... Un personnage auquel on peut s'attacher au départ, mais qui devient très vite de plus en plus antipathique, au profit de son frère, personnage dont l'importance croit avec l'avancement du film. Lui est "chevaleresque", éprouve des sentiments plus humains (la culpabilité pour commencer) et fait partie des personnages honnêtes perdus au milieu des autres, plus criticables. C'est ainsi que se dessine un aspect très ambigu du comportement humain, quand on élargit le cercle des personnages principaux aux quelques informations données sur les réactions de la population (qui se fait soa propre idée par les journaux), peut-être personnalisée en quelque sorte par la gouvernante du frère. Une masse maléable, orientable, prète à penser à tout quand on lui offre le petit frisson qu'elle attend.

L'aspect fantastique n'est pas non plus négligeable, bien que plus discret. Le fleuve a une grande importance, et symbolise à la fois le cours du temps et du destin, la Nature (avec ses esprits?), et aussi les pulsions néfastes à l'homme, symbolisées par l'élément de l'eau (la mort qui y est cachée ou qui y flotte, et l'eau de la baignoire qui coule dans les tuyaux et qui donne des idées lubriques au héros).

En repensant à la toute fin, j'aime beaucoup la manière qu'a Lang d'annoncer, en quelque sorte, de mettre en place plus exactement, l'utilisation des rideaux dans le couloir.

Quelques petites réflexions rapides sur ce Lang que j'aurai (j'espère) encore plus de plaisir à redécouvrir dans quelques temps).
A suivre, avec les bonus...
SuperBouffon
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Message par SuperBouffon »

Un peu déçu par ce Lang...il faut bien que ça arrive de temps en temps...le développement de l'intrigue est assez attendu...et les personnages sont un peu caricaturaux...la jeune femme fraiche et naïve...l'artiste torturé cédant à la facilité...le beau-frère juste parmi les justes embarqué dans une affaire qui le dépasse...rien de très neuf sous le soleil...un des moins bon films d'un cinéaste (avec "le secret derrière la porte") que, par ailleurs, je vénère...
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Mister Zob
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Message par Mister Zob »

Le comparatif du Beaver confirme la bonne qualité du transfert vidéo :
http://www.dvdbeaver.com/film/DVDReview ... review.htm
les.photos.dalix
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Message par les.photos.dalix »

House by the river a quelque chose de très brutal, en tout cas dans la narration. Après l'échec du secret derrière la porte, Fritz Lang retourne à une narration plus classique: dépourvue de flash back et qui va souvent très rapidement à l'essentiel. Le meurtre arrive brusquement dès le début du film. Il me semble que c'est l'un des films les plus "apres" de Fritz Lang, et le personnage principal illustre bien cette idée. Je ne sais pas si c'est dit dans les bonus, mais au départ Fritz Lang prévoyait une actrice noire pour incarner le personnage de la servante assassinée, la production n'a pas accepté. Ce qui est étonnant c'est que Fritz Lang évoque un autre sujet brulant dans l'Amérique puritaine de la fin des années 40 avec le caractère hautement "immoral" que revêt la relation liant le frère de l'écrivain et sa femme, il y a de l'inceste dans l'air... Le film est noir jusqu'au bout mais contrairement à la rue rouge ou à la femme au portrait, il ne s'agit pas ici de desespoir mais d'une cruauté... Personne n'est sauvé mais il n'y a même pas de pathétique dans ce constat, comment jugez vous le film sous cet angle?
( Pierre Rissient oui c'est un monsieur important, il semblerait que c'est lui qui ait donné l'idée à clint eastwood de realiser un versant japonais à mémoires de nos pères)
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gnome
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Message par gnome »

les.photos.dalix a écrit :Je ne sais pas si c'est dit dans les bonus, mais au départ Fritz Lang prévoyait une actrice noire pour incarner le personnage de la servante assassinée, la production n'a pas accepté.
Oui, c'est dit dans les bonus...
Ce qui est étonnant c'est que Fritz Lang évoque un autre sujet brulant dans l'Amérique puritaine de la fin des années 40 avec le caractère hautement "immoral" que revêt la relation liant le frère de l'écrivain et sa femme, il y a de l'inceste dans l'air...
C'est plutôt de l'adultère... :wink:
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Fhacha
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Message par Fhacha »

J'avais tellement envie de voir House by the River que mon avis après coup était totalement disproportionné.

