Robert Rossen (1908-1966)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Droudrou
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Re:

Message par Droudrou »

santiago a écrit :A vous lire, je trouve Rossen vraiment sous estimé ...
Je le trouverais... marginal par rapport à une production qui peut nous émouvoir, nous, Français.

Par contre, à propos d'Alexandre le Grand, que ce soit la version de Rossen ou celle de Stone, je pense que le film reste à faire ! Je ne suis convaincu par aucun des deux.
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Sybille
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Re: Robert Rossen

Message par Sybille »

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Body and soul / Sang et or
Robert Rossen (1947) :

Je me souviens de cet autre film de boxe intitulé en français "Nous avons gagné ce soir ", que j'avais découvert dans les derniers mois de 2006, car je n'ai pu m'empêcher de faire le rapprochement avec ce dernier, qui date de la même époque et s'appuie sur une histoire et des personnages similaires. J'avais été convaincu par la tension, la violence et le désespoir qui régissaient le film de Wise, ainsi que par la façon dont il parvenait à mettre en scène le long (alors un peu trop à mon goût), combat qui était la clé de tout le film. "Body and soul" m'apparaît comme étant à la fois beaucoup plus sage et optimiste. La fierté du héros qu'incarne John Garfield, sa pauvreté puis sa richesse subite qui lui tourne très rapidement la tête, son histoire d'amour avec Lilli Palmer, tout cela constitue autant d'épreuves devant lesquelles il ne faiblit que par à-coup, mais qui lui permettent une rédemption physique et psychologique d'autant plus valeureuse et méritoire. Le "happy end" enlève un peu de force au côté plus sombre du film (mais après tout pourquoi pas ?), et rien ne vient véritablement gâcher l'oeuvre de Rossen. Grâce à un bon scénario et à des interprètes sérieux et convainquants, il parvient sans peine à tisser le portrait de ces gens ordinaires dans le New York des années 40. 7/10
suitehomme
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L'Arnaqueur (Robert Rossen - 1961)

Message par suitehomme »

C'est la 1ère fois que je m'inscris sur un forum. A l'occasion de la mort de Paul Newman, j'ai eu envie de partager ma passion ciné-DVD-philique avec d'autres passionnés.
Possesseur de plusieurs milliers de DVD et d'encore quelques centaines de K7, je convertis progressivement ma "K7tothèque" en "DVDthèque" depuis plusieurs années. Ayant généralement l'habitude d'enregistrer les films en VOST et en VF, je possède le film "L'ARNAQUEUR" sur une K7 en VOST + doublé en VF. A l'occasion du doublage réalisé en 1998, j'ai pu contaté une différence notable entre les 2 versions, lors de la scène où Paul Newman ouvre les volets au lendemain de la nuit passée avec Piper Laurie, l'actrice étant en peignoir ou non, avec un jeu un peu différent. Sur le DVD du commerce que je possède aussi, il n'y a qu'une version de cette scène avec la VF de l'autre version pas très synchro avec ces images, et pour cause. Je n'ai conservé que cette scène du film enregistré en français, comme un bonus. Impossible de retrouver le film français dans le commerce. Je pensais qu'à l'occasion de la mort de Paul Newman, cette version serait rediffusée à la TV. Manqué ! Quelqu'un est-il au courant de cette différence et a-t-il plus de renseignements que moi ?
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Watkinssien
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Re: L'arnaqueur (Robert Rossen) : Différentes versions ?

Message par Watkinssien »

Tout d'abord, bienvenue à toi suitehomme !

Ensuite, je ne vais servir à rien, puisque je ne peux pas te répondre à ta question, étant donné que j'ai toujours vu ce brillant film qu'est L'arnaqueur en VO !
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bruce randylan
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Re: Robert Rossen (1908-1966)

Message par bruce randylan »

Les fous du roi (All the King's Men - 1949 )

Un journaliste suit la carrière d'un modeste avocat désirant faire carrière dans la politique. Ses opinions idéalistes et progressistes attirent plutôt méfiance, menace et raillerie. Mais après quelques années, son franc-parlé et son honnêteté le place en course pour le poste de gouverneur.

C'est un film très important dans le cinéma américain avec une histoire audacieuse et moderne sur le thème de la corruption morale et financière, sur le constat brisé du rêve américain. Rossen adapte un roman (lauréat du Pullitzer) qui dresse ici le destin d'un homme très inspiré de celui du controversé Huey Long, gouverneur de la Louisiane dans les années 30. Les similitudes sont tellement proches qu'on peut pratiquement parlé de biographie.

