Gordon Douglas (1907-1993)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alexandre Angel
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Re: Gordon Douglas (1907-1993)

Message par Alexandre Angel »

Profondo Rosso a écrit :Pour la violence ça m'a vraiment surpris, c'est particulièrement brutal et sanglant. Il y a quand même une scène où on voit Alan Ladd prendre une balle puis un coup d'épée dans le bide (en plan d'ensemble et sans masquer l'impact par le montage) se relever et achever l'adversaire sauvagement au poignard. Et dans l'ensemble c'est un festival de balles dans la tête, coup de couteau dans le dos et autres joyeusetés (le summum restant le duel dans l'obscurité). Ca sort du tout venant dans la violence graphique, très surprenant.
Oui, et la matérialité du couteau (c'est dommage, ta capture ne rend pas justice à l'échelle et il faudrait imaginer l'engin dans la main du nabot Ladd :uhuh: ) ça donne de la concrétude à la violence que nous évoquons. Il y a une vraie peur physique, et chez les personnages, et chez le spectateur, des ravages que peut provoquer cette arme.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Profondo Rosso
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Re: Gordon Douglas (1907-1993)

Message par Profondo Rosso »

Alexandre Angel a écrit : Oui, et la matérialité du couteau (c'est dommage, ta capture ne rend pas justice à l'échelle et il faudrait imaginer l'engin dans la main du nabot Ladd :uhuh: ) ça donne de la concrétude à la violence que nous évoquons. Il y a une vraie peur physique, et chez les personnages, et chez le spectateur, des ravages que peut provoquer cette arme.
Et j'aime beaucoup tout l'aspect mythologique qui entoure l'arme avec la fabrication en métal de météorite, même la façon dont il s'en débrsse à la fin on se croirait dans le Excalibur de John Boorman :mrgreen: C'est vraiment étonnant que le film soit si méconnu en tout cas.
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

On débute l'année aux côtés de Frank Sinatra et Doris Day dans un film de Gordon Douglas dont nous aimerions beaucoup qu'il fasse son apparition en Blu-ray en France : Young at Heart.
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Profondo Rosso
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Re: Gordon Douglas (1907-1993)

Message par Profondo Rosso »

Sur la piste des Comanches (1958)

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Gar Davis, poursuivi par la loi, traverse le territoire comanche. Trouvant un cadavre, il s'empare de sa veste et réussit ainsi à se dérober. Sa fuite le conduit dans un ranch où il fait la connaissance de Celia Gray et de son enfant. Ce qu'il ignore, c'est que le mort qu'il vient de détrousser était le mari de son hôtesse…

Fort Dobbs est un western typique de l'approche du scénariste Burt Kennedy qui l'écrit entre les sommets du légendaire cycle Bud Boetticher/Randolph Scott - Sept hommes à abattre (1956), L'Homme de l'Arizona (1957), L'Aventurier du Texas (1958), La Chevauchée de la vengeance (1959) et Comanche Station (1960). On en retrouve donc forcément plusieurs éléments, construction reposant sur le voyage/course poursuite et cohabitation forcée, héros taciturne et ambigu, antagoniste gouailleur et libidineux, tension sexuelle sous-jacente... Mais alors que les pourtant déjà très concis films de Boetticher laissaient malgré tout une certaine place à la mélancolie (tant par les conclusions douces-amères que par l'interprétation de Randolph Scott), Sur la piste des Comanches va plus loin en adoptant totalement le point de sec et efficace de son héros.

