William Dieterle (1893-1972)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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daniel gregg
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Re: William Dieterle (1893-1972)

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Federico a écrit :The last flight (1931)

Quelle merveille et quelle classe !!!

Helen Chandler a un charme désarmant, bouleversant. Comme un mix de Miriam Hopkins, Carole Lombard et de la Marlene de Angel. Son entrée en scène est inoubliable. L'oeil - de myope - flapi avec, dans sa coupe de champ', le dentier d'un type qui le lui a confié pour aller en boxer un autre (on peut imaginer que l'homme en question - dont on verra jaillir que le poing - a pu perdre ses chicots dans les tranchées où régnait le scorbut). Les dialogues fusent font mouche à chaque fois avec un nonsense éclatant. Si ils ne carburaient pas aux bulles et au Picon-citron, on jureraient qu'ils ont fait tourner des spliffs. :wink:

Ultime preuve de la finesse du propos, Dieterle et son scénariste ont évité l'émotion brute des cassés de la guerre revenus démembrés, aveugles ou défigurés. Ceux qu'ils nous brossent n'ont que des blessures physiques, certes gênantes mais relativement superficielles (des mains brûlées restées malhabiles, un oeil mal soigné affublé d'un tic...). Ce qui renforce la sensation de blessures psychologiques, invisibles mais indélébiles.

Ils passent leur temps à boire et tous les apéros parisiens sont passés en revue. Ce qui du servir autant de dérivatif que de tentation pour les spectateurs américains alors sous le régime de la Prohibition.

J'ai été (légèrement) moins enthousiasmé par la seconde partie, un peu gêné par le gandin à bacchantes qui tape l'incrust' mais par bonheur ne parviendra jamais à rompre l'harmonie entre les cinq personnages centraux.

Vraiment une superbe découverte. Merci M'sieur Brion !!

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Il faut que je me trouve un peu de temps de toute urgence pour le découvrir celui ci ! :)
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Profondo Rosso
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Re: William Dieterle (1893-1972)

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Le Poids d'un Mensonge (1945)

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Alan écrivait les lettres d'amour que Roger envoyait à sa fiancée. Une fois mariée, la jeune femme fut déçue par Roger, le couple se désagrégea et Roger mourut lors d'une dispute.

William Dieterle à la réalisation filmant le couple Joseph Cotten/ Jennifer Jones, cela éveille immédiatement de grandioses souvenirs de cinéma avec Duel au Soleil (filmé officieusement en partie par Dieterle) mais surtout le merveilleux Portrait de Jennie et sa romance fantasmagorique à l'esthétique flamboyante. C'est précisément à ce dernier qu'on pense d'ailleurs à la vison de Love Letters qui lui est antérieur et on peut supposer que c'est l'alchimie constatée ici entre Jennifer Jones et Joseph Cotten qui incita David O' Selznick à les réunir à nouveau par la suite. Le plus troublant reste surtout les similitudes entre les récits du Portrait de Jennie et Love Letters qui sur des postulats bien différents offrent des situations et des personnages très proche à Joseph Cotten et Jennifer Jones. Le romantisme exacerbé s'exprime cependant dans une teneur rêvée et surnaturelle dans Jennie tandis que Love Letters a une approche essentiellement psychologique (présente néanmoins dans Le Portrait de Jennie).

Joseph Cotten est donc déjà ici un personnage solitaire et sans goût pour la vie courant après une chimère qui se verra personnifiée par Jennifer Jones. L'idée en elle-même est d'un romantisme si imprégnée de littérature qu'on l'imagine mal passer à l'écran. Cotten soldat mobilisé au front a rendu service à un camarade trop terre à terre en rédigeant pour son compte des lettres passionnée à sa fiancée. Contre toute attente celle ci s'avère profondément touchée par ses écrits et lui de tomber amoureux de cette femme qu'il n'a jamais vu et qui ne soupçonne pas son existence. Démobilisé pour blessure il apprend la mort de son ancien compagnon désormais marié et apprend que son épouse a subi le même sort. Surgit alors une étrange jeune femme dans son existence, la mystérieuse et innocente Singleton (Jennifer Jones). Le script de Ayn Rand (adapté d'un roman de Christopher Massie) rend l'ensemble limpide et particulièrement troublant.