Willie Starck, comme Huey Long, a donc réussi à se faire élire par son intégrité face à une politique toute acquise aux grands groupes financiers spoilant les plus démunis. Mais il répondra lui aussi aux sirènes de l'argent et du double discours. Il obtint une réelle popularité grâce à sa politique de grand travaux tout en rendant accessible l'éducation et la santé aux plus pauvres. Il profita aussi de sa position pour museler et menacer l'opposition et la presse en fricotant avec le crime organisé. Son pouvoir et son ambition inquiéta plus d'une personnalité politique qui se considérait comme un vrai fasciste, Roosevelt allant jusqu'à le comparer à Hitler et Mussolini

Voilà, 110 minutes pour raconter tout ça, ca fait énormément et Rossen eut beaucoup de mal à accoucher d'un film satisfaisant. Robert Parrish, alors monteur, repris le montage en main et retravailla la structure du récit tout en élaguant énormément les séquences. Le résultat est donc un film un peu déséquilibré avec une narration très, très efficace qui resserre au maximum les scènes à leur plus pure utilité narrative.
La première partie sur l'ascension de Starck est la plus passionnante, rendant très crédible l'évolution des personnages, le contexte social et politique de l'époque et les mentalités conservatrices. Le dosage entre les scènes de campagnes et de meetings (signées Don Siegel, réalisateur de seconde équipe) avec les doutes et les engagements des personnages forment un tout très prenant avec un casting formidable (Broderick Crawford, John Ireland). Les séquence s'enchainent sans temps mort se limitant à l'information essentiel de chaque passage.

Les choses se gâtent malheureusement dans la grosse seconde partie qui s'attarde à au monde mafieux mise en place par Starck et la lente déchéance de ses proches. Si cette deuxième moitié demeure tout aussi efface dans sa narration, il faut admettre que la rupture est un peu trop brusque glissant du réalisme documentaire au film noir précipitée et manquant de nuances. On a l'impression que les auteurs cherchent à tout prix à faire de Starck un symbole d'une menace absolue. Évidement les méthodes utilisés par Starck sont très contestable mais le film oublie que l'homme avait su modernisé brillamment son état et avait tendu la main à toute une franche partie de la population délaissés jusque là. Même si donc le vrai Huey Long était peu recommandable, le point de vue de cette moitié manque de subtilité et de finesse.
En revanche les personnages gravitant autour de lui (John Ireland et les deux personnages féminins) sont bien traités avec des sentiments complexes entre la culpabilité, la reconnaissance, l'orgueil et la quête du pouvoir. Ils apportent avec plus d'intelligence un regard sur la corruption régnant dans le monde arriviste de Starck.
Par ailleurs, le montage très resserré là aussi, se fait au détriment de la mise en scène qui est de ce fait absente. On sent parfois que le réalisateur cherchait à installer une ambiance, un rythme, un style mais que celui-ci est balayé par la narration seulement porté par le montage.

Cette seconde moitié, trop longue à mon goût, m'a fait doucement sortir du film malgré ses fulgurances, la qualité de ses acteurs, et la force du récit.
Peut-être aurait-il fallut mieux connaître la vie de Huey Long pour mieux apprécier ce film qui apparait cela dit avant tout comme une fable (bancal) sur une Amérique entre deux guerres, tentant de sortir d'une terrible crise.


Les fous du roi reste donc autant autant passionnant pour son intrigue que pour l'histoire qui tourne autour de la conception du film. Il demeure aussi une influence marquante pour tout un type de cinéma allant de Elia Kazan (un homme dans la foule) à Sidney Lumet chez qui on retrouve ce désir de traiter un sujet dense de la façon la plus intègre et honnête possible. Il dirigea d'ailleurs un remake en téléfilm de cette histoire et on retrouve son spectre dans ses meilleurs réussites (Network en tête)
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Re: Robert Rossen (1908-1966)

Message par Federico »

J'ai découvert Les fous du roi de Rossen il y a une quinzaine d'années, la langue pendante à la perspective de voir l'adaptation d'un des romans les plus touffu et punchy que j'ai jamais lus et parce que j'avais plus qu'aimé d'autres films de ce cinéaste... et je suis tombé de très haut. Robert Penn Warren a beau avoir collaboré à l'écriture du film, j'ai trouvé son oeuvre trahie et Broderick Crawford insupportable et absolument pas conforme à l'image que la lecture du livre m'avait donné du personnage central. Le seul film dont l'atmosphère m'aura semblé proche de la densité poisseuse de cet immense roman, c'est La poursuite infernale d'Arthur Penn.
Paul Newman interprétera dans Blaze un politicien du Sud controversé et haut en couleurs très proche de celui décrit dans Les fous du roi. Et pour cause, puisqu'il s'agissait de Earl Kemp Long, gouverneur de Louisiane comme l'avait été son frère Huey.
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Re: Robert Rossen (1908-1966)

Message par Profondo Rosso »

Et il y a eu aussi un remake récent de Steve Zaillan avec Sean Penn qui en faisait des tonnes (à la manière du personnage qui en jouait pas mal) dans les accents traînant bouseux... Je verrais bien le Rossen c'est sorti en dvd ?
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Re: Robert Rossen (1908-1966)

Message par bruce randylan »

Il existe de sur un dvd américain (et je crois qu'une édition benelux a existé)
http://www.amazon.com/All-Kings-Men-Bro ... 984&sr=8-3
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Rick Blaine
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Re: Robert Rossen (1908-1966)

Message par Rick Blaine »

Il existe aussi une édition française (celle ). Contrairement à ce qui est écrit sur la fiche, je crois que c'était sorti il y a 2ans, en tout cas je l'avais eu à titre de nouveauté à cette époque là. C'était sorti en même temps que Tu seras un homme mon fils entre autres.
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Profondo Rosso
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Re: Robert Rossen (1908-1966)

