Gérard Oury (1919-2006)

[Kevin95]

LA VENGEANCE DU SERPENT À PLUMES - Gérard Oury (1984) révision

Tous les voyants étaient au vert : Gérard "monsieur box-office" Oury aux manettes, le représentant de la nouvelle vague comique française en la présence de Coluche, un scope pimpant que le réalisateur s'était vu refuser sur La Folie des grandeurs, le retour de Polnareff à la musique après la même Folie des grandeurs, une histoire exotique pour toute la famille façon Indiana Jones fendard. Seulement dans un mariage il faut être deux et entre un Oury qui ne se rend pas compte qu'il est trop vieux pour ces conneries et un Coluche qui en n'a rien à péter du film, le Serpent à plumes va vite se bouffer la queue. Sortie massive, communication maousse, l'insuccès est évitée même si les critiques sont assassines et que le destin du film s'annonce mauvais. Pourtant bizarrement, la télévision française va donner une second jeunesse au film quand bien même beaucoup continue de le ranger dans les ratés du cinéma français des 80's. Le film doit avoir donc quelque chose ou la télévision est masochiste. A en croire le nombre de fois où mes mirettes ont croisé le film, je pencherais pour la première hypothèse. Le film a bien ses qualités, la première partie notamment, quand Coluche est Coluche et qu'il traine dans un Paris mitterrandien en compagnie de l’impeccable Luis Rego et d'une Balasko géniale. Finalement, le bateau prend l'eau dans sa deuxième partie, celle plus spectaculaire. Coluche n'est plus à son aise, l'intrigue foireuse reprend le dessus (avec un vague discours we are the world sur la jeunesse terroriste avec dix ans de retard) et l'imagerie Nescafé sur une parodie de Bring Me the Head of Alfredo Garcia, ce n'est pas là où Oury est le plus balaise. Mais même avec ça, le film passe tranquilou. Le ton bon-enfant aide la péloche à marcher sur ses deux pieds et le parfum du cinéma popu d’antan garde son pouvoir d'attraction. De la nostalgie aveuglante peut-être, mais La Vengeance du serpent à plumes reste (à mes yeux) un film Ciné Dimanche encore bien goûtu.

[Kevin95]

LA GRANDE VADROUILLE - Gérard Oury (1966) révision

Pour ses 50 ans, le film ressort en copie 4K dans toute la France, l'occasion de vérifier si le grand manitou de la comédie à la française à encore toute sa vigueur. Quelle question Gaston ! Pour sur que La Grande Vadrouille reste un morceau de choix, mélangeant via une formule que beaucoup cherche à recopier depuis, l'épique de plus débridé et l'humour le plus délirant. Mais au-delà de cette notule Télé 7 Jours, ce qui frappe le plus en se recollant devant une copie toute propre du film, c'est la rigueur de la mise en scène d'Oury. On n'a eu beaucoup taper sur les doigts du réalisateur passé les années 70, montrer combien son style était vieillot et éloigné du panache us, on n'a peu dit combien la réalisation de ses films les plus renommés est au cordeau, sans approximation, utilisant parfaitement le scope et la photo de Claude Renoir. Il n'y a qu'à prendre la scène de l'Opéra et constater la beauté du cadre, sa profondeur de champ dans les plans larges ou sa composition. Rien n'est laissé au hasard car sans être un styliste, Oury ne plombe jamais son film d'un plan en trop, d'une image traficotée en se foutant du public. C'est bien le respect du public qui fait durer le film dans le temps, l'envie de lui raconter une histoire carrée et de le faire marrer sans qu'il en soit gêné. La question comique du film n'est plus à saluer, elle est entrée dans les bouquins d'école. Si quelque-uns reprochent à La Grande Vadrouille un rythme incertain (je ne vise personne), ce n'est pas dans sa construction scénaristique qu'il faut chercher mais dans la réussite de ses gags. Un véritable problème de riche, car si des passages paraissent trainants aux yeux d'une poignée, c'est qu'ils suivent un moment hystérique, un moment de douce folie qui forcément, fait pâlir la suite du film un peu plus calme. Sur le papier, le film n’arrête pas mais même une séquence d'action ne peut rivaliser face à la vitalité de la séquence de l'auberge ou celle du repaire nazi. Et puis plus de deux heures, faut les faire tout de même ! La Grande Vadrouille ne cesse de les faire depuis 50 ans, pourvu que ça dure.

[Kevin95]

