Ingmar Bergman (1918-2007)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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gnome
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par gnome »

Est-ce que les BR dans le coffret du Septième sceau et de La source sont identiques aux éditions "collectors" sorties en individuel ?
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Kevin95
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par Kevin95 »

FANNY ET ALEXANDRE (Fanny och Alexander) - Ingmar Bergman (1982) révision

Serais-je sur le point de me réconcilier avec Ingmar Bergman ? Réponse dans les prochains numéros, en attendant la révision de Fanny et Alexandre m'a permis de revenir sur un avis négatif et expéditif, exprimé aux premières heures de ma cinéphilie. Découvert trop tôt, le film (comme les quelques autres du suédois) m'avait laissé froid, pire, il n'a jamais passé la demi-heure sans que je somnole, victime de ma fatigue pré-adolescente. Des années ont passé, des poils sur le menton ont poussé et à l'occasion d’une diffusion télé j'ai sauté le pas et me suis (re)coltiné son film certes le plus chaleureux, mais pas le plus court. Malgré un flottement aux trois-quarts du métrage (en gros la partie fantastique, trop froide et abscons), l'Amarcord de Bergman fut un régal. La mise en scène est royale mais ça, rien de très original, mais surtout le destin du petit Alexandre est touchant sans être larmoyant. D'abord spectateur du monde adulte, le gamin deviendra grand et se posera en acteur de premier plan, par envie mais aussi par obligation. Un beau-père tyrannique et le jeune deviendra jeune homme, tiendra tête à son tyran et trouvera refuge chez un ami de la famille, non pas le marchand juif mais l'imaginaire. Costaud et passionnant, on verra si les autres opus d'Ingmar trouveront grâce à mes yeux de cancre.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Jeremy Fox
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par Jeremy Fox »

Avec dix jours d'avance, le distributeur Mary-X célèbre le centenaire de la naissance d'Ingmar Bergman en ressortant en salle L'Oeuf du serpent
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Alexandre Angel
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par Alexandre Angel »

Jeremy Fox a écrit :Avec dix jours d'avance, le distributeur Mary-X célèbre le centenaire de la naissance d'Ingmar Bergman en ressortant en salle L'Oeuf du serpent
Youpi! Rien de tel que L'Œuf du serpent pour commencer l'été dans le rire et la bonne humeur :D
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Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Thaddeus
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par Thaddeus »

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La prison
Le premier film dont Bergman est l’auteur intégral contient deux séquences mémorables : un étonnant pastiche du burlesque primitif et une séquence de rêve qui glisse vers le cauchemar. Le sang, le désespoir, le brouillard et autres lieux communs du cinéma nordique y sont retournés comme une vieille veste et activent une réflexion sur le statut même de la création et de ses mécanismes baroques (automates, boîtes à musique, surimpressions, brouillage onirique). Avec Pirandello, l’auteur partage le secret de confondre dans l’inextricable le passé et le présent, le monde et sa représentation. Comme Breton, il sait au cœur de la réalité discerner ce qui la transcende. De Sartre enfin, il trouve une prise directe sur l’existence qui lui fait traiter en naturaliste les plus graves et métaphysiques des questions. 4/6

Jeux d’été
À l’occasion d’un retour sur les lieux d’une idylle estivale et adolescente, marquée d’un drame dont elle peine à s’affranchir, une ballerine se souvient. L’occasion pour Bergman de faire jouer certains ressorts propres au nevermore suédois, et d’allier dans un même mouvement de joie et de mélancolie les beautés volatiles d’une saison vécue dans une euphorie passagère – jusqu’à la mort qui survient, dont le souvenir empêche de vivre, et dont la catharsis surviendra lors d’une scène de miroir en coulisse. Tourné sur les îles situées au large de Stockholm, le film capte avec douceur et gravité la cristallisation d’un jeune couple, ses exigences, ses querelles, dans un climat de suavité en accord avec la fraîcheur lumineuse de Maj-Britt Nilsson, faite d’été et de soleil, d’eau et de caresses – notre premier amour. 4/6

L’attente des femmes
La nostalgie de la jeunesse et des amours passées et leur pendant amer, la solitude, ont ici une importance cruciale. Car la situation de ces cinq femmes, dont les aléas sentimentaux sont racontés en flash-backs, est métonymique de leur vie quotidienne : toujours attendre le retour des hommes. D’un récit à l’autre, la lumière s’impose pourtant, une ardeur à profiter de l’instant présent avant que ne viennent les blessures inéluctables, une foi en la solidité du couple, par-delà les turbulences, se font jour, jusqu’à la dernière partie résolument comique, légère et pétillante, où une nuit forcée dans un ascenseur favorise le rapprochement complice entre l’héroïne et son époux. C’est bien dans cette clameur de vie, relayée par le charme des actrices et la fluidité radieuse du style, que le film trouve sa beauté. 5/6

