Alfred Hitchcock (1899-1980)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par Jeremy Fox »

Ratatouille a écrit :C'est marrant.
Tous ces retours.
A la ligne.

Moi j'aime bien si ça ne vire pas au systématisme ; je trouve ça très clair et très fluide. J'ai beaucoup aimé le roman "Charlotte" de Foenkinos un peu pour cette raison, écrit entièrement comme ça avec un retour à la ligne après chaque phrase (en plus d'être joliment écrit).
Strum
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par Strum »

Truffaut Chocolat a écrit :J'suis d'accord : ses personnages tombent amoureux / sont séduits par des images ou des représentations. Femmes ou hommes.
Mais le cinéma, ce n'est que ça : des images et des représentations. Ce n'est pas propre à Hitchcock et surtout tu ne réponds pas au fond de mon argument : il a créé de grandes héroïnes de cinéma, qui s'imposent à nous par leur présence, ce qui est loin d'être le cas de tous les grands cinéastes.
Un réalisateur ou un créateur est avant tout quelqu'un de chair et de sang, avec sa vision des choses (parfois morale) qui a des qualités et des défauts.
Etre un grand créateur ne signifie pas être intelligent pour moi, ce sont deux choses différentes.
Quand il crée, il le fait avec toute sa subjectivité et moi je reçois ça avec la mienne.
Les films d'Hitchcock, je les trouve creux et superficiels, et pour reprendre un mot que les améwicains aiment bien, pas insightful.
Etre un grand créateur, c'est être très intelligent. Arriver à produire du sens comme le fait Hitchcock uniquement grâce à des images, faire que les images construisent un récit et en indiquent le sens, tout en jouant avec la censure et les spectateurs, c'est très fort, cela nécessite énormément d'intelligence et d'invention - tout le parcours d'Hitchcock témoigne de ce don d'invention. Il y a plusieurs formes d'intelligences, et je place l'intelligence des grands artistes parmi les plus hautes.
Moi je vois l'histoire d'un type qui tombe amoureux d'une image.
Et ça, c'est un fantasme de petit garçon, digne d'une cour d'école.
A l'âge adulte, ça se transforme par un type qui poursuit une fille jusque devant chez elle – et ça arrive tous les jours.
Je peux pas trouver ça beau, pertinent ou même mignon.
Parce que je suis très pragmatique sur ces choses-là.
Mais justement, Vertigo critique le fantasme de Scottie. :o Il dit que ce qu'il fait n'est ni beau, ni pertinent et que cela le mène à sa perte. Qu'il devrait épouser sa copine sympathique plutôt que de se laisser séduire par une morte, et donc effectivement par une image vénéneuse. Je m'étonne que tu ne perçoives pas le sens et la morale du film. Quand je vois Vertigo, je crie intérieurement "ne fais pas cela" à Scottie, et c'est le film qui me conduit à le dire, c'est le film qui montre Scottie comme quelqu'un de morbide et de déraisonnable qui se laisse séduire par une belle image vénéneuse (pour que le film soit crédible, il faut montrer l'image comme belle). Quand tu parles du "romantisme" de Vertigo, il me semble que tu te méprends sur le sens du mot romantique (quand tu écris "fabuleux" cela me semble impropre) tel qu'il a pu être appliqué à Vertigo par certains : dans le mouvement romantique du XIXè siècle, il y a un romantisme gothique qui peut être très noir, très morbide, celui de Melmoth, celui qui conduit à la mort ; le terme "romantique" est donc bien différent du terme "romance". Encore une fois, Vertigo renverse le sens du mythe grec de Pygmalion. Quand tu parles de Vertigo, c'est comme si tu t'arrêtais à l'image, à l'apparence, qui est précisément ce qu'Hitchcock critique. Vertigo est un film extrêmement riche, beaucoup plus que ce que tu en indiques, et tu sembles n'en percevoir que ce qui correspond à ton image du "petit garçon" et à ton affirmation qu'Hitchcock n'est pas intelligent.
le poids du passé dans Rebecca, c'est tellement, radicalement, opposé à ma façon de voir les choses...)
A nouveau, tu ne me parais retenir que l'apparence des choses, que le point de départ du film, sans tenir compte de l'endroit où Hitchcock nous emmène : Rebecca est précisément l'histoire d'un couple qui parvient à se libérer du poids du passé. Quand Manderlay brûle, le passé brûle métaphoriquement.

