The Shop Around the Corner (Ernst Lubitsch - 1940)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Roy Neary
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The Shop Around the Corner (Ernst Lubitsch - 1940)

Message par Roy Neary »

Voilà bien un film qui manquait à notre site !
La beauté, la bonté, la finesse, l'élégance, la justesse et la lucidité maline du grand Ernst Lubitsch se dégustent dans ce joyau de la comédie américaine. Pour nous en parler, le lettré AlexRow Image vous invite à lire sa chronique.

:arrow: The Shop Around the Corner
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Jeremy Fox
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Re: The Shop Around the Corner

Message par Jeremy Fox »

Roy Neary a écrit : La beauté, la bonté, la finesse, l'élégance, la justesse et la lucidité maline du grand Ernst Lubitsch se dégustent dans ce joyau de la comédie américaine.
Pas mieux.
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MJ
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Message par MJ »

J'avais déjà cherché une chronique de ce film, donc merci Alex Row.
Peut-être le film auquel le terme "délicatesse" sied le plus à merveille.
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Boubakar
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Message par Boubakar »

Un des films les plus drôles de l'univers tout entier !!
Superbe critique d'Alex Row :wink:
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Boubakar a écrit :Un des films les plus drôles de l'univers tout entier !!
Je ne trouve justement pas. Lubitsch a au contraire trouvé le juste équilibre entre rire et émotion et c'est ce qui en fait sa spécificité et l'une des comédies les plus réussies qui existe à mon goût. Non pas parce qu'elle est la plus drôle (Lubitsch lui même fera beaucoup plus drôle avec To be or not to be, La 8ème femme de Barbe bleue et j'en passe) mais la plus humaine, celle pour laquelle on ressent le plus d'empathie envers les personnages. C'est ce qui fait aussi que je prend plus de plaisir à des comédies comme celle-ci, New York Miami ou encore La Garçonnière qu'à n'importe quelle 'Screwball', sous-genre de la comédie qui ne me fait rire en général qu'une seule fois, le comique s'évaporant une fois l'effet de surprise passée et leur rythme frénétique me fatiguant assez vite. Je sais très bien que ce n'est pas le cas pour tout le monde mais c'est en tout cas l'effet que les 'Screwball' ont sur moi.
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Message par Strum »

Un joyau de finesse et de tendresse, comme il a été dit plus haut. Belle chronique. En revanche, dans la droite ligne du post précédent de Jérémy mais en allant encore plus loin, je diras que The Shop Around the Corner n'est pas une comédie. C'est un film où l'ironie masque une réalité sociale peu reluisante, où la gaité n'est autre que la forme que prennent l'élégance et la pudeur pour nous décrire une vie; et c'est sous cet aspect-là que le génie cinématographique de Lubitsch est presque sans égal : Lubitsch est un Janus qui nous fait voir la réalité (quelque soit le milieu choisi) aussi bien que son idéalisation cinématographique forcée par l'humour. Et si dans The Shop Around the Corner, l'équilibre entre la réalité et cette idéalisation penche du côté de la première plus que de coutume, c'est sans doute parce que Lubitsch y parlait de ce qu'il connaissait mieux que la haute société américaine.

A noter pour les parisiens que son muet L'Eventail de Lady Windermere sorti à l'Action Christine est une merveille.
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AlexRow
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Message par AlexRow »

MJ a écrit :J'avais déjà cherché une chronique de ce film, donc merci AlexRow.
Boubakar a écrit :Superbe critique d'AlexRow :wink:
Strum a écrit :Belle chronique.
Merci :)
En revanche, dans la droite ligne du post précédent de Jérémy mais en allant encore plus loin, je diras que The Shop Around the Corner n'est pas une comédie. C'est un film où l'ironie masque une réalité sociale peu reluisante, où la gaité n'est autre que la forme que prennent l'élégance et la pudeur pour nous décrire une vie; et c'est sous cet aspect-là que le génie cinématographique de Lubitsch est presque sans égal : Lubitsch est un Janus qui nous fait voir la réalité (quelque soit le milieu choisi) aussi bien que son idéalisation cinématographique forcée par l'humour.
Tout en s'entendant sur la valeur intrinsèquement humaniste de l'oeuvre (plus humaniste que sociale d'ailleurs) et sur sa profondeur, lui retirer son statut de comédie ma paraît cependant cruel. Le cahier des charges est brillamment respecté et les scènes drôles sont légion.
Et si dans The Shop Around the Corner, l'équilibre entre la réalité et cette idéalisation penche du côté de la première plus que de coutume, c'est sans doute parce que Lubitsch y parlait de ce qu'il connaissait mieux que la haute société américaine.
C'est ce que je pense aussi. En lisant les éléments biographiques réunis par Hans Helmut Prinzler sur la jeunesse de Lubitsch, je n'ai pas pu m'empêcher de faire des rapprochements avec le personnage de Kralik. Quant à l'atmosphère de la boutique, est-elle une résurgence idéalisante et nostalgique de la boutique paternelle ? Peut-on aller jusqu'à voir dans le personnage d'Hugo Matuschek une figure de substitution à ce père ?
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Message par Strum »