Message par Profondo Rosso »

Merci je me met en quête de ça !
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Re: Robert Rossen (1908-1966)

Message par Federico »

Et si vous voulez vous faire un gros (700 pages) trip littéraire, fouillez les bacs des bouquinistes ou du web à la recherche du fabuleux roman de Robert Penn Warren, malheureusement épuisé dans ses différentes éditions françaises (une honte ! :evil: ). Si possible dans sa version éditée en 1950 dans la collection "Bibliothèque cosmopolite" chez Stock avec une préface de Michel Mohrt intitulée : "Robert Penn Warren et le mythe du hors-la loi".
Pour revenir au cinoche, Penn Warren fut également l'auteur du roman "Band of angels" qui devint L'esclave libre de Raoul Walsh, ce qui, dans le genre velu, n'est pas mal non plus. :wink:

Allez, cékado ! Deux extraits des "Fous du roi" que j'avais soulignés (dans le premier, on imagine facilement ce qu'aurait pu en donner l'interprétation de Clark Gable et Yvonne de Carlo :roll: ) :

Et c'est ainsi qu'Anne riait, en levant vers moi ses yeux scintillants tandis que la flamme posait sur ses joues une teinte vermeille. Alors, moi aussi, je me mis à rire en abaissant mon regard sur elle. Elle me tendit la main, je la pris pour l'aider à se relever — grand Dieu! comme je déteste une femme qui se met à quatre pattes afin de se relever! — et je ne lâchai pas sa main pendant qu'elle se redressait en vacillant. Nos corps étaient l'un contre l'autre, le même rire éclairait son visage et réveillait des souvenirs au tréfonds de moi-même. Je tenais sa main comme je le faisais autrefois, quinze ou vingt ans auparavant, afin de l'aider à se relever, un instant vacillante, avant de l'enlacer et de sentir sa taille souple s'abandonner au creux de ma main. Cela s'était passé ainsi. Il se peut donc que maintenant je me sois penché vers elle. Son visage, un moment encore, garda la trace du rire, puis elle renversa légèrement la tête avec l'expression habituelle des femmes qui s'attendent à être enlacées et laissent faire. Le rire disparut, tout à coup, comme si un volet se fût abaissé sur son visage. Je ressentis ce que l'on éprouve lorsqu'en passant dans une rue sombre on découvre une fenêtre illuminée et, dans la pièce claire, des gens qui parlent, chantent, dansent, rient, à la lumière du feu qui les éclaire de reflets ondoyants; des bouffées de musique parviennent aux oreilles du passant, et puis une main — on ne saura jamais laquelle — ferme les volets, et on reste là, dehors.

(...)

Quoi qu'il en soit, Anne Stanton, âgée de dix-sept ans, était vraisemblablement montée dans sa chambre pour s'isoler, parce qu'elle était tout d'un coup devenue amoureuse. Elle aimait un garçon de vingt et un ans, assez grand, dégingandé, le dos légèrement voûté, avec un visage anguleux, chevalin, un gros nez aquilin presque de travers, des cheveux bruns hirsutes, des yeux noirs (pas brillants et profonds comme ceux de Cass Mastern, mais fréquemment vagues et voilés, injectés de sang le matin, ne s'animant que sous le coup d'une émotion), de grandes mains qu'il agitait et tordait lentement sur ses genoux, tout en les tiraillant, des grands pieds contournés qui avaient tendance à traîner — un adolescent pas beau, pas brillant, pas travailleur, pas bon, pas aimable, pas même ambitieux, sujet aux excès et aux désordres, balancé entre la mélancolie et la violence irraisonnée, entre le froid bourbier et la flamme ardente, entre la curiosité et l'apathie, entre l'humilité et la vanité, entre hier et demain. Ce qu'elle avait bien pu trouver moyen de forger avec cette ingrate motte d'argile ramassée dans l'univers, personne ne le saura jamais.
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The brave Bulls

Message par Supfiction »

L'oeil du tigre...

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La corrida de la peur (The Brave Bulls) 1951

Luis Bello (Mel Ferrer), matador mexicain au sommet de sa popularité et de son art est blessé lors d'une corrida. Dès lors, sa confiance s'est brisé et bien que très vite remis sur pied il est incapable de combattre dans l'arène sans fuir la confrontation avec les taureaux. Le public exigeant fait part de son mécontentement..

The brave Bulls de Robert Rossen est probablement la vision la plus exhaustive et la plus authentique mise en scène pour le cinéma sur la tauromachie.

Il est évident que Rossen et Boeticcher qui ont tous deux traité le sujet de la corrida n'ont pas eu du tout la même approche (sans parler de la vision purement hollywoodienne de Rouben Mamoulian).
Alors que Boeticcher a privilégié le romantisme dans La dame et le toréador à travers l'expérience d'un américain sous le charme de la découverte d'une culture étrangère, sa double histoire d'amour et sa tendance à idéaliser le monde qu'il décrit, Robert Rossen a eu il me semble une approche beaucoup plus immersive et plus documentée.