Avec un peu de recul, sans être majeur House by the River permet à Lang d'expérimenter ou de jouer avec sa mise en scène à mort. Et puis ç'est toujours intéressant de découvrir un Lang, chaque film prolonge une idée de sa vie (le meurtre qu'il a ou non commis) ou de M, l'idée de folie meurtrière.
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Watkinssien
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Message par Watkinssien »

Dieu sait qu'il est méconnu celui-là !

Bon, ce n'est pas un Lang majeur, il a déjà tourné des thrillers biens plus profonds et bien meilleurs.

Mais ne boudons pas le plaisir que procure ce thriller mené de main de maître par un Lang toujours soucieux de s'interroger sur cette culpabilité tenace qui émane dans nombre de ses films.

Une excellente contribution pour un film efficace et intègre, honnête et scrupuleux.
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Alligator
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Message par Alligator »

Hébé... Damned je me sens seul.
Parce que moi, j'ai marché à fond... 9/10

Wouah!! Ya pas à dire, mon vieux, ce gars-là, il est terrible! Fritz ne cesse de m'épater et mérite d'être classé parmi les plus grands.
Je ne m'attendais pas à ce que ce petit film oublié, même pas distribué en France à sa sortie, puisse recéler autant de petits moments de pûr bonheur cinématographique. Certains plans sont à tomber, d'une solidité incroyable.
Un film noir comme je les aime, doté d'une mise en scène impeccable... doux euphémisme, tant elle brille de mille ombres et lumières, entre cette maison scène de théâtre où les personnages se heurtent à leurs démons intérieurs révélés par le manque d'éclairage ou les ténèbres des pas de portes et des escaliers, ou alors ces extérieurs hostiles jusque dans les cieux révélateurs par une lune pleine qui produit des éclairs de lumière afin de personnifier dans le reflet de l'eau ou l'éclat des poissons la peur et l'attirance camouflée du sentiment de culpabilité.
La mise en scène parvient avec une très grande habileté à dire en peu d'images et de gestes ce que les personnages ne peuvent pas dire avec des mots. L'économie du dit majore superbement la scénographie orchestrée par Lang. Somptueux.
On pouvait s'imaginer devant le casting proposé une qualité de jeu au mieux banale ou classique. Dans une certaine mesure, Jane Wyatt et plus sûrement Lee Bowman peuvent prétendre à cet ordinaire, mais pas du tout en ce qui concerne la prestation remarquable de Louis Hayward qui m'a transporté d'ébahissement. Estupendo!

Un film noir réussi, à l'atmosphère parfaitement enivrante, moite, captivante. Bref, un petit grand chef d'oeuvre.

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bogart
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Message par bogart »

Belle découverte hier soir de ce film rare du réalisateur allemand. Esthétique visuel, photographie léchée, décor baroque, c'est l'impression que l'on ressent à la vision de House by the River. L'aspect onirique, voire parfois fantastique donne à ce drame banal de par son histoire une force émotionnelle... L'utilisation du fleuve comme personnage fort m'a souvent fait songer au film de Charles Laughton "La Nuit du chasseur' tourné quelques années plus tard.
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Ben Castellano
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Message par Ben Castellano »

Film trés troublant sur la création, les pulsions et la démence criminelle... J'ai l'impression que c'est un ouvrage assez personnel de la part de Fritz Lang et ça en fait un film un peu à part dans sa filmographie je trouve (pas basé tant que ça sur la culpabilité en fin de compte mis à part le personnage moins intéressant du frère... et assez peu parano aussi). On ne peut s'empécher de penser que le réalisateur puisse avoir lui-même tué sa propre épouse. Le début est absolument magistral tout comme l'esthétique du film et de nombreux plans. La pesanteur symbolique de la rivière n'est pas tant appuyé que ça et beaucoup d'humour font respirer ces scènes. En vérité, les scènes en intérieur sont beaucoup plus angoissantes. Mais j'avoue que le scenario un peu lâche et les scènes de tribunal, comme le final qui laisse méditatif, atténuent pas mal la portée du film. Louis Hayward en fait pas mal des caisses aussi. Du coup je trouve l'oeuvre importante dans sa filmo et parfois trés forte, mais pas toujours convaincante.
angel with dirty face
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Re: House by the River

Message par angel with dirty face »