Les non-dits chers à Burt Kennedy (les actions des personnages servant leurs vraie nature plus ce que le point de départ donne à voir) fonctionnent donc à plein avec cette ouverture illustrant la brutalité et la détermination de Gar Davis (Clint Walker). On ne saura rien de plus que sa recherche d'un homme dont il souhaite se venger, la raison restant obscure et ladite vengeance restant en hors-champs. Sa manière habile et froidement rationnelle de se débarrasser de ses poursuivants complète le tableau, un échange de veste avec un cadavre victime des comanches le faisant passer pour mort. Le physique massif de Clint Walker (1m98, visage carré et regard glacial) ajoute encore à cette idée et l'ensemble du film tout dévoué à son efficacité n'aura de cesse par petites touches de l'humaniser. Point de dialogues explicatifs, de psychologie ou de lamentations cependant, tout se révèle par l'action et le mouvement. Le tueur froid qu'on a cru deviner détourne ainsi sa cavale pour sauver Celia Gray (Virginia Mayo) et son fils menacés en territoire comanche. Alors que le regard du spectateur se fait plus bienveillant pour Davis à l'inverse la méfiance nait dans celui de ces compagnons de route à la suite d'un rebondissement habile. Ce qui va les lier malgré eux, c'est la menace comanche que Gordon Douglas filme avec une efficacité redoutable. La tension reposera à la fois sur l'attente (la fuite dans la ferme, le calme fébrile avant la bataille lors du final au fort) et le mouvement, Douglas alternant avec brio statisme savamment calculé et action débridée. Les dialogues lourds de sens (lorsque Davis évoque le sort que les comanches réservent aux femmes à Virginia Mayo), la menace désincarnée des comanches (des silhouettes éloignées et inquiétantes ou de simple visages haineux) et la brutalité des morceaux de bravoure suffisent à distiller un suspense qui ne se relâchera jamais. Les explosions de violences sont aussi efficaces qu'inventives (ces nombreux panoramiques accompagnant la trajectoire meurtrières des flèches comanches lors du siège final) et adoptant toujours le point de vue apeuré des personnages (ce semblant de caméra subjective lors de la scène où Davis guette à la ferme). Douglas sait également maintenir ce sentiment lors d'un instants plus calme, la caractérisation inquiétante de Brian Keith (sur le modèle du Lee Marvin de Sept hommes à abattre) fonctionnant avec une simple ligne de dialogue :

Gar (Clint Walker) : « Tu continues à tuer ? »
Clett (Brian Keith) : « Je suis toujours vivant ! »

La relation trouble entre Walker et Virginia Mayo contribue également à la richesse du récit. Le soupçon et la haine de Mayo ne s'exprimera jamais aussi fortement qu'après avoir ressenti une attirance coupable pour Davis. La révélation bouleversant leurs rapports se fait après un sauvetage héroïque de celui-ci, dans un moment le montrant au sommet de sa virilité (Walker imposant et torse nue, habitude prise sur la série tv Cheyenne qui l'a fait connaître) et après qu'elle ait compris qu'il l'avait vu nue. La haine et le refus de laisser le bénéfice du doute à Davis se conjugue certainement ainsi au refoulement d'un désir inattendu. L'écriture habile de Burt Kennedy n'empêche donc pas un traitement intéressant tout en nous offrant une avalanche de péripéties et de rebondissements pour un spectacle alerte et captivant. 5/6
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Je ne m'étais donc pas trop trompé :wink:
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Re: Gordon Douglas (1907-1993)

Message par Kevin95 »

THE GREAT MISSOURI RAID de Gordon Douglas (1951) découverte

Gordon Doulgas sait qu'il n'a rien de spécialement original à dire au sujet des frères James (surtout qu'Henry King en 1939 avait bien rincé le sujet avec son Jesse James) et décide de combler son scénario trouvé dans la photocopieuse, son budget réduit au lavage et ses comédiens piochés dans le catalogue qui sert de cale-porte, par une énergie, une violence et un panache à faire suer les bobines du film. Il n'y a qu'à voir l'intro et comment le réalisateur règle le problème de la longue justification du pourquoi sont-ils aussi hors la loi, via une scène, une violence graphique frappante (l'un des frères est collé contre un arbre à la dur et frôle la pendaison) et un découpage musclé. Le reste du film est plus ou moins de ce niveau, seules les séquences dramatiques (où le talent en berne des comédiens sautent au visage) marquent le pas, mais dès qu'il fait sortir les revolvers, mister Douglas est dans la place. Petite série B cavalant, The Great Missouri Raid a son mot à dire dans l'Histoire des adaptations des frangins James.
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Re: Gordon Douglas (1907-1993)

Message par Profondo Rosso »

Le Géant du Grand Nord (1959)

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Luther Kelly, un trappeur, ayant sauvé la vie du chef indien Gall, a l'autorisation de poser des pièges sur le territoire des Sioux. Il est aidé par son assistant Anse Harper. Kelly refuse de guider l'armée fédérale à travers ce territoire. Sur le chemin du retour, Kelly et Harper sont faits prisonniers par Sayapi, le neveu de Gall. Les deux trappeurs réussissent à soustraire Wahleeah, une jeune indienne, des griffes de Sayapi. Cependant, le major Towns, mégalomane arriviste, fou de rage du refus de Kelly, tente d'envahir les terres réservées aux Indiens...