AlexRow a écrit :Tout en s'entendant sur la valeur intrinsèquement humaniste de l'oeuvre (plus humaniste que sociale d'ailleurs) et sur sa profondeur, lui retirer son statut de comédie ma paraît cependant cruel. Le cahier des charges est brillamment respecté et les scènes drôles sont?
Tu as raison, le terme social n'était pas heureux. Maintenant, s'agissant de ce statut de comédie, je préférerais dire que The Shop est autre chose qu'une comédie plutôt que de dire que je lui "retire" ce statut, le verbe retirer étant par trop péjoratif. Les scènes drôles sont légions, dis-tu, mais elles sont toujours en creux imprégnées d'une mélancolie profonde, de la nostalgie d'un homme se penchant sur sa jeunesse (je suis d'accord avec toi pour Matuschek, que je perçois aussi dans ses élans soudains comme une figure paternelle). Je vois là plus une tendre ironie que de la drôlerie et c'est pour moi ce qui fait le prix de ce film.
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Message par AlexRow »

Strum a écrit :s'agissant de ce statut de comédie, je préférerais dire que The Shop est autre chose qu'une comédie plutôt que de dire que je lui "retire" ce statut, le verbe retirer étant par trop péjoratif.
Donc quelque chose de plus qu'une comédie ? C'est vrai. Mais après tout, il me semble que la comédie a toujours été un vecteur privilégié pour faire passer d'autres émotions. Même les comédies burlesques d'un Mack Sennett sont, au-delà des gros gags et des bathing beauties, des satires de la répression et de l'inégalité sociale.
Les scènes drôles sont légions, dis-tu, mais elles sont toujours en creux imprégnées d'une mélancolie profonde, de la nostalgie d'un homme se penchant sur sa jeunesse (je suis d'accord avec toi pour Matuschek, que je perçois aussi dans ses élans soudains comme une figure paternelle). Je vois là plus une tendre ironie que de la drôlerie et c'est pour moi ce qui fait le prix de ce film.
Je suis d'accord. C'est une oeuvre particulièrement puissante qui réussit une synthèse parfaite.
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Message par Strum »

AlexRow a écrit :Donc quelque chose de plus qu'une comédie ? C'est vrai. Mais après tout, il me semble que la comédie a toujours été un vecteur privilégié pour faire passer d'autres émotions. Même les comédies burlesques d'un Mack Sennett sont, au-delà des gros gags et des bathing beauties, des satires de la répression et de l'inégalité sociale.
Pas forcément quelque chose de "plus" non plus. :) Quelque chose de différent, un pont vers autre chose, un autre cinéma. Et si j'en juge également par Le Ciel peut attendre, autre bijou nostalgique faisant les yeux de chimène au passé, je me dis que cette veine mélancolique aurait peut-être fini par prendre le dessus chez Lubitsch sur sa veine comique s'il avait vécu plus vieux. C'est peut-être le lot de tous les exilés de ressentir avec l'âge cette nostalgie de son autre vie, que l'on retrouve dans d'autres films qui me sont chers.
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Message par AlexRow »

Strum a écrit :Quelque chose de différent, un pont vers autre chose, un autre cinéma. Et si j'en juge également par Le Ciel peut attendre, autre bijou nostalgique faisant les yeux de chimène au passé, je me dis que cette veine mélancolique aurait peut-être fini par prendre le dessus chez Lubitsch sur sa veine comique s'il avait vécu plus vieux.
Question très intéressante. En quelque sorte, il se serait plus révélé avec l'âge ? Pourquoi pas. Remarquons que si Lubitsch a toujours été assez libre dans son travail à la Paramount, ce tournant correspond à un moment où il était devenu plus indépendant dans la chaîne de production.
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AlexRow a écrit :Question très intéressante. En quelque sorte, il se serait plus révélé avec l'âge ? Pourquoi pas. Remarquons que si Lubitsch a toujours été assez libre dans son travail à la Paramount, ce tournant correspond à un moment où il était devenu plus indépendant dans la chaîne de production.
Je ne sais pas si l'on peut parler de "révélation" ; je parlerais plutôt d'"évolution". Chacun vit en réalité plusieurs vies successives. Mais dans chacune de ses vies, chacun est soi-même et en même temps différent par rapport à sa "vie" précédente. Sinon, tu as certainement raison de souligner son indépendance accrue à cette époque.
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Message par MJ »

Jeremy Fox a écrit : Lubitsch a au contraire trouvé le juste équilibre entre rire et émotion et c'est ce qui en fait sa spécificité et l'une des comédies les plus réussies qui existe à mon goût.
Tout à fait.
Un peu à la manière d'un Jackie Brown, c'est une oeuvre qui sous couvert de légéreté, cache une vraie mélancolie. La comparaison s'arrête là, sinon que ce sont deux de mes films préférés et qu'ils sont tous deux empreints d'une grande tristesse.
Il y a une sorte de paradoxe dans l'oeuvre de Lubitsch entre une vision franchement noire de l'existence et une volonté d'y croire quand même (comme le dit Alex Row, seule solution face à l'absurde, posséder un sens de l'humour à toute épreuve). On perçoit bien la vanité des personnage de The Shop Around The Corner, on sait que ce sont des bonheurs illusoires, mais pourquoi leur enlever encore ça? Chez Lubitsch un geste, un regard, en font plus que de grandes entreprises. Dans sa démarche on rejoint un peu l'aphorisme de Nietzsche: "Alignez dix philosophes: celui qui rit, c'est le bon."
C'est un film doux, sensible, très drôle, mais dont on sort avec le sentiment que chaque sourire cache une histoire triste.
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Très bien dit MJ :wink:
MJ a écrit :Dans sa démarche on rejoint un peu l'aphorisme de Nietzsche: "Alignez dix philosophes: celui qui rit, c'est le bon."
Je veux bien la référence de cette citation :)
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AlexRow a écrit :Je veux bien la référence de cette citation :)
Ecce Homo. Sauf légère marge d'erreur.
"Personne ici ne prend MJ ou GTO par exemple pour des spectateurs de blockbusters moyennement cultivés." Strum
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