La première heure est absolument réussie au point que je me suis demandé si le film n'allait pas entrer dans mon panthéon personnel des œuvres de Fritz Lang. Malheureusement la dernière partie est faible, et je trouve la fin complètement bâclée. Comme pour Beyond A Reasonable Doubt (1956) dont je n'ai jamais compris le choix de la fin, je me demande si Fritz Lang n'était pas victime des projections-test... A noter que Louis Hayward est sublime!
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Lee Bowman & Louis Hayward
Le DVD Wild Side vaut le détour pour le film (parce que même si je n'aime pas la fin, c'est un bon film) mais aussi pour les bonus comme cet entretien entre Fritz lang et William Friedkin...
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Sybille
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Re: House by the river (Fritz Lang - 1950)

Message par Sybille »

Découvert grâce au dvd sorti en 2007, un film que je revois toujours avec beaucoup de plaisir et d'intérêt. :P

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House by the river
Fritz Lang (1950) :

Fritz Lang réussit une fois de plus à me convaincre de la beauté et de la singularité de ses films. "House by the river", film méconnu, est en effet une très belle réussite. Le thème de "monsieur tout le monde", (ici un écrivain de province), qui se fait brutalement meurtrier sous le coup d'un hasard malheureux, reste toujours très fort. Le tout est admirablement mis en scène par Lang qui, grâce à sa maîtrise des outils cinématographiques, donne à son film un cachet immanquablement sinistre et délétère.
La scène du meurtre, suivie de celles montrant la panique puis la dissimulation du corps par le meurtrier et son complice, sont en ce sens parfaites. L'obscurité, l'effacement progressif de la lumière sont bien sûr essentiels. Lang souligne ainsi la présence du danger, son immatérialité, l'angoisse qui naît alors dans les esprits. Les passages au tribunal sont toujours délicats, mais le réalisateur s'en sort avec assurance, ménageant le suspense et n'hésitant pas à faire preuve de quelques traits d'humour.
La figure du meurtrier prend de plus en plus d'ampleur dramatique au fur et à mesure de l'avancée du film. Elle montre un homme en proie à un sentiment irrépressible de crainte, celui d'être démasqué, mais qui se transforme peu à peu en un être froid, retors et calculateur. Lang est toujours excellent lorsqu'il montre le basculement de destins ordinaires, l'emprise invisible mais réelle de la société sur l'individualité de chacun. Les personnages se perdent et finissent souvent par succomber.
Il est d'ailleurs étonnant de constater à quel point les films de Lang sont souvent pourvus de "fins heureuses", si peu en accord avec le pessimisme du reste du film. Des fins convenues, soi-disant imposées par la morale des studios de l'époque, mais qui paradoxalement donnent encore plus d'éclat à l'univers mortifère de Fritz Lang. 7/10
jacques 2
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Re: House by the river (Fritz Lang - 1950)

Message par jacques 2 »

J'avais acheté le collector Wildside voici déjà quelques années ...

Comme je suis dans une période Lang ("la femme au portrait" et "la rue rouge" vus ces deux derniers jours), je me suis décidé à découvrir ce Lang peu connu ...

Visuellement somptueux et thématiquement troublant (pour les raisons d'ordre biographique désormais bien connues du réalisateur) : on sent une évidente continuité avec les 2 films précités au travers de la culpabilité, de la paranoïa permanente et de l'ambiance mortifère du film ...

Ce que j'ai le moins apprécié : les personnages de l'épouse et du frère - un peu trop propres sur eux à mon goût - et surtout, surtout cette fin "plaquée" en deux coups de cuiller à pot avec ce retour improbable qui permet un happy end plus qu'inattendu : malvenu ...
Même si j'ai apprécié la coloration "fantastique" de ce dénouement (le rideau justicier ...), il dénote vraiment beaucoup trop avec ce qui a précédé ...

Néanmoins, un très bon film - magnifiquement réalisé - mais pas au niveau d'excellence des deux précités.
Un Lang moyen demeurant évidemment un très grand spectacle... :)
Tancrède
J'suis un rebelle, moi !
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Re: House by the river (Fritz Lang - 1950)

Message par Tancrède »

le frère a envie de se taper l'épouse de son frère, il n'est pas propre du tout.
jacques 2
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Re: House by the river (Fritz Lang - 1950)

Message par jacques 2 »

Tancrède a écrit :le frère a envie de se taper l'épouse de son frère, il n'est pas propre du tout.

On est un peu dans la rhétorique mais pourquoi pas ?

A ce compte là, personne n'est propre puisque nous nourrissons tous des désirs plus ou moins inavouables : ce qui fait que quelqu'un est "propre" ou "moral", c'est de pouvoir résister à des pulsions pourtant fortes ...

Donc l'envie seule ne saurait suffire à définir quelqu'un comme immoral, il me semble ... :|
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