Là où le film de Boetticher reste à la surface des choses, The brave bulls est une vision sans concession traitant de tous les aspects tant social, culturel, qu'économique (notamment à travers le prisme du propriétaire d'arène contraint de négocier des taureaux de première classe afin de signer un contrat avec une vedette et ainsi attirer le public, on découvre également tous ceux que le matador vedette fait vivre). C'est presque un documentaire bien plus qu'une biographie d'une star de la tauromachie. C'est aussi un excellent film sur les milieux du sport et du spectacle. Luis Bello aurait pu être boxeur ou acteur de théâtre.

A l'inverse, c'est sur les scènes d'amour que le film de Rossen marque des faiblesses. Cette partie romance très réussie chez Boetticher semble ici bâclée ou plutôt coupée au montage.
La mise en scène repose d'ailleurs beaucoup sur un montage sec qui s'avère parfois déstabilisant. Je pense entre autres à l'ellipse totale sur la mort de deux des personnages majeurs du film. Et dans l'arène on a à plusieurs reprises le sentiment que des plans ont été coupés.

Mel Ferrer tient là probablement le rôle de sa vie, même si pour le public il sera à jamais le marquis de Maynes. Il est exceptionnel faisant même oublier qu'il n'est pas mexicain. Quant à Anthony Quinn, ça fait du bien de le voir dans un rôle sobre comme ici où sa présence est charismatique avec très peu de moyens.

"We'll live forever and both get rich!"
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Cette réplique boucle formidablement le film et témoigne de l'ironie et du recul de Rossen vis à vis de ce qui vient de nous être conté.
Dernière modification par Supfiction le 20 févr. 16, 11:20, modifié 1 fois.
kiemavel
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Re: Robert Rossen (1908-1966)

Message par kiemavel »

C'est presque un documentaire bien plus qu'une biographie d'une star de la tauromachie. C'est aussi un excellent film sur les milieux du sport et du spectacle. Luis Bello aurait pu être boxeur ou acteur de théâtre.

Je te suis presque totalement sur ce passage…mais j'insiste sur l'importance du public mexicain qui est déterminant et pas seulement les aficionados aussi prompts à vénérer qu'à bruler leurs idoles. Pour ce qui est de la base documentaire, je te suis partiellement car s'il y a une volonté documentaire, il me semble que Rossen "fictionnise" tout de même les relations entre l'idole et son public ; entre l'idole et sa famille ; et même avec son mentor/manager.

A l'inverse, c'est sur les scènes d'amour que le film de Rossen marque des faiblesses…….semble ici bâclée ou plutôt coupée au montage.

Non, je ne trouve pas. Baclée ou coupée au montage ? Que tu estimes que la romance n'est pas assez développée et occupe peu de métrage, ok, je peux comprendre mais c'est totalement volontaire. Rossen va à l'essentiel sur cet aspect car la vie sentimentale du personnage central est secondaire dans ce film peu romanesque. Cependant, il l'est tout de même dans les quelques séquences clés mettant en scène la jeune femme. Je trouve le personnage parfaitement utilisé mais parcimonieusement. D'abord, on comprend qu'elle est utilisée par le manager pour redonner le moral au champion (je ne veux pas trop spoiler mais elle est manipulée). Le personnage est donc sur la réserve en raison de ce secret ; puis on la retrouve dans une longue séquence (pour moi sublime) de confidence nocturne rythmée par la musique venant de la rue. Je passe sur la suite…Par contre, Miroslava n'était pas une très bonne actrice mais c'est tout ce que je reproche aux quelques séquences entre la jeune femme et Luis Bello.

La mise en scène repose d'ailleurs beaucoup sur un montage sec qui s'avère parfois déstabilisant. Je pense entre autres à l'ellipse totale sur la mort de deux des personnages majeurs du film. Et dans l'arène on a à plusieurs reprises le sentiment que des plans ont été coupés.

Je te suis partiellement. Ce qui a du te troubler, c'est dans les scènes de combat, l'alternance dans le montage de plans tournés pour le film…et de stocks-shots. En revanche, le montage sec des combats est surement volontaire, de même que les ellipses que tu relèves. D'ailleurs les combats de la seconde partie sont filmés et montés de manière très différentes de ceux du début. Si les premiers étaient documentaires, dans le final, Rossen a voulu visiblement dramatiser les combats, tout comme l'avant combat d'ailleurs (pour moi au moins une séquence "en coulisse" est extraordinaire…). Bref, visiblement tu as aimé mais plutôt moins que moi puisque ce film avait été ma plus belle découverte de 2014. Je vais rapatrier mon texte de l'époque.
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The Brave Bulls

Message par kiemavel »

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La corrida de la peur (The Brave Bulls) 1951
Spoiler (cliquez pour afficher)
Produit et réalisé par Robert Rossen / Distribution : Columbia / Scénario : John Bright d'après le roman de Tom Lea / Photographie : Floyd Crosby et James Wong Howe / Musique : Mario Castelnuovo-Tedesco

Avec Mel Ferrer ( Luis Bello) / Anthony Quinn (Raul Fuentes) / Miroslava (Linda de Calderon) / Eugene Ignesias (Pepe Bello)

Ce film raconte la vie de Luis Bello, l'un des plus célèbres matadors mexicains. Après avoir été grièvement blessé pour la première fois au cours d'un combat, durant sa convalescence il va commencer à être assailli de cauchemars et va commencer à douter de sa capacité à retourner dans l'arène. Son retour catastrophique lui fait perdre toute confiance en lui-même et provoque un scandale dans tout le pays ; le public et la presse l'accablant en raison de la lâcheté de sa conduite dans l'arène...