Le Géant du Grand Nord marque la deuxième collaboration entre Gordon Douglas et le scénariste Burt Kennedy après la grande réussite que fut Sur la piste des Comanches (1958). Ce film fut aussi l'occasion de révéler l'imposant Clint Walker, star de la série tv Cheyenne qui trouvait là son premier rôle marquant au cinéma. Le trio se retrouve donc pour ce film au ton bien différent. Clint Walker incarne ici Luther Kelly, un trappeur ayant réellement existé et dont un texte déroule la légende en ouverture, à savoir sa connaissance des terres sioux du Missouri qu'il est le seul à avoir exploré. Comme dans Sur la piste des Comanches, Gordon Douglas exploite l'allure intimidante et la nature taiseuse de Clint Walker pour dévoiler la nature solitaire de Kelly. Tout tend à appuyer ce détachement du monde et des hommes à travers ses longues périodes d'isolation passées à poser ses pièges, et le retour à la civilisation ne se fait que pour vendre les peaux de loups acquises et acheter d'autres pièges. Le personnage ne semble même pas savourer une quelconque communion avec la nature ni entretenir un lien avec les sioux (la raison pour laquelle il peut traverser leur territoire sans être menacé se révèlera plus tard) et aspire simplement à la monotonie et solitude de cette existence réglée. Tout le scénario tend ainsi à le rapprocher des autres dans une dimension à la fois humaniste (dans la relation paternelle entretenue avec le jeune Harper (Edd Byrnes)) mais également pro-indienne et amoureuse avec la belle Wahleeah (Andra Martin) dont il se retrouve bien malgré lui en charge.

Le film prend ainsi le total contrepied du déluge d'action de Sur la piste des Comanches pour une atmosphère posée et intimiste, où l'action ne dépasse l'espace de la cabane et ses alentours. L'interprétation inégale (Ed Byrnes sans charisme qui emmène l'ensemble vers une certaine mièvrerie par moment) fait parfois patiner le récit mais Gordon Douglas parvient à finement jouer de cette proximité en jouant du désir contenu, des regards à la dérobée et des sentiments naissant qu'éveille Wahleeah sur Kelly et Harper. Le caractère gauche et balourd dans les sentiments de Clint Walker le sert plutôt bien et contribue à la sensualité feutrée de certains moments grâce à la présence lascive d'Andra Martin. Ce détachement de façade de Kelly le rend finalement plus humain, à l'opposé de tous les autres protagonistes réduit à une quête obsessionnelle : Le chef sioux Gall (John Russell) et son neveu (Sayapi) risquant tout pour posséder Wahleeah, et le Major Towns (Rhodes Reason) emmenant ses hommes vers une mort certaine pour traquer les sioux. Certaines facettes auraient pu être plus fouillées (l'expérience de l'armée cause de la misanthropie de Kelly, la mégalomanie du Major Towns) mais ne dépasse malheureusement pas le stade l'esquisse. Visuellement si on peut déplorer parfois des extérieurs studio un peu trop voyant, Gordon Douglas fait une nouvelle fois preuve d'un époustouflant brio dans l'action même si parcimonieuse. L'empoignade où Kelly corrige une dizaine de soldat est du formidable énergie, et surtout comme souvent avec le réalisateur la violence est brutale et douloureuse avec des débordements sanglants inattendus tout au long du film. Pas une réussite au niveau de Sur la piste des Comanches mais un bon moment tout de même. 4/6
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Re: Gordon Douglas (1907-1993)

Message par Kevin95 »

