Otto Preminger (1905-1986)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Strum
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par Strum »

cinephage a écrit :Très amateur du cinéma de Preminger, je trouve que, si Exodus est un film intéressant, on est quand même loin des meilleurs titres du cinéaste. L'intrigue est effectivement très découpée, à tenter de regrouper des évènements historiques de nature très différente, et d'inégal intérêt. On passe de moments passionnants à des exposés un peu barbants, de séquences romantiques en confessions souterraines, d'évasions spectaculaires en village assiégé. Certes, le film a le mérite de retracer une histoire riche en évènements, mais il y gagne un encombrant coté fourre-tout qui en gêne la lisibilité.

Comme le signal le texte, la quasi-absence des palestiniens, et l'étrange nazi qu'on voit à leur tête, est tout de même un souci... Mais à mon sens, en embrassant une thématique aussi vaste, Preminger ne peut que renoncer à émouvoir ou atteindre le spectateur. Ni les relations aux enfants, ni l'histoire d'amour, ni la relation fraternelle contrariée, n'ont le temps de se construire sur autre chose que du factuel (cf par exemple le très pesant laïus sur les enfants traumatisés de la shoah, servi par le docteur à Eva Marie Saint, mais dont observera jamais la vérité dans le film, il ne s'agit que d'ajouter du factuel).
La rencontre du grand mufti de Jerusalem avec Hitler ainsi que le paiement par les allemands de subsides en vue de soulèvements en Palestine étant attestés historiquement, les scènes que tu mentionnes avec le "nazi" y sont sans doute une allusion, qu'on peut trouver maladroite. Il est certain que le film prend le point de vue des israeliens, mais c'est logique puisqu'il raconte principalement l'histoire de réfugiés juifs arrivant en Israël. En outre, les dérives violentes et nationalistes de l'Irgoun ne sont pas passées sous silence par le film.

Mais je ne pense pas que le fait que le film adopte un point de vue historique doive être mis à son débit. On ne peut demander au cinéma d'être totalement neutre ou juste historiquement alors même qu'aucun livre d'Histoire ne l'est totalement, que l'Histoire est souvent écrite par des vainqueurs, et est en dernière analyse affaire de points de vue se croisant et que personne n'est à même de réconcilier dans une parfaite neutralité. Dans Exodus, le point de vue adopté permet au film de dérouler une histoire que je trouve passionnante. Et s'il est vrai que le film condense un maximum de faits, ou se construit sur du "factuel" comme tu le dis, et qu'il s'articule autour de blocs narratifs massifs (mais fort bien agencés) au détriment parfois de ses personnages, je reste très admiratif de la capacité de Preminger à conjuger grand spectacle et Histoire dans ce film avec plusieurs morceaux de bravoure que je n'ai pas oubliés, sur un sujet très compliqué sur lequel je doute que quiconque puisse faire un film qui plaise au plus grand nombre ou rende justice à chaque protagoniste.

J'ajouterai, ce qui pourra éclairer mon "un des tous meilleurs Preminger", que je ne peux me considérer comme un amateur de Preminger au sens où Laura, par exemple, m'a laissé circonspect. En revanche, ce qui m'exonérera peut-être un peu cette fois aux yeux des amateurs de Preminger, je préfère un Autopsie d'un Meurtre à Exodus.
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cinephage
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par cinephage »