Plus généralement, un des attraits du cinéma réside dans sa capacité à nous montrer plusieurs points de vue sur l'existence, points de vue qui sont portés par des artistes et non par des sages et des philosophes (d'ailleurs, certains philosophes ont écrit beaucoup de bétises). N'aimer que les réalisateurs qui partagent mon point de vue sur l'existence me paraitrait réducteur, dans la mesure où c'est au contact des autres, et de leurs points de vue divergents, que je peux mieux les comprendre et élargir l'assise de mon point de vue.
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Truffaut Chocolat
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par Truffaut Chocolat »

AtCloseRange a écrit :
Truffaut Chocolat a écrit :Combien trouvent Vertigo (exemple que tout le monde connait) d'un romantisme désespéré et fabuleux ?
Moi je vois l'histoire d'un type qui tombe amoureux d'une image.
Et ça, c'est un fantasme de petit garçon, digne d'une cour d'école.
A l'âge adulte, ça se transforme par un type qui poursuit une fille jusque devant chez elle – et ça arrive tous les jours.
Je peux pas trouver ça beau, pertinent ou même mignon.
Parce que je suis très pragmatique sur ces choses-là.
Mais on n'est pas obligé de comprendre le comprendre le comportement névrotique de Stewart pour y adhérer ou y trouver une force dramatique?
Et l'important n'est pas tant le pourquoi mais comment Hitchcok utilise des formes pour matérialiser tout ça: le cercle (symbole de la réincarnation), le double, la façon de suivre de quelqu'un dans les rues de San Francisco, d'utiliser la topologie d'une ville.
Qui mieux que Hitchcock arrive à transcender ce que véhicule une rue, un paysage, une maison et à en faire des endroits "mythiques"?
La forme est constamment en accord avec le fond (les scènes répétées/doublées).
D'une certaine façon, le fantasme de petit garçon dont tu parles est "presque" accessoire au plaisir esthétique qu'il peut fournir.
Tout ça, on est d'accord et je ne le remets pas ça en cause.
Ce que j'essaie de dire, c'est qu'on peut aussi ne pas y être sensible.
Strum a écrit :
Truffaut Chocolat a écrit :J'suis d'accord : ses personnages tombent amoureux / sont séduits par des images ou des représentations. Femmes ou hommes.
Mais le cinéma, ce n'est que ça : des images et des représentations. Ce n'est pas propre à Hitchcock et surtout tu ne réponds pas au fond de mon argument : il a créé de grandes héroïnes de cinéma, qui s'imposent à nous par leur présence, ce qui est loin d'être le cas de tous les grands cinéastes.
Oui il a crée de grandes héroïnes, oui c'est un immense réalisateur, mais je ne retire rien de sa vision des rapports humains.
C'est le critère essentiel que je retiens pour aimer un film, un cinéaste ou une oeuvre.
Strum a écrit :
Un réalisateur ou un créateur est avant tout quelqu'un de chair et de sang, avec sa vision des choses (parfois morale) qui a des qualités et des défauts.
Etre un grand créateur ne signifie pas être intelligent pour moi, ce sont deux choses différentes.
Quand il crée, il le fait avec toute sa subjectivité et moi je reçois ça avec la mienne.
Les films d'Hitchcock, je les trouve creux et superficiels, et pour reprendre un mot que les améwicains aiment bien, pas insightful.
Etre un grand créateur, c'est être très intelligent. Arriver à produire du sens comme le fait Hitchcock uniquement grâce à des images, faire que les images construisent un récit et en indiquent le sens, tout en jouant avec la censure et les spectateurs, c'est très fort, cela nécessite énormément d'intelligence et d'invention - tout le parcours d'Hitchcock témoigne de ce don d'invention. Il y a plusieurs formes d'intelligences, et je place l'intelligence des grands artistes parmi les plus hautes.
Ben voilà, il est là le noeud du débat, parce que je la place tout en bas de la pile.
Créer c'est manipuler en un sens, tu ne crois pas ?
