Je sais où je vais (Powell/ Pressburger - 1945)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jack Griffin
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Je sais où je vais (Powell/ Pressburger - 1945)

Message par Jack Griffin »

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Joan Webster, une jeune femme ambitieuse et décidée, part en Ecosse pour épouser un riche homme d’affaire. Un vent fort et une mer houleuse l’empêchent de rejoindre son fiancé sur l’île de Killoran où doit avoir lieu le mariage. Contrainte d’attendre que le temps se fasse plus clément, elle séjourne quelques jours sur la côte où elle fait la rencontre de Torquil MacNeil, propriétaire de l’île.

Tourné à la suite de Canterbury tale, I know where i’m going part d’une idée originale d’Emeric Pressburger qui, ayant d’abord eu l’intention de tourner Une question de vie ou de mort avec son associé Michael Powell, a été obligé de se rabattre sur un long-métrage en noir et blanc, faute d’avoir suffisamment de pellicule technicolor en réserve.
Le film met en scène plusieurs acteurs débutants dont, entre autres, Wendy Hiller qui tient le rôle principal, la jeune Petula Clark en enfant (sur)doué ou encore Pamela Brown, déjà présente sur One of our aircraft is missing et dont Michael Powell tombera amoureux pendant le tournage. Roger Livesey, sorte d’alter-ego de Michael Powell à l’écran, est également de la partie dans le rôle masculin principal après Colonel Blimp et avant Une question de vie ou de mort. Le film a été tourné en partie en Ecosse, pour le tournage des plans en extérieur, et en partie à Londres, en studio. Pendant le tournage , Roger Livesey n’a jamais mis les pieds en Ecosse et il est amusant de remarquer que toutes les scènes dans lesquelles on le voit se balader en extérieur, sont en fait joués par une doublure, toujours judicieusement vu de dos ou de loin. Il est donc normal de retrouver pas mal de transparences pendant le film.

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En racontant cette histoire d’amour naissante, Powell et Presburger en profite pour faire passer un certain idéalisme où la simplicité et l’honnêteté envers ses sentiments triompheraient des ambitions de carrière et du profit. Pour cela ils vont se faire se confronter deux mondes. Celui de la ville, représentée par le personnage de Joan Webster, et celui des paisibles terres d’Ecosse, soumises encore aux lois naturelles, pétries de légendes et de mysticisme. Guidée par sa raison, montrée au début du film comme un personne sachant où elle va, Joan, dont l’amour grandissant pour Torquil Macneil l’amènera petit à petit à remettre ses principes en question, sera confrontée à une population locale dont la pauvreté n’entame pas la bonne humeur et l’excentricité. L’habile mélange dont fait preuve le récit entre les manifestations naturelles, les sentiments et le mysticisme, notamment dans l’impressionnante scène de la tempête en mer ou encore celle dans le château abandonné, remporte rapidement l’adhésion. Difficile de rester insensible aux questionnement de Joan et à l’amour qui l’unie à Torquil tant le romantisme habituel des films de Powell marche ici merveilleusement, grâce à l’interprétation, le souffle du récit, la beauté des décors et du paysage. Car le film est également une déclaration d’amour à l’Ecosse, sa culture et son environnement, sublimé par la photo à tendance expressionniste de Erwin Hillier. Ses magnifiques paysages de plaines et de collines, découpés sur un ciel nuageux et remodelés constamment par le brouillard, restent en mémoire et annoncent d’une certaine manière la captation des environnements naturels de La renarde.
Les idées de mise en scène ludiques comme le générique inscrit dans l’univers du film ou encore les vues aériennes avec ses maquettes de train traversant des collines drapés d’un tissu à carreau sont vraiment jubilatoires. D’autres effets comme la séquence du tourbillon réalisé en studio fonctionne encore très bien aujourd’hui.

Ce chef d’œuvre devrait être prochainement édité en zone 2 par l’institut louis lumière.

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Pamela Brown, dont l'importance dans le récit a été amoindri.