Monika
Proche de Jeux d’été dans ses thèmes, ses configurations, son développement, cette œuvre à la sensualité explosive recourt aux prestiges d’un réalisme poétique finissant et exalte à la fois les splendeurs de l’été suédois, les feux éphémères de la passion et l’irrédentisme libertaire de l’escapade amoureuse, en brodant de subtiles variations sur l’incommunicabilité au sein du couple. Il se dégage une vraie tristesse de ce portrait de jeune fille libre, assez inconséquente et égoïste, qui perd son amour et ses illusions le temps d’une aventure passagère, et qui joue l’irréductibilité de son désir contre le conformisme social. On sait qu’Harriet Andersson a beaucoup fait fantasmer à l’époque, et il est vrai que la pure célébration érotique de ce corps demeure aujourd’hui assez frappante. 4/6

La nuit des forains
S’inscrivant dans un sillon expressionniste marqué au travers d’atmosphères lourdes, de jeux de miroirs et de cadrages baroques, Bergman évoque, le temps d’une journée tragique, vicissitudes professionnelles et aléas sentimentaux des membres d’une troupe de cirque fellinienne et miséreuse. Le film s’ouvre sur une stupéfiante séquence allégorique en hors-texte, qui marque de son formalisme distordu et de sa désespérance tout le récit qui la suit : fable sarcastique et cinglante sur le désir souffrant, les illusions du cœur, les rejetés de l’existence et plus largement la place de l’artiste, c’est aussi une méditation douloureuse, au pessimisme à peine éclairé par quelques touches d’ironie noire, sur la crise et la défaite du couple, entre trahisons, doutes et accommodements. 5/6
Top 10 Année 1953

Une leçon d’amour
À ceux convaincus qu’il ne sait faire que de l’austérichiant, Bergman se montre ici capable d’au moins deux choses : faire rire (eh oui) et filmer le bonheur, le vrai. Certes il s’expose à la limite de l’artifice, des effets d’annonce et de la mise en condition, mais sa joie communicative est celle d’un auteur s’abandonnant aux délices d’un registre qu’il croyait hors de sa portée. Tel un laboratoire de la légèreté, où un couple doit cesser de jouer la comédie pour se retrouver, le film préfigure Les Fraises Sauvages sur un mode enjoué, vaudevillesque, plein de réparties savoureuses et proche des sommets américains du genre. Gunnar Björnstrand, rusé, sympathiquement volage, très drôle, et Eva Dahlbeck, avec sa classe sophistiquée de Darrieux nordique, brillent d’une complicité taquine assez formidable. 5/6
Top 10 Année 1954

Rêves de femmes
Même troupe d’acteurs (construite sur le triangle Dahlbeck/Andersson/Björnstrand), mêmes interrogations autour du lien conjugal, de l’engagement, de la frivolité et de la passion, même sophistication discrète dans l’alliage de gravité amère et de légèreté libertine. Deux héroïnes, deux aventures sentimentales mises en parallèle, deux éclairages complémentaires sur la désillusion et la jalousie : une jeune modèle est courtisée par un consul d’âge mûr qui la couvre de cadeaux avant d’être confronté à sa fille froidement calculatrice, tandis que sa directrice de studio tente de ranimer la flamme de l’homme marié qu’elle n’a jamais cessé d’aimer. Au terme de cette journée en forme de mise au point, le constat sans noirceur de la faiblesse de ces messieurs et de la fragilité surmontée de ces dames. 4/6

Sourires d’une nuit d’été
Donnant à l’artiste l’occasion de sortir une fois de plus de son pré carré, ce marivaudage vaudevillesque en forme de comédie rococo, tour à tour charmeur et féroce, illustre à travers une demi-douzaine de personnages plusieurs conceptions de l’amour qui oscillent de l’idéal romantique à l’éloge épicurien. Le film convoque Shakespeare (la nuit d’été et les chassés-croisés), Beaumarchais, Feydeau, le souvenir de La Règle du Jeu, et se livre à une analyse aigüe et chaleureuse des rapports conjugaux, jusqu’à une mémorable partie de roulette russe. Enveloppée d’un optimisme discret mais tenace, la ronde libertine des protagonistes charme et enchante, les actrices sont rayonnantes, les beautés de l’été nordique superbement filmées, et le film radieux car il triomphe de la gravité que l’on pressent. 5/6
Top 10 Année 1955

Le septième sceau
Déjà Bergman est au sommet de son inspiration et de sa gloire. Pour lui, l’art se révèle la plus vitale disposition dans notre nécessaire accommodement à la mort. Refusant tout dogmatisme, même lorsqu’il oppose au fanatisme et à l’intolérance le "lait de la tendresse humaine", il joue le jeu de la naïveté iconographique et brode librement sur l’imaginaire médiéval : les références aux tableaux flamands et aux gravures sur bois y alimentent une méditation complexe sur le doute métaphysique, l’inéluctabilité de notre finitude et l’angoisse de l’au-delà. Son onirisme limpide, ses traits d’humour désespéré, la puissance évocatrice de ses tableaux (le couple épargné et leur enfant comme parabole de la Sainte Famille, provisoirement sauvée grâce au sacrifice du chevalier) font de cette allégorie tragi-comique un classique inépuisable. 5/6
Top 10 Année 1957