Ce film de Robert Rossen est l'adaptation d'un roman très populaire (et parait-il remarquable) de Tom Lea paru aux États-Unis en 1949 et qui sera traduit un peu partout, la 1ère édition française datant de 1952. Le metteur en scène avait du aimer sa lecture puisqu'il s'empressa d'acquérir les droits du livre aussitôt après sa parution (le New-York Times donna l'information en mai 1949 pour un roman paru en avril). Comme son film précédent, Les fous du roi, il va le produire pour Columbia mais ce sera son dernier film pour cette firme car Rossen était déjà dans le viseur de la commission des activités anti-américaines si bien que la Columbia tergiversa un an avant de sortir le film puis Harry Cohn mis fin à son contrat avec la firme en cette même année 1951. Ses déboires "politiques" entraineront d'ailleurs son exil en Europe ce qui conjugué à ses ennuis de santé (il s'est éteint prématurément à l'âge de 57 ans) peuvent peut-être expliquer la dégringolade des années 50 (Mambo, Alexandre le grand, Une ile au soleil, Ceux de Cordura)…avant qu'une résurrection presque inattendue vienne nous rappeler le talent de ce metteur en scène (L'arnaqueur (The Hustler), un chef d'oeuvre et enfin Lilith, un dernier film inégal mais intéressant.

Un autre grand cinéaste s'est beaucoup intéressé à cet univers, c'est Budd Boetticher qui adorait la tauromachie (il avait même été matador) tournant, en comptant Arruza, un documentaire, 3 films sur ce milieu. Par comparaison, selon Robert Parrish (qui revendiquait le montage de The Brave Bulls sans qu'il en ai été crédité), Robert Rossen détestait la corrida…et pourtant c'est lui qui selon moi a réalisé le chef d'oeuvre du genre car à tous points de vue ou presque (scénario, mise en scène, photographie, montage, musique) son film surclasse le meilleur film que Budd Boetticher consacra au milieu, c'est à dire La dame et le toréador (The Bullfighter and the Lady) qu'il avait réalisé en cette même année 1951.
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Robert Rossen avait manifestement tenté de profiter du prestige dont il jouissait encore à la Columbia après ses deux précédents films qui avaient été de grands succès pour réaliser un film personnel et il semble avoir voulu écarter délibérément certaines recettes hollywoodiennes éprouvées pour privilégier un traitement plus adulte de son sujet….et c'est parfaitement réussi. The Brave Bulls est un film construit comme un puzzle mais c'est quand même avant tout la biographie d'une star de la tauromachie. Robert Rossen fait le portrait complexe d'un l'homme, en montrant l'histoire d'une ascension sociale, les rapports complexes d'un homme qui a réussi avec sa famille, avec son entourage professionnel, avec son public ; tout ceci pour montrer la complexité des rapports entre une star (ici de son sport qui est en même temps un art) avec son milieu, ses admirateurs et la fragilité de son statut…Mais ce film comporte aussi des aspects romanesques : le héros a un jeune frère qui veut lui aussi être matador et cet histoire dans l'histoire tient jusqu'au bout sans jamais que Rossen n'ai recours à de faciles et tentantes ficelles dramatiques. On suit aussi son histoire d'amour belle et étrange avec une jeune femme de la haute société de Mexico. Mais c'est aussi un film d'action, les scènes de corrida pourtant filmées dans une approche quasi documentaires sont inventives et visiblement conçues pour renouveler constamment l'intérêt voir l'opinion du spectateur entre fascination et dégout et c'est absolument remarquable d'invention, autrement plus en tout cas que les répétitives séquences d'initiation et de formation de Robert Stack dans le film de Boetticher. Robert Rossen parvient aussi à encrer cette histoire personnelle dans un pays que l'on sent. Il nous donne à comprendre le Mexique, sa population, son engouement. Chaque personnage secondaire a été choisi avec soin pour montrer une partie, un aspect du milieu (un organisateur, peut-être profiteur, lié à la bonne société de Mexico ; un éleveur de taureau célèbre ; le petit propriétaire d'une arène de province dont on suit sur le long terme le combat pour réussir à faire venir le grand Luis Bello dans son arène, etc…). Et enfin, malgré cette richesse qui est presque son seul défaut car certains aspects sont seulement survolés et auraient mérité d'être encore davantage développés, Robert Rossen parvient à garder cette histoire en équilibre grâce à la charpente très solide du scénario et à rendre vivant ce monde par une mise en scène d'une extraordinaire fluidité. Il réussit ainsi par petites touches qui viennent s'imbriquer tout le long du récit à nous donner une vision du pays, de sa culture et notamment de l'art tauromachique, tout en restant un film d'action et en ne négligeant pas le romanesque.

