Doris Day (1922-2019)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

Modérateurs : cinephage, Karras, Rockatansky

Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99491
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :
Jeremy Fox a écrit :


Si tu l'as je veux bien :)
J'ai. Je remets la main dessus et je te dis ça.

Aucune urgence hein ; ce serait juste pour compléter éventuellement ma collection à l'occasion car il est indispo sur Amazon France :wink:
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99491
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

21
Image

Pique nique en pyjama (The Pajama Game)

Réalisation Stanley Donen
Avec Doris Day, Carol Haney, John Raitt, Eddie Foy Jr.
Scénario : George Abbott & Richard Bissell
Photographie : Harry Stradling Jr (Warnercolor 1.85)
Musique : Richard Adler & Jerry Ross
Une production Warner
USA – 100 mn -1957


Image

Le patron d’une usine de confection de pyjamas s’oppose à augmenter ses employés malgré leurs demandes réitérées depuis plusieurs mois. Il embauche Sid Sirokin (John Raitt) comme nouveau directeur d’atelier en comptant sur sa poigne pour faire taire la révolte et pour s’opposer aux syndicats qui font le forcing pour obtenir cette augmentation de salaire. Furieux, les salariés commencent à freiner les cadences voire même à saboter leur travail en mettant en panne les machines. Sid est obligé de licencier Babe (Doris Day), l’une des têtes fortes du bureau syndical dont il était pourtant tombé amoureux. Le couple qui s’était constitué en pâtit très logiquement ; mais, toujours entiché de Babe et espérant trouver un compromis, Sid décide alors de vérifier les livres de comptes de la fabrique. Pour se les approprier, il lui faut avoir accès au coffre ; il doit donc arriver à convaincre la secrétaire (Carol Haney) qui garde précieusement les clés. Au risque de se heurter au fiancé jaloux de la jeune femme -qui n’est autre que le contremaitre (Eddie Foy Jr.)-, Sid va tenter de la séduire… au grand dam de Babe qui elle aussi éprouve toujours des sentiments pour l’homme qui l’a limogé. En attendant, la grève couve…

Image
"Alors que j'étais en train de préparer Funny Face je reçus une lettre me disant : ‘cher Stanley, nous voudrions faire un film de 'The Pajama Game'. Voulez-vous le mettre en scène ? Sincèrement votre, George Abbott.’ Le problème de l'adaptation me préoccupait. Je n'aime pas beaucoup prendre un succès de la scène et en faire un film parce que je me sens prisonnier de choses déjà parfaites que je dois passer à l'image sans les modifier trop drastiquement. Durant les répétitions j'ai demandé à George qui avait mis en scène la pièce à Broadway de venir et de me dire -ainsi qu'aux acteurs- comment il avait mis en place les divers éléments. Je lui ai dit que nous gagnerions du temps. Il m'a demandé de m'en occuper. Comme je sentais qu'il était gêné, je lui ai proposé de mettre son nom au générique comme coréalisateur. Il ne pensait pas que c'était juste à partir du moment où il n'assurait qu'une partie de la mise en scène. Si j'insistais pour qu'il soit crédité comme coréalisateur alors je devais avoir mon nom comme co-producteur. Le résultat est que nous tournâmes le film en moins de six semaines !" Stanley Donen résume ainsi la genèse de cette adaptation cinématographique d’une comédie musicale montée le 13 mai 1954 au St. James Theatre à Broadway avec Janis Paige dans le rôle de la 'chef' des syndicalistes, seule personnage de la distribution originale qui sera tenu au cinéma par un autre interprète que celui du spectacle ; en l’occurrence Doris Day pour son 21ème film.