Strum a écrit : La rencontre du grand mufti de Jerusalem avec Hitler ainsi que le paiement par les allemands de subsides en vue de soulèvements en Palestine étant attestées historiquement, les scènes que tu mentionnes avec le "nazi" y sont sans doute une allusion, qu'on peut trouver maladroite. Il est certain que le film prend le point de vue des israeliens, mais c'est logique puisqu'il raconte principalement l'histoire de réfugiés juifs arrivant en Israël. En outre, les dérives violentes et nationalistes de l'Irgoun ne sont pas passées sous silence par le film.
Certes, l'Irgoun est un enjeu du film. Néanmoins, concernant le nazi, il s'agit d'une période postérieure à la chute d'Hitler, et l'on nous présente l'instigateur des attaques arabes contres les villages juifs comme un ancien nazi, à l'accent allemand très marqué. Au point qu'on s'étonne de voir tous ces arabes incités à la haine par ce type, dont la présence, sans explication, m'est apparue comme incongrue (peut-être de nombreux anciens nazis se sont-ils réfugié en Israël après la guerre pour y proner l'antisionisme auprès des Palestiniens, et conduire les actions contre les populations juives, mais la chose aurait mérité un surcroit d'explication, je pense).
Strum a écrit : J'ajouterai, ce qui pourra éclairer mon "un des tous meilleurs Preminger", que je ne peux me considérer comme un amateur de Preminger au sens où Laura, par exemple, m'a laissé circonspect. En revanche, ce qui m'exonérera peut-être un peu cette fois aux yeux des amateurs de Preminger, je préfère un Autopsie d'un Meurtre à Exodus.
Voici une dernière phrase qui nous réunit, et j'y adjoindrais volontiers Tempête à Washington, Mark Dixon détective, ou encore le remarquable Bunny Lake is missing (que je te recommande franchement, soit dit en passant).

Je n'ai pas dit qu'Exodus était un mauvais film, mais que Preminger avait fait beaucoup mieux, selon moi... :wink:
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Jeremy Fox
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par Jeremy Fox »

cinephage a écrit :
Strum a écrit : . En revanche, ce qui m'exonérera peut-être un peu cette fois aux yeux des amateurs de Preminger, je préfère un Autopsie d'un Meurtre à Exodus.
Voici une dernière phrase qui nous réunit, et j'y adjoindrais volontiers Tempête à Washington

Je n'ai pas dit qu'Exodus était un mauvais film, mais que Preminger avait fait beaucoup mieux, selon moi... :wink:
Voilà qui nous mettra tous trois d'accord :wink:
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Sybille
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par Sybille »

Bunny Lake is missing / Bunny Lake a disparu
Otto Preminger (1965) :

Cela faisait longtemps que je n'avais découvert de Preminger, et ce dernier a eu tout pour me plaire !

Avec des moyens resserrés, et finalement peu d'actions, Preminger met en scène avec brio un angoissant suspense psychologique. L'énigme est posée dès les premières minutes du film : il s'agira de la disparition d'une fillette lors de son premier jour d'école. Si l'on est happé immédiatement par cette situation, cauchemar de tout parent, le spectateur est ensuite confronté à des questions encore plus mystérieuses. La jeune Bunny Lake existe-t-elle réellement, ou a-t-elle uniquement pris corps dans l'esprit fragile de la mère, fantôme enfantin que l'on ne désire pas éliminer ? Ou s'agit-il d'un enlèvement, d'une manipulation, ce qui expliquerait la perte de tous les effets personnels de l'enfant ?
Evitant de donner toute réponse jusque dans les dernières minutes, le scénario demeure sans cesse ambigu, déraisonnable, avec entre autres un frère et une soeur qu'on aurait cru mariés, un propriétaire collectionnant d'étranges masques africains et instruments de mortification, une vieille femme recluse dans ses appartements. L'innocence donné par l'apparence physique est un leurre, les comportements normaux paradoxalement source de doute, comme possible révélation d'un caractère plus complexe.
L'enquête est mené avec une faconde discrète par l'inspecteur de police joué par Laurence Olivier. On y trouve surtout l'occasion d'apercevoir un environnement, une ville de Londres modernisée, où écran de télévision accaparent le quotidien, où le divertissement offert par un groupe de rock prime sur la disparition d'un enfant. Vision grinçante, bruyante, d'une population qui s'empêche de voir, d'écouter l'importance des choses, en étrange contraste avec le noir et blanc passé (et très beau) du film lui-même. Radicalité efficace des dernières scènes, entre malaise grotesque, peur et tentation toujours repoussée du soulagement. Un superbe film sur la recréation impossible de l'enfance, celle rêvée par des adultes fuyants, égarés derrière leurs semblants de responsabilités. 8/10
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AtCloseRange
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par AtCloseRange »

