William Dieterle (1893-1972)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Profondo Rosso »

AtCloseRange a écrit :
Kevin95 a écrit :Bon, je rembobine et précise "le heuuuu peu célébré (en dehors de Dvdclassik) Dieterle".

Pardon aux familles tout ça... :uhuh:
Non mais on dirait que tu parles de Sam Wood ou d'un vulgaire réalisateur de série Z :mrgreen:
Je pense d'ailleurs qu'il doit continuer à bénéficier d'un certain prestige aux Etats-Unis avec ses Oscars que ce soit pour lui ou pour ses interprètes.
Il y a même un livre français qui lui est consacré

http://www.amazon.com/William-Dieterle- ... 227106001X
J'allais te remercier du lien et de m'avoir fait connaitre l'existence de ce bouquin, mais ça c'était avant que je vois le prix :mrgreen:
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Rick Blaine
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Rick Blaine »

Il y a des offres plus abordables sur Amazon France. ;)
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Profondo Rosso
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Profondo Rosso »

Ah oui ça va mieux là, ceci dit il y en quand même un à 500 euros :mrgreen:

http://www.amazon.fr/s/ref=nb_sb_ss_i_0 ... ooks%2C249
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Rick Blaine »

:shock:
Il y en a qui ose tout
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par kiemavel »

Oui, le bouquin est épuisé. Le Borzage du même auteur a été réédité alors avant de mettre 500 euros :mrgreen: , faut peut-être attendre un peu…Ce n'est pas le pavé sur Borzage mais c'est aussi très bien documenté. Dumont est aussi l'auteur d'un des rares bouquins sur Siodmak (puisque Kevin faisait le rapprochement entre The accused et un film noir de Siodmak)

Il est sous titré "Un humaniste à Hollywood" et Dumont a consacré un chapitre aux films "En lutte contre les fléaux de l'humanité" et il fait le rapprochement entre des éléments de la biographie de Dieterle et cette partie de sa carrière ou après celle sur Pasteur, il a consacré d'autres biographies similaires : Emile Zola (DVD zone 1 avec vost ), le docteur Ehrlich + une autre biographie intéressante, celle sur le fondateur de l'agence Reuter.

J'en rajoute une couche sur Jewell Roberry, une excellente comédie et j'ajoute quelques films pas encore signalés il me semble : Étranges vacances (DVD zone 1 avec vost). Son unique western, La montagne rouge est curieux et bien meilleur que sa réputation. Son meilleur film d'aventures est peut-être Oman Khayyam. Dumont affirme que Vocation secrète est son dernier film important mais je préfère largement son film suivant, Le cran d'arrêt le film noir que je préfère de ce metteur en scène qui en a réalisé quelques uns (La main qui venge, The Accused)

Dernière découverte : Doctor Monica, co-réalisé par Keighley (que j'ai trouvé lourdingue malgré Kay Francis). J'aimerais bien voir Adorable un musical avec Janet Gaynor et "notre" Henri Garat qui devait être considéré à l'époque comme un substitut à Maurice Chevalier.
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Kevin95
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Kevin95 »

L'art et la manière de foutre le bordel. :mrgreen: :oops:

Je précise, si j'ai parlé d'une "mauvais réputation", ce n'était pas pour induire l'idée d'un tâcheron mais bien que ce metteur en scène très célébré en son temps (oscars et films de prestige furent son pain quotidien durant les années 30) a aujourd'hui au mieux disparu de la liste des grands cinéastes de l'age d'or hollywoodien au pire est associé aux termes d’académisme et de cinéma poussiéreux. Pour avancer ça, je m'appuie d'une part sur l'avis très négatif qu’émettent Tavrnier et Coursodon et d'autre part sur divers ouvrages précisant combien des films anciennement acclamés comme The Life of Emile Zola ou Juarez sont aujourd'hui difficilement regardables.

Quand à mon avis personnel, les quelques films vus de Dieterle ne m'ont guère convaincu aussi je tenais à souligner combien le sympathique The Accused m'a fait relativiser la vision très critique que j'avais de son cinéma.

Vaaala. :wink:
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Jeremy Fox »

Kevin95 a écrit :L'art et la manière de foutre le bordel. :mrgreen: :oops:
Ne regrette rien : le topic ne s'est jamais mieux porté que depuis ton intervention :mrgreen:

Oui, ce que j'en avais lu se rapprochait le plus souvent de la description qu'en font Tavernier et Coursodon et que tu as parfaitement résumé. Donc oui, Dieterle est un cinéaste hollywoodien assez mal aimé d'une certaine critique de l'époque. Tout comme l'était Minnelli car c'étaient souvent les mêmes à critiquer l'un et l'autre.