La longue introduction appuie donc sur la nature obsessionnelle et insaisissable de la passion de Joseph Cotten, d'abord par la situation l'empêchant d'aborder cet amour invisible puis par la triste réalité elle-même lorsqu'elle s'avéra morte. Dès lors Dieterle retarde longuement la première apparition de Jennifer Jones (si ce n'est une furtive qui est totalement logique quant aux évènements qui vont suivre) sur laquelle Cotten va finalement lever les yeux et tomber follement amoureux. Cependant l'ombre de la romance épistolaire non consommée plane constamment sur les lieux voisins du drame où va s'installer le couple, sur chacun de leurs actes mais surtout sur le mental fragile de Singleton. Cette figure absente et omniprésente à la fois s'exprime parfaitement dans la prestation fascinante de Jennifer Jones qui en cette période multipliait les rôle de femmes enfants séductrice et dangereuses. Ici elle est confondante de candeur et de fragilité (son arrivée impromptue chez Cotten splendide séquence) mais à tout moment un nuage de démence et de désarroi peut venir obscurcir son regard, l'actrice graduant à merveille la progression de son malaise (un mot à la place d'un autres, un détail rappelant un souvenir enfouit et transformant son attitude...). Cotten tour à tour torturé, protecteur et impuissant est tout aussi bons et les séquences romantiques entre eux sont très touchantes mais toujours teintées de menaces.

Le scénario mêle au mélodrame des éléments de psychanalyse qui commencent à infiltrer la production hollywoodienne (La Maison du Docteur Edwardes le plus représentatif de ce mouvement sort la même année) mais Dieterle accroché à ses personnages s'avèrent très sobre et subtil pour exprimer cette facettes. Le mystère et le danger s'insèrent donc insidieusement, chape de plomb sur le bonheur du couple et les différentes pièces du puzzle s'agencent lentement jusqu'à une grosse révélation à mi film. Le flashback explicatif final ( on pense énormément à Rebecca ou aux futurs Vertigo et Psycho dans certaines trouvailles narratives) aurait pu s'avérer lourd mais Dieterle privilégie la résolution romanesque au cheminement qui l'a amenée. Les Love Letters au contenu si potentiellement néfaste tout au long du film reprennent leur vertu initiales lors d'un ultime échange magnifique entre Jennifer Jones et Joseph Cotten. 5,5/6 Encore merci à Kimm pour avoir pu enfin découvrir le film (pour lequel il faut marcher sur des oeufs pour en parler sans spoiler je crois que ça a été :mrgreen: )
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Profondo Rosso
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Re: William Dieterle (1893-1972)

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La Piste des éléphants (1954)

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John Wiley et Ruth, jeunes mariés reçoivent en héritage une plantation de thé à Ceylan. Arrivée là-bas, Ruth tombe amoureuse de l'intendant du domaine. Mais quand la sécheresse s'abat, les éléphants qui peuplent l'île morts de soif changent de comportement.

Beau film d'aventures que ce Elephant Walk qui constitue un des derniers films américain de Dieterle avant son retour en Europe. A l'origine le projet est destiné au couple Laurence Olivier/Vivien Leigh mais Olivier accaparé par d'autres projets s'efface rapidement (finalement remplacé par Peter Finch) tandis que son épouse assaillies par ses troubles bipolaires se voit contraintes d'abandonner le tournage déjà entamé. Elizabeth Taylor qui avait dû abandonner le rôle pour cause de grossesse peut finalement après son accouchement jouer dans le film. Plusieurs plan larges filmés avec Vivien Leigh ont néanmoins été conservés dans le montage final.

