Six destins - Tales of Manhattan (Julien Duvivier - 1942)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alligator
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Six destins - Tales of Manhattan (Julien Duvivier - 1942)

Message par Alligator »

Tales of Manhattan (Six destins) Julien Duvivier - 1942 - 8/10

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Comme tout bon film à scketchs qui se respecte, y a du bon, du moins bon et du bof-bof (hmm... quelle belle langue que v'la!).
Le premier lance le pauvre Charles Boyer dans les griffes de Rita Hayworth. La chair est faible. Le coeur tout autant. Ce pauvre hère nous fournit là un joli numéro, cabotin et néanmoins charmeur.
Le second présente la rencontre merveilleuse entre la séduisante Ginger Rogers au visage d'ange se reflétant dans les yeux noirs&bleus d'Henry Fonda. Cette naissance de couple est d'une beauté ravissante, le jeu des comédiens excelle à rendre magique cette rencontre, pleine de tendresse et de délicatesse. Un numéro de haute voltige où les corps, les yeux et les bouches se lancent dans une danse d'amour rarement égalée : quelle admirable mise en scène de Duvivier!
Le troisième segment, comme ils diiiisent, permet à Laughton de nous offrir une composition de première main, avec ce qu'il faut de faiblesse et de maladresse pour nous émouvoir. Le scketch en lui même ne ménage pas ses effets et manque peut-être de finesse dans sa conclusion, qui reste tout de même émouvante.
Le quatrième offre au monstrueux Edward G. Robinson de plaider le désespoir, la honte et l'orgueil avec une éloquence qui clouerait le bec à plus d'un. Peut-être la séquence la plus grave de tout le film, la plus intense avec le duo Rogers/Fonda. J'ai pris un rare panard avec ce gaillard. Robinson-extasy.
Le cinquième s'aventure en terre burlesque et joue du pif énoooorme de WC Fields, son phrasé, son oeil polisson et alcoolisé. La gentillesse, la bonhommie de cette histoire m'a presque lassé au bout d'un moment... la magie est passée.
Définitivement avec le mystique dernier épisode, sorte d'ovni, difficile à identifier en effet... que dire sinon que j'en attendais la fin avec hâte.

Forcément inégal, ce film par deux fois m'a transporté sur des sommets de luxure cinéphilique, pour ces deux moments d'éternité, je l'en remercie encore et encore.
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cinephage
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Message par cinephage »

Où et comment l'as-tu vu ?

Mine de rien, ça peut se révéler assez utile, comme information. J'aime bien Duvivier (et j'adore Laughton)...
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Message par Alligator »

cinephage a écrit :Où et comment l'as-tu vu ?
Rhhha merde! J'oublie toujours... Je l'ai enregistré y a pas si longtemps... sur tcm il me semble. Non, vérification faite c'est cinécinéma classic. Je ne trouve pas de rediffusions.
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MJ
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Message par MJ »

Rien vu de la période US de Duvivier, mais ça doit être franchement pas mal.
Le réalisateur de Panique est-il capable d'un film fondamentalement mauvais?
Et puis mine de rien Gingers, Laughton, W.C Fields et Robison dans le même film...
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Message par awopbopaloobopalopbamboom »

On va devoir prendre son mal en patience donc... Il me tarde tant de le voir !
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Message par Fan Rita »

Je l'ai vu dans une version espagnole, j'ai beaucoup aimé, c'est original comme film. :D
bruce randylan
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Re: Six destins (Tales of Manhattan) Julien Duvivier

Message par bruce randylan »

Grosse réussite en même temps qu'une curiosité étonnante et très courageuse dans son traitement qui prend des allures de fable humaniste où la veste traverse des milieux sociaux de plus en plus démunis, au point de finir dans un bidon ville noir. :o

Mais commençons par le début avec Charles Boyer et Rita Hayworth où un acteur dandy vient chercher son ex qui a depuis épousé un homme plus âgé pour sa richesse. Duvivier joue à merveille la tonalité sordide et flegmatique tout un installant un climat surréaliste assez pervers que la photo et la réalisation rendent très jubilatoire. Entre le contre-jour sur le mari de Hayworth dans sa maison, le décor surprenant du pavillon de chasse et le découpage d'une rare précision dans des dialogues savoureux autour d'un fusil, Duvivier s'amuse à nous manipuler à plus d'une reprise pour une fin de chapitre très amer et sombre... Cette épisode, le plus noir, est celui qui se rapproche le plus de l'univers du cinéaste.

