phylute a écrit :Je trouve au contraire qu’il es tellement rare et précieux qu’un cinéaste se frotte directement à l’homme, à la douleur, à la mort. Je trouve que le cinéma se doit d’aller se frotter ainsi à l’essence même de nos vies, à aller éclairer ces zones d’ombres que l’on s’évertue à masquer dans nos sociétés.
L'"essence" de nos vies, ce n'est pas la souffrance, ce n'est pas la douleur, ce n'est pas nos zones d'ombres, car ce serait singulièrement nous réduire à quelque chose d'animal. C'est cela que je reproche à
Bergman parfois et singulièrement dans ce film: cette entreprise de réduction de la personne. Je m'oppose totalement à l'idée selon laquelle la vérité de la vie c'est la souffrance, idée qui me parait précisément relever entièrement de la tradition chrétienne, contrairement à ce que dit MJ.
Bergman, comme Kierkegaard avant lui suivant son propre chemin de croix, regarde l'humanité par le bout d'une lorgnette, au travers de ses propres souffrances qu'il projette. Mais, sa lorgnette, si puissante soit-elle, n'opère pas de "révélation". Elle obère au contraire la vérité de nos vies, lorsque son objectif est aussi étroit et frontal qu'ici, et la masque avec une sincérité désarmante et impudique confinant à la "complaisance". Je ne souhaite pas partager la souffrance de
Bergman, celle dont il m'impose la vision dans Cris et Chuchotements. La souffrance et la mort ne sont que des faits. Ils sont là. Mais ils ne nous définissent pas, ne nous résument pas. Rien ne devrait nous pousser à avancer dans nos vies en les fixant toujours du regard.