Pour commencer, ce film nous immerge totalement dans la culture mexicaine. Avant même les images, dès le générique, c'est la musique qui nous saute aux oreilles. Plutôt que de faire appel à un "professionnel" de la musique de films, Rossen s'est servi des musiques populaires mexicaines et c'est tout le film qui est baignée par ces musiques très couleurs locales omniprésentes et superbes. Alors que d'ordinaire trop de musique m'agacerait plutôt et en dépit du fait que je n'ai pas le "neurone" à folklore, ces musiques entêtantes et admirablement choisies, notamment le thème tranquille à la guitare des scènes d'intimité entre Luis et Linda, deviennent indissociables du film alors qu'elle pré-existaient bien avant celui ci. Le public aussi, Rossen nous le rend omniprésent, nous fait ressentir la passion de ce peuple, la pression bienveillante qu'il exerce mais aussi son exigence et parfois les disgrâces qui peuvent s'abattre sur ceux qui trahissent sa confiance. En marge des combats dans l'arène, Rossen filme les déambulations de la voiture de Luis Bello dans Mexico, montrée du doigt par les passants, suivie par les enfants. Une visite chez un confrère dans un quartier reculé de la ville est une fête pour les habitants du coin qui s'agglutinent dans la rue et sous les porches pour apercevoir leur champion. Les amoureux rentrant chez eux croisent des attroupements autour de jeunes gens mimant la corrida. Il nous montre la ferveur populaire, la fête que représente l'arrivée d'une star de la tauromachie dans une petite ville Mexicaine ; l'agitation et les feux d'artifice de la soirée précédant la corrida perturbant même l'inquiet Luis Bello. Même dans l'arène, alors que le centre de l'attention se situe au coeur du combat, Rossen renvoie sans cesse les actions de ceux qui focalisent toute l'attention par des coups d'oeil sans cesse inventifs, renouvelés et significatifs vers la foule des spectateurs ou les proches des matadors. Robert Rossen parvient même à rendre compte par sa mise en scène de la perte de prestige de Luis Bello après sa défaillance en filmant différemment les foules considérables en apparence semblable qui l'attendent aux abords de l'arène, en se mettant à distance ou au contraire en filmant au coeur de la mêlée pour saisir la foule admirative ou au contraire hostile à l'ancienne gloire de son sport.
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Car tout tourne autour de Luis Bello, le personnage central du film de Rossen. Le portrait total de cet homme entre deux âges qui est la star d'un métier dont il connait tout et auquel il a consacré sa vie se prêtait parfaitement au programme ambitieux du metteur en scène. Lorsqu'on découvre cet homme adulé, on ne soupçonne pas les failles secrètes de celui qui semble insouciant et qui jouit du confort apporté par sa réussite professionnelle. La rupture est brutale. Ce qui est semble t'il sa première grave blessure va totalement bouleverser ses certitudes car ce premier accident va pour commencer réveiller les doutes sur les capacités réelles de celui qui se considère finalement comme le produit d'un manager talentueux doué pour la publicité. Puis c'est la peur de rentrer à nouveau dans l'arène qui va s'emparer de lui et lorsque après avoir longtemps repoussé l'échéance, il se présentera enfin à nouveau au public, il connaitra pour la première fois l'humiliation puis, au cours d'une descente aux enfers qui se fera en plusieurs étapes, il va perdre progressivement l'admiration de ceux qui l'adulait. Il va alors faire un pas de coté et la remise en question sera totale. On rentrera dans l'intimité d'une âme tourmentée car Louis Bello va devoir lutter avec lui même pour tenter de trouver un sens véritable à ce métier dangereux qui a été pour lui un ascenseur social mais vis à vis duquel il n'avait jamais pris aucun recul. Il va aller chercher les raisons profondes de sa vocation de toréador qui est née très tôt, ce retour en lui même le forçant à se pencher sur son passé. Cet plongée dans les souvenirs va passer par la femme qui est pour Rossen -en tout cas dans ce film- la confidente car la plupart des rencontres avec Linda de Calderon vont donner l'occasion à Luis de livrer à chaque fois un peu plus explicitement les raisons profondes de ses angoisses. Au cours d'une des nuits passées avec Linda, il va plus particulièrement évoquer son enfance. Rossen passe par un très beau et court flashback montrant la pauvreté extrême de sa famille de paysans travaillant pour un grand propriétaire terrien et le déclic qu'avait été pour lui la rencontre avec un matador symbole et modèle de réussite sociale ultime pour un fils de paysan, ce qui éclaire un peu mieux sa vocation qui avait comme source l'attrait de l'argent et le besoin de reconnaissance sociale. On comprendra alors mieux les scrupules de Luis Bello dont la hantise est de décevoir son public issu comme lui des classes populaires ; les interrogations d'un homme que la réussite individuelle a isolé de sa famille et plus globalement ses interrogations sur la sincérité des relations qu'il a pu établir avec tout son entourage ce qui entrainera une remise en cause de toutes ces relations plus ou moins malsaines.