Le deuxième chapitre est l'inverse total : un vaudeville plein d'esprit et d'humour que n'auraient pas renié Guitry ou Lubitsch. Ici Henri Fonda joue un grand timide
obligé de faire croire qu'il est le propriétaire de la fameuse veste où se trouve un mot très compromettant qui pourrait détruire le mariage de son meilleur ami. Quand la future mariée ( Ginger Rogers ) découvre le mot, elle se met à voir Fonda d'un autre œil alors qu'elle pestait contre son fiancé lorsqu'elle pensait que la lettre lui était adressé; C'est vraiment, très drôle, écrit avec un rythme et des dialogues irrésistibles et le duo d'acteur s'en donne à cœur joie dans ce marivaudage réjouissant.

Encore un changement de style pour la 3ème partie où Charles Laughton est un compositeur de génie mais contraint de joué du boogie-woogie dans un triste tripot pour survivre. Quand la chance de sa vie lui est offerte ( celle de jouer une de ses partitions devant un public ), la veste qu'il vient d'acheter en hâte se révèle trop petite et se met à craquer en pleine représentation créant l'hilarité générale.
C'est une partie magnifique, pleine d'une humanité bouleversante et rempli d'une chaleur qui m'a beaucoup ému. Les ficelles sont bien-sur très grosses ( on est dans la lignée de certains Capra ) mais c'est tellement beau que ça m'a profondément touché. Et puis Laughton est vraiment admirable une nouvelle fois.

Le segment suivant est assez proche de celui-là, trop peut-être puisqu'il se répète un peu avec le précédent et que l'humanisme passe un peu trop par la parole ce qui amoindrit sa portée. Mais Edward G. Robinson apporte tout son poid pour rendre crédible ce clochard alcoolique qui le temps d'une nuit tente de retrouver un peu de dignité en allant à une soirée où se trouve ses anciens camarades de classes faisant tous partie de la haute société.
Même s'il demeure très bon, j'ai ressenti un légère déception du à l'impression de déjà-vu et puis George Sanders en fait un peu trop dans son rôle méprisant et silencieux.

S'en suit enfin un court intermède où des criminels utilisent la veste pour braquer un casino avant de devoir jeter celle-ci, avec les poches pleines de billets, alors qu'un début d'incendie se déclare dans leur avions. La veste ira atterrir dans un bidon-ville habité par une communauté noire qui prend cela pour un signe de dieu en cette veille de noël.
C'est pour moi, le chef d'œuvre du film, celui qui joue sans retenue son rôle de fable humaniste avec un sacré courage. Après avoir eut Rita Hayworth, Charles Laughton, Edward G Robinson, Ginger Rigers, Charles Boyer ou Henri Fonda, Julien Duvivier ose finir son film avec des acteurs exclusivement noirs, inconnus vivant dans la misère la plus totale avec des décors très artificiels qui donnent l'impression de se retrouver un film film impressionniste allemand des années 20
Bien-sur le film joue sur certains stéréotypes dans la représentation des noirs à l'époque mais à aucun moment Duvivier ne les ridiculise ou les rabaisse. on sent au contraire une infinie tendresse pour eux et on suit avec émerveillement et humour leurs interrogations face à ce qu'ils doivent faire de tout cet argent.
Malgré sa naïveté et le thème religieux très présent, ce quart d'heure a été un régal enchanteur de la première à la dernière seconde.

Dommage que la copie de la cinémathèque fut celle sans la partie avec WC Fields :cry:

PS bis : Buster Keaton a collaboré au scénario ( comme gagman pour le WC Fields je présume ) :D
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Watkinssien
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Re: Six destins - Tales of Manhattan (Julien Duvivier - 1942)

Message par Watkinssien »

La période américaine de Duvivier est abondamment curieuse et ce Tales of Manhattan, d'après des souvenirs assez lointains, est un film à la fois intéressant, à la mise en scène élégante et à l'interprétation déchaînée.
Les chapitres s'enchaînent sans faiblir, le rythme étant assez constant.