Ma dernière tentative Dieterle était The Devil and Daniel Webster : je n'ai pas été jusqu'au bout :oops:
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par francesco »

Je me souviens que Carlotta avait commencé une série d'éditions non (probablement sous l'instigation de Dumont). Ils devaint sortir Vulcano (que je préfère 100 fois à Stromboli, soit dit en passant) ? Ca montrerait qu'il y a des défenseurs même si ça ne forme pas un cercle très important. Je ne me souviens pas avoir ressenti la critique de Tavernier et Coursodon aussi féroce qu'envers Stevens ou Wyler (sans parler de Wood évidemment :mrgreen: )

Tavernier à propos des précodes de Dieterle, sur son blog :

"Vu aussi 3 Dieterle pré-Code (FORBIDDEN HOLLYWOOD volume 4 ), tous excellents. Réalisés avec une vivacité, une rapidité de ton, un rythme qui laisse admiratif : JEWEL ROBBERY, le plus admiré et le plus brillant des 3, est brillamment écrit et dialogué. C’est un festival sophistiqué d’aphorismes, de vacheries, de constatations ironiques. Certaines trouvailles évoquent Lubitsch en moins délié. Kay Francis et William Powell (lequel joue une sorte d’Arsène Lupin aussi habile que courtois) se surclassent (la séquence du vol par le premier, aidé de toute une bande, dans la bijouterie est un savoureux morceau de bravoure qui se transforme en une scène de séduction assez sensuelle). Il y a beaucoup de répliques audacieuses.
LAWYER MAN est tout aussi bon avec un dialogue qui file à cent à l’heure, une caméra virevoltante, des rebondissements parfois attendus mais toujours savoureux et Joan Blondell qui est une partenaire de choix pour un William Powell en grande forme.
MAN WANTED bénéficie d’une belle photo de Gregg Toland. Le scénario qui oppose deux couples dépareillés (une femme bourreau de travail et son mari volage, un jeune homme poursuivi par sa copine qui manque de finesse) est un peu plus attendu et ne viole pas vraiment le futur code. Mais il ne manque pas d’une réelle audace (le marin trompe sa femme au vu et au su de tout le monde). Kay Francis est extrêmement séduisante et sexy et ses décolletés dans le dos sont ravageurs. Son personnage annonce les work-addicts qui ont été croqués dans des films des années 70 ou 80 et sur ce point, il n’est pas du tout daté. Dieterle enchaîne de rapides mouvements avec un plan à la grue qui part de la chambre où travaille Francis et son secrétaire (très joué par David Manners que l’on peut voir dans des films d’horreur Universal et qui, là, révèle une personnalité moderne, vivante, proche de Ben Affleck) à la grande pièce au rez-de-chaussée où dansent, flirtent divers couples dont le mari avec une de ses maîtresses qui lui lance une des invitations osées qui disparaîtront du cinéma américain en 1933.
Le dernier film du coffret, THEY CALL IT SIN (Thornton Freeland), est avec l’exquise Loretta Young."


De lui, j'ai adoré Salomé, La Piste des éléphants et Vulcano. Et Notre Cher amour est un de mes films préférés, dans l'histoire du cinéma tout entier. (Le remake avec Rock Hudson est plus facilement visible).
Ses films romantiques sont très beaux aussi (Love Letters ou Les Amants de Capri) et évidemment les comédies précodes sont des petits chefs d'oeuvre (très bien analysées par Tavernier d'ailleurs, je trouve). J'ai Adorable que je n'ai pas encore vu mais celui que je rêve de voir c'est la Rue de Traverse, au scénario délirant.