Bonjour Tristesse (1958)
J'avoue ne pas vraiment connaître l'univers de Françoise Sagan mais j'ai été assez refroidi par cet étalage de superficialité. Je comprends bien que l'idée est de traquer les fêlures qui se cachent derrière mais vraiment difficile de s'intéresser et donc de s'attacher à ces personnages. Debrorah Kerr est là pour ça mais ce n'est pas suffisant.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Et sa mort est étrangement mal "agencée"
On retient bien sûr le charme différent de Jean Seberg mais guère plus.
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Jeremy Fox
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par Jeremy Fox »

AtCloseRange a écrit :Bonjour Tristesse (1958)
J'avoue ne pas vraiment connaître l'univers de Françoise Sagan
Pas vu le film mais le roman est un petit bijou.
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AtCloseRange
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par AtCloseRange »

Jeremy Fox a écrit :
AtCloseRange a écrit :Bonjour Tristesse (1958)
J'avoue ne pas vraiment connaître l'univers de Françoise Sagan
Pas vu le film mais le roman est un petit bijou.
ça ne m'a en tout cas donné aucune envie de m'y plonger.

Sinon, j'ai oublié de parler du beau générique de Saul Bass (pléonasme?).
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par Joe Wilson »

Bonjour Tristesse

Un avis proche de celui d'AtCloseRange, même si l'interprétation compense certaines faiblesses (Deborah Kerr et David Niven sont très justes dans des rôles douloureux et ambigus). Otto Preminger ne réussit pas à s'emparer du matériau littéraire et sa mise en scène est sans personnalité, restant en surface des enjeux relationnels et des personnalités évoquées. L'opposition entre un décor idyllique et des tourments affectifs semble gratuite et souvent trop appuyée pour convaincre...l'ensemble se laisse regarder sans ennui mais avec la sensation que l'adaptation passe à côté de l'essentiel.
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par tootpadu »

Puisque personne n'en a apparemment parlé pour l'instant :

Une rétrospective intégrale Otto Preminger ouvrira la saison 2012/13 de la Cinémathèque Française, du 29 août au 7 octobre.

http://www.cinematheque.fr/data/documen ... 12-131.pdf
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Jeremy Fox
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par Jeremy Fox »

Le fameux Laura ressort en salles
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par daniel gregg »

Juste jeté un petit coup d'oeil à l'édition Sidonis reçue aujourd'hui de Forever Amber pour constater en effet une copie restaurée et assez convenable.
L'édition contient en bonus une présentation sobre du constant Patrick Brion ainsi qu'un documentaire de Burgess Meredith de 30 mn, hélas doublé en français.
Heureusement les différents intervenants (dont un James Stewart agé ) ne sont pas, eux, doublés.

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Vraiment content que Sidonis s'ouvre à d'autres horizons que le western et j'ai hate de découvrir ce film noir prévu en Octobre :

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Jeremy Fox
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par Jeremy Fox »

Oui, encore bravo à Sidonis ; curieux de connaitre la qualité de l'égyptien du coup
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Jack Carter
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par Jack Carter »

pourquoi n'as tu pas acheter le Blu, daniel ?
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
daniel gregg
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par daniel gregg »

Jack Carter a écrit :pourquoi n'as tu pas acheter le Blu, daniel ?
Parce que je ne vais jamais dans le topic naphta HD et que je ne savais même pas qu'il était dispo en Blu ray ! :oops: :lol:
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Dave Bowman
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Re: Otto Preminger (1905-1986)

Message par Dave Bowman »

Si vous voulez gagner des places pour la Rétrospective Otto Preminger à la Cinémathèque Française, c'est ici que ça se passe : http://tcmcinema.fr/2012/09/07/concours-otto-preminger/
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