THEY CALL ME MISTER TIBBS ! de Gordon Douglas (1970) découverte

Deuxième opus de la trilogie Tibbs, trois ans après In the Heat of the Night de Norman Jewison et un an avant The Organization de Don Medford. Étrange idée des producteurs et de Sidney Poitier que de vouloir donner une suite au film de Jewison comme de faire du lieutenant Tibbs, un personnage récurent, promis à une série de films à succès (spoiler alert, ce deuxième film fera bien moins d'entrées que le premier tandis que le troisième sortira dans l’indifférence coupant court à l'envie d'installer une saga Tibbs). Si In the Heat of the Night suivait son scénario en béton d'un seul trait, They Call Me Mister Tibbs s'avère être plus incertain, presque écartelé entre le désir d'urbaniser le personnage (San Francisco contre le trou perdu du premier film), de lui donner une couleur groovy (Quincy Jones, déjà présent pour le film précédent, donne du Funk à sa musique), de muscler le jeu via le choix de Gordon Douglas (qui a pour principe de foncer tête baisée dans ses intrigues contrairement au plus cérébral Norman Jewison) et un scénario privilégiant les face à face psychologiques, sans véritables séquences d'actions (seule une poursuite est à noter) et donnant au personnage de Tibbs le rôle de conscience morale. Dans le film de Jewison, Tibbs était l'intrus, le type qu'on essaye de balayer par tous les moyens. En revanche, dans le film de Douglas, c'est un père supérieur dans tous les sens du terme : gardien de la famille dite "normale", ultra autoritaire chez lui comme au boulot et se trouvant en prise avec une affaire de mœurs mettant en cause un prêtre un tantinet douteux (Martin Landau, tout en sueur). Poitier y apparait comme un redresseur de torts, comme le dernier rempart face à l’immoralité de l'époque et face à la violence. Je pense que le divorce entre les militants black et l'acteur doit prendre racine ici, tant Poitier apparait comme l'objet d'une pensée rétrograde. The Organization poussera le bouchon dans un cadre plus directement politique, en attendant, They Call Me Mister Tibbs est donc à la fois un petit polar carré, bien fait et une tentative de faire de Sidney Poitier (avec son consentement) l'anti Panther, l'anti militant anarchiste. Ça n'enlève rien à la qualité du film, c'est juste bon de le noter comme de noter que la musique de Quincy est une petite tuerie irrésistible.
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Re: Gordon Douglas (1907-1993)

Message par Rick Blaine »

Effectivement beaucoup plus anodin que le premier opus, Douglas fait le boulot sans égaler ses réussites de l'époque, notamment ses polars avec Sinatra. Ca reste un policier sympathique, bien enluminé par sa B.O. mais oubliable.
Je n'ai toujours pas vu L'organisation alors que je l'ai depuis des années.
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Re: Gordon Douglas (1907-1993)

Message par Kevin95 »

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THE DETECTIVE - Gordon Douglas (1968) révision

Tentative d'un polar sérieux, dépressif voir dérangé alors qu'Hollywood ne jurait que par le "cool". Comme le retour après dix ans, d'obsessions et de dérives qui collaient aux basques du film noir et de certains de ses opus les plus toqués. The Detective fait mine de découvrir l'eau chaude, surligne certains de ses effets "non glamour" (on vous propose pour le prix d'un billet : une nympho, des drogués et - parce que le directeur est sympa - des homosexuels), se prend quelque fois les pieds dans le tapis de la modernité (difficile de se dire en avance sur l'heure alors que les 3/4 des séquences sentent le studio Fox et que certains décors semblent récupérés de shows tv), mais gagne la partie grâce à sa tristesse, grâce aux cernes sous les yeux de Frank Sinatra, à sa rondeur (trahison de son âge et de ses excès), grâce à la détresse de Lee Remick, à la musique le coude sur le bar de Jerry Goldsmith ou à certains seconds rôles (je pense tout de suite à Tony Musante ou à Robert Duvall encore et toujours vénère). The Detective arrive finalement au bon moment, proposant une alternative hésitante mais salutaire aux polars "ensoleillés" de la fin des sixties, déblayant le terrain pour les policiers cafardeux de la décennie suivante.
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Re: Gordon Douglas (1907-1993)

Message par Profondo Rosso »

Tony Rome est dangereux (1967)

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Tony Rome, un détective privé de Miami vivant sur son bateau, est chargé par le milliardaire, Rudy Kosterman, d'enquêter sur sa fille alcoolique, à qui des bijoux ont été dérobés…

Tony Rome s'inscrit dans une tendance de néo film noir cherchant à remettre le genre au gout du jour à la fin des années 60. On aura ainsi les effets psychédélique et la narration hallucinée du Point de non-retour de John Boorman (1967), Don Siegel annonce l'ambiguïté de son Inspecteur Harry (1971) avec Police sur la ville (1968) et Bullitt de Peter Yates (1968) rénove la figure policière à travers le charisme de Steve McQueen. Adapté du roman Miami Mayhem de Marvin H. Albert, Tony Rome n'est pas forcément le meilleur de cette série de films mais s'avère plutôt plaisant dans l'ensemble.