Les fraises sauvages
L’artiste n’a pas quarante ans lorsqu’il signe ce qui ressemble à un film testamentaire, qui lui est ce que la madeleine est à Proust, et qui substitue au scepticisme métaphysique du précédent opus une nostalgie poignante. C’est le magnifique bilan existentiel d’un vieil universitaire, un cortège de regrets et de récriminations, incrusté de grandes interrogations (la vie, la mort, Dieu…) et de questions morales (le couple, la solitude, l’égoïsme, le bonheur terrestre…), dans un style qui doit autant à l’expressionnisme qu’à la tradition symbolique scandinave. La beauté de la lumière, la netteté eidétique, les contre-champs fluides, l’allusif du dialogue… tout concourt à l’harmonie d’une œuvre qui file comme le ruban fantomatique d’un rêve, sous la double vocation d’une projection vers le terme d’une vie et d’un retour à l’origine de ses jours. 6/6
Top 10 Année 1957

Au seuil de la vie
Trois femmes, la chambre d’une maternité, la vie comme seul sujet de conversation et d’introspection : on ne peut s’imaginer plus bergmanien. Si l’on y ajoute que ces héroïnes sont confrontées aux vicissitudes de leurs corps, à la mort et à la souffrance, et qu’une quatrième, maternante, attentive, toute de tendresse et d’apaisement, veille sur elles, on obtient le dispositif anticipé de Cris et Chuchotements. Avec un art totalement maîtrisé du rapport caméra/personnage, de la déclinaison des sentiments en fonction des situations, le cinéaste développe un huis-clos poignant où d’impressionnantes scènes de douleur et de hurlements alternent avec de grandes bouffées d’altruisme, d’écoute, de chaleur humaine. Une leçon de dramaturgie portée par une sensibilité à fleur de peau. 5/6
Top 10 Année 1958

Le visage
Dans sa composition serrée et contrastée, dans son cadre socio-historique (le milieu du XIXème siècle, la rencontre entre magnétiseurs et notables ruraux), le film est symptomatique du Bergman des années 50. Étrangement séquencé, assez opaque dans son propos, plombé par des plages de comédie boiteuses, le récit oppose rationalisme et surnaturel, fausseté du visible et ambigüité du sens en une suite de retournements des apparences : un homme s’y révèle une femme, un don Juan puceau, un cadavre est pris pour un autre, un charlatan fait des prodiges… Le cinéaste joue avec la représentation, démonte explicitement son art de l’illusion en un jeu permanent de masques et d’artifices, sans que jamais ces intentions ne trouvent à s’incarner véritablement. 3/6

La source
L’auteur retrouve l’univers moyenâgeux en s’appropriant une légende folklorique cruelle, l’histoire d’un viol, d’un meurtre et d’une vengeance qu’il traduit en de superbes images expressives, jouant des contrastes plastiques, des oppositions symboliques, de la sculpture de l’ombre et de la lumière. Chaque séquence atteint une intensité poétique assez saisissante, le long d’une balade du temps jadis où l’homme, dépassé en permanence par son existence, confronté à la souffrance de la perte et à l’horreur du ressentiment qui entraînent angoisse, délire et folie, trouve dans l’existence du divin une raison d’espérer, la voie de sa rédemption. Bergman avouera plus tard considérer le film comme une piteuse imitation de Kurosawa ; qu’il nous soit permis de ne pas être d’accord avec lui. 4/6

À travers le miroir
Le réalisateur opère dès lors une série de retraitements, privilégie le quatuor à cordes, entame une conquête inédite de l’espace intérieur. Le motif de l’insularité, magnifié par les compositions très picturales de Sven Sykvist, confère un supplément de concentration à un film qui fait vivre la crise spirituelle de ses protagonistes de la façon la plus physique qui soit. Papier peint ouvrant sur un autre monde, entrailles inondées d’une épave où éclate le delirium tremens, Dieu-araignée aux yeux rouges : la folie schizophrène de l’héroïne (Harriet Andersson en pleine désagrégation psychique) interroge la religion, l’incommunicabilité des êtres, l’impuissance des proches… Mais le dialogue renoué lors du final, qu’éclaire un disque solaire incandescent, affirme une foi vibrante en l’amour salvateur. 5/6

Les communiants
Comme engourdie par le froid neigeux de son cadre hivernal, cette étude introspective autour d’une demi-journée de sacerdoce ecclésiastique fait du doute existentiel et de la crise de foi les sujets d’une méditation inquiète, austère, mise en scène avec la concrétude presque neutre d’un Robert Bresson. L’éternelle angoisse des hommes, le désarroi engendré par le silence divin et l’absurdité du monde s’y expriment dans les voix de pratiquants tourmentés, auxquels le pasteur, miné par l’échec de sa vie et la mort de son épouse, est incapable d’apporter quelque réconfort. Bergman rappelle ici à quel point le refus de l’engagement affectif conduit à la solitude, à l’assèchement du cœur, comme dans cette scène cruelle qui voit l’institutrice humiliée et rejetée par celui qu’elle aime. 4/6