Y'a mille et une choses qui sont plus importantes pour moi que de savoir créer.
Strum a écrit :
Moi je vois l'histoire d'un type qui tombe amoureux d'une image.
Et ça, c'est un fantasme de petit garçon, digne d'une cour d'école.
A l'âge adulte, ça se transforme par un type qui poursuit une fille jusque devant chez elle – et ça arrive tous les jours.
Je peux pas trouver ça beau, pertinent ou même mignon.
Parce que je suis très pragmatique sur ces choses-là.
Mais justement, Vertigo critique le fantasme de Scottie. :o Il dit que ce qu'il fait n'est ni beau, ni pertinent et que cela le mène à sa perte. Qu'il devrait épouser sa copine sympathique plutôt que de se laisser séduire par une morte, et donc effectivement par une image vénéneuse. Je m'étonne que tu ne perçoives pas le sens et la morale du film. Quand je vois Vertigo, je crie intérieurement "ne fais pas cela" à Scottie, et c'est le film qui me conduit à le dire, c'est le film qui montre Scottie comme quelqu'un de morbide et de déraisonnable qui se laisse séduire par une belle image vénéneuse (pour que le film soit crédible, il faut montrer l'image comme belle). Quand tu parles du "romantisme" de Vertigo, il me semble que tu te méprends sur le sens du mot romantique (quand tu écris "fabuleux" cela me semble impropre) tel qu'il a pu être appliqué à Vertigo par certains : dans le mouvement romantique du XIXè siècle, il y a un romantisme gothique qui peut être très noir, très morbide, celui de Melmoth, celui qui conduit à la mort ; le terme "romantique" est donc bien différent du terme "romance". Encore une fois, Vertigo renverse le sens du mythe grec de Pygmalion. Quand tu parles de Vertigo, c'est comme si tu t'arrêtais à l'image, à l'apparence, qui est précisément ce qu'Hitchcock critique. Vertigo est un film extrêmement riche, beaucoup plus que ce que tu en indiques, et tu sembles n'en percevoir que ce qui correspond à ton image du "petit garçon" et à ton affirmation qu'Hitchcock n'est pas intelligent.
Oui je me trompe, je fais avec ce que j'ai. :mrgreen:
On peut aussi y voir le mythe d'Orphée, mais encore une fois, ça ne donne pas de plus de valeur à mes yeux.
Strum a écrit :
le poids du passé dans Rebecca, c'est tellement, radicalement, opposé à ma façon de voir les choses...)
A nouveau, tu ne me parais retenir que l'apparence des choses, que le point de départ du film, sans tenir compte de l'endroit où Hitchcock nous emmène : Rebecca est précisément l'histoire d'un couple qui parvient à se libérer du poids du passé. Quand Manderlay brûle, le passé brûle métaphoriquement.
Je vais le revoir un de ces jours (comme sa filmo, tiens).
Peut-être que j'y verrai tout cela.
Strum a écrit : Plus généralement, un des attraits du cinéma réside dans sa capacité à nous montrer plusieurs points de vue sur l'existence, points de vue qui sont portés par des artistes et non par des sages et des philosophes (d'ailleurs, certains philosophes ont écrit beaucoup de bétises). N'aimer que les réalisateurs qui partagent mon point de vue sur l'existence me paraitrait réducteur, dans la mesure où c'est au contact des autres, et de leurs points de vue divergents, que je peux mieux les comprendre et élargir l'assise de mon point de vue.
Mon réal préféré c'est Bergman alors qu' il aborde énormément de sujets qui me laissent à quai.
Pourtant, j'apprends toujours (si je pouvais le surligner au stabilo je le ferais) de ses films, systématiquement, que ce soit dans Les communiants, Le Silence ou même Scènes de la vie conjugale.
Combien de fois je n'ai pas partagé les motivations de ses personnages (dans le sens où je ne pouvais pas me projeter) ?
Quand à sa vision du couple faut quand même bien s'accrocher, mais c'est expliqué avec telle profondeur et une telle précision que je peux l'entendre.
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par AtCloseRange »

