Le Parrain : la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13984
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola, 1972-1990)

Message par Alexandre Angel »

Image

Revu hier soir en salle sur un bel écran la version restaurée 4k du Parrain. S'il ne fait pas de doute dans mon esprit que la trilogie est un chef d'œuvre dans l'absolu, le premier reste mon préféré. Et jamais, je ne l'avais constaté comme hier soir, devant cette copie magnifique qui m'a révélé des merveilles comme si c'était le première fois. Comme ces paysages siciliens dont je n'avais jamais remarqué qu'ils étaient aussi grandioses ou comme ces figurants, ceux du mariage surtout, qui foisonnent de toutes parts. Le Parrain vieillit de mieux en mieux, et fascine de plus en plus. Hier soir, j'ai revu un film qui intimide et rend jaloux, alors même que l'on ne pratique pas le cinéma. Comment un mec de 30 piges a pu réaliser une œuvre aussi mature, aussi stylistiquement affranchie de toute influence, aussi farouchement dépositaire de sa propre griffe. Coppola invente la fresque noire, le grand roman que celui de Mario Puzo n'est évidemment pas. Film incroyablement retenu, presque autiste, sourd à tout effet de mode, Le Parrain est un chef d'œuvre mat, compact, aussi impénétrable que son affiche, que je trouvais mystérieuse quand j'étais petit (de quoi cela pouvait-il bien parler?) et , en même temps un grand film populaire, pastiché, singé, reconduit, aussi, par son géniteur, mais jamais surpassé. Ce parti-pris de calme, de lenteur cérémonieuse, de baroque étouffé était extrêmement risqué, il n'en finit plus d'être payant. J'aime beaucoup Le Parrain III mais en enfonçant le clou de l'italianité, en crevant l'abcès opératique, Coppola perdait, à mon sens, quelque chose de cette alchimie mystérieuse que j'essaie de décrire. Plastique par contre totalement reconduite par le deuxième opus, avec plus de lenteurs toutefois et moins d'émotion. Marque auto-déposée, Le Parrain semble s'inventer lui même, trouver l'idéale expressivité de ce qu'il raconte. Jamais, sauf peut-être chez Kubrick, on aura vu mise en scène aussi pointilliste, comportements gestuels aussi millimétrés. Jamais, ni avant, ni depuis, on aura eu le sentiment d'un tel travail sur les attitudes physiques des personnages, leur façon de se servir un verre, de s'asseoir, de se lever, de mourir aussi (cf comment Barzini, abattu, s'écroule sur les escaliers en un curieux mouvement de bascule).Et en effet, il n'est pas jusqu'à la violence, aussi spectaculaire qu'économe, qui ne semble régie par d'étranges manipulations de marionnettiste (pas pu m'en empêcher :uhuh: ) autant qu'impactée par le contrôle baroque du jeune démiurge. Là encore, il y a un avant Parrain, et finalement pas vraiment d'après. Dans Le Parrain, quand ça éclate, ce n'est pas comme chez Peckinpah ou Scorsese, c'est beaucoup plus sec, étouffé, vénéneux: les balles font de petits trous terribles, le sang coule parcimonieusement, mais sûrement. Les tués sont comme en apesanteur (Fanucci dans le II), agités d'étranges soubresauts (Sterling Hayden dans le I), perpétuant la valse des pantins, au sens littéral. Tourner le dos à la modernité pour mieux la trouver : tel était le pari d'un Coppola soucieux d'entretenir la tension entre introversion comportementale et irruption du spectacle, entre claustration et fulgurances.
Plus qu'un grand mythe de cinéma, Le Parrain est un film-univers, souterrain, ténébreux, hypnotiquement calme à défaut d'être serein.
Dernière modification par Alexandre Angel le 30 oct. 18, 18:41, modifié 1 fois.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22130
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par Supfiction »

Raaah tu me fais d'autant plus regretter la seance de vendredi dernier. Je devais y aller Place Clichy et je n'ai finalement pas pu y aller à cause de la fête des voisins qui tombait en même temps. J'ai pas voulu faire mon asocial.
Je prefere egalement le premier largement.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13984
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par Alexandre Angel »

Supfiction a écrit :J'ai pas voulu faire mon asocial.
C'est beau l'esprit de sacrifice! :mrgreen:
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22130
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par Supfiction »

Je n'ai pas raté la deuxième partie cette fois, à l'affiche hier en séance classique de Pathé.
Ce qui est bien avec les grands films, c'est qu'on voit à chaque fois des choses nouvelles, même anodines.