Le silence
Une œuvre d’une noirceur terrible, un film de chambre porté par un scepticisme absolu quant à la question de la communication entre les êtres – le silence du titre, c’est celui de ces sœurs qui ne peuvent plus se comprendre, l’une desséchée et cataleptique, l’autre vorace et suant de désir sexuel. Deux grandes actrices bergmaniennes s’y confrontent dans un champ de ruines affectif, un enfer de rivalités et de frustrations qui exprime la déliaison entre l’âme et le corps et ne peut déboucher que sur le vide ou la mort. Cette vision de la domesticité aristocratique peut rebuter mais elle est éclairée par un espoir irraisonné, une ligne vive dans les ténèbres : celle de la foi profonde Bergman envers l’humanité, en des circonstances extrêmes qui poussent les protagonistes à la cruauté. 4/6

Persona
Film-balise, véritable bouleversement esthétique, une œuvre d’une exceptionnelle importance tant dans la carrière de Bergman que dans l’histoire du cinéma toute entière. Mettant la représentation traditionnelle en charpie, l’artiste use des pouvoirs du médium comme un instrument d’écoute et d’auscultation introspective : dans le magma de la coalescence, il enregistre autour de la transmutation des corps et de la porosité des visages les chimères monstrueuses de la dépossession absolue. Plus complexe dans sa structure que tout ce qu’il a élaboré jusqu’alors, traitant du transfert de personnalité et du conflit entre le masque social et l’image de l’âme intérieure, les formalisant directement en actes plastiques et narratifs, le film pousse jusqu’aux limites les plus extrêmes ses tentatives d’investigation du psychisme et de la dévoration imaginaire par les voies de l’auto-analyse. 6/6
Top 10 Année 1966

L’heure du loup
On peut dire qu’ici Bergman redistribue les cartes de Persona en se positionnant de l’autre côté du miroir et en s’adonnant au déchaînement de ses tourments les plus obscurs. Il renoue de façon explicite avec l’expressionnisme d’un Murnau et la puissance expressive des tableaux de Bosch ou Goya, évoque la part la plus intime de la névrose de l’artiste, son désarroi devant une réalité qu’il ne maîtrise plus, et fait la terrifiante description des fantasmes dont procède le processus créatif. Infanticide strident au bord de l’eau, vampire marchant au plafond, vieillarde retirant ses yeux… : les visions cauchemardesques se succèdent, en émanations directes d’un empire du mal symbolisé par une famille de châtelains démoniaques et dégénérés, et gouverné par l’humiliation, le sadisme et la mort. 4/6

La honte
Le cinéaste offre une nouvelle perspective à cette éprouvante radiographie de la terreur, mais en déplaçant sa formalisation sur un terrain plus uchronique : celle d’un chaos fulgurant, imprévisible, déchaîné sur un pays en guerre. Secoué par les événements (propagande mensongère des soldats-journalistes, détachement absurde des médecins tortionnaires), ballotté dans un paysage de désolation jusqu'à dériver en barque au milieu des cadavres, un couple déjà fragile se fissure, voit la mesquinerie, la bassesse et l’abjection se propager en son sein même, et l’insoutenable conscience de l’humiliation lui sucer ce qui lui reste de raison et de dignité. Le questionnement sur la condition humaine est noir et âpre, ce qu’il suscite peu agréable à éprouver – le film, lui, est très fort. 5/6
Top 10 Année 1968

Une passion
L’île de Farö encore et toujours, quatre personnages réunis en de subtils rapports interconjugaux, et le passage définitif à la couleur, arborant une palette impressionniste assez singulière malgré la rudesse granuleuse de l’image. Bergman poursuit l’analyse du désarroi et de l’angoisse domestiques à travers la rencontre de deux solitudes en proie à leurs fantômes respectifs, qui tentent de reformer une vie de couple mais s’aperçoivent que nulle reconstruction n’est possible sur une terre brûlée. La noirceur crue et l’austérité presque nihiliste du propos sont comme refusées par une forme de douceur meurtrie, par la limpidité d’une narration libre et elliptique, et par la distanciation quasi expérimentale conférée par les commentaires des acteurs sur la nature de leurs personnages. 5/6
Top 10 Année 1969

Le lien
Pour la première fois, Bergman se laisse tenter par une coproduction internationale tournée en langue anglaise. Il est assez surprenant de le voir traiter de manière si impersonnelle, avec un tel déficit d’aspérités, cette histoire de passion adultérine en milieu bourgeois, qui montre un être humain ayant toujours vécu dans le matérialisme et la sécurité subitement bouleversé par la découverte de l’absolu et du désordre. Si ce n’est la relative perversité du triangle amoureux et le subtil renversement des rôles entre le mari rassurant, équilibré, protecteur, et l’amant porteur d’une inquiétante pathologie, rien ne distingue le film, plutôt honorable mais peu surprenant, d’un certain académisme psychologisant. Reste la qualité irréprochable de l’interprétation, emmenée par une Bibi Andersson très investie. 3/6