Cette famille que Luis évoque par le souvenir, on la suit surtout tout au long du film principalement à travers les personnages de la mère et encore davantage celui de Pepe, le plus jeune frère de Luis interprété par Eugène Iglesias dans son 1er rôle à l'écran. C'est lui qui est avec son frère ainé le personnage clé de toute la partie finale absolument inoubliable du film qui se déroule presque intégralement dans l'arène. Auparavant, on aura découvert ceux qui semblent uniquement intéressés par le confort qu'a apporté la réussite de Luis, une réussite qui a aussi entrainé beaucoup d'incompréhensions et de malentendus en raison du décalage et de l'isolement que sa starisation a entrainé. C'est surtout sa mère qui en souffre le plus car Luis a de plus entrainé sans le vouloir Pepe a vouloir suivre ses traces bien que Luis ne fasse pas grand chose pour favoriser sa carrière car pour lui la transmission ne doit pas passer entre deux frères dont l'un est une star et l'autre un novice. On peut voir aussi dans sa volonté de laisser Pépé faire ses preuves par lui-même, une crainte d'entrainer son jeune frère vers un métier aussi dangereux mais finalement tout le monde lui en veut sans le dire, sa mère et son frère…Finalement, il va finir par tenter de faire pression sur son manager pour que celui ci prenne en charge la carrière du jeune homme mais ces malentendus, les pressions multiples et l'incompréhension mutuelle qui vont encore accentuer la grave crise d'identité personnelle que traverse Luis.
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Cette crise lui permet aussi d'ouvrir les yeux sur son entourage professionnel, notamment sur son mentor et manager de longue date, Raul Fuentes (Anthony Quinn). On devine que malgré leur longue amitié, leur proximité est aujourd'hui surtout professionnelle mais au moment ou débute la crise de Luis, l'influence de ce mentor est toujours indéniable. Luis se réfère presque toujours à ce que pense et préconise Raul mais c'est que son apprentissage fut long et que sa carrière ne décolla vraiment que lorsque Raul prit sa carrière en main. Même arrivé au sommet de sa popularité, c'est un homme habité par le doute quand à ses capacités réelles et qui s'en remet bien trop à un homme qui s'est éloigné de ses préoccupations. Raul s'est en effet enrichi en tant qu'organisateur de corridas et manager de toreros et alors que Luis continu à sortir dans les tavernes populaires et de s'enivrer avec des filles faciles, Raul s'est mis à fréquenter la bonne société de Mexico. Raul Fuentes va a nouveau se préoccuper de Luis quand celui ci va flancher mais le fait-il parce que le tiroir caisse commence à coincer ? C'est une question que se pose sans doute Luis qui va pour la première fois s'inquiéter de sa fortune lui qui ne s'était jamais occupé de problèmes d'argent, ne s'étant jusque là jamais intéressé à autre chose qu'aux taureaux. La gêne de Raul et son faible soutien dans ses moments difficiles n'empêcheront pas Luis d'éprouver pour son mentor une reconnaissance qui la aussi montre sa vulnérabilité profonde qui n'aura finalement qu'éclater à la (dé)faveurs de quelques évènements personnels qui auront révélé ses failles profondes.

Sa tentative de reconstruction, dans un premier temps sans arrières pensées, va aussi lui permettre de trouver en lui la force de surmonter sa peur et retrouver sa dignité perdue mais de manière très paradoxale car c'est quand il va croire ne plus tenir à rien et être dans un état de fragilité extrême qu'il va renaitre. C'est en action, dans l'arène que Luis Bello va tenter de retrouver cette dignité perdu dans des séquences d'une puissance émotionnelle exceptionnelle. Avant cela, on aura eu l'impression que Robert Rossen aura su rendre compte même brièvement de tous les aspects de l'univers tauromachique, y compris de tous les aspects du combat proprement dit mais la encore par des petites touches semées tout au long du récit. On voit tous les aspects du métier : l'apprentissage et l'entrainement des matadors puis quelques combats dans des arènes de province puis dans les plus grandes arènes du pays dont la Plaza Mexico. Il montre aussi les préparatifs, les couloirs, les vestiaires. Les regards des "petits" assistants de la star. L'isolement du matador en dépit de l'agitation et de la fébrilité qui l'entoure, avec parfois en bruit de fond le vacarme des cloches qui sonnent. Dans l'épilogue, Il nous montre l'habillage lent et soigneux du matador avec en voix off les pensées de l'homme qui tente de se persuader que : " l'habit cachera la peur…". L'entrée en scène…et bien sûr les combats.
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Les quelques corridas (télévisées) auxquelles j'avais jadis assisté par curiosité n'avaient suscité chez moi que répulsion. Dans le film de Robert Rossen, alors que les scènes tauromachiques occupent une place importante surtout dans le long épilogue qui est une très longue corrida au cours de laquelle on assiste à plusieurs combats, je n'ai même pas ressenti le mélange de fascination et de répulsion attendue en raison de la distance imposée par la fiction et des limites imposées par le code de production qui interdisait de montrer les mises à mort et obligeait à édulcorer les moments les plus violents. C'est aussi et surtout du à l'art de Rossen qui tient relativement à distance le spectateur, volontairement me semble t'il, de cette violence filmant souvent de loin puis il se rapprochera de plus en plus jusqu'à être au coeur de la mêlée. Cette façon de faire permet de mieux rendre compte de l'élégance de la gestuelle du matador mais de toute façon la virtuosité sidérante du metteur en scène fait tout passer en raison de la fluidité de sa mise en scène et de sa créativité puisqu'il parvient à renouveler sans cesse notre vision des combats, changeant sans cesse les angles et les points de vue.