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Roger Livesey et Wendy Hiller.
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Ann Harding
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Message par Ann Harding »

Le film est déjà disponible au sein du coffret "Powell & Pressburger collection " 9 DVD en GB.
Je suis entièrement d'accord: un film de toute beauté!
Il est amusant de noter que James Mason refusa le rôle de Torquill car il ne voulait aller dans le nord de l'Ecosse....Roger Livesey lui non plus!
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Message par tronche de cuir »

ça donne envie !!! :wink:
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Ann Harding
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Message par Ann Harding »

Le film est déjà disponible au sein du coffret "Powell & Pressburger collection " 9 DVD en GB.
Je suis entièrement d'accord: un film de toute beauté!
Il est amusant de noter que James Mason refusa le rôle de Torquill car il ne voulait aller dans le nord de l'Ecosse....Roger Livesey lui non plus!
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Kevin95
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Re: Je sais où je vais (Powell/ Pressburger - 1945)

Message par Kevin95 »

Jack Griffin a écrit :Ce chef d’œuvre devrait être prochainement édité en zone 2 par l’institut louis lumière.
Si l'institut pouvait sortir aussi L'Espion Noir, ça serait très bien ! :mrgreen:

Heu... Sinon, pas vu ce film (comme quasiment toute la filmo de Powell, mais les dvd m'attendent), mais le texte de Jack m'en donne évidemment envie.
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Message par Max Schreck »

Peut-être le Powell-Pressburger pour lequel j'ai le plus d'affection. Un film aux prétentions apparemment modeste mais qui dégage un charme fou et assez indéfinissable. Le voyage, l'ambiance sont très plaisants et traités avec une douce ironie assez réjouissante.

Il m'avait fallu une seconde vision pour vraiment en percevoir toutes les beautés. On sent que Powell a envie de nous faire partager son amour d'une campagne préservée, où la magie peut encore se concilier avec la Nature. Et puis Roger Livesey porte super bien le kilt.
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Message par Cosmo Vitelli »

J'adore. Peut être mon Powell-Pressburger préféré. Two thumbs up !
Si mes souvenirs sont bons, Scorsese est un grand fan du film.
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Je sais où je vais (Michael Powell / Emeric Pressburger)

Message par La Rédac »

Première étape d'une grande semaine Michael Powell sur Dvdclassik, avec la chronique de Je sais où je vais(I know where I'm going) par François-Olivier Lefevre. L'occasion de revenir sur l'un des plus beaux films de Powell & Pressburger, et de juger de la qualité de l'édition Z2 (Institut Lumière) mise en rayons la semaine dernière.

Vos avis sur le film, la chronique et le DVD sont attendus sur cette page.

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Bon début de semaine à tous.
Et RV demain pour le p'tit concours qui va bien :o
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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

Je ne connaissais même pas ce film de titre et j'avoue que la chronique me fait penser que je pourrais très certainement adorer. En tout cas, ça m'a donné sacrément envie de le découvrir.
Joe Wilson
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Message par Joe Wilson »

Visionnage ce soir! (en tout cas la chronique est extrêmement intéressante).
Cette semaine thématique me réjouit. :wink:
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Zelda Zonk
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Message par Zelda Zonk »

Un des rares Powell que je n'avais pas pu voir au Festival de La Rochelle il y a deux ans.
Et j'avoue que la chronique et les magnifiques captures (quelle photo noir et blanc ! :shock: ) me font sacrément envie.

En plus, ça se passe sur l'île de Mull, en Ecosse, où j'ai eu l'occasion d'aller. Bref, tout pour me plaire.
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gnome
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Message par gnome »

Oui, j'étais parti pour ne pas prendre le coffret et me contenter du "Voyeur" chez Studio Canal, mais au vu des captures... Je me laisserais bien tenter aussi, d'autant que j'adore l'Ecosse...
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Strum
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Message par Strum »

Je l'ai vu hier. J'y ai retrouvé tout ce que j'aime chez Powell & Pressburger: la primauté du rêve sur la réalité au travers de la mystérieuse concordance que le film se plait à souligner entre ce qui est rêvé ou prédit et ce qui advient, la liberté de ton qui peut aller jusqu'à la facétie (le chapeau fumant !), l'intelligence du récit et la spiritualité des dialogues, l'humanité des personnages. C'est bien beau.