Cris et chuchotements
Quelle place pour le sacrifice et la bonté en ce monde de souffrance ? Dérisoire, répond Bergman, qui a rarement été aussi loin dans l’expression de la douleur physique et morale. Flamboyant comme un feu ultime, rouge comme le sang, noir comme le désespoir, blanc comme l’oubli, le funèbre oratoire est percé de souvenirs poétiques (les promenades champêtres des femmes en robes immaculées), pour mieux imposer la présence de la maladie et de l’agonie, lors de scènes traumatisantes où les corps éructent, sécrètent, râlent, saignent, nous faisant ressentir concrètement la proximité de la mort. La perfection presque monastique du film se traduit en de somptueuses compositions – manoir tapissé de tentures pourpres, douceur d’une servante plantureuse apaisant à demi-nue, telle une pieta, la mourante étique sur son giron. 6/6
Top 10 Année 1972

Scènes de la vie conjugale
Forme simple et dépouillée, zooms, longs face-à-face dans des pièces closes : voici la minutieuse et inexorable chronique d’une fausse désunion. Avec un sens incomparable du tempo et de l’épuration, l’auteur creuse jusqu’à l’os, met une nouvelle fois ses tripes sur la table, crûment, sans pudeur, et se place au cœur de la tension qui relie l’épiderme du visage à la projection de la rhétorique. Il ausculte secrets, non-dits et aveux au sein du couple avec une acuité dont Woody Allen sera le seul héritier, et dévoile joutes introspectives, épanchements de terrible cruauté, élans de tendresse insatiable, jusqu’à une réconciliation finale à l’apaisement mesuré qui préfigure celle d’Eyes Wide Shut. Au sommet de cette œuvre magistrale, profondément touchante dans ce qu’elle renvoie de notre vécu intime, deux acteurs prodigieux de vérité et de complicité. 6/6
Top 10 Année 1974

Face à face
Une femme face à son miroir, vie contre mort, espoir contre mépris de soi-même : dans son registre favori de l’introspection féminine et avec le concours intense de sa muse, Bergman étudie une violente remise en question personnelle. Une tentative de viol fissure la digue des névroses refoulées et enclenche une psychanalyse sauvage mise en scène en de longs plans serrés qui alternent silences et flots de révélations intimes. Le cinéaste enfonce quelques portes ouvertes mais la raideur de son dispositif est contrebalancée par la force expressive de ses séquences de rêve et par son espoir en la communication entre les êtres – tendre fidélité de l’ami homosexuel et bienveillant, révélation du profond amour qui lie un vieux couple, et dont la prise de conscience consacre la guérison de l’héroïne. 4/6

L’œuf du serpent
À ceux qui ne l’auraient pas encore intégré, même après la vision de L’Heure du Loup, Ingmar vient rappeler qu’il n’a rien à envier aux maîtres de l’épouvante. Il donne ici une logique à sa peur, une raison à son angoisse. On y trouve un savant fou rappelant le docteur Mabuse, des expériences effrayantes pratiquées sur des cobayes humains, une ambiance putride qui exsude la maladie, la pourriture et la mort, un homme en proie à d’horribles hallucinations, des rues croupissantes et des cabarets miteux où planent le spectre de l’antisémitisme et l’ombre d’un mal sans visage. Vision étouffante d’un monde en décomposition, celle du Berlin ravagé de la République de Weimar, accablé par l’inflation, la famine et la misère, et dont le désespoir populaire forment le lit d’une dictature en devenir. 4/6

Sonate d’automne
Une lettre, une visite, un départ, une sonate, de l’humus, des brumes, une petite tombe, la maladie, les tentatives avortées pour se rejoindre et se trouver. Et la musique qui n’y peut rien, même Chopin. L’écheveau de rancunes, de regrets, de reproches tus ou finalement verbalisés, de ressentiments et de peurs obscures… : toute la sensibilité tourmentée de l’auteur s’exprime à nouveau dans ce drame feutré et cruel, qui met à nu le refoulement d’une relation vécue comme une aliénation et s’attache à dévoiler le mensonge existentiel sur lequel elle s’est construite. Très loin du glamour d’autrefois, Ingrid Bergman trouve un très beau rôle en pianiste de concert opposée à sa fille dans un duel psychologique qui la conduit à affronter tout un passé d’égoïsme et d’indifférence. 4/6

De la vie des marionnettes
Frustration, meurtre et récession : ainsi font, font, font les petites marionnettes. Parce qu’il n’a pas le courage d’assassiner son épouse, un homme tue une prostituée. Sa folie est analysée de l’extérieur, l’enquête kaléidoscopique remonte la filière en adoptant une construction en sauts de puce, et conclut que tout vient de la mère, cette créature dominatrice qui aliène le fils par inconscient interposé – le rapport psychiatrique de l’expert et le plan final du héros prostré dans sa cellule d’asile évoquent même Psychose. Dans cette vivisection froide et aigue où les mots constituent des pièges, des barreaux, des excitants factices, l’enfer conjugal est un déballage en alcool et valium dièses, une partie d’échecs sado-maso avec la mort, jouée entre épieurs et épiés. Évidemment, cela n’est pas gai. Mais cela est. 4/6