L'intrigue tortueuse lorgne sur les classiques "labyrinthiques" du genre comme Le Grand Sommeil, l'intérêt reposant plus sur la force de moments isolés et du charisme de Frank Sinatra dans le rôle-titre. On part ainsi d'un "job" anodin pour le détective privé Tony Rome ramenant une jeune fille riche alcoolisée à sa famille pour traverser des environnements sordides et faire des rencontres dangereuses. A l'urbanité réaliste et/ou stylisée claustrophobe du film noir classique en noir et blanc, Gordon Douglas troque les couleurs, les grands espaces et le glamour du Miami des sixties. C'est un vrai atout pour accentuer la dimension décadente que peut désormais explicitement s'autoriser le réalisateur. Le regard coquin de Tony Rome s'attarde ainsi longuement sur les postérieurs (cadrés et zoomés plus qu'à leur tour) des créatures de rêves croisées, les dialogues coquins fleurissent (notamment dans la tension sexuelle entre Sinatra et le personnage de Jill Saint-John) et on s'étonne de voir les situations scabreuses longuement se prolonger telle cette rencontre avec deux lesbiennes. Hormis ces éléments piquants le récit n'apporte pas grand-chose de neuf au film de détective, tous les rebondissements ayant déjà été largement exploités en mieux ailleurs : Tony Rome menacé, tabassé, retrouvant des cadavres à son bureau... Reste l'allant, le charme et le charisme mûr de Frank Sinatra qui emporte l'adhésion avec ce héros plus malin qu'intimidant, finalement assez loin des canons hard-boiled tant il se malmener de bout en bout. Le rythme plan-plan n'est donc pas désagréable, Gordon Douglas se lâchant dans quelques éclairs de violence sèche dont il est coutumier, parfois assez gratuitement comme cette bagarre heurtée entre Sinatra et un colosse attardé mental.

On sent étrangement que James Bond est passé par là dans ce mélange d'élégance ensoleillée et de violence (l'intrigue de Goldfinger (1964) se déroulait d'ailleurs essentiellement à Miami) et même le thème principal de Jerry Goldsmith, mais la nervosité et la modernité s'est un peu perdue en route malgré les nombreux écarts. Les excès bienvenus restent superficiels dans une trame encore trop classique et on est loin de la folie des contemporains déjà évoqués comme Le Point de non-retour et même le désenchantement de classiques à venir comme Le Privé de Robert Altman. Le film sera néanmoins un succès qui amènera une suite l'année suivante avec La Femme en ciment et la collaboration entre Sinatra et Gordon Douglas se poursuivra même dans Le Détective (1968) plus sombre et réussi. 4/6
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Re: Gordon Douglas (1907-1993)

Message par Jeremy Fox »

Profondo Rosso a écrit :Tony Rome est dangereux (1967)

Le film sera néanmoins un succès qui amènera une suite l'année suivante avec La Femme en ciment et la collaboration entre Sinatra et Gordon Douglas se poursuivra même dans Le Détective (1968) plus sombre et réussi. 4/6
Plus sombre mais pas forcément plus réussi - perso je n'accroche pas du tout- Disons des films aux tons totalement contraires. Le dytique Tony Rome et La Femme en ciment sont des films de chevet pour ma part ; des films qui vers lesquels je reviens dès que j'ai envie de me détendre. Comme le dytique Harper d'ailleurs. Ces 4 là sont les polars cool qui ont ma préférence.
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Re: Gordon Douglas (1907-1993)

Message par Jeremy Fox »

Le western du WE : Les loups dans la vallée
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Supfiction
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Message par Supfiction »

bruce randylan a écrit :L'enquête ( Sylvia - 1965 )

Un homme sur le point de se marier engage un détective privé pour enquêter sur sa future jeune épouse dont il ne connait rien du passé.

Un scénario mince qui inquiète au début par une linéarité basique : le détective trouve une vieille connaissance de la fille qui lui raconte un moment de sa vie avant de lui donner le nom d'une nouvelle personne qui lui racontera à son tour un moment de sa vie avant de lui donner le nom d'une nouvelle personne etc... etc... En plus les premiers flash-back avec son actrice de 34 ans qu'on essaye de faire passer pour une ado de 15 ans sont proches du ridicule.