Image
Trois ans après avoir quitté la Warner qui fut le studio qui en avait fait une star, et après s’être éloignée le temps de quelques films de la comédie musicale avec successivement le thriller/film catastrophe Julie (Le Diabolique Docteur Benton) de Andrew L. Stone –bien plus risible qu’inquiétant désormais et autant dire plutôt raté- puis surtout le superbe L’Homme qui en savait trop (The Man who Knew too Much) de Alfred Hitchcock -devenu à juste titre un grand classique du maître du suspense-, la vedette féminine préférée du public américain revient à ses premiers amours chez Jack Warner pour ce Pique nique en Pyjama qui constituera l’un des sommets de sa filmographie. Janis Paige qu’elle a remplacée lorsque la comédie musicale est passée de la scène à l’écran ne lui en tiendra jamais rigueur ; non seulement cet ‘échange’ lui aura permis de danser la même année aux côtés de Fred Astaire dans La Belle de Moscou (Silk Stockings) de Rouben Mamoulian –il s’agit de la rousse volcanique qui chante ‘Stereophonic sound’- mais aussi, pour preuve de sa sympathie envers sa ‘suppléante cinématographique’ –avec qui elle avait déjà partagé l’affiche du premier film de cette dernière, Romance on the High Seas (Romance à Rio) de Michael Curtiz- elle jouera en sa compagnie en 1960 dans la délicieuse comédie de Charles Walters, Ne mangez pas les marguerites (Don’t Eat the Daisies). Autant dire un tournage harmonieux et aucune animosité même de la part de ceux n’ayant pas pu participer aux deux versions –Broadway et Hollywood- de cette adaptation d’un roman de Richard Bissell intitulé 7½ Cents qui sera d’ailleurs le titre de l’avant dernière chanson du film.

Image
Un jour à New York (On the Town), Chantons sous la pluie (Singing in the Rain), Les Sept femmes de Barbe Rousse (Seven Brides for Seven Brothers), Beau fixe sur New York (It’s Always Fair Weather)… autant de réussites, presque autant de succès, le dernier étant devenu un classique bien après sa sortie, certainement trop novateur pour les spectateurs de l’époque qui ne s’attendaient pas à un ton aussi sombre dans le genre. Et pourtant Pique-nique en pyjama aurait dû les surprendre encore davantage sauf que cette fois l’engouement du public fut immédiat, connaissant cependant déjà le spectacle original alors que It’s Always Fair Weather était parti d’un postulat tout neuf et d’une partition écrite spécialement pour l’occasion. Pour en revenir à Pajama Game, prenez une usine de fabrication de pyjamas, ses employés demandant une augmentation, son contremaitre –lanceur de couteaux à ses heures perdues- obsédé par sa secrétaire qui le rend maladivement jaloux, son directeur tombant amoureux de la principale déléguée syndicale, la lutte syndicale des ouvriers pour obtenir une augmentation de salaire, des préavis de grèves, des cadences infernales ou expressément ralenties dans un but de ‘sabotage’, des réunions de travail… un scénario audacieux sur fond de conflit social qualifié par Jean-Luc Godard de 'première comédie musicale gauchiste' ! Des thèmes rarement abordés à Hollywood et encore moins dans un genre aussi léger que le ‘Musical’ ; ce qui fait du film de Donen une œuvre très originale déjà de ce point de vue.

Image
"Nous avions tourné le film très vite sans modifier la structure de la pièce mais le résultat me semble très bon. J'aime beaucoup le film. C'est une œuvre très rapide, pleine d'idées, de verve. Et plastiquement je crois que c'est très beau" disait Stanley Donen lui-même. Le résultat est effectivement une comédie musicale non seulement inhabituelle de par ses thématiques mais aussi rythmiquement ébouriffante avec une chorégraphie moderne et musclée de Bob Fosse -qui avait déjà travaillé pour Donen sur le très attachant Give a Girl a Break (Donnez-lui une chance)-, des numéros musicaux pour certains presque aussi acrobatiques que ceux de Seven Brides for Seven Brothers -amateurs d'élégance, passez votre chemin-, la plupart euphorisants, presque tous plus originaux les uns que les autres, les danseurs étant parfois des personnages âgés voire même des gens bien enrobés... Bref, nous ne sommes pas dans un musical de la MGM bien policé comme on se les imagine souvent –même s’il existe de nombreux contre-exemples et même si sous ma plume ce n’est aucunement péjoratif- mais dans un musical Warner, le studio qui avait déjà été dans les années 30 le champion des grandes causes et des sujets à connotations sociales. Ne vous y trompez cependant pas : ce n’est absolument pas solennel mais au contraire d'une gaieté et d'un dynamisme contagieux.