Truffaut Chocolat a écrit :Y'a mille et une choses qui sont plus importantes pour moi que de savoir créer.
Si créer en Art n'est pas le plus important, je ne vois pas trop ce qu'on peut dire de plus.
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par Truffaut Chocolat »

AtCloseRange a écrit :
Truffaut Chocolat a écrit :Y'a mille et une choses qui sont plus importantes pour moi que de savoir créer.
Si créer en Art n'est pas le plus important, je ne vois pas trop ce qu'on peut dire de plus.
Créer tout court, c'est pas le plus important pour moi, vraiment pas.
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par AtCloseRange »

Truffaut Chocolat a écrit :
AtCloseRange a écrit : Si créer en Art n'est pas le plus important, je ne vois pas trop ce qu'on peut dire de plus.
Créer tout court, c'est pas le plus important pour moi, vraiment pas.
En gros, si je te suis bien, tu préfères quelqu'un dont le discours te parle à un créateur de formes?
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par Truffaut Chocolat »

AtCloseRange a écrit :
Truffaut Chocolat a écrit : Créer tout court, c'est pas le plus important pour moi, vraiment pas.
En gros, si je te suis bien, tu préfères quelqu'un dont le discours te parle à un créateur de formes?
Non pas du tout : le point de départ c'est où tu situes l'intelligence créative/artistique dans ton échelle de valeurs.
Je la place tout en bas, parce que y'a plein de choses que je situe bien au-dessus.
Que ça me parle ou pas, ça ne change rien : dans le meilleur des cas, je l'apprécie, dans le pire, je la rejette, mais ce n'est "que" de la création.
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par Strum »

Truffaut Chocolat a écrit :Non pas du tout : le point de départ c'est où tu situes l'intelligence créative/artistique dans ton échelle de valeurs.
Je la place tout en bas, parce que y'a plein de choses que je situe bien au-dessus.
Que ça me parle ou pas, ça ne change rien : dans le meilleur des cas, je l'apprécie, dans le pire, je la rejette, mais ce n'est "que" de la création.
Si je te suis bien : (i) tu situes la création artistique en bas de ton échelle de valeurs (comme Platon et Aristote) ; (ii) dès lors, plus un film contient de création et d'inventions qui l'éloigneraient des "choses de la vie" et de la réalité, moins il a de valeur pour toi.

Pourquoi pas, même si je trouve cela curieux dans la mesure où la création artistique est une des caractéristiques principales de l'homme et de la civilisation. Les premières créations artistiques (dessins, récits mythologiques) sont d'ailleurs concomitantes de l'avènement de la civilisation : au moment où l'homme prend conscience de lui-même il essaie de comprendre le monde (et de se comprendre) par l'art. La civilisation humaine n'est en fait qu'un immense processus de créations diverses (matérielles, conceptuelles, artistiques), les inventions techniques et artistiques (l'art et la technique sont liés) étant ce qui permet de passer d'une époque à l'autre.

Et pour revenir au cinéma, je crois me situer à l'opposé de ta conception de l'art : plus un film parvient à créer un monde secondaire cohérent et donc forcément distinct de la réalité (j'appelle cela un "film-monde"), plus il a de valeur à mes yeux, car en me faisant voir un autre monde, il me lave les yeux et me permet de mieux voir la réalité et tout ce qui la sépare du cinéma.

Bon, tout cela nous éloigne de Hitchcock. :mrgreen: Revenons-y : Bergman est autant un créateur de formes qu'Hitchcock et son monde me parait aussi subjectif que celui d'Hitchcock.
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par Truffaut Chocolat »

Strum a écrit :
Truffaut Chocolat a écrit :Non pas du tout : le point de départ c'est où tu situes l'intelligence créative/artistique dans ton échelle de valeurs.
Je la place tout en bas, parce que y'a plein de choses que je situe bien au-dessus.
Que ça me parle ou pas, ça ne change rien : dans le meilleur des cas, je l'apprécie, dans le pire, je la rejette, mais ce n'est "que" de la création.
Si je te suis bien : (i) tu situes la création artistique en bas de ton échelle de valeurs (comme Platon et Aristote) ; (ii) dès lors, plus un film contient de création et d'inventions qui l'éloigneraient des "choses de la vie" et de la réalité, moins il a de valeur pour toi.
C’est pas tant la question de s’en éloigner mais d’être séduit, intéressé ou de tout simplement comprendre cette interprétation de la vie et du réel.
Strum a écrit : Pourquoi pas, même si je trouve cela curieux dans la mesure où la création artistique est une des caractéristiques principales de l'homme et de la civilisation. Les premières créations artistiques (dessins, récits mythologiques) sont d'ailleurs concomitantes de l'avènement de la civilisation : au moment où l'homme prend conscience de lui-même il essaie de comprendre le monde (et de se comprendre) par l'art. La civilisation humaine n'est en fait qu'un immense processus de créations diverses (matérielles, conceptuelles, artistiques), les inventions techniques et artistiques (l'art et la technique sont liés) étant ce qui permet de passer d'une époque à l'autre.
Perso, à partir du moments où tu crées, c’est que tu as une “faille”.
Cette “faille”, c’est un besoin de transmettre ou de communiquer une vision ou une compréhension du monde que ton entourage (ça peut être ta famille, ton peuple, ton époque) ne voit ni ne comprend.
Quand tu recoupes les discours des créateurs, dans tous les domaines, on en revient toujours à ça : ce besoin individuel, voire existentiel dont on peut facilement relativiser la dimension.
Strum a écrit : Bon, tout cela nous éloigne de Hitchcock. :mrgreen: Revenons-y : Bergman est autant un créateur de formes qu'Hitchcock et son monde me parait aussi subjectif que celui d'Hitchcock.
Bien évidemment, il n’y a même pas de débat là-dessus. :)
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par HitchcockScholar »