Pourtant, on se surprend à se prendre au jeu pour plusieurs raisons. D'abord pour la mise en scène fluide de Gordon Douglas qui parvient à enchaîner flash-back et investigation sans heurts. C'est pas forcément très original dans les procédés mais ça suffit à embarquer le spectateur. Il y a ensuite le choix d'une photo en noir en blanc qui devait être assez rare à l'époque et qui sert le film pour son climat un peu trouble et dérangeant ( le plan où Sylvia descent l'escalier après son viol est beaucoup plus puissant qu'il ne l'aurait été en couleur ).
Car oui, l'histoire est tout de même assez barrée : on y parle prostitution, viol incestueux, call girl, travesti, des sous-entendus lesbien sont réguliers... sans parler de la galerie personnages qu'on y trouve allant de d'alcoolique usée, à la stripteaseuse en passant pas le prêtre qu'on devine pédophile... Il y a beaucoup de chose comme ça qui ne sont pas dis clairement mais qu'on devine sans trop de difficulté. J'ai vraiment trouvé ça étonnant pour un film américain de cette époque ( Macadam cowboy n'arrivera que 5 ans plus tard ). D'autant plus surprenant que le film se met du coté de ses marginaux qui ne les jugent pas à l'inverse à de son "héros", un détective privé méprisant, hautain, cassant et cynique dont le jeu détaché ( presque absent ) accentue encore. Vu l'ambiance du film, j'ai envie de croire que celà est volontaire de la part de Douglas. En fait si on se place du pur point de vue du détective privé tout ce qui apparait comme des défauts ou des facilités se justifie : l'enchainement banale des événements et des flash-backs s'explique par le cynisme du personnage ( la narration de l'enquête devient d'ailleurs plus elliptique par la suite ), les visions ridicules de Baker à 15 ans se justifie par la manière dont le privé se l'imagine à cet âge... Tout celà n'est que supposition et il faudrait pouvoir voir le film une nouvelle fois pour savoir si cela se traduit dans le découpage et ou la photographie. J'ai envie d'y croire.

Dernier bon point qui rend le film toujours aussi original : sa science des détails. On trouve une multitude de petites choses qui encrent le film dans une réalité, presque un naturaliste qui rendent chaque scène très vivante et qui expliquent pourtant le film fonctionne et fascine autant. C'est détails simples mais utiliser harmonieusement et avec sobriété : un strip-teaseuse qui après avoir changé de costume met des lunettes car elle est myope, un petit enfant mexicain qui fait office de guide et qui possède un sacré tempérament ( scène vraiment drôle et pas gratuite du tout ), un me qui fait trop de bruit en mangeant, des enfants qui jouent pendant que le détective s'entretient avec un ami, la façon de parler d'un riche industriel du tracteur etc...
Il va sans dire que le seconds rôles y gagnent un profondeur et une justesse inhabituelle. Certains "intervenants" deviennent même très émouvants en quelques secondes ( souvent des personnages féminins au passage ) avec un visage qui exprime beaucoup de chose.

C'est une des grande force du film que de réussir à exprimer beaucoup de chose sans les dire. Il y a une scène d'une charge érotique incroyable qui est pourtant toute simple sur le papier : le détective discute avec la fille sur laquelle il enquête. Ils sont sur un manège de petit chevaux, il est debout tandis qu'elle est assise sur un cheval qui monte et qui descend. Le découpage et le rythme des dialogues évoquent la tension sexuelle entre les deux personnages sans que les dialogues l'abordent vraiment..
Cette manière également de mêler l'innocence, la pureté à des sentiments plus lubriques dira-t-on est aussi le cœur du film. Ca conduit bien-sûr à son actrice Carroll Baker qui est vraiment sensationnelle dans ce film et parvient à rendre crédible ce personnage de femme "pure" et cultivée qui se retrouve à se prostituer pour divers raisons. Elle livre une prestation délicate et difficile qui était nécessaire pour la crédibilité du film ( elle voulut s'impliquer dans la création de son personnage dès l'écriture mais les producteurs ne lui laissèrent choisir que les sacs à mains de son personnages ; rage de colère, elle les bazarda tous et du coup n'en porte que dans une seule scène :lol: )