Fanny et Alexandre
Le dernier film réalisé par Bergman pour le cinéma est celui d’un homme qui aurait atteint la paix des profondeurs, brillant des couleurs du songe où le vieillard et l’enfant se réunissent pour le matin trompeur d’une fin de vie. Il s’agit de son œuvre la plus ample et la plus ambitieuse, une magnifique synthèse qui reprend et dépasse l’ensemble de ses motifs. Souvenirs, réminiscences nostalgiques, crainte des interdits religieux, complicité avec l’univers féminin, découverte de la mort, vivants et fantômes, théâtre et cinéma, art et spiritualité… tout se marie avec une fécondité romanesque digne des géants de la littérature. Il y a quelque chose de définitif dans cette célébration de l’illusion, de la fantaisie, de l’amour et de la générosité, dans cette sublime chronique familiale dont l’exceptionnelle richesse et la chatoyante émotion n’égalent que l’immense tendresse humaine. 6/6
Top 10 Année 1982

Après la répétition
Une heure dix de monologue intérieur, sur la scène d’un théâtre sans décor construit, avec seulement quelques meubles, des objets, des paravents, des toiles peintes. Le temps nécessaire pour que les signes algébriques du rêve s’estompent, pour que les faux-semblants se résolvent d’eux-mêmes, pour que s’évanouisse le jeu des apparences et que seul demeure un vieil homme devant un mur de briques. Ce personnage, c’est probablement Bergman lui-même, possédé par la "représentation" de la vie et qui, derrière, cherche aveuglément des bribes de vérité qu’on n’aurait pas encore maquillées. Dans ce face-à-face de visages nus entre le metteur en scène et la jeune actrice, il n’y a pas de flonflons narratifs, pas d’extérieur, tout est dit en vase clos. L’exercice est original autant qu’il est mince et ardu. 3/6

En présence d’un clown
L’oncle Carl (celui de Fanny et Alexandre) et la Mort. Dans la lumière crue et décharnée de son laboratoire télévisuel, Bergman pousse l’allégorie macabre jusqu’aux confins du grotesque. Son clown grinçant et pailleté n’amuse pas innocemment la galerie, mais ce conte de la folie extraordinaire laisse pourtant éclater un drôle d’humour farceur ; beaucoup de tendresse et de bienveillance aussi envers ces doux dingues qui conçoivent le premier film parlant et, un soir de neige et de feu, transforment une composition au pied levé en la plus enthousiasmante des représentations. Avec quelques décors nus et trois invraisemblables situations, le cinéaste exalte ainsi la magie consolatrice de la scène, du spectacle et de ses multiples avatars, et dresse l’art comme rempart contre la noirceur de l’existence. 4/6

Saraband
L’épitaphe bergmanienne sera cet affrontement feutré et cinglant autour du drame de la filiation, qui se tient au plus près d’une certaine idée du cinéma : le verbe, l’acteur, l’image. Trente ans après Scènes de la vie conjugale, l’auteur fait se retrouver Johan et Marianne et s’abolir la fin de parcours en une conception d’une rigueur absolue, une danse de cour à trois temps, grave et lente, qui s’organise autour d’une dizaine de chapitres ascétiques et frémissants et qui approche la finitude ontologique des êtres avec un mélange d’inquiétude tourmentée et de sérénité résignée. Sa structure musicale, la sobriété rigoureuse de sa plastique, l’immense talent de ses interprètes font de cette ultime méditation sur l’amour et la haine, le couple et la solitude, une réussite admirable qui parachève une carrière monumentale. 6/6
Top 10 Année 2003


Mon top :

1. Persona (1966)
2. Fanny et Alexandre (1982)
3. Les fraises sauvages (1957)
4. Scènes de la vie conjugale (1974)
5. Cris et chuchotements (1972)

Géant parmi les géants, tenant une place absolument unique dans l’histoire du cinéma, Bergman est un continent à lui tout seul. Énoncer les titres de sa filmographie, traversée par tant de chefs-d’œuvre, donne le vertige : il est sans doute l’un des quatre ou cinq plus grands réalisateurs ayant jamais existé. La richesse exceptionnelle de son expression, la variété de ses tons qui appellent tour à tour à la psychanalyse, au romanesque, à la métaphysique, à la spiritualité, son champ d’investigation (le couple, l’âme et le corps, la famille, la recherche de la vérité du cœur et de l’esprit…), tout cela fait de lui un artiste majeur du XXème siècle, qui a su retranscrire avec une inspiration fiévreuse et tourmentée l’essence de la nature humaine.
Dernière modification par Thaddeus le 9 déc. 23, 21:48, modifié 5 fois.
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Alexandre Angel
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par Alexandre Angel »