Après que Luis ai subit l'attaque presque fatale d'un taureau, on va surtout se demander avec lui s'il va seulement pouvoir rentrer à nouveau dans l'arène ; il y parviendra presque contre son grée quand il acceptera à contrecoeur de remplacer un de ses vieux collègues blessés pour retrouver ensuite la tête d'affiche de la plus grande arène du pays, la Plaza Mexico. Dans les admirables scènes finales qui ne vont pas forcément plaire aux aficionados, ce n'est pas en faisant preuve de courage que Luis va parvenir à dompter sa peur ; ce n'est pas parce qu'il est plus fort que sa peur ; il ne la surmonte pas de manière virile, c'est qu'il finit par affronter calmement les évènements qui se présentent quel qu'il soit et fini par accepter que sa mort fasse partie de ces possibles voir en acceptant qu'elle soit inéluctable car lui même semble persuadé qu'il n'est plus capable de toréer. Rossen montre alors Luis Bello exposer son buste face au taureau dans un duel ou véritablement il donne par sa mise en scène l'impression pourtant artificielle que les deux adversaires ont une chance égale. Dans cette partie finale d'une grande intensité dramatique, il va d'abord montrer des taureaux leur puissance, filmant comme personne ne l'avait fait avant lui (pas même Boetticher) des têtes de taureaux frôlant les corps des matadors réussissant encore à rendre cette violence et ces forces brutes élégantes et esthétiquement superbe avant un épilogue ou Rossen parviendra encore à nous surprendre et à nous émouvoir.

Pour finir, un mot sur les multiples talents de ce film. Je remets le prix de la mise en scène de l'année à Robert Rossen. Son travail est absolument exceptionnel mais le reste de l'équipe technique est au taquet surtout les directeurs de la photographie Floyd Crosby et James Wong Howe et le monteur Robert Parrish (non crédité…et qui réalisa lui aussi en 1951, un film, The Wonderful Country, adapté du même romancier). J'avais commencé par dire que le seule défaut de ce film était qu'il ne durait pas assez longtemps par rapport à tout ce qu'il brassait mais j'en vois tout de même encore un autre, c'est l'interprétation assez moyenne de Miroslava dans le rôle de Linda de Calderon. En revanche, je n'avais jamais vu Mel Ferrer comme ça. C'est un acteur que je trouve bien souvent assez insipide mais qui est ici absolument exceptionnel de bout en bout et je ne le pensais pas capable de donner une telle performance. Anthony Quinn est lui aussi remarquable et très sobre dans le rôle de son manager. Je pourrais aussi rendre compte de la poésie de certains des dialogues nocturnes échangés entre Linda et Luis mais j'ai déjà fait un peu long…Des films comme ça, j'en découvre deux à trois par an. Pour moi un chef d'oeuvre tellement grand qu'on peut l'admirer sans être amateur de corridas et je le suis moins que quiconque. Je ne sais pas encore qu'elle sera le prochain film qui apparaitra dans ce topic. Je tenterais bien de réhabiliter la chasse à courre et de montrer la beauté de la biche aux abois mais rien n'est moins sûr. Vu en vost
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Alexandre Angel
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Re: Robert Rossen (1908-1966)

Message par Alexandre Angel »

kiemavel a écrit :Pour finir, un mot sur les multiples talents de ce film. Je remets le prix de la mise en scène de l'année à Robert Rossen. Son travail est absolument exceptionnel mais le reste de l'équipe technique est au taquet surtout les directeurs de la photographie Floyd Crosby et James Wong Howe et le monteur Robert Parrish (non crédité…et qui réalisa lui aussi en 1951, un film, The Wonderful Country, adapté du même romancier). J'avais commencé par dire que le seule défaut de ce film était qu'il ne durait pas assez longtemps par rapport à tout ce qu'il brassait mais j'en vois tout de même encore un autre, c'est l'interprétation assez moyenne de Miroslava dans le rôle de Linda de Calderon. En revanche, je n'avais jamais vu Mel Ferrer comme ça. C'est un acteur que je trouve bien souvent assez insipide mais qui est ici absolument exceptionnel de bout en bout et je ne le pensais pas capable de donner une telle performance. Anthony Quinn est lui aussi remarquable et très sobre dans le rôle de son manager. Je pourrais aussi rendre compte de la poésie de certains des dialogues nocturnes échangés entre Linda et Luis mais j'ai déjà fait un peu long…Des films comme ça, j'en découvre deux à trois par an. Pour moi un chef d'oeuvre tellement grand qu'on peut l'admirer sans être amateur de corridas et je le suis moins que quiconque.
Je suis fort troublé de lire un tel bien d'un film complètement ignoré par 50 ans de cinéma américain (en tous cas dans la notule sur Rossen), qui a ses failles donc je n'en tire aucune conclusion et je fais confiance à ta passion. Je suis juste troublé et émerveillé de cette découverte que je dois faire séance tenante (mais comment?). Merci à toi et à Supfiction.
Un petit relevé mesquin de ma part : The Wonderful Country, c'est 1959 :wink:
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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