Encore une fois, ce n'est pas parfait car aux quelques reproches que j'évoquais au début, il faut rajouter une fin trop précipitée et conventionnelle ainsi des flash-back inutiles qui tombent en plus à l'eau visuellement ( du moins à première vue donc )
Par contre, son climat, sa noirceur, sa sexualité dérangeante et son actrice marquent durablement et en deviendrait presque entêtant... C'est pour moi un film d'une immense richesse subversive dont l'apparente tranquillité narrative cache beaucoup plus qu'on pourrait croire... Je pense que ce n'est pas pour rien d'ailleurs si Mulholand Drive le cite explicitement ( le titre du film que le réalisateur tourne est le nom de Sylvia dans l'enquête )
Le film passera sur Paramount Channel le 20 septembre.
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Re: Gordon Douglas (1907-1993)

Message par shubby »

bruce randylan a écrit :Barquero ( 1970 )
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Le dernier western de Douglas est un film assez moyen qui souffre avant tout de l'interprétation fade de Lee Van Cleef incapable de rendre vivant ou même expressif son personnage de propriétaire d'une embarcadère, seul moyen permettant de traverser un fleuve à des kilomètres à la ronde.

L'autre gros problème vient ensuite d'un scénario manquant cruellement de rythme, de concision ou relief. Cette histoire manque cruellement d'ironie et de surprise alors qu'il avait un potentiel élevé dû justement à son postulat très simple : un groupe de pilleurs sans foi ni loi se retrouve coincé sur un rive alors qu'il doive absolument aller de l'autre coté. S'en suit donc un face à face à distance avec le "passeur".

Malgré les tentatives ( plutôt réussi ) d'étoffer les seconds rôles avec des touches d'humour ou de décalage qui caractérise l'univers du cinéaste ( l'espèce de trappeur qui torture psychologiquement un méchant avec les fourmis ; la femme qui se donne à Van Cleef en échange de la vie de son mari ), on ne ressent aucune véritable enjeu dramatique. Le personnage qui est en fait le plus intéressant est celui joué par le toujours génial Warren Oates qui prête ses traits aux chef des bandits sans pitié dont le narcissisme maladif, l'autorité buté et l'addiction à la drogue le conduiront à sa perte. Une sorte de fou illuminé.
C'est vraiment Oates qui porte la majeure partie du film sur ses épaules.

La réalisation de Douglas est également inégal. Les 2-3 fusillades sont très impressionnantes dans de longues séquences très découpés remplis de bruits, de fureurs et de cadavres par dizaines. Sans être forcément sanglante, ces moments virent presque dans l'auto-parodie d'un style lancé par Peckinpah et le Western italien. Riddick par exemple a trouvé ça trop long et sans intérêt alors que j'ai trouvé ça très fun et dynamique.

Ca ne sauve pas non plus un film bancal à l'intrigue en dent de scie mais qui à l'image de ces brusques éclats de violences possède encore quelques bons morceaux de choix.
Mon premier gordon douglas, donc, et je note pour rio conchos, merci les posts et les bonus du combo br/dvd.
Joussif pour ma part. Série B bien emballée, dialogues qui percutent, de l'humour, de l'action, pas de morale - aucun véritable héros à l'horizon - et pas de chichi. Un Johnnie To pourrait le remaker. Van Cleef n'est qu'une silhouette - mais quelle silhouette ! - et incarne parfaitement son bateau. Les seconds rôles, surtout Forrest Tucker, se chargent de gonfler la team gentil squatters quand de l'autre côté chacun s'en donne à coeur joie pour interpréter un tas de merde qu'on espère voir crever joliment. Qq passages surprenants invoquent la grande catégorie A - un gros plan soudain sur le visage d'une femme qui se vend à V Cleef pour sauver son mari, Oates qui invective la rivière tel Achab... Ca fait du bien tout ça, et me redonne foi en le western après trois déceptions (qui n'engagent que moi) : le désormais trop suranné Brigand bien aimé de ray, l'ennuyeux Cavalier noir de RW Baker - auquel j'étais sans doute trop acquis en amont - et le bien foiré "les colts au soleil" qui m'a trop tapé sur le crâne (j'aurais dû mettre ma casquette). A trop vouloir chercher à valoriser l'originalité, on en oublie qq évidences toutes simples, mais si efficaces. Et je l'aime bien, ce titre, Barquero. Je l'imagine crié à la japonaise par un toshiro mifune furax. Je m'en vais attendre le remake de Kurosawa, tiens ^^
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