Merci à toi, Thaddeus, pour cette synthèse qui impressionne ne serais-ce que par son fourmillement.
Je pensais avoir domestiqué, apprivoisé, ce sentiment d'intimidation en désacralisant posément le rapport aux films du suédois. J'en ai vu une grande partie de façon discontinue, parfois en salle, souvent à la télé, mais malgré une réelle admiration qui n'a aucun rapport, je tiens à le préciser, avec celle que l'on peut nourrir à l'endroit de Tarkovski (genre "on comprend rien mais c'est beau" , ce qui est , bien sûr, une boutade car on comprend quand même un peu), je ne suis jamais parvenu à me départir du sentiment de me trouver au pied d'une montagne austère, dont la fréquentation resterait distendue, jamais réellement gourmande.
Pourtant les films de Bergman sont frontaux, caractériels. Ils appellent un chat, un chat. C'est leur pérennité : ils sont âpres, bruts de décoffrage, immédiats, faussement cérébraux (ce qui ne serait pas forcément rédhibitoire contrairement aux idées reçues) mais sanguins.
Il est dommage et remarquable que le cliché du suédois cérébral n'en finisse plus de sévir (jusque sur notre propre palier) tant son cinéma est vif, captivant et aussi baroque que celui de Fellini, dont tu rappelles les accointances repérables dans La Nuit des Forains.
Une fois que j'ai dit tout cela, j'admets que je reviens moins à Bergman que je reviens à Fellini.
Mais en même temps, depuis combien de temps je n'ai pas vu un seul Fellini? ( Ginger e Fred, je crois, en 2015).
Il y a eu quelques parutions bergmaniennes en dvd, chez MK2, bien présentées. Mais tout le reste me semble manquer d'écrins à la mesure : "Les films de ma vie", m'ouais.. ça allait un temps mais le gros de l'œuvre mérite mieux (on me dit qu'il y a des parutions plus récentes, notamment chez StudioCanal)

En d'autres termes, il faudrait pour les films sur disque, l'équivalent de ce qu'est La Pléiade pour la littérature mais non, ça ne marche pas comme ça.
Bergman, c'est effectivement comme Woody Allen : on s'en fait tout un monde, mais ce monde gagne à être connu.

Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Thaddeus
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par Thaddeus »

Alexandre Angel a écrit :Pourtant les films de Bergman sont frontaux, caractériels. Ils appellent un chat, un chat. C'est leur pérennité : ils sont âpres, bruts de décoffrage, immédiats, faussement cérébraux (ce qui ne serait pas forcément rédhibitoire contrairement aux idées reçues) mais sanguins.
On ne saurait mieux résumer le caractère viscéral du cinéma bergmanien, et rien n'est plus déplorable que ce cliché totalement fallacieux selon lequel ses films ne seraient que de longues psalmodies austères, anesthésiantes, vides de tout courant d'intensité. On pourrait citer maints auteurs pratiquant ce type de cinéma (quoique chacun aura les siens et risquerait de faire hurler son voisin, je m'éviterai donc de donner des noms :mrgreen: ), mais Bergman n'en fait pas partie. Ses films sont la plupart de temps très incarnés, brutaux, violents, tourmentés. On y vibre, on y souffre, on s'y consume, et le spectateur éprouve directement les affects qui s'y expriment. Voir un film comme Cris et Chuchotements, par exemple, n'est pas une panacée : c'est une expérience très physique qui renvoie sans ménagement à des angoisses terribles.
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par Sybille »

En dix ans environ, j'ai maintenant découvert beaucoup de films de Bergman ; d'ailleurs même s'il me reste plusieurs films jamais vus, il s'agirait maintenant plutôt de revoir bon nombre d'entre eux.
Peut-être parce que j'ai abordé ses films spontanément, sans avoir beaucoup lu ou entendu à leur sujet (même si j'avais une vague idée de leur "réputation"), je n'ai jamais été freinée par leur soi-disant (même si tout de même existante) austérité. Au contraire, j'ai même souvent trouvé ses films parsemés d'humour et en cela plaisants.

C'est amusant comme Ingmar Bergman représente l'incarnation du cinéaste cérébral et "difficile". Ce sketch de Villeret, c'est comme cette scène dans La meilleure façon de marcher de Claude Miller (1976) où un personnage tente de regarder Les fraises sauvages, ou aussi dans Faces de Cassavetes (1968) où dans un couple, l'un propose d'aller voir un film du Suédois et l'autre répond qu'il n'est pas d'humeur à déprimer ou un truc comme ça. Puis bien sûr les films de Woody Allen.

D'ailleurs ce sketch et évocations dans d'autres films (ainsi qu'un sketch de Guy Bedos sur Théorème de Pasolini qu'un forumeur avait posté il y a quelques mois), ça me fait me demander quel est le ou les cinéastes d'aujourd'hui qui pourraient ainsi être "utilisés" dans des films (grand public et plus confidentiel) et chez des humoristes (qui touchent une population assez large) qui seraient immédiatement évocateurs dans la conscience populaire, et dont par conséquent on pourrait faire un sujet humoristique, et cela pas seulement pour une poignée d'initiés.
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par Thaddeus »

Sybille a écrit :ça me fait me demander quel est le ou les cinéastes d'aujourd'hui qui pourraient ainsi être "utilisés" dans des films (grand public et plus confidentiel) et chez des humoristes (qui touchent une population assez large) qui seraient immédiatement évocateurs dans la conscience populaire, et dont par conséquent on pourrait faire un sujet humoristique, et cela pas seulement pour une poignée d'initiés.
Des réalisateurs comme Scorsese, Tarantino ou Burton ont déjà été maintes fois parodiés, leur style et leur univers étant suffisamment marqués pour faire l'objet d'un détournement reconnu par la plus grande partie du public. Un gangster qui grimace à coup de "motherfuck", deux autres qui se prennent le chou à propos de n'importe quoi entre deux tueries, ou bien un freak dépressif évoluant dans un manoir gothique, ça fait tilt pour la plupart des gens (pas seulement les cinéphiles). Du moins, il me semble.
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par Alexandre Angel »

Sybille a écrit :Ce sketch de Villeret, c'est comme cette scène dans La meilleure façon de marcher de Claude Miller (1976) où un personnage tente de regarder Les fraises sauvages
Tout à fait, et c'est même contemporain!
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par cinéfile »

Il me semble qu'il a déjà été posté quelque part par ici, mais je ne résiste pas au plaisir de remettre ce sketch des Deschiens :



"Le gros loup, le gros louloup, il était dans les bois, il était caché..."