Image
Les chansons -dont les 50 minutes représentent environ la moitié de la durée totale du film- sont toutes superbes et facilement mémorisables. On retiendra surtout dans leur ordre d’apparition ‘I'm Not At All In Love’ au cours de laquelle Doris Day démontre d’emblée qu’elle était au sommet de sa forme vocale ; ‘I'll Never Be Jealous Again’ chantée puis dansée aux claquettes par l'improbable mais savoureux duo composé par Eddie Foy Jr. et Reta Shaw ; le fameux ‘Once-A-Year-Day!’ qui n’est autre que le pique nique du titre français, séquence au montage avant-gardiste et éclairée par la seule lumière naturelle d’un parc de Los Angeles sans la moindre utilisation de projecteurs ; ‘Hey There’ chantée à deux reprises, la première fois par John Raitt en duo avec lui-même après qu’il ait tout d’abord enregistré sa voix dans un dictaphone, puis plus tard par Doris Day lors d’une séquence mélancolique et très émouvante éclairée par des signaux lumineux ferroviaires vert puis rouge, assez novatrice par le fait d'avoir été enregistrée non en studio mais en live ; ‘ Small Talk’ qui préfigure les polyphonies de certaines des chansons finales de West Side Story (c’est d’ailleurs Jerome Robbins qui était le metteur en scène du spectacle Pajama Game avec George Abott ) ; le dynamique et énergiquement contagieux ‘There Once Was a Man’ qui rend encore plus attachant le couple formé par John Raitt et Doris Day, cette dernière tirant sur ses cordes vocales pour notre plus grand plaisir ("Tell me!!") ; la célébrissime ‘Hernando's Hideaway’ ainsi que ‘Steam Heat', les numéros les plus typiques des idées modernistes et du culot déployés par le chorégraphe Bob Fosse, le premier filmé dans le noir, les visages des danseurs étant tour à tour éclairés par de simples craquements d’allumettes, le second non seulement réjouissant par sa chorégraphie et les performances vocales imitant des bruits de vapeur mais également plein de délicieux sous-entendus sexuels ; enfin l'espèce de marche que représente ‘7 1/2 Cents’ au cours de laquelle nos syndicalistes se mettent à compter ce que l’augmentation demandée leur rapportera à long terme.

Image
Doris Day est charmante et sa beauté naturelle aura rarement été aussi bien mise en valeur par un maquillage enfin discret. John Raitt – le papa de Bonnie- ne m’a pas semblé aussi fade que j’ai souvent entendu dire même si Marlon Brando et Frank Sinatra au départ pressentis auraient probablement encore rehaussés le film ; tous les autres seconds rôles s’en donnent à cœur joie et avant tout le couple survolté interprété par Carol Haney -l’ex-assistante de Gene Kelly en tant que chorégraphe à la MGM- et le toujours aussi amusant Eddie Foy Jr. Si la mise en scène n’est pas toujours voyante –certains numéros musicaux étant filmés quasi frontalement comme si nous étions des spectateurs de théâtre- lorsqu’elle innove elle ne le fait pas à moitié, certaines séquences frénétiques comme celle du pique nique préfigurant par leur montage hallucinant et survolté ainsi que par la multiplication de travellings endiablés les futurs films réalisés par Bob Fosse et notamment Sweet Charity et All That Jazz. Quant au chef-opérateur Harry Stradling, il se met en phase avec le style et l’intrigue du film, ne recherche ainsi aucune joliesse, préférant des couleurs un peu brutes sans la moindre afféterie. Devant le succès critique et public de leur film, George Abbott et Stanley Donen reformeront une association l’année suivante avec une autre adaptation de Broadway, Damn Yankees, dont la réussite sera bien moindre, la vulgarité l’emportant sur la bouffonnerie bon enfant de son prédécesseur. A signaler également que le spectacle d’origine n’aura pas seulement permis de révéler Carol Haney mais également Shirley MacLaine qui eut son premier succès en remplaçant Haney sur scène après que celle-ci se soit cassée une jambe.