Bref, merci, je me rends compte que c'est un réalisteur que j'aime vraiment bien. :mrgreen:
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par francesco »

Après avoir vu La Rue de traverse, confirmation du talent de Dieterle dans le registre romantique. Love Letters, This Love is Ours, Les Amants de Capri et ce film de 1950 font tous usage de ressorts dramatiques tellement délirants (ici une femme a un enfant, au péril de sa vie, pour des raisons et dans des conditions qui dépassent l'entendement) que les scénario des films de Sirk paraissent d'aimables pochades (à part le Secret Magnifique). Pourtant le rythme apaisé, le traitement très délicat des thèmes, l'approche "en mineur" et le jeu rentré des acteurs ne donnent pas du tout à ces oeuvres en noir et blanc, très sobres, des airs de véritables mélodrames. La Rue de Traverse offre un grand beau rôle à Lizabeth Scott (moins naturelle qu'en femme fatale mais très émouvante à certains moments) et permet à Diane Lynn de donner une interprétation très brillante d'une personnage de petite soeur gâtée, jalouse et égoïste.
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Profondo Rosso »

Lawyer Man (1932)

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Lorsque l'avocat Anton Adam est victime d'un terrible chantage suite à une série de fautes professionnelles, il sait qu'il peut compter sur l'aide d'Olga, sa fidèle secrétaire. Mais quand on est davantage préoccupé par sa carrière que par la justice, le prix à payer est redoutable...

William Dieterle signe une fable morale typique de cette ère de la Grande Dépression. William Powell y incarne Anton Adam, un avocat basé dans le quartier populaire et cosmopolite du Lower East Side à New York. A l'image de la scène d'ouverture le voyant évoluer dans son élément au sein des ruelles grouillante du quartier, Adam exerce son talent d'avocat à l'échelle de ses lieux en sortant de mauvais pas les petites frappes et en rassurant leur mère inquiète. Son attrait plus l'ailleurs se devinera par un penchant certain pour les jolies femmes, au grand désespoir de sa dévouée secrétaire Olga (Joan Blondell à croquer comme d'habitude). L'occasion se présente après une victoire sur un avocat de la haute société qui lui propose d'être son associé. Dès lors les tentations, l'appât du gain et l'ambition vont lui susciter de nombreux ennemis et causer sa perte. Mais il n'a pas dit son dernier mot.

William Powell excelle en naïf ambitieux qui va apprendre la loi de la jungle, les tours où siègent ses bureaux s'avérant bien plus dangereux que les bas-fonds qu'il a l'habitude de fréquenter. La rédemption d’Adam est assez remarquable, les moments où après avoir été piégé il devient à son tour impitoyable ayant leurs lots de dialogues mordant et d'attitude cynique. Sans montrer le déroulement d'aucune scène de procès (dont nous ne verrons que les verdicts), le scénario démontre l'éloquence de notre héros par son bagout dans les situations qu'il rencontre comme quand il découragera deux hommes de mains venus le tuer. En n'ayant plus rien à perdre et en renonçant à ses rêves de grandeurs, Adam en devient insaisissable et imprévisible pour finalement atteindre les hautes sphères et se venger. Les milieux politiques et de la justice son fustigé de manière cinglante, la seule revanche guidant désormais Adam privilégiant ses racines modestes. Un récit humaniste mordant narré avec une efficacité remarquable. 4,5/6

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:oops:
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Sybille »

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September affair / Les amants de Capri
William Dieterle - 1950 :

Deux Américains tombent amoureux après une rencontre de hasard en Italie. Suite à un malentendu tragique, ils décident de tout abandonner afin de vivre secrètement leur amour dans une villa florentine.

A partir de cette trame improbable, Dieterle signe un film qui, en dépit de son potentiel dramatique, s'avère au final trop peu engageant. Joseph Cotten et Joan Fontaine sont cependant tous deux aisés et élégants, lui en ingénieur expérimenté et elle en brillante pianiste de concert. Ils forment ainsi un contraste marqué et voulu avec leurs congénères italiens, invariablement bruns, volubiles et débonnaires, effet attendu mais pouvant quelque peu agacer. Le film surabuse au début d'un ensemble de séquences "carte postale", radieusement charmantes mais d'un intérêt limité. Et la musique, bien trop omniprésente, ne fait que détourner l'attention de l'histoire d'une façon malhabile. Des défauts nombreux, mais un film qui demeure séduisant. Car on est absorbé par la décision jusqu'au-boutiste de ce couple d'amants, intrigué pour leur avenir. La romance, qui oscille toujours de la légèreté au sérieux, possède un ton vague et mélancolique, tout en montrant l'intelligence et la maturité émotionnelle de ses personnages. Aurait pu être meilleur, mais très regardable tout de même. 6.5/10
Dernière modification par Sybille le 8 sept. 22, 17:34, modifié 1 fois.
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Alexandre Angel
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Alexandre Angel »

