La Traversée de Paris (Claude Autant-Lara - 1956)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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jacques 2
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Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara - 1956)

Message par jacques 2 »

hansolo a écrit :Je découvre ce petit chef d'oeuvre avec des acteurs phénoménaux et un réalisation sublime!
Han, comme disait Philippe Noiret : "pourquoi petit ? " :wink:
Federico
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Message par Federico »

Truffaut Chocolat a écrit :le film doit beaucoup à la gouaille de Gabin et à la passivité de Bourvil (qu'on retrouvera dans ses rôles futurs, toujours en contrepoint d'un caractère fort).
Pas toujours passif, le grand André. Des cinéastes surent aussi lui offrir quelques rôles où il fera preuve d'un talent non limité à son personnage débonnaire qui se laisse un peu porter par le vent. Melville, bien sûr mais aussi Enrico avec les bien nommées Grandes gueules où il fait jeu égal avec Ventura question présence solide, ce qui n'est pas rien. Et, sans en avoir l'air, Bourvil était lui aussi une force de la nature.
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hansolo
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Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara - 1956)

Message par hansolo »

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Une des scènes cultes du film, superbement capturée par Sylvain Vallée.
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magobei
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Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara - 1956)

Message par magobei »

Pas vu qu'il y avait un topic dédié. Je copie/colle mon avis posté par là-bas:
La traversée de Paris, de Claude Autant-Lara
Une comédie sur le marché noir pendant l'Occupation, ça fait forcément grincer: Autant-Lara n'épargne pas ses compatriotes; c'est drôle, vachard, et le film nous bat froid lors de son finale. Gabin est extraordinaire dans sa veine gouailleuse, cantonnant souvent Bourvil à un rôle de faire-valoir.
Juste une petite réserve sur la fin, assez étrange - ce plan sur la plaque d'immatriculation, une scène suggérant une exécution sommaire - puis l'espèce d'happy end un peu à rebours.
Mais c'est vraiment très bon.
7,5/10
"In a sense, making movies is itself a quest. A quest for an alternative world, a world that is more satisfactory than the one we live in. That's what first appealed to me about making films. It seemed to me a wonderful idea that you could remake the world, hopefully a bit better, braver, and more beautiful than it was presented to us." John Boorman
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Dima
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Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara - 1956)

Message par Dima »

La traversée de Paris est un film qui me fascine. Je viens de le revoir et je me souviens que mon père m'a forcé à le voir, au lieu d'un énième visionnage de Madame Doubtfire de Chris Columbus, mon film de chevet de l'époque. Aujourd'hui je le remercie pour cette obligation, comme pour le Chat de Pierre Granier-Deferre. Le premier comme le second, me scotchent devant mon écran pendant une demi-heure même si je n'ai pas le temps.

Le choix de proposer une comédie dramatique à une époque ou cette période est encore taboue est un choix judicieux. Dix ans après cette terrible époque, les blessures sont encore vives et la France Résistante comme on aimait le rappeler à l'époque était inattaquable. Un pari risqué et une réussite totale.

L'approche documentaire dans la description du fonctionnement du marché noir, des petits commerçants sous l'occupation est brillant. Le fait de se concentrer sur les petits gens et non sur de grandes figures de l'époque est un choix logique dans cette volonté d'en faire une comédie. Les scénaristes dépeignent une société qui n'est ni blanche, ni noire, mais simplement composée d'individus tentant de survivre et faisant des choix, bien où mal, seul notre moralité peut le dire.
Le duo picaresque formé par Martin et Grandgil est le moteur du film. On s'attache aux deux personnages, on doute de leur sincérité, on a peur pour eux, on rigole de leur malchance comme on se ronge les sangs en les voyant confronter aux pires individus de l'époque. Jean Gabin est un grand et l'imposante silhouette de l'acteur, sa verve et le soin apporté par les scénaristes aux dialogues font de ses prises de parole de grands moments du cinéma. Je frissonne encore devant son discours dans le deuxième bar où il sort son célèbre "salauds de pauvres" dont je ne comprenais pas la puissance évocatrice à l'époque. Sa confrontation avec le commerçant interprété par Louis de Funès reste un moment fort du cinéma français. La confrontation entre Grandgil sarcastique et un Jambier surexcité est à voir si on aime le cinéma. J'aime beaucoup la joute verbale entre les deux protagonistes et le pauvre Martin qui essaye de se débattre dans ce marasme.
Il n'épargne aucun personnage, principaux comme secondaire. Les scénaristes font un portrait sans concession des gens sous l'occupation. Le rythme du récit est plutôt intéressant. On pouvait craindre une certaine redondance et il n'en est rien, les scénaristes faisant le choix de diversifier les situations et les rencontres. À cette occasion, on découvre différent décors de l'époque, les prises de vue nocturnes donnant aux quartiers parisiens un réalisme flagrant. Je ne sais pas si la ville a énormément changée entre l'époque du film et l'époque du tournage, mais je suppose que oui et ce n'est jamais visible, on pourrait croire être confronté à des images d'archive.