Image
Si The Pajama Game ne soutient pas la comparaison avec Chantons sous la pluie -parfait à tous les niveaux et tout du long- notamment à cause d’un argument certes novateur mais se retrouvant au sein d'une intrigue minimaliste, Stanley Donen signe cependant à nouveau une formidable comédie musicale, débordante d’énergie et dans laquelle les quelques lourdeurs qui subsistent sont balayées par la modernité, la vigueur, la jeunesse et l'entrain de l'ensemble, le film côtoyant ainsi sans aucun problème les chefs-d’œuvre du genre des années 50. Quant à Bob Fosse, ce sera à partir de là que sa carrière va commencer à s’envoler vers des sommets.

******************************************
Le film existe en zone 2 et en zone 1 avec VF et VOST. Copie tout à fait correcte avec possibilité de voir la version 1.85 et la version 1.37 sans que cette dernière ne soit un pan et scan puisqu’il y a plus d’images en haut et en bas.

Image
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99491
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

22
Image

Le Père malgré lui (The Tunnel of Love)

Réalisation : Gene Kelly
Avec Doris Day, Richard Widmark, Gig Young, Gia Scala
Scénario : Jerome Chodorov & Joseph Fields
Photographie : Robert J. Bronner (Noir et blanc 2.35)
Musique : Divers
Une production MGM
USA – 98 mn -1958


Image
Isolde (Doris Day) et Augie (Richard Widmark), un couple qui n’arrive pas à avoir d'enfants malgré leurs innombrables tentatives "de toutes les manières et dans toutes les positions possibles" affirme la femme sans aucune inhibition mais à la grande gêne de son époux bien plus timide et réservé. Ils décident donc d’entreprendre toutes les démarches pour en adopter un. Mais avant cela, une inspectrice de l'agence d'adoption va devoir enquêter sur la moralité des deux époux ainsi que sur celle du couple qui s’en porte garant. Seulement, l'ami de la famille (Gig Young) qui a été choisi comme référent est un chaud lapin et, alors qu'on s'attendait à une inspectrice vieille fille collet monté, c'est Estelle, une brune sculpturale (Gia Scala), qui se présente dans leur foyer. Le mari, poussé par son Casanova de voisin, va être tenté à son tour par l'adultère. Un matin, alors qu’il a découché, il est persuadé s’être fait ‘violer’ par Estelle et qu’il va être père malgré lui…

Image
The Tunnel of Love est le dernier travail de Gene Kelly pour la MGM ; après 15 années de bons et loyaux services pour le studio -aussi bien devant que derrière la caméra- cette comédie marquait la fin du contrat les liant. En revoyant aujourd’hui la plupart des quelques films que Gene Kelly réalisa en solo, on peut à postériori facilement imaginer qui de lui ou de Stanley Donen avait fait le principal du travail de mise en scène sur les comédies musicales qu’ils avaient signés de leurs deux noms tels les grands classiques du genre que sont Un Jour à New York (On the Town) ou Chantons sous la pluie (Singing in the Rain) ; en effet alors que Stanley Donen n’a pas cessé de nous enchanter par ailleurs, Gene Kelly, privé de son collaborateur, s’est avéré bien médiocre voire même carrément laborieux dès qu’il endossait donc seul la casquette de réalisateur, de son ennuyeux film-ballet Invitation à la danse en 1956 jusqu’à sa pénible parodie de western avec pourtant non moins que James Stewart et Henry Fonda en têtes d’affiche, le consternant et peu amusant Attaque au Cheyenne Club (The Cheyenne Social Club) en 1970. Plutôt que derrière la caméra, préférons nous souvenir de lui en tant qu’acteur plein de verve ou évidemment en tant que danseur acrobatique et chorégraphe de génie. Car The Tunnel of Love –qui au théâtre eut énormément de succès, comptabilisant pas moins de 417 représentations sur Broadway- ne vaut guère mieux que les films précédemment cités.