Profondo Rosso a écrit :
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:oops:
Je la préfère dans Grease :mrgreen:
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Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Kevin95
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Kevin95 »

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ROPE OF SAND (William Dieterle, 1949) découverte

Casablanca like avec décors exotiques, héros fatigué, sbires chelous, comédiens copiés collés (Paul Henreid, Claude Rains, Peter Lorre) chaleur torride... Histoire de ne pas se prendre un procès dans les dents, la Paramount oublie Humphrey Bogart et propose le rôle de l'aventurier au jeunot Burt Lancaster donc moins de romantisme et de fatigue mais un peu plus de violence sèche et de sadisme. Produit plus qu'estimable, si Rope of Sand n'arrive pas à se détacher de l'ombre imposant de son modèle, il tire son épingle du jeu via des séquences brutales donc marquantes comme cette intro où un homme noir se fait traquer dans un désert immaculé ou le combat entre Lancaster et Henreid dans un tempête de sable. Classe, alcoolisé et charmeur via un noir et blanc premier de la classe, le film de William Dieterle sans être inoubliable, reste un métrage sympa comme tout donc dans le meilleur de la filmo de son réalisateur (la même année, Willy réalise aussi l'excellent The Accused donc autant dire que pépère à la patate).
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Profondo Rosso »

Juarez (1939)

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La lutte de Juarez contre l'empereur Maximilien de Habsbourg impose par Napoleon III au Mexique.

Juarez est le troisième film de la fructueuse collaboration entre William Dieterle et l'acteur Paul Muni qui collaborent durant la fin des années 30 sur plusieurs biopics prestigieux. La Vie de Louis Pasteur (1936) avec initié le cycle avec succès commercial et récompenses prestigieuses à la clé (Oscar du meilleur acteur pour Paul Muni, ainsi que de la meilleure histoire et du meilleur scénario), suivi de La Vie d'Émile Zola (1937) tout aussi bien accueilli avec des Oscars du meilleur film, du meilleur scénario et du meilleur second rôle masculin. Le projet de Juarez est pensé dès 1935 par le producteur Hal B.Wallis qui le concrétisera grâce au ticket gagnant Dieterle/Muni qu'il engage bien sûr pour le mettre en œuvre. Le scénario coécrit par Æneas MacKenzie (pour le premier jet), John Huston et Wolfgang Reinhardt (pour les révisions) s'inspire, en dehors bien sûr des éléments historiques réels, de deux sources pour son orientation, la pièce Juarez and Maximilian de Franz Werfel et le roman The Phantom crown de Bertita Harding. Comme toujours dans les productions historiques de Hal B. Wallis, la volonté de véracité au fait et fondamentale et dans ce souci de rigueur, il traversera le Mexique en août 1938 avec William Dieterle, visitant le musée national de Mexico (où sont entreposés effets et correspondance de Benito Juarez), explorant plusieurs petites villes théâtres de certaines batailles. Paul Muni croisera même durant le périple un vieillard de 116 ayant combattu aux côtés de Suarez et qui lui donnera de précieux renseignements sur son attitude, sa gestuelle. L'acteur poussera d'ailleurs loin cette volonté de mimétisme physique avec un impressionnant maquillage offrant une remarquable ressemblance avec son modèle et nécessitant trois heures de travail, au point d'irriter Jack Warner ne pouvant même pas exploiter l'image de sa star pour la promotion.

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Le film d'une grande fidélité historique s'ouvre sur un moment-clé de l'histoire du Mexique. Avec la victoire des nordistes durant la guerre de Sécession américaine, l'empereur Napoléon III (Claude Rains) qui espérait celle des sudistes voit ses intérêts menacés dans ses desseins de conquête du Mexique. Pour destituer le président républicain en place (et rédacteur de la constitution républicaine) Benito Juarez (Paul Muni), il décide d'installer un souverain européen en la personne de Maximilien de Habsbourg (Brian Aherne). Dès ces premières minutes le côté didactique et rigoureux se ressent dans la mise en place aisément compréhensible du contexte, dans l'explication de certaines subtilités politiques. Ainsi le référendum factice servant à installer Maximilien est mis en place pour contourner la doctrine Monroe, spécificités de la politique étrangère américaine interdisant toute intervention européenne dans les affaires « des Amériques » (Nord et Sud). Par la suite, tout le film sera un long parallèle à distance entre Maximilien et Juarez dans la conquête du pays. D'ailleurs le titre a beau être Juarez (le titre français de l'époque Juarez et Maximilien étant plus justifié), ce dernier en termes d'importance et même d'intérêt dans le récit est assez trompeur.