LE CORNIAUD - Gérard Oury (1965) révision

Machine de guerre de la comédie à la française, peut-être le premier du genre à spectaculariser la rigolade avec scope, technicolor, durée de près de deux heures et un décor italien soit le bout du monde pour la France de l'époque. Non que la comédie jusqu'ici n'était pas choyée, mais elle restait économiquement modeste et si désire lui prenait de voir plus haut, il fallait alors lui octroyer un genre annexe pour que le spectateur en ait pour son argent. Si Le Corniaud part d'un postulat policier (le transport façon Salaire de la peur d'une Cadillac bourré de fric et de dope), il n'est qu'un vague prétexte pour empiler les gags, les situations loufoques et sert plus de terrain vague pour les bestiaux Bourvil et Louis de Funès. Seul le rire compte et si des flingues sont entre-aperçus, ce n'est que pour mieux amener une situation comique ou faire avancer le récit à quatre roues. Bon an mal an, Oury invente la grosse production comique, basée sur l'aura de ses comédiens et la sympathie qu'ils dégagent (on en paye encore le prix). Après trois polars aux succès mitigés, le réalisateur trouve sa voie et pose la première pierre d'un âge d'or personnel (jusque la fin des seventies) qui feront le bonheur des soirées télés de plusieurs générations. Ce n'est pas une vilaine chose que de le constater, Le Corniaud (comme La Grande Vadrouille et Les Aventures de Rabbi Jacob) résiste au temps, aux modes, aux sceptiques. Plus on le regarde (je pense ne pas être le seul à avoir dépassé le nombre normal de visionnage), plus on s'attache aux petites choses, aux gags moins travaillés, plus spontanés. Oui, la bagnole en pièce ou le numéro dans le garage héritier du The Great Dictator de Charles Chaplin sont impeccables, mais gloire à la scène de la douche (une pépite, regardez le visage de de Funès, entre peur, trouble et énervement, c'est magique), au bruit de moteur, à l'imitation improbable de Jean Gabin par Bourvil ou encore le court moment du jet d'eau, où Fufu s'amuse avec le sein d'une statue au milieu du fusillade comme il s'amusait d'un porte-documents dans Le Petit Baigneur de Robert Dhéry. Moins épique que La Grande Vadrouille certes, mais c'est justement cette volonté de ne pas être carré, de prendre des chemins de traverse, de se laisser porter par la musique en vacances de Georges Delerue qui distinguent Le Corniaud. En attendant la prochaine rediffusion.

[Jeremy Fox]

Avant une petite surprise autour du film demain, chronique du Cerveau par Frédéric Albert Levy.

[Jean-Pierre Festina]

Avant une petite surprise autour du film demain, chronique du Cerveau par Frédéric Albert Levy.

Chronique très juste à laquelle je souscris entièrement. Gérard Oury est en effet constamment guetté par un réel déséquilibre dans le Cerveau qui apparaît comme une mécanique, et pas toujours fiable.
Je me permets d'ajouter que ce déséquilibre peut aussi concerner des films comme La Grande Vadrouille (où la surenchère d'action finit par devenir assez lourde et menace la drôlerie du film), ainsi que La folie des grandeurs et Rabbi Jacob, où cette fois-ci, c'est la mégalomanie des gags et l'utilisation de Louis de Funès comme un personnage de dessin animé qui pèsent des tonnes. L'as des as est quant à lui un gentil film familial où le réalisateur, sans doute frustré de n'être pas allé au bout de son message avec La grande Vadrouille, nous assure que les nazis étaient méchants.
A titre de comparaison, je trouve l'art d'un Claude Zidi beaucoup plus sûr, et même plus rigoureux.

En revanche, Le Coup du Parapluie et La Carapate sont deux films extrêmement bien équilibrés (quoiqu'un brin d'hystérie traverse le premier) et parfaitement réussis. Avec le Corniaud, cela constitue mon trio de tête.

[Watkinssien]

A titre de comparaison, je trouve l'art d'un Claude Zidi beaucoup plus sûr, et même plus rigoureux.

Ah oui quand même!

[Jean-Pierre Festina]

De Funès qui tombe dans le chewing-gum puis qui se prend une douche de bonbons avant de traverser un massif de fleurs, tu trouves ça vraiment drôle ?

[Watkinssien]

De Funès qui tombe dans le chewing-gum puis qui se prend une douche de bonbons avant de traverser un massif de fleurs, tu trouves ça vraiment drôle ?

Oui, mais comme l'humour est subjectif. De Funès chez Oury, pour ma part, c'est rires assurés et plaisir garanti.

On peut trouver vraiment drôle l'humour subtil et raffiné d'un Lubitsch autant qu'un gag burlesque de Laurel et Hardy, puis se fendre la poire devant Jim Carrey qui sort d'un rhinocéros...

[Jean-Pierre Festina]

Pour en revenir à Claude Zidi, tu regardes tout ce qu'il a fait entre ses débuts et La Totale, ce qui représente vingt films : tu en retires à peu près le quart (au hasard, Les Ripoux 2, Les Bidasses 2 et les Sous-Doués 2), il reste des films réalisés sans réelle faute de goût, bâtis sur de petits sujets sans intrigue superflue et avec juste ce qu'il faut d'esprit potache.

Compare avec le Oury des meilleures années, entre Le Corniaud et le Coup du Parapluie : seulement sept films, la plupart d'entre eux tournant autour de "grands" sujets (la French Connection, la seconde guerre mondiale, une adaptation parodique de Victor Hugo, Mai 68, le conflit israelo-palestinien... au secours !), crevant sous le poids des fautes de goût dont j'ai donné un exemple plus haut et avec une grandiloquence à faire peur.
Navré mais pour moi, Zidi, à côté, c'est Bresson.

[Watkinssien]

Zidi/Bresson, ça c'est drôle, c'est plus drôle que le cinéma de Zidi, en tout cas!

[Jeremy Fox]

Daniele Thompson à propos du Corniaud : propos recueillis par Frédéric Albert Levy.