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Adapté d'un roman de Robert Standish, La Marche des éléphants apparaît finalement comme une étonnante variation exotiques de Rebecca (ce qui peut expliquer le désistement de Laurence Olivier au vu des rôles très proches) avec une intrigue et des rebondissements très proches même si Dieterle confère une identité propre à son film. La jeune anglaise Ruth (Elizabeth Taylor) suite à un coup de foudre et un mariage éclair avec le producteur de thé John Wiley (Peter Finch) s'envole donc pour sa plantation à Ceylan. Seulement une fois sur place une ombre se place entre elle et son époux, celle du vénéré et tyrannique ancien chef du domaine, son père Tom Wiley. De manière symbolique sa tombe trône face à la maison comme s'il dirigeait encore les lieux depuis l'au delà et chacune des règles de vie qu'il a instauré sont rigoureusement respectée au détriment de la nouvelle maîtresse de maison. Le script se dote même d'un équivalent local à Mrs Danvers avec le domestique Appuhamy (Abraham Sofaer) qui chéri le souvenir du disparu en conservant intacte sa chambre tel un autel et qui s'adresse à sa tombe tout les matins.

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Parallèlement à cette présence invisible s'en trouve une plus concrète avec des éléphants harcelant le domaine bâti comme un défi à la nature sur le parcours où les bêtes allaient s'abreuver en eau. Tandis que les passions humaines se déchaînent, les cris des éléphants incessant dans la bande son et les nombreuses séquences voyant leur menace se rapprocher instaure donc une atmosphère pesante et trouble. Elizabeth Taylor est formidable de détermination et de fragilité et dégage une sensualité d'autant plus forte du fait d'être la seule présence féminine dans cet univers machiste. Peter Finch est excellent également dans sa schizophrénie où le respect de la mémoire du défunt se dispute à l'amour pour son épouse et délivre une une prestation habitée. Dana Andrews qui vient compléter le triangle amoureux en contremaître compréhensif est correct mais ne dégage pas la même intensité. Dieterle délivre une mise en scène impressionnante et immersive où on découvre de superbes vues des paysages de Ceylan, le travail sur la photo de Loyal Griggs et les cadrages prolongeant cette atmosphère trouble et évitant le piège de la carte postale.

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Le clou du film avec l'assaut destructeur des éléphants demeure un morceau de bravoure sacrément impressionnant. Le décor ploie sous les ruades des pachyderme dans un enfer de gravats et de flammes purificateur filmé de manière virtuose par Dieterle. Un grand moment de cinéma (là aussi répondant à la conclusion de Rebecca où la destruction est synonyme de retrouvaille et de renouveau) qui sous la violence ouvre au contraire un nouvel avenir à ses personnages. 5/6

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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Cathy »

La piste des éléphants reste un de mes grands souvenirs d'enfance ! Le film était régulièrement diffusé, et ce final avec cette charge des éléphants m'a toujours enthousiasmée ! Je l'ai revu avec beaucoup de plaisir à sa sortie fort tardive en DVD, craignant d'être déçue comme souvent avec les films qu'on aime énormément et pas du tout ! Le film est exotique mais effectivement ce n'est pas une brochure touristique !
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Profondo Rosso
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Profondo Rosso »

Oui la grosse claque ce final en plus il semble que Liz Taylor ait pas mal donné de sa personne on la distingue clairement dans pas mal de passages rapprochés et dangereux avec les éléphant !
frédéric
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par frédéric »

Federico a écrit :The last flight (1931)

Quelle merveille et quelle classe !!!

Helen Chandler a un charme désarmant, bouleversant. Comme un mix de Miriam Hopkins, Carole Lombard et de la Marlene de Angel. Son entrée en scène est inoubliable. L'oeil - de myope - flapi avec, dans sa coupe de champ', le dentier d'un type qui le lui a confié pour aller en boxer un autre (on peut imaginer que l'homme en question - dont on verra jaillir que le poing - a pu perdre ses chicots dans les tranchées où régnait le scorbut). Les dialogues fusent et font mouche à chaque fois avec un nonsense éclatant. Si ils ne carburaient pas aux bulles et au Picon-citron, on jureraient qu'ils ont fait tourner des spliffs. :wink:

Ultime preuve de la finesse du propos, Dieterle et son scénariste ont évité l'émotion brute des cassés de la guerre revenus démembrés, aveugles ou défigurés. Ceux qu'ils nous brossent n'ont que des blessures physiques, certes gênantes mais relativement superficielles (des mains brûlées restées malhabiles, un oeil mal soigné affublé d'un tic...). Ce qui renforce la sensation de blessures psychologiques, invisibles mais indélébiles.