Le réalisateur et ses scénaristes cassent l'image glorieuse de cette France résistante pour proposer un récit dépeignant une France plus réaliste, avec ses braves gens, ses pleutres, ses montres et ainsi de suite. Le happy end du film qui arrive assez abruptement après une scène tétanisante, est à relativiser. Ils survivent oui, mais cette guerre a fait des dégâts et on le ressent dans la brièveté de l'échange. Je l'interprète ainsi en tout cas. Ce n'est pas un échange réellement chaleureux, plus une rencontre entre deux souvenirs, celui de Grandgil et celui de Martin.
Un chef d’œuvre qu'on se doit de connaitre.
Je vous demande un peu d'indulgence, c'est ma première critique sur un forum en espérant que ça ressemble effectivement à un avis et pas à une description ennuyeuse, le film mérite mieux.

⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️
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Watkinssien
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Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara - 1956)

Message par Watkinssien »

Pas besoin de se sentir ennuyé devant cet avis dont je partage l'enthousiasme, pour ce film que je considère également comme un pur chef-d'oeuvre.
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Mother, I miss you :(
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Dima
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Re: La traversée de Paris (Claude Autant-Lara - 1956)

Message par Dima »

Merci beaucoup à toi. ^-^
Je viens de lire les autres avis dans le sujet et ce fut très intéressant, j'ai limite envie de le revoir maintenant.

Prochain avis, l'intéressant No dormirás du talentueux Gustavo Hernandez. Ce sera pour demain par contre.
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Supfiction
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Message par Supfiction »

Dima a écrit :La traversée de Paris est un film qui me fascine. Je viens de le revoir et je me souviens que mon père m'a forcé à le voir, au lieu d'un énième visionnage de Madame Doubtfire de Chris Columbus, mon film de chevet de l'époque. Aujourd'hui je le remercie pour cette obligation
Voilà un témoignage qui donne de l’espoir. :mrgreen:
Mais à l’époque où tu l’avais vu, qu’avais-tu dis à ton papa ? (« Mouais, chanmé. Bon on repasse Madame Doubtfire ? ») ? :P

Watkinssien a écrit :Un grand film, noir et malin. Commençant comme une comédie, le film vire peu à peu à une charge féroce et désenchantée sur l'humanité en général. L'atmosphère de l'Occupation n'a jamais été autant rendue avec cette propension des ténèbres, la traversée se faitde nuit, où le travail sur le son est tout à fait remarquable.

Pour revenir sur la fin :
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Je ne considère aucunement, mais alors aucunement la fin du métrage comme un happy end. Certes, elle est atténuée par rapport au roman, mais l'amertume est totale. Gabin, l'artiste, l'avantagé, le favorisé s'en sort, le chanceux, qui se sentira coupable sûrement toute sa vie; Bourvil, de son côté, le nanti, l'oublié, le pauvre type, est encore réduit à porter des valises. Triste constat pour une fin, faussement heureuse.
J’aime beaucoup cette fin et le détail génial qui fait tout : les lunettes de Bourvil. A elles seules elles en disent plus longs que de longs discours.
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Dima
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Re: Re:

Message par Dima »

Supfiction a écrit :Voilà un témoignage qui donne de l’espoir. :mrgreen:
Mais à l’époque où tu l’avais vu, qu’avais-tu dis à ton papa ? (« Mouais, chanmé. Bon on repasse Madame Doubtfire ? ») ? :P
Je me souviens avoir demandé pourquoi les gens se plaignaient de ne pas manger du cochon vu que ce n'est pas bon et qu'est-ce que c'était des rognons d'homme et si on pouvait en acheter au supermarché ? :mrgreen:

Pour ma défense, j'avais seulement sept ans.
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Jean-Pierre Festina
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Re: La Traversée de Paris (Claude Autant-Lara - 1956)

Message par Jean-Pierre Festina »

Revu ce film hier, et j'aime un peu, mais pas complètement.
Ce n'est pas le choix de Bourvil que je contesterais, mais celui de Gabin : il aurait fallu un acteur un peu moins sympathique aux spectateurs - car son rôle ne l'est pas, en tout cas pas plus que celui de Bourvil (en langage "gilet jaune", Gabin est un "favorisé", ce que dément un peu son allure gavroche).
"Tous un peu pourris", nous dit l'anarchiste de gauche puis d'extrême-droite Claude Autant-Lara (quelle différence au fond ? Comme le disait Malraux au sujet de Mitterand : "Il aura été de toutes les gauches, y compris l'extrême-droite"). Le problème avec cette morale pourtant non dénuée de sagesse, c'est qu'elle fabrique des oeuvres qui peuvent virer à la complaisance et à l'aigre, un peu comme Goupi-mains rouges et plus généralement le Naturalisme. D'ailleurs, Marcel Aymé, l'auteur de la nouvelle qui servit de base à cette Traversée de Paris, est traité de Naturaliste par Bernard Frank dans son article "Grognards et hussards" paru en 1952. Cela n'est juste qu'en partie : il y a chez Aymé un ton d'ironie flûté et presqu'enfantin qui n'est pas celui d'un Naturaliste, en tout cas pas celui d'un Zola (et oserais-je dire, ce que je connais d'Autant-Lara) dont l'ironie est épaisse et démonstrative. Cela suffit pour les situer aux antipodes, et c'est ce ton que le film a manqué.
Bref, un jeu de massacre qui m'a diverti mais pas passionné. Vive Truffaut, messieurs.
LU SUR FORUM A MONTRES : "(...) maintenant c'est clair que Festina c'est plus ce que c'était(...)"


Non mais ALLOOOO quoi
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