"- Fanny et Alexandre...
- C'est ses copains ? Ils sont mignons, ils viennent jouer avec lui "

:lol: :lol: :lol:

Au delà de l'humour, ce sketch est assez remarquable dans le sens où il évite les clichés faciles et le mépris ordinaire vis à vis du "cinéma d'auteur". En tant qu'analyse express de Bergman (2min30 montre en main), ça tient superbement la route ! Tout ça donne très envie de (re)voir les films. Celui de Bedos sur Théorème pareil.
Alexandre Angel a écrit : Pourtant les films de Bergman sont frontaux, caractériels. Ils appellent un chat, un chat. C'est leur pérennité : ils sont âpres, bruts de décoffrage, immédiats, faussement cérébraux (ce qui ne serait pas forcément rédhibitoire contrairement aux idées reçues) mais sanguins.
Rien que la scène de Persona (film à la fois très sophistiqué mais aussi éminemment viscéral) dans laquelle Bibi Anderson évoque très crument ses relations charnelles avec deux inconnus rencontrés sur une plage, fait rapidement exploser les stéréotypes sur la prétendue austérité. Peu de cinéastes iraient aussi loin aujourd'hui.
Sybille a écrit : D'ailleurs ce sketch et évocations dans d'autres films (ainsi qu'un sketch de Guy Bedos sur Théorème de Pasolini qu'un forumeur avait posté il y a quelques mois), ça me fait me demander quel est le ou les cinéastes d'aujourd'hui qui pourraient ainsi être "utilisés" dans des films (grand public et plus confidentiel) et chez des humoristes (qui touchent une population assez large) qui seraient immédiatement évocateurs dans la conscience populaire, et dont par conséquent on pourrait faire un sujet humoristique, et cela pas seulement pour une poignée d'initiés.


Terence Mallick ? Sofia Coppola ?
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par Commissaire Juve »

Avec le recul, je trouve le sketch de Villeret à côté de la plaque, méprisant, ignorant même. On pourra me dire qu'il joue sur les préjugés, mais je sens le comédien tout à fait complice (et je ne dis rien des applaudissements). Ça vaut les imitations si décriées -- aujourd'hui -- de Michel Leeb.

Chez les Deschiens, il y a au moins deux points de vue (enfin : une absence de point de vue & un point de vue).
Même dans sa première période, c'est formidable.
Même ?

Mais "c'est" formidable ! C'est même ce que je préfère (et encore... on oublie souvent la "trilogie de chambre").
Alexandre Angel a écrit :me semble manquer d'écrins à la mesure : "Les films de ma vie", m'ouais.. ça allait un temps mais le gros de l'œuvre mérite mieux
C'est l'occasion de me livrer à une petite auto-critique : il y a 17 ans, j'avais défendu -- globalement -- les premières éditions (tout en signalant les problèmes quand il y en avait). Rétrospectivement, je ris quand il m'est arrivé de penser que l'image était tellement précise qu'on voyait le fond de teint des comédiens. Il s'agissait en fait d'une bonne vieille DNR-isation des familles ! :lol: - - - :oops:
Alexandre Angel a écrit :(on me dit qu'il y a des parutions plus récentes, notamment chez StudioCanal)
Tu étais donc en voyage sur Tatooine ? Une collection avec des "écrins" du tonnerre ! (c'est ironique, hein) J'ai tout boycotté (à l'exception de "La Source"... le seul titre présenté de façon "potable")

Et surtout, un niquage en règle avec l'absence de "Jeux d'été" et de "Monika" en édition solo (que j'aurais sûrement été obligé de boycotter de toute façon).
Dernière modification par Commissaire Juve le 6 juil. 18, 13:14, modifié 4 fois.
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par Alexandre Angel »

Commissaire Juve a écrit :Avec le recul, je trouve le sketch de Villeret à côté de la plaque, méprisant, ignorant même. On pourra me dire qu'il joue sur les préjugés, mais je sens le comédien tout à fait complice (et je ne dis rien des applaudissements).
Je me le suis toujours dit mais , en même temps, il le fait bien :mrgreen:
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par Commissaire Juve »

Argl ! On tapait en même temps. J'ai ajouté des trucs à mon message précédent.

Les "écrins" de l'horreur ! (par ordre chronologique)

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Dernière modification par Commissaire Juve le 12 juil. 18, 22:20, modifié 3 fois.
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Re: Ingmar Bergman (1918-2007)

Message par Alexandre Angel »

Commissaire Juve a écrit :Tu étais donc en voyage sur Tatooine ?
Commissaire Juve a écrit :en édition solo
LOL
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