Ils passent leur temps à boire et tous les apéros parisiens sont passés en revue. Ce qui du servir autant de dérivatif que de tentation pour les spectateurs américains alors sous le régime de la Prohibition.

J'ai été (légèrement) moins enthousiasmé par la seconde partie, un peu gêné par le gandin à bacchantes qui tape l'incrust' mais par bonheur ne parviendra jamais à rompre l'harmonie entre les cinq personnages centraux.

Vraiment une superbe découverte. Merci M'sieur Brion !!

Je dois être complètement passé à côté de ce film que j'ai trouvé insupportable, si ce n'est les quelques moments d'émotions avec une, c'est vrai, très jolie Helen Chandler. Mais autrement, les personnages sont inintéressants et la fin dramatique complètement ratée, bref je suis passé à côté.
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par feb »

Jewel Robbery - William Dieterle (1932)
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Très difficile pour moi de passer après les critiques de Cathy et de Ann concernant ce petit bijou qu'est Jewel Robbery :shock: Que rajouter à propos de ce film aussi moderne, au rythme parfait et dont les dialogues remplis de sous-entendus font mouche à chaque fois. Kay Francis, que je découvre pour la première fois, est incroyable de modernité : son jeu devant la caméra, sa facilité à changer très rapidement son style de jeu et un timbre de voix très agréable. L'actrice est ici de quasiment toutes les scènes et il faut reconnaitre qu'elle est parfaite dans ce rôle de comtesse parfaitement dans le style Pré-Code : mariée à un homme plus âgé uniquement pour son argent, elle avoue librement avoir des amants, ne s'interesse qu'aux très gros bijoux et se prend au jeu de la séduction avec le gentleman cambrioleur dont elle tombe rapidement amoureuse. Ce film de la Warner baigne dans un style Pré-Code "raffiné" où les femmes sont libres, où les otages se voient proposer des cigarettes "qui font rire" pour oublier le casse qui vient d'avoir lieu et surtout où l'homme et la femme discutent librement sur le futur lit conjugal...avec des sous-titres où il faut lire entre les lignes :mrgreen:
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En face de cette excellente Kay Francis, on retrouve un non moins excellent William Powell qui réalise son numéro de gentleman séducteur habituel et qui colle parfaitement à son personage : classe, charmeur, délivrant son texte lors de la séquence de cambriolage avec une facilité déconcertante (et avec sa voix si particulière) et offrant surtout ses mimiques habituelles devant la caméra. L'acteur propose ici un condensé de tout ce qui fait son charme et prépare ce que l'on retrouvera avec plaisir à la MGM lorsqu'il fera face à Myrna Loy, Jean Harlow ou Joan Crawford...le duo d'acteur est impecable, l'alchimie saute aux yeux dès les premiers instants et se voit amplifiée par les jeux de regards, les silences entre les 2 acteurs et par la qualité des dialogues.
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Enfin pour couronner le tout, les seconds rôles sont aussi efficaces et participent grandement à l'atmosphère du film : mari, amants, amie, policiers ou complices, tous sont parfaits dans leurs rôles et une fois de plus la qualité des dialogues et la mise en scène parfaitement travaillée de William Dieterle exploitent chacun de ces personnages avec brio. Pour rester dans le cadre du film, Jewel Robbery est une pierre parfaitement taillée et dont les qualités font qu'il peut prendre place parmi les meilleurs joyaux Pré-Code.
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Père Jules
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Père Jules »

feb a écrit :
Jewel Robbery - William Dieterle (1932)
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:mrgreen:
C'est une capture pour Lord Henry ça.
daniel gregg
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par daniel gregg »

Père Jules a écrit :
feb a écrit :
Jewel Robbery - William Dieterle (1932)
Image
:mrgreen:
C'est une capture pour Lord Henry ça.
:lol:
feb
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par feb »

:mrgreen:
Je savais que j'aurais dû faire la capture lors de la disparition du sous-titre...mais bon je suis content ça montre que Père Jules a au moins poussé la lecture de ma critique au-delà du titre :mrgreen:
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Cathy
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Cathy »