Redescendons sur terre et revenons à la réalité: le 16 novembre prochain sera diffusé en début de soirée sur ARTE le documentaire (même si lui, Kent Jones, affirme, dans une interview à paraître dans Cineaste que c'est plutôt un film) sur Hitchcock/Truffaut.
Pour ceux qui aiment Hitchcock, naturellement.
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par Anorya »

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Frenzy (1972)


Londres est terrorisé par une succession de meurtres dont l'auteur demeure inconnu. Des femmes meurent étranglées par une cravate que l'assassin laisse au cou de ses victimes...


A sa manière, Frenzy a été un petit choc. Je ne m'attendais pas dans ses films tardifs à y voir encore autant d'énergie et surtout une aussi grande noirceur. On rit peu dans Frenzy, sauf d'une manière absurdement so british chez l'inspecteur de police confronté à son pire ennemi : sa propre femme qui tente de cuisiner comme les grands chefs français ! Ces passages permettent de respirer au sein d'une histoire pas très follichon où jusqu'à la dernière minute, tout semble s'acharner horriblement sur le personnage principal. On est certes un cran en dessous du malaise glacial qui s'empare du spectateur sur un film au sujet similaire sur un tueur en série, L'étrangleur de Rillington place de Richard Fleisher, sorti un an plus tôt.


Il n'empêche qu'ici, Hitch' nous délivre un meurtre presqu'en temps réel où rien ne nous est épargné. Si l'on retrouve un montage en fragmentation comme dans Psychose sur la scène principale de meurtre, ici, la durée de l'acte meurtrier en lui-même et le sadisme prolongé (l'assassin a sa victime en face de lui et retarde horriblement le moment fatidique) font mal et mettent très mal à l'aise. Pour le coup j'ai trouvé ça un peu insoutenable. Petite nature moi ? Peut-être bien, mais ça montre que le père Alfred pouvait nous bousculer jusqu'à la fin vu qu'il s'agit de son avant-dernier film.


D'ailleurs ici, il en a encore bien sous le capot.
J'en veux pour preuve cette ouverture à l'hélicoptère au dessus de la Tamise. Ou bien les plans-séquences liés aux scènes de meurtre : l'un fixe,
Spoiler (cliquez pour afficher)
juste après que Blaney soit allé voir Brenda et qu'il part dans une autre ruelle au moment où l'assistante de Brenda arrive et découvre --par suggestion car la caméra est génialement et pudiquement (comme si un meurtre c'était déjà trop) restée dehors-- son corps à l'étage avant que ne retentisse un cri
; l'autre qui amorce la douloureuse fin d'un autre personnage féminin,
Spoiler (cliquez pour afficher)
caméra mobile qui s'échappe par la rue après qu'une phrase qu'on devine déclencheuse du rituel monstrueux n'ait été prononcée
. Sans oublier cette scène où en amorçant un zoom, Hitch' coupe le son pour n'en faire ressortir 2 secondes plus tard qu'une phrase et faire apparaître presque comme par magie un personnage derrière celui qui avait été zoomé. Ohlàlà, des trucs de mise en scène comme ça, j'en mangerais tous les jours, quel bonheur, donnez m'en encore, j'en veux encore, bon sang !


Enfin, pincez moi si je me trompe mais n'est-ce pas la première fois que nous avons un nu féminin intégral chez le réalisateur ? Certes, c'est la doublure d'Anna Massey (Babs) mais elle fait son petit effet. La doublure nue de Massey, hein. Quoique Massey, je dis pas non alors, j'avais oublié qu'elle était aussi complètement craquante dans un certain Voyeur de Powell. Pas étonnant que Hitch l'ait engagé par la suite, il y a comme une sorte de lien souterrain qui circule là.

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Anna Massey chez Powell.

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Complot de famille (1976)


La richissime Miss Rainbird engage Blanche, une jeune voyante, et son ami George, pour retrouver son neveu Edward, dont elle veut faire son héritier. Nos enquêteurs en herbe retrouvent la trace d'Edward, dont la principale activité n'est autre que le kidnapping...