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Le Juarez incarné par Paul Muni est bien trop parfait, stoïque et sentencieux pour susciter l'empathie du spectateur quand Maximilien vulnérable et pétri de contradictions s'avère bien plus intéressant. Cette différence est en partie voulue par le scénario afin de tracer une opposition intéressante. Juarez par ses origines pauvres, son ethnie indienne et le fait de s'être élevé à la force du poignet, ressemble au peuple qu'il gouverne, ne se place pas au-dessus d'eux et recherche l'égalité des droits dans sa république. Maximilien possède une prestance inné dû à son ascendance noble, des traits presque angéliques qui lui confère l'aura de divinité du monarque et subjugue ses interlocuteurs. Cependant de manière paradoxale tout le film ramène le supposé surhomme Maximilien à son humanité quant à l'inverse Juarez l'homme du peuple s'orne d'un charisme surnaturel, d'une éloquence et autorité, d'une confiance quasi omnisciente sur la tournure des évènements. Si ce schisme est passionnant, il détache totalement Juarez et sa cause juste du spectateur en ne lui montrant strictement aucune faille. Les péons ont beau avoir la possibilité de s'adresser à lui spontanément et en égal, il les écrase plus qu'il ne les convainc de son savoir et c'est davantage le contexte social bien posé du script qui justifie son action. Le parallèle rend plus touchants la dévotion et l'échec de Maximilien que les réussites hypertrophiées (même si sans doute justifiées historiquement) de Juarez tel ce moment incroyable où il pétrifie du regard les gardes du dissident Uradi (Joseph Calleia) prêts à le fusiller.

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La différence entre le disgracieux mais pragmatique Juarez et le beau mais naïf Maximilien se justifie par le rêve entretenu par le second, et l'ambition concrète visée par le premier. Cela passe par le décor où toutes les scènes (de réunions, de réflexions...) de Juarez se déroulent dans des espaces restreints, à l'éclairage diffus, ses voyages ne se font que par des moyens limités, tout cela le plaçant au cœur du peuple et de ses préoccupations. Tout le faste hollywoodien se déploie au contraire pour magnifier Maximilien, l'arrivée au Mexique, la scène de couronnement grandiose et les déambulations dans le somptueux décor du palais servant un monarque qui par là même ne comprend pas forcément les aspirations de ses sujets. Les aspirations profondes des deux figures ne sont pourtant pas si éloignées comme le montrera la belle joute verbale à distance où Maximilien voit un avantage à ses préceptes nobles pour diriger le pays sans aspirations personnelles quand Suarez voit justement dans la démocratie toute l'impartialité du dirigeant entièrement soumis au peuple. Cet élément fondamental les différencie alors qu'une même volonté de servir les plus démunis les animent comme le montreront plusieurs scènes. Mais le problème reste le même à l'échelle du film, c'est sentencieux et froid dans les réussites de Juarez et vibrant et touchant lors des échecs de Maximilien. C'est vraiment lui qui inspire les plus beaux instants de lyrisme du film, notamment par le rôle modeste en temps de présence mais essentiel dans la caractérisation de Carlota (Bette Davis) impératrice et épouse. Bette Davis traversait à ce moment une passe difficile, fraîchement divorcée au début de la production et souffrant d'une pleurésie qui écourte voire annule certaines journées de tournage. Cet état de fébrilité n'en rend que plus intense son interprétation de Carlota, support fragile de Maximilien mais à la raison vacillante quand les évènements tourneront mal. La scène où elle perd l'esprit en appelant son époux et se perdant dans le noir, le montage alterné entre sa folie manifeste face à la lumière d'une fenêtre et l'exécution de Maximilien, tout cela déploie de grands moments de mélodrames où le style de Dieterle fait merveille.

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Le triomphe de Juarez ne trouve une certaine emphase que lors de la conclusion, non plus en contrepoint mais en mimétisme amer de la faillite de Maximilien une nouvelle fois montré comme tristement romantique et chevaleresque jusqu'au bout quand Juarez "s'excuse" d'avoir fait primer la raison d'état - et ne devient grand, ne s'humanise qu'en découvrant enfin à son tour le regret et le doute. Un biopic très intéressant donc même dans ses imperfections, et où le "héros" n'est pas celui que l'on croit. 4,5/6
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Profondo Rosso »

La Vie de Louis Pasteur (1936)

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Affirmant que certaines maladies sont provoquées par des microbes, Louis Pasteur se heurte à une communauté scientifique sceptique. Sa découverte d'un vaccin contre la maladie du charbon et la rage la convaincra.