Le poids d'un mensonge, Love Letters (1945)

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Un officier anglais écrit à la place de son ami des lettres à une jeune anglaise. La guerre finie, blessé, il revient en Angleterre et découvre que son ami est mort tué par cette jeune femme. Il part alors à la recherche de la vérité sur cette histoire

Le film commence comme une histoire à la Cyrano, un homme qui parle pour un autre, le script semble téléphoné, on sent d'avance que le héros tombera amoureux de la "fiancée" de son ami de par ses relations épistolaires. Pourtant très vite le film prend une autre tournure, avec la blessure du soldat et ce retour en Angleterre où le film bascule dans une sorte de "thriller" psychanalytique très à la mode à l'époque avec les Rebecca, Maison du Dr Edwards ou autre, avec cette jeune femme dont la mémoire est défaillante et qui pourrait perdre la tête si jamais elle la retrouvait. Difficile de parler de ce film sans "spoiler", Il y a aussi tout ce fond "policier" avec l'histoire du meurtre du mari de la jeune femme, dont le héros cherchera la solution. Naturellement l'idée de base restera dans le traditionnel avec ces deux êtres qui ne se connaissent qu'à travers leurs lettres et finiront par tomber amoureux, mais la force est sans doute de savoir que la jeune femme ne sait pas qui il est contrairement au spectateur qui connaît toute l'histoire. Il y a aussi cette ambiance anglaise certes de studio, mais ce cottage perdu, où vit le héros, ou le cottage où le meurtre s'est passé sont de très jolis décors qui participent à l'atmosphère du film, mélodrame psychanalytique. Il est porté par son couple principal Jennifer Jones touchante jeune femme à la recherche de sa mémoire et Joseph Cotten dont la "froideur" fait merveille dans ce rôle. Alors oui tout est évident quelque part, y compris la conclusion, mais le film distille un charme évident. Ce qui est surprenant par contre est la première apparition silencieuse de Singleton qui semble plus être une femme fatale que la jeune femme fragile qu'elle s'avouera être. En tout cas un très joli film ! A noter aussi que le titre français est plus spoiler et plus énigmatique que le titre anglais typiquement romantique.
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Profondo Rosso
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Profondo Rosso »

La Vie d'Émile Zola (1937)

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Émile Zola n'est pas seulement un auteur à succès mais aussi un combattant pour la justice. En 1897, il impulse les polémiques de l'Affaire Dreyfus, en prenant le parti du Capitaine. Alors en pleine gloire artistique, Zola met en danger sa carrière pour mettre en avant ses opinions politiques. Il publie un article polémique, « J'accuse...! », dans lequel il s'attaque à l'état-major français et au nationalisme. Il passe les cinq dernières années de sa vie à combattre pour la justice dans cette affaire.

Au milieu des années 30 William Dieterle entame une fructueuse collaboration avec l'acteur Paul Muni, réalisant au sein de la Warner de grands biopics de prestige qui rencontrerons un grand succès public et critique. Le premier du lot sera La Vie de Louis Pasteur (1936) qui remporte trois Oscars (Meilleur acteur pour Paul Muni, meilleur scénario original et meilleure adaptation), viendra ensuite La Vie d'Émile Zola et enfin Juarez (1939) consacré au célèbre président mexicain. Deuxième film de la série, La Vie d'Émile Zola est également une grande réussite.

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Le scénario se base sur les travaux de Matthew Josephson, spécialiste américain de la littérature française du XIXe et plus précisément sur son ouvrage Zola and His Time paru en 1928. Ainsi tout en étant plutôt rigoureux dans la chronologie des évènements, le film s'autorise quelques raccourcis et modifications servant à une montée en puissance dramatique toute hollywoodienne et particulièrement efficace. Le film se divise clairement en deux parties. Dans la première on suit donc l'ascension d'Emile Zola, tous les moments le menant de l'apprentissage à la notoriété se dévoilant dans de courtes vignettes : la vie de bohème lorsqu'il partage un appartement miteux avec son ami le peintre Cézanne, son travail dans le monde de l'édition où il contribue à mettre en avant les ouvrages partageant sa sensibilité puis les premiers succès littéraire. Toutes les ellipses, raccourcis et inventions du récit n'ont pour but que de mettre en avant la révolte de Zola, son souci du peuple et de sa misère et leur importance dans son œuvre.