La solidité du découpage et la galerie de comédiens confirmés achevaient le plaisir procuré.
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bruce randylan
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Re: Six destins - Tales of Manhattan (Julien Duvivier - 1942)

Message par bruce randylan »

Watkinssien a écrit :La période américaine de Duvivier est abondamment curieuse
J'ai encore le DVD de Obsession pour continuer dans cette lancée... :D
Qualitativement, il n'y a en tout cas aucune comparaison avec son film britannique bien médiocre Anna Karénine.
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Cathy
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Re: Six destins - Tales of Manhattan (Julien Duvivier - 1942

Message par Cathy »

Comme toi Bruce, j'ai adoré le dernier sketch, sans doute très convenu avec cette vision des noirs pauvres, fervents croyants, mais il y a à la fois la forme et le fond qui font de ce morceau un superbe film dans le film et permette de se terminer sur une grande leçon d'optimisme. Véritablement LE moment fort du film avec sans doute la confrontation Fonda/Rogers et le numéro de Charles Laughton qui montre une fois encore quel brillant acteur il était.
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Re: Six destins - Tales of Manhattan (Julien Duvivier - 1942

Message par francesco »

Juste pour préciser qu'Ethel Waters n'est pas une inconnue aux USA : c'était une chanteuse célèbre de Gospels et une actrice qui a rencontré pas mal de succès à Brodway. La même année que Six destins elle jouait dans Cabins in the sky de Minelli. Elle devait être nommée aux oscars en 49 pour Pinky (Kazan) et laisser un souvenir impérissable, à la fois au théâtre et au cinéma dans The member of the wedding (Zimmeman).

Ca ne remet pas en cause le talent de Duvivier, mais reste le fait que le dernier sketch, comme les autres, a "sa" star, même si son rayonnement est moindre aujourd'hui en France que celui des autres, évidemment ! Ca participe bien de la même volonté de prestige.
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Re: Six destins - Tales of Manhattan (Julien Duvivier - 1942

Message par Supfiction »

Une touche de Guitry (essentiellement pour le premier sketch), une pincée de Lubitsch (le second) et une grosse louche de Capra pour le reste, Duvivier réussit un film à sketchs absolument parfait !

Je dois dire que le genre du film à sketchs n'est pas ma tasse de thé car la plupart du temps, je trouve que l'on a soit pas le temps de s'attacher aux personnages ou que lorsque c'est le cas, on doit trop vite les quitter à regret. C'est ce deuxième cas de figure pour ce film où j'aurai notamment voulu suivre davantage Henry Fonda et Ginger Rogers (le segment que je préfère, il est vraiment dommage d'ailleurs que ces deux-là n'aient pas fait d'autres comédies ensemble tant l'alchimie fonctionne bien entre eux, il faut voir Ginger faire rugir Henry Fonda comme un petit lionceau pour se moquer de lui) ou Rita Hayworth et Charles Boyer qui forment eux, un beau couple dramatique (avec un Thomas Mitchell inquiétant, une fois n'est pas coutume, magnifiquement filmé dans l'ombre).
Edward G. Robinson est également formidable et je crois que je ne connais personne capable de jouer si bien les perdants, quand il ne joue pas à l'opposé les gros pontes mafieux ou capitalistes.

Avec ce casting démentiel (auquel il faut ajouter Charles Laughton également excellent ainsi que tant d'autres second rôles de qualité), Julien Duvivier a véritablement été gâté pour son exil américain!

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The Eye Of Doom
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Re: Six destins - Tales of Manhattan (Julien Duvivier - 1942)

Message par The Eye Of Doom »

Six destins (1942)
Un costume de soirée soit disant maudit passe de main en main en influençant le destin de ceux qui le porte.

Encore un film à sketch mais cette fois à Hollywood. Cela fait tout drôle de voir le générique avec un casting de la mort suivi de Directed by Julien Duvivier.