Wendy Hiller et Roger Livesey (quel dommage que ce-dernier n'ait pas fait une plus grande carrière au cinéma!) forment un très beau couple.
Joe Wilson
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Message par Joe Wilson »

Comme prévu, je poste ici mon avis:

I Know Where I'm Going est un ravissement constant, d'une formidable limpidité, et ce périple initiatique dans les Hébrides concentre à mon goût les principales qualités de Powell et Pressburger. Ce film offre donc une porte d'entrée idéale pour qui désire s'attaquer à leur filmographie.
Le générique est un régal d'humour et installe d'entrée un rythme trépidant. On retrouve l'énergie débordante de la première partie du Colonel Blimp, ses réparties et sa fantaisie visuelle. Le personnage de Joan Webster (très belle prestation de Wendy Hiller) prend immédiatement vie sous nos yeux. Son allure décidée et virevoltante est à l'image d'un caractère fier et impétueux, fidèle à une certaine obsession de réussite qui l'entraîne sur une ligne droite sans accrocs. Son mariage prévu avec une grosse fortune semble représenter l'aboutissement de cette logique de conduite.
Le contraste est marquant dès les premiers instants passés en Ecosse. La mise en scène épouse un style de vie, et les rugueux mais splendides paysages écossais imposent immédiatement une réserve contemplative, une admiration et une crainte. Et à partir du moment ou Joan est contrariée dans ses intentions parce que le brouillard et la tempête l'empêchent de rejoindre son futur mari, la dimension mythologique, spirituelle et romantique du film prend toute son ampleur (on peut noter beaucoup de nombreux rapprochements avec A Canterbury Tale: les lieux et l'Histoire posée en référence ont changé, mais le rapport au passé et à la tradition est semblable, exprimé avec une passion comparable).
Roger Livesey est formidable en Torquil McNeil. Outre l'anecdote savoureuse et surprenante mentionnée dans la chronique (Livesey est systématiquement doublé pour les extérieurs), l'acteur fait tout de suite figure de maître des lieux. Avec l'étonnante Catriona Potts (jouée par Pamela Brown, à la démarche atypique mais assez fascinante), ils offrent à Joan Webster le mystère magnifique de ces contrées maritimes désertiques et admirables.
La curiosité aigue de la jeune femme n'empêche pas une frustration égoiste et contradictoire. Tout est donc une affaire de rencontres, d'apprentissage, de remise en cause. Evidemment, Powell et Pressburger dénoncent un matérialisme idéalisé et forcené, individualiste malgré lui. Mais le propos est d'une admirable fluidité, ne contrariant jamais le récit. A travers un ensemble de scènes (le récit d'un mythe, une fête locale, une traversée dangereuse), I Know Where I'm Going résonne comme un chant de reconnaissance aux habitants des Hébrides. C'est un désir d'ouverture, une admiration sensible qui donnent leur ampleur au film.
Le rebondissement final, toujours placé sous le signe d'un héritage historique et culturel, dessine un formidable élan de liberté, rare et enchanteur.
I Know Where I'm Going et A Canterbury Tale sont ainsi des films particulièrement complémentaires, avec une grande proximité de regard. Les héroines Joan Webster et Allison Smith sont toutes deux plongées dans un univers onirique chargé d'un passé radieux. Contrairement à Allison, Joan est d'abord réticente et bornée par sa réflexion et ses attitudes, dans leur confrontation à l'inconnu. L'apprentissage est ainsi d'autant plus décisif.
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La Rédac
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Re: Je sais où je vais - Powell / Pressburger

Message par La Rédac »

La Rédac a écrit :RV demain pour le p'tit concours qui va bien :o
Et up.
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