Parmi les futilités qui m'ont frappées ou amusées : l'excellent Bruno Kirby (je viens de seulement faire le lien entre le compagnon des débuts de Vito Corleone et.. l'ami de Billy Crystal dans Quand Harry rencontre Sally ou La vie, l'amour... les vaches), l'acteur Leopoldo Trieste qui joue Signor Roberto et qui fut plus tard le curé censureur de Cinéma Paradiso ou la veste jaune de Michael Corleone qui m'a tout de suite fait pensé à celle d'Oscar Isaac dans A most violent year.


Image
Image
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
Image
Image
Image
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13984
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par Alexandre Angel »

..et je n'avais jamais imprimé qu'il y avait aussi Troy Donahue dans Le Parrain 2.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Commissaire Juve
Charles Foster Kane
Messages : 24538
Inscription : 13 avr. 03, 13:27
Localisation : Aux trousses de Fantômas !
Contact :

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par Commissaire Juve »

Le film passe sur France 3, là, maintenant.

A un moment, les voix m'ont semblé étonnamment récentes. Et puis j'ai googlelisé le tout. Argl ! il y a eu un redoublage en 2008 ! :shock:

Je découvre sans doute la lune (je n'ai rien lu de ce qui précède), mais... ça fait un choc !

Quoi qu'il en soit, n'ayant jamais été intéressé par cette franchise, je m'en tape un peu.

EDIT : ah ben, je vois que vous en aviez parlé dans le test du BLU.
Dernière modification par Commissaire Juve le 15 juil. 16, 00:39, modifié 2 fois.
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
Avatar de l’utilisateur
Watkinssien
Etanche
Messages : 17063
Inscription : 6 mai 06, 12:53
Localisation : Xanadu

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par Watkinssien »

Et puis quelle idée de voir ça en VF !! :mrgreen:
Image

Mother, I miss you :(
Avatar de l’utilisateur
Commissaire Juve
Charles Foster Kane
Messages : 24538
Inscription : 13 avr. 03, 13:27
Localisation : Aux trousses de Fantômas !
Contact :

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par Commissaire Juve »

Mon décodeur est réglé sur français ; je le prends comme il vient.

Incidemment : il m'avait semblé entendre la voix française de Matt Damon, mais -- si j'en crois Wikipédia -- j'ai dû boire de la bière chaude. :mrgreen: (j'ai dû confondre avec la voix de Channing Tatum)

Par ailleurs, c'était France 3, pas France 2. J'édite.
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
Grimmy
Régisseur
Messages : 3138
Inscription : 1 févr. 04, 11:25

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par Grimmy »

Et France 3 ne propose pas de choix. VF et puis c'est tout.
Avatar de l’utilisateur
El Dadal
Producteur Exécutif
Messages : 7259
Inscription : 13 mars 10, 01:34
Localisation : Sur son trône de vainqueur du Quiz 2020

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par El Dadal »

Quelle déception à la révision du Parrain, 3e partie.

Cela reste un beau film, quoi qu'on en dise. Mais, et sans le comparer aux deux œuvres fondamentales qui l'ont précédé, j'y ai décelé de nombreux défauts qui ne m'avaient jamais sauté aux yeux par le passé. Dans un premier temps, le caractère très inégal de l'interprétation. Personne n'y échappe, pas même Pacino. Andy Garcia, Diane Keaton... beaucoup sont dans la pose, la recherche du moment iconique et la prestation estampillée actor's studio. John Savage, Helmut Berger... ces noms viennent gonfler le générique mais jamais Coppola ne fait appel à leurs talents d'acteur. Un gros souci du film qui ne m'avait jamais frappé non plus est sa sur-utilisation de la post-synchronisation, associée à une spatialisation du son (mixage) parfois étrange, et pourtant on évoque ici Walter Murch. Une sorte de fausseté se dégage ainsi de l'ensemble. Associée à sa face opératique, on pourrait comprendre l'orientation du film si seulement elle était tenue de bout en bout. Les seconds rôles sont beaucoup plus justes dans le cas présent (les figurants de luxe italiens), Raf Vallone en pape de septembre, avec mention à Talia Shire et Eli Wallach, dont je n'avais jamais goûté les prestations lors de mes précédents visionnages, mais qui s'adaptent bien à l'évolution du style de Coppola. Et Sofia, qui avait été si décriée qu'elle avait gagné son Razzie m'a beaucoup touché avec son interprétation guillerette de jeune fille qui cherche son envol.
Ensuite, la première partie est il faut le dire beaucoup plus ronflante, avec des passages obligés plutôt laborieux et un enchaînement de scènes plutôt attendues et vaines (l'intrigue Joey Zasa est vraiment faible). Bridget Fonda vient faire un tour mais ne sert à rien. On sent bien la pression de la Paramount sur Coppola pour intensifier tout ça. Heureusement, le film se réveille à son arrivée en Sicile (ce qui fait tout de même 50% de film, soit 1h25). Les "liens d'histoire et de sang" deviennent plus naturels, la photo se guépardise et tout le monde semble plus investi. La séquence de l'opéra est très belle, même si le montage alterné final ronronne beaucoup, en plus de reprendre avec fainéantise les codes des premiers opus. J'aurai définitevement plus goûté aux vacances de familles de Michael en Sicile qu'à tout le gloubiboulga des familles qui se tirent dans les pattes, même si le lien avéré entre mafia, système bancaire et église catholique est bien traité.
Mi-figue, mi-raisin :(
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13984
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par Alexandre Angel »