Dans tout les cas, ca commence très fort avec le premier segment assez dramatique et peut être le plus sombre de l'ensemble. La mise en scène de Duvivier est remarquable tant dans les travellings ( l'arrivée du costume et la procession du début) que dans les plans gothiques dans le pavillon de chasse. Superbe plan en contre jour sur le mari. Tout de suite, comme dans Flesh and Fantasy (Obsessions) on voit combien Duvivier est à l'aise avec le "style" et les moyens dès studio. Il n'a rien à envier aux meilleurs auteurs de l'époque quant à l'art de filmer. On a noté à juste titre un côté Lubitsch dans ce premier segment mais c'est tout aussi vrai pour le suivant il me semble.
Le propos semble futile mais la tension monte au cours de la scène avec le fusil. Inutile de dire que Rita Hayward est particulièrement superbe. Mention aussi pour Thomas Mitchell dans le rôle du mari.
Changement de style radical pour le second segment. Trop pour moi probablement car je n'ai pas trop accrocher à ce marivaudage entre Henri Fonda tout jeunot et Ginger Rogers (qui est ornée d'une coupe de cheuveux deroutante).
C'est sympathique et le progression des sentiments entre les deux protagonistes est bien amenée mais je ne suis pas rentré dedans.
Viens un sketch encore différent avec un Charles Laugthon excellent. Mais la encore le propos ne m'a pas intéressé.
Le suivant avec Edward J Robinson est plus prenant. Non pas que l'histoire soit d'une originalité folle mais on retrouve Duvivier dans la peinture des sans abris et miséreux désespèrés, vue déjà dans la charrette fantôme notamment. Les scenes sont assez dures (EJ Robinson couchant dans les poubelles, l'évocation de l'alcoolisme). Et le contraste saisissant avec la vision du repas des anciens de promo de l'homme d'affaire déchu. Duvivier arrive à faire coexister ce conformisme de classe, cette joie mélangée de réel, de factice et superficielle des retrouvailles entre collegionaires. Et comment tout cela dérape dans un simulacre de procès, révélateur du malaise et du véritable statut du protagoniste dans le groupe de "copains".
J'ai trouvé le happy end du sketch assez réussi.
Passons sur le morceau avec WCField, sans intérêt.
Et nous voilà au dernier segment, autre sommet du film. Peinture d'une petite communauté de noirs particulièrement misérable, interpellée par une fortune tombée du ciel. Si les conventions hollywoodiennes dans la représentation des afro-américains sont bien la, Duvivier respecte ces personnages. Dans un décor de studio qu'on croirait sorti d'un film de Borzage, il retrouve un style quasi expressionniste. Un tres court plan muet où un des enfants vas trouver ses parents qui labourent une terre qu'on devine ingrate semble tiré d'un chef d'œuvre muet. Les dialogues sont savoureux notamment avec le prêtre dont la probité ne semble pas acquise.
Tres Beau plan sur le regard de dieu,
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en fait celui d'un groupe d'enfants perchés sur toit et contemplant la scène par une béance du toit.
Tres beau passage où chacun vient exprimer son souhait de Noël, jusqu'au plus misérable d'entre eux que l'on vas consulter dans son taudis et qui scellera la destinée finale du costume.

Le film est une sorte de vision allégorique de la théorie du ruissellement : le costume vas connaître des utilisateurs de plus en plus bas dans l'échelle sociale. Il est aussi par excellence le vecteur de l'illusion, pour celui qui le porte, pour les autres, portant tout le long du film l'usurpation souhaitée ou subie, révélateur des petitesses humaines mais aussi par ricochet des grandeurs possibles.
Véritable tenue d'apparat de la richesse, emblème du pouvoir, dont le rôle symbolique est clairement affiché par le décorum de la procession initiale et l'exposition sur le mannequin ( on pense aux armures d'apparat des dynasties japonaises, symbole du pouvoir). Finalement seul Charles Boyer le porte naturellement car il est en phase avec son statut économique et moral. Mais tout chavire dès que
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le costume est troué : l'incarnation naturelle de l'habit ne résiste pas aux intrigues et trahison intimes.
Le costume devient alors immédiatement le vecteur de la première illusion:
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Le costume cache la blessure par balle de Boyer qui apres avoir fait le mort, joue le vivant que la balle à épargné.
Cette première "souillure" vas sonner le début du pseudo déclassement de l'objet qui ne sera plus que l'instrument d'illusions et d'impostures de plus en plus grande. Simple substitution dans le second sketch, marqueur social usurpé dans les sketchs suivants, d'abord par des individus honorables mais hors de la classe qu'ils visent, puis par dès charlatans et voleurs, jusqu'à la fonction finale oú dans un trait d'humour particulièrement malicieux le costume devient
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à la fois porteur de la volonté divine et épouvantail à corbeaux.
Le pouvoir "bénéfique" de celui ci est alors littéralement épuisé et le film se termine.

Malgré l'intérêt inégal de certains passages, le film est tres agreable, oscillant intelligement entre légèreté du dispositif narratif et sensibilité du propos soutenue par un forme constamment irréprochable ( réservant de tres bons passages en début et fin notamment).
Tres recommandable pour les amateurs de Duvivier.
The Eye Of Doom
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Re: Six destins - Tales of Manhattan (Julien Duvivier - 1942)

Message par The Eye Of Doom »

En relisant les avis ci dessus, je vois que le second segment avec Fonda/Rogers qui m'a peu intéressé a ses fans. Tans mieux.
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