Soy Cuba (Mikhail Kalatozov - 1964)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Fatalitas
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Message par Fatalitas »

-Kaonashi Yota- a écrit : Ce n'est pas spécialement inaccessible, mais il faut accrocher. Perso, le film m'ennuie même si je sais l'apprécier.Par contre, à ta dernière question, c'est non.
c'est exactement ce que j'ai ressenti :rien à dire sur la forme, tres bel objet de cinema mais sur le fond, quel ennui quand meme.
Comme je l'ai deja dit, une curiosité plus qu'un chef d'oeuvre.
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-Kaonashi-
Tata Yuyu
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Message par -Kaonashi- »

J'avais déjà vu le film, avec beaucoup d'ennui ; mais je me suis décidé hier à aller le revoir (merci Tuck !), dans de meilleures conditions.

Donc à peu près la même impression que la première fois, avec un peu moins d'ennui, mais ça reste long, oui. La post-synchro est effectivement mauvaise, mais le film m'a l'air d'avoir été tourné en muet, sans son direct. C'est sûr que pour la première partie avec les Américains, ça accentue encore plus la caricature (juste mais un peu ridicule) et la rend insupportable à mes yeux.
Malgré des plans magnifiques, la première partie ne m'intéresse pas toujours. Ce plan-séquence de fou qui termine dans la piscine est impressionnant techniquement mais pas très intéressant. Par contre les plans dans les bas quartiers, lorsque Maria/Betty ramène l'Américain chez elle, sont magnifiques et rappellent l'expressionnisme, le néo-réalisme, et le cinéma soviétique évidemment.
La seconde partie est celle que je préfère, malgré sa lenteur. Le réalisateur offre des vues magnifiques et totalement en raisonnance avec l'humeur mélancolique et rageuse du vieil homme.
La troisième partie est également très bien, et se termine, grandiose, avec un plan-séquence vraiment surprenant et magnifique ; le cortège funèbre (funéraire ?) acquiert ainsi une autre ampleur.
La quatrième partie est un peu longue, et en dehors de la scène de guerre, je n'en retiens pas grand chose.
Et je ne parle même pas du travail très particulier sur le son.

Donc en gros, même si je ne suis pas totalement convaincu par ce film de propagande raté - mais film expérimental réussi -, Soy Cuba reste un étrange objet filmique à voir absolument.
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Billy Budd
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Message par Billy Budd »

fatalitas a écrit :
-Kaonashi Yota- a écrit : Ce n'est pas spécialement inaccessible, mais il faut accrocher. Perso, le film m'ennuie même si je sais l'apprécier.Par contre, à ta dernière question, c'est non.
c'est exactement ce que j'ai ressenti :rien à dire sur la forme, tres bel objet de cinema mais sur le fond, quel ennui quand meme.
Comme je l'ai deja dit, une curiosité plus qu'un chef d'oeuvre.
C'est aussi ce que j'ai ressenti; le mysticisme est à mettre sans doute sur le côté russe quoiqu'il était 100 fois plus présent dans L'arche russe
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Re: "Soy Cuba" de Kalatozov (1964)

Message par Holly Golightly »

J'avais déjà vu le début de ce film quand je l'avais enregistré sur Arte lors de sa diffusion, et j'étais restée très intriguée. J'ai donc profité de sa sortie sur les (grands) écrans pour le revoir, et j'avoue beaucoup aimer.

Première remarque : on comprend tout de suite pourquoi le film n'a pas plu à ses commanditaires, car comme film de propagande, on fait plus efficace. Il apparaît en effet très nettement que Kalatozov est bien plus intéressé par les possibilités d'expérimentation formelle que lui offre ce film que par le message politique à transmettre. C'est peut-être pour cela que les allusions propagandistes jamais fort subtiles ne me dérangent pas vraiment. Pour moi, le film se caractérise essentiellement par une forme d'onirisme (presque cauchemardesque à certains moments, paradoxe très intéressant) et une poésie visuelle hallucinante.