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Le film attribue ainsi le premier grand succès littéraire de Zola à Nana et surtout l'invention du personnage à une prostituée misérable et sans le sous qu'il aurait pris en pitié alors que dans la réalité l'inspiration lui soit venu de la moins honorable Blanche D'Antigny fameuse courtisane de l'époque. Son combat contre les institutions est également évoqué (là aussi avec des raccourcis servant la direction du film) notamment avec la parution de La Débâcle où dénonce les horreurs de la guerre et fustige l'armée. Ce survol en accéléré nous amène à un Zola installé, célèbre et adoubé par ses pairs. Pourtant cette consécration semble l'avoir éloigné de ses combats d'antan et installé dans l'autosatisfaction. Une injustice qu'il sera le seul capable de dénoncer va pourtant le ramener dans l'arène : L’affaire Dreyfus.

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C'est donc le fameux conflit social et politique qui agita la France de la Troisième république qui anime la deuxième partie. Là aussi la narration va au plus simple (le complot, l'accusation arbitraire et l'emprisonnement de Dreyfus semblant se dérouler en dix minutes à peine), certains éléments polémiques sont éludés comme l'antisémitisme pour surtout dénoncer la toute-puissance du corps de l'armée, entité capable d'accuser un innocent et de commettre toutes les bassesses pour masquer son erreur de jugement. Les moments forts sont innombrables, admirablement amenés par Dieterle : Zola prenant conscience de sa vanité en lisant ses promesses d'accession à l'Académie Française et en regardant son portrait, le fameux J'accuse entonné par un Paul Muni habité et surtout les captivantes joutes verbales des scènes de procès (dramatisés à l'extrême avec des généraux s'autorisant toutes les entraves à la justice tandis que la défense est constamment handicapée par les juges, dur à croire à ce point-là mais c'est sans doute le reflet d'une certaine la réalité). Paul Muni allie une bonhomie et une exaltation rendant son Zola immédiatement attachant et charismatique et aidé par d'excellent maquillage nous fait croire à l'allure de cet homme dans l'âge mûr (on a du mal à croire qu'une poignée d'années plus tôt il jouait un teigneux Scarface chez Hawks). Joseph Schildkraut compose également un très touchant et fragile Dreyfus, sa déchéance et son emprisonnement sordide composant des séquences particulièrement marquante avec là aussi un impressionnant travail des maquilleurs sur sa dégradation physique progressive.

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Dans cette même démarche romanesque, Dieterle accélère la réhabilitation de Dreyfus qu'il croise à la mort de Zola pour un final puissant sur les obsèques en apothéose de l'auteur où l'ode d'Anatole France à son ami est retranscrite en entier.

Devant rappeler la lutte entreprise par Zola pour la justice et la vérité, m'est-il possible de garder le silence sur ces hommes acharnés à la ruine d'un innocent et qui, se sentant perdus s'il était sauvé, l'accablaient avec l'audace désespérée de la peur ?
Comment les écarter de votre vue, alors que je dois vous montrer Zola se dressant, faible et désarmé devant eux ?
Puis-je taire leurs mensonges ?
Ce serait taire sa droiture héroïque.
Puis-je taire leurs crimes ?
Ce serait taire sa vertu.
Puis-je taire les outrages et les calomnies dont ils l'ont poursuivi ?
Ce serait taire sa récompense et ses honneurs.
Puis-je taire leur honte ?
Ce serait taire sa gloire.
Non, je parlerai.
Envions-le : il a honoré sa patrie et le monde par une œuvre immense et un grand acte.
Envions-le, sa destinée et son cœur lui firent le sort le plus grand.
Il fut un moment de la conscience humaine.