La Vie de Louis Pasteur est le film qui inaugure la grande série de portraits filmés réalisés par William Dieterle et joués par Paul Muni. Ces biopics étaient consacrés à de grandes figures s'étant illustrées par des actions novatrices et anticonformistes ayant laissées une place historique majeure, ce que l'on retrouvera dans les films suivant du cycle comme La Vie d'Émile Zola (1937), Juarez (1939), La Balle magique du Docteur Ehrlich (1940) ou encore Une dépêche Reuter (1940). Le film est initialement un projet mineur pour le studio Warner et intègre donc avec une relative fraîcheur les éléments qui tiendront de la formule dans les films suivants plus rodés. Parmi eux on trouve la stupéfiante capacité de mimétisme de Paul Muni avec ses illustres modèles, ici aidé par un impressionnant maquillage et un langage corporel qui traduit parfaitement l'intensité, la passion et le hiératisme que dégagent les vrais photos connues de Louis Pasteur. La courte durée (87 minutes à peine) amène son lot de raccourcis et d'évènements romancés voire inventés pour aller à l'essentiel. Le scénario exacerbe notamment le climat de défiance entourant les théories de Pasteur et en fait un véritable paria pour ses pairs alors que, si ses travaux furent certes largement discutés, il rencontra tout de même assez vite une grande reconnaissance publique (il sera notamment fait chevalier de la légion d'honneur en 1853). La scène du début de film où il est banni par Napoléon III ne saurait être plus fausse puisque fidèle royaliste, Pasteur faisait partie du cercle rapproché de l'empereur qui le nomma même sénateur. Il en va de même pour l'attaque qui le rendra en partie hémiplégique dont il fut victime des années avant la période où le film situe l'évènement, renforçant ainsi le sentiment profond de dévotion et de sacerdoce de Pasteur. Tout cela contribue au schéma "seul contre tous" voulut par le film qui ne rendra que plus grands les triomphes à venir de Pasteur.

Ces partis-pris donnent aux actions de Pasteur un sentiment permanent de défi et une grande partie du film constitue un mélange de joute et de mélodrame scientifique où notre "héros" devra démontrer contre ses pairs et pour ses malades la réalité de ses théories. Cela permet avec certes beaucoup de simplifications une vraie vulgarisation scientifique où l'on observe les cheminements de pensées, les ratés et les réussites dans les différentes expérimentations qui conduiront aux vaccins contre le charbon ou la rage. Les éléments les plus flamboyants ne sont pas forcément les plus faux comme cette péripétie avérée qui vit Pasteur se voir confier Joseph Meister (joué par Dickie Moore enfant acteur aperçu dans Peter Ibbetson notamment), un jeune alsacien mordu par un chien atteint de la rage qu'il va sauver. William Dieterle ajoute une certaine emphase dramatique mais les enjeux sont crédibles, Pasteur vacillant au moment d'administrer sans réussites préalables sur les humains un vaccin ayant fait ses preuves sur les chiens. Autre grand moment (là totalement inventé), le duel médical où il teste l'un de ses vaccins sur cinquante moutons face à cinquante autre s'étant vu injecter un virus par un de ses collègues. Le sentiment d'effervescence est constant, les libertés ne sont prises que pour appuyer cette facette purement scientifique et la prestation habitée de Paul Muni évite tout sentiment de froideur. On trouve déjà ce croisement de quasi sainteté et de profonde vulnérabilité qui caractériseront les portraits suivants du duo Dieterle/Muni, le point d'orgue étant ici la séquence où des agriculteurs russes contaminés par la rage font le voyage en France pour être soigné par Pasteur. Et ce dernier diminué par son attaque va venir leur administrer son traitement en fauteuil roulant sur leur lit d'hôpital. Cela fonctionne parfaitement, alliant parfaitement veine intimiste et sentiment de grandeur constant idéalement introduit du fait de connaître la portée future des travaux de Louis Pasteur. Le film sera un immense succès qui initiera donc ce cycle des grands hommes, et gagnera trois Oscars dont celui du meilleur acteur pour Paul Muni. 4,5/6
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