J'avoue ne pas savoir interpréter cette récurrence des visages, des plans filmés en oblique, en contre-plongée également, de ces déformations "grand-angulaires" de nombreux plans : selon vous, cela peut relever uniquement d'une volonté esthétique, sans message métaphorique ou symbolique ? Toujours est-il que les images en acquièrent une puissance incroyable.
J'adore également la photo, saturée, d'une luminosité éblouissante (ah les champs de canne à sucre presque blancs), qui m'évoque souvent la lumière si belle des films muets, et les contrastes très forts qui eux me font plus penser aux films expressionnistes. Si j'ai été très impressionnée et très touchée par la beauté du plan qui suit les funérailles de l'étudiant, j'ai été aussi éblouie par ce plan où Betty et l'Américain vont chez elle : après avoir traversé la flaque d'eau, ils disparaissent complètement dans l'obscurité alors que leurs silhouettes sont toujours reflétées sur la flaque.
Quant à la bande-son, je la trouve magnifique : le travail sur la concordance des sons, toujours très singuliers (le rythme lancinant du pilon de la paysanne dans le dernier sketch, les machettes sur les cannes à sucre...), est vraiment admirable. Et puis il y a ce "Soy...Cuba", cette belle voix latine, vraiment fascinante, à l'image de ce film unique...
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Roy Neary
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Re: "Soy Cuba" de Kalatozov (1964)

Message par Roy Neary »

Holly Golightly a écrit :. J'avoue ne pas savoir interpréter cette récurrence des visages, des plans filmés en oblique, en contre-plongée également, de ces déformations "grand-angulaires" de nombreux plans : selon vous, cela peut relever uniquement d'une volonté esthétique, sans message métaphorique ou symbolique ? Toujours est-il que les images en acquièrent une puissance incroyable.
C'est typique du cinéma russe des anbées 20. Les images des personnages en forte contre-plongée et filmés en courte focale ont pour fonction de leur donner un port altier et de les transformer en icones de la classe populaire (ou agricole). Ce type de plans a ensuite été repris dans toutes les cinématographies.

Pour ce qui est de la propagande, il faut se remettre dans le contexte et ne pas juger en fonction de ce qu'est devenue Cuba des années après la révolution.
Cuba était le bordel des USA (revoyez Le Parrain II par exemple) et l'île était sous la coupe d'un dictateur sanguinaire totalement à la coupe des grandes industries des Etats-Unis. La révolution cubaine était une révolution soutenue par tout un peuple pressé d'en finir avec les crimes, les vexations, l'analphébétisme, l'injustice et la profonde misère. De grands progrès dans le social comme dans l'enseignement ont vu le jour. Malheureusement, comme tout pays se dotant d'un gouvernement basé sur une doctrine totalitaire, Cuba est vite devenue une dictature. La faute est également celle des USA à qui Castro tendait la main au tout début avant de se retourner vers Khroutchev.
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Holly Golightly
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Re: "Soy Cuba" de Kalatozov (1964)

Message par Holly Golightly »

C'est typique du cinéma russe des anbées 20. Les images des personnages en forte contre-plongée et filmés en courte focale ont pour fonction de leur donner un port altier et de les transformer en icones de la classe populaire (ou agricole). Ce type de plans a ensuite été repris dans toutes les cinématographies.
Merci beaucoup pour ces petites précisions qui éclairent grandement ma lanterne. Je n'ai jamais vu un seul film soviétique - à mon grand regret et à ma grande honte :oops: -, donc forcément, je ne pouvais pas faire de lien. D'ailleurs - est-ce une erreur de ma part ? -, je lie Soy Cuba pour sa "construction" (terme générique qui n'exprime pas vraiment ce que je veux dire) à Paisa de Rossellini. C'est possible que Kalazotov s'en soit nourri ?