Relativement d'accord même si j'aime bien quand même :) .
Là où se trouve la déception, si je devais résumer mon ressenti, réside dans le fait que Coppola n'a pas tout à fait respecté l'esprit vénéneux des deux premiers. On est dans la romance, le tragique grandiloquent, la joliesse baroque et mélancolique mais on quitte le côté obscur et sourdement inquiétant de ce que Coppola avait tenté et incroyablement réussi dans les années 70 (sauf tout ce qui tourne autour du Pape et encore).
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
El Dadal
Producteur Exécutif
Messages : 7259
Inscription : 13 mars 10, 01:34
Localisation : Sur son trône de vainqueur du Quiz 2020

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par El Dadal »

On notera à ce titre que Pacino était en désaccord profond avec Coppola sur l'orientation donnée à Michael, puisqu'il ne pouvait pas imaginer le personnage accablé de remords, au point de se confesser et passer la main. Une vision ainsi moins romantique d'un personnage "irrécupérable".
Avatar de l’utilisateur
Flol
smells like pee spirit
Messages : 54619
Inscription : 14 avr. 03, 11:21
Contact :

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par Flol »

Ce qui m'avait surtout frappé la dernière fois que je l'ai revu (il y a 5-6 ans), c'est sa facture visuelle assez cheap. Enfin pas forcément "cheap", parce que Coppola reste Coppola et parce que ce n'est pas non plus un téléfilm, mais visuellement j'en garde un souvenir assez terne, duquel aucune scène ou séquence n'émerge vraiment (même le final opératique m'a toujours semblé un peu abusé dans sa grandiloquence).
Alors que dans les 2 premiers opus, les exemples ne manquent franchement pas.
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13984
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par Alexandre Angel »

Flol a écrit : (même le final opératique m'a toujours semblé un peu abusé dans sa grandiloquence)
Je dois avouer que j'ai toujours été embarrassé par le hurlement muet de Pacino qui a un petit quelque chose de grotesque.
Et la dernière fois que je l'ai vu, c'était chez moi avec un copain très cinéphile mais moqueur, qui n'était pas allé le voir à sa sortie. Ben ça n'a pas loupé, lorsqu'arrive LA scène: énorme fou rire. Je ne peux plus voir la séquence sans penser à mon pote imitant Pacino, la bouche grande ouverte.
Je demande pardon aux fans :oops:
Spoiler (cliquez pour afficher)
Image
Reste que la séquence Cavalleria rusticana est géniale et lourde à la fois, et esthétiquement très belle.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
odelay
David O. Selznick
Messages : 13090
Inscription : 19 avr. 03, 09:21
Localisation : A Fraggle Rock

Re: Le Parrain: la trilogie (F. F. Coppola - 1972/1990)

Message par odelay »

Tu me choques !

Non franchement, je n'ai pas la larme facile au ciné mais cette scène me cueille à chaque fois et surtout ce cri muet. La mise en scène de ces dernières 20 min et surtout de la partie sur les marches rattrapent toutes les erreurs qu'elles soient petites ou grandes (Sofia c' est juste pas possible, même si elle devient enfin émouvante quand elle se rend compte de ce qui s'est passé, mais je ne peux m'empêcher de penser pendant tout le film à Winona qui aurait dû être là si elle n'avait fait un burn out les premiers jours). Et le dernier plan est la plus belle conclusion qu'on pouvait avoir.
Répondre