Après l'excellent Frenzy donc, passons à Complot de famille (1976).
Celui-là non plus, je ne l'avais jamais vu... Eh bien là aussi une bonne surprise, contrairement à tout ce que j'avais pu en lire. Alors oui, certes, Hitch est en mode pépère à la mise en scène (enfin on va pas chipoter il assure quand même le service minimum (quelques gros plans pas piqués des vers pour un pot d'échappement qui fuit ou un diamant sur un lustre, voire un petit travelling à la grue sur une des premières apparitions de l'énigmatique "femme au chapeau"). De là à râler parce qu'il n'y a pas de prouesses techniques comme dans Frenzy, c'est un pas que je ne passerais pas étant donné que j'ai bien pris mon pied dessus) et le sujet est bien moins profond et noir que son prédécesseur.


Sans doute faut-il plus le voir comme une satire jubilatoire où notre bon gros Alfred met en scène 2 couples d'escrocs chacun en leur genre (en plus de se moquer gentiment des petites vieilles crédules adeptes de la voyance). Des couples d'ailleurs assez attachants à leur manière, même si on ne s'approcherait finalement pas trop d'Edward. En revanche Bruce Dern et Barbara Harris sont touchants en loosers magnifiques de la vie et l'on a même de plus en plus envie qu'il ne leur arrive rien au final, vu la perversité qu'emploient Karen Black et William Devanne. Bref un petit film sympathique et assumé comme tel qui ronronne tranquillement avec un clin d'oeil final finalement devenu testamentaire par la force des choses (vu qu'Hitch devait encore réaliser un film après ça mais que sa santé avait décliné de plus en plus les dernières années, ce ne fut donc pas possible).
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par Truffaut Chocolat »

HitchcockScholar a écrit :Redescendons sur terre et revenons à la réalité: le 16 novembre prochain sera diffusé en début de soirée sur ARTE le documentaire (même si lui, Kent Jones, affirme, dans une interview à paraître dans Cineaste que c'est plutôt un film) sur Hitchcock/Truffaut.
Pour ceux qui aiment Hitchcock, naturellement.
C'est pas parce qu'on n'aime pas qu'on ne peut pas y trouver un intérêt, hein.
Reste que ça explique parfaitement pourquoi Hitch est un immense cinéaste, ce qu'il est, absolument et profondément.
Quand à ses obsessions, elles sont elles aussi précisément expliquées. Et là on a le droit de les trouver intéressantes... ou pas.
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par Commissaire Juve »

Anorya a écrit : Frenzy

... la durée de l'acte meurtrier en lui-même et le sadisme prolongé (l'assassin a sa victime en face de lui et retarde horriblement le moment fatidique) font mal et mettent très mal à l'aise. Pour le coup j'ai trouvé ça un peu insoutenable. Petite nature moi ? Peut-être bien...
Non, non... c'est une séquence franchement malsaine (à peine désamorcée par le comique -- involontaire ? -- du dernier plan).
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Colqhoun
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par Colqhoun »

Découvert le documentaire sur le livre Hitchcock/Truffaut suivi de Frenzy.

Le documentaire m'a motivé à enfin commander le livre.
Et e film est bien, mais on est quand même loin de ses films des années 50 et 60. Je retiendrais une scène ultra glaçante, quand le tueur ramène la copine du héros chez lui, referme la porte alors que la caméra amorce un mouvement arrière, redescend les escaliers et ressort de l'immeuble, sans un bruit. Je crois que c'est vraiment le moment le plus terrifiant du film. Sinon j'ai aussi beaucoup aimé les petites touches d'humour avec la femme de l'inspecteur qui se met à la gastronomie française et ne lui sert que des atrocités. Ça donne lieu à deux moments vraiment drôles. Ah et grande musique de Ron Goodwin aussi, même si j'avais un peu peur avec le morceau d'ouverture. C'est donc pas Vertigo, mais ça reste quand même très bon.
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Re: Alfred Hitchcock (1899-1980)

Message par Alexandre Angel »

Colqhoun a écrit :Sinon j'ai aussi beaucoup aimé les petites touches d'humour avec la femme de l'inspecteur qui se met à la gastronomie française et ne lui sert que des atrocités.
J'avais oublié à quel point ce qui est dans l'assiette est gore : on se croirait chez Cronenberg ! (surtout les pieds de cochon)
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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