En tout cas, j'ai Quand passent les cigognes chez moi, je pense le voir très prochainement. Sinon, par quels films soviétiques puis-je rattraper mon retard en cette matière ? :)

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Message par Jordan White »

Euh, les films de Tarkovksi ( L'enfance d'Ivan pour commencer), de Eisentein ( Le Cuirassé Potemkin), plus récents, les films de Mikhalkov ( Soleil Trompeur, Urga, Le Barbier de Sibérie), les films de Lounguine ( La Noce), etc...
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Message par Rockatansky »

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Message par Billy Budd »

Jordan White a écrit :Euh, les films de Tarkovksi ( L'enfance d'Ivan pour commencer), de Eisentein ( Le Cuirassé Potemkin), plus récents, les films de Mikhalkov ( Soleil Trompeur, Urga, Le Barbier de Sibérie), les films de Lounguine ( La Noce), etc...
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Message par Jordan White »

Nikita a écrit :
Jordan White a écrit :Euh, les films de Tarkovksi ( L'enfance d'Ivan pour commencer), de Eisentein ( Le Cuirassé Potemkin), plus récents, les films de Mikhalkov ( Soleil Trompeur, Urga, Le Barbier de Sibérie), les films de Lounguine ( La Noce), etc...
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Pourquoi pas Le Barbier de Sibérie ?
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Message par Billy Budd »

Jordan White a écrit :
Nikita a écrit :
Pas Le barbier de Sibérie - les deux autres OK, Les yeux noirs aussi dans une moindre mesure
Pourquoi pas Le Barbier de Sibérie ?
Car malgré quelques séquences réussies, je trouve ce film boursouflé, mal foutu, pas très bien joué - Menshikov est un acteur immense mais non désolé il ne fait pas cadet de 18 ans - putassier et j'en passe, bref rien à voir avec la Russie (Mikhalkov s'est totalement décrédibilisé avec ça)
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Message par Tuck pendleton »

Dès les premières minutes on comprend pourquoi le film est sorti des tiroirs malgré son idéologie propagandiste. Soy Cuba est visuellement epoustouflant, une utilisation du noir et blanc de toute beauté, des mouvements de caméra , des cadrages, des plans séquences d'une excellence presque continuel. Une performance formelle qui aide presque à oublier les véléhités politiques. Pour autant on ne regarde pas le film comme un bel objet esthétique creux mais plus comme un tableau ou une pièce de musée. Je perçois le film comme un équivalent cinématographique à la peinture et le découpage en scketches recelant pour chacun d'eux d'assez long plan séuqence renforce cette impression. Même si il y a manichéisme les personnages, par la mise en scène, acquiert une forme et une beauté iconographique qui appellent à l'émotion. La mort de l'étudiant, du paysan, la foule de manifestant luttant contre la police, la jeune fille des bidons ville se prostituant font partie des préoccupations universelles et humaine et la réalisation leur donne toute leur amplitude et leur signification.
Les limites du film c'est qui ne dévelloppe pas grand chose et on se retrouve avec un absence quasi-totale de narration, le film devient un peu long. La morale de toutes ces histoires étant connue et peu interessante.

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Message par Tuck pendleton »

il y a un plan séquence imposible dans ce film et je n'arrive pas à savoir comment ils l'ont réalisé.

La caméra est en hauteur en train de suivre une foule de manifestant puis passe par la fenêtre d'un immeuble ou travaille des rouleurs de tabac. on ressort par une autre fenêtre et la caméra flotte au dessus de la foule :shock:
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-Kaonashi-
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Message par -Kaonashi- »

Tuck pendleton a écrit :il y a un plan séquence imposible dans ce film et je n'arrive pas à savoir comment ils l'ont réalisé.

La caméra est en hauteur en train de suivre une foule de manifestant puis passe par la fenêtre d'un immeuble ou travaille des rouleurs de tabac. on ressort par une autre fenêtre et la caméra flotte au dessus de la foule :shock:
Comme dans le plan-séquence ouvrant la dernière partie (la caméra est en léger contre-plongée et "tombe" lentement vers le "maquisart" poursuivi par les chiens), on voit assez clairement deux câbles parallèles en haut de l'écran lors de la dernière partie du plan-séquence dont tu parles.
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Alphonse Tram
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Message par Alphonse Tram »

Impossible de mettre la main sur ce film en dvd !
Il n'est pas référencé sur Ruscico
Quelqu'un a t'il un lien ?
Merci d'avance

Tram
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