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Le succès sera à nouveau au rendez-vous avec trois Oscars récoltés (Meilleur film, meilleur second rôle pour Joseph Schildkraut et meilleur scénario) sur sept nominations. Tout à fait mérité pour ce superbe biopic. 5/6
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Ann Harding
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Ann Harding »

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Fashions of 1934 (1934, William Dieterle) avec William Powell, Bette Davis, Verree Teasdale et Frank McHugh

L'escroc Sherwood Nash (W. Powell) se lance dans une nouvelle combine avec l'aide de son complice Snap (F. McHugh) et de Lynn (B. Davis) une dessinatrice de mode. Ils copient des robes importées de France et revendent les modèles. Mais, l'escroquerie est détectée par l'importateur...

Ce film Warner offre un couple surprenant : Bette Davis, alors en blonde platine sophistiquée et le suave William Powell. Certes, il n'y a pas beaucoup d'étincelles entre les deux protagonistes; mais, le film est une comédie pétillante qui s'apprécie comme un verre de Champagne. William Powell y est un filou beau parleur, élégant et combinard. Bette semble assez mal à l'aise en blonde distinguée. Cependant, le film a ce rythme sûr et rapide des meilleures comédies Warner excellemment mise en scène par William Dieterle qui montrait un réel talent dans ce domaine dès son arrivée aux USA. Le personnage de Powell est très proche du filou qu'il jouait dans High Pressure (1932, M. LeRoy) avec également Frank McHugh en acolyte de ses combines louches. Le contraste entre le beau parleur et le plébéien McHugh est évidemment un des éléments comiques. McHugh n'a pas son pareil pour colorer un simple "Ah!" en regardant des photos licencieuses que lui présente un vendeur parisien. Powell a des ambitions démesurées et va grimper les échelons rapidement en pratiquant la contrefaçon sans aucun scrupule. Le film est à cheval entre la comédie simple et la comédie musicale. Il contient d'ailleurs un numéro signé Busby Berkeley qui est superbement intégré au film. Dans les rôles secondaires, il y a Verree Teasdale (Mrs Adolphe Menjou) qui joue avec beaucoup de talent une aventurière américaine qui se fait passer pour une grande duchesse russe face à un Reginald Owen outré de découvrir sa véritable identité. Une comédie vraiment délectable.
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Re: William Dieterle (1893-1972)

Message par Ann Harding »

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Lawyer Man (1932, William Dieterle) avec William Powell, Joan Blondell, Helen Vinson et Claire Dodd

Anton Adam (Wm Powell) est avocat dans l'East Side new-yorkais. Avec l'aide de sa secrétaire Olga (J. Blondell), il réussit bien dans la vie. Suite à un procès gagné, il se voit offrir un partenariat dans un cabinet d'avocat des quartiers chics...

Voici encore un 'Pre-Code' Warner signé William Dieterle qui est totalement délectable ! Bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler d'une comédie, William Powell y déploie un charme canaille tout à fait réjouissant. Le très futé Anton Adam a cependant un talon d'achille : il oublie toute prudence dès qu'il croise le regard (ou la jambe!) d'une jolie femme. Le film nous montre en accéléré son ascension d'avocaillon des bas quartiers à celui d'avocat cousu d'or et de femmes. Sa secrétaire, brillamment interprétée par Joan Blondell, a beau le mettre en garde, il va tomber dans le panneau lorsque la très belle Virginia (C. Dodd) va lui faire du charme (très appuyé). Nous voyons d'ailleurs immédiatement la réaction de Powell, dont le cigare grimpe à vue d'oeil ! Résultat : c'est lui qui se retrouve inculpé et il perd la belle place qu'il avait gagné de haute lutte. Cependant, avec l'aide de sa dévouée secrétaire, il va réussir à se venger de ceux qui lui ont joué ce mauvais tour. Le film ne prend pas de gants pour montrer que les politiciens locaux sont pourris et qu'il est très facile de devenir procureur avec les bons appuis. Le film est aussi délectable par d'autres aspects : les seconds rôles sont tenus par plusieurs têtes connues. On reconnait parmi les nombreux marchants juifs de l'East Side le comique Max Davidson qui joue un tout petit rôle. De même, un des gangsters envoyés pour terroriser Powell est joué par Jack La Rue, le gangster emblématique de The Story of Temple Drake (1933). Le film sur une pirouette est un 'happy end' qui n'entâche pas l'effacité de ce charmant film de 68 min.
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Re: William Dieterle (1893-1972)

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