Image
Pour mettre en scène la transposition cinématographique de cette pièce de théâtre jouée à Broadway – elle-même adaptée d’un roman de Peter De Vries-, le producteur Benny Thau, grand fan de Gene Kelly, demanda à ce dernier de s’en occuper mais sous certaines conditions : qu’il soit photographié en noir et blanc dans un seul décor avec seulement trois semaines de tournage pour un budget ne dépassant pas les 500,000 dollars. Si certains cinéastes redoublent de créativité lorsqu’ils sont soumis à des contraintes financières drastiques, ce n’est malheureusement pas le cas de Gene Kelly qui assure tout juste correctement son travail de metteur en scène sans témoigner d'aucune originalité ni du moindre sens du rythme ou de l’espace. Les spectateurs ne seront pas dupes et au final, malgré ses faibles moyens et son duo de stars, le film ne réussira même pas à entrer dans ses frais ! Il s'agit d'une comédie adaptée par Joseph Fields –créateur du savoureux My Sister Eileen et scénariste de l’hilarant Une Nuit à Casablanca avec les Marx Brothers- d'un de ses vaudevilles cosigné avec Jerome Chodorov et qui avait pour têtes d’affiche Tom Ewell -connu pour avoir été le partenaire maladroit de Marilyn Monroe dans 7 ans de réflexion-, Nancy Olson et Darren McGavin. Assez osée pour l'époque -Doris Day 'use' son époux en essayant toutes les 'tactiques' possible pour arriver à être enceinte ; Gig Young ne supporte pas ses enfants et ne pense qu’à ajouter une ‘proie’ à son tableau de chasse-, plutôt amusante dans son postulat de départ, cette première ‘Sex Comedy’ pour Doris Day échoue sur presque tous les tableaux. L’actrice dira d’ailleurs n’avoir pas voulu participer au film au vu de la pauvreté du script mais que son époux Martin Melcher avait déjà signé le contrat.

Image
Plus que la médiocrité du scénario qui outre le fait qu’il ait un peu ‘lissé’ la pièce afin de pouvoir passer la censure –au théâtre, l’inspectrice a vraiment couché avec le mari dans le seul but de pouvoir être enceinte- ne parvient que rarement à nous dérider, la grosse erreur des auteurs ayant été dans leur choix de l’acteur principal, à savoir Richard Widmark. Le comédien a beau avoir été un immense acteur de mélodrames, films de guerre, westerns ou films noirs, on le sent quand même vraiment très mal à l’aise dans le registre de la comédie et au final il s’avère ici très loin d’être convaincant dans la peau de cet époux timide et maladroit, voire même pas drôle du tout ; on imagine aisément le résultat que ça aurait pu être avec à sa place James Garner, Rock Hudson ou même Glenn Ford initialement prévu. Widmark était d’ailleurs lucide sur sa prestation puisqu’il dira "I was no good and neither was the movie. It could’ve been [better] with the right actor." On ne rit donc jamais vraiment comme on le fera par exemple avec Confidences sur l’oreiller (Pillow Talk) ou Un Pyjama pour deux (Lover Come Back) d’autant plus que le personnage de Doris Day est un peu en retrait ; dommage car elle s’avère au contraire toujours aussi pétillante et charmante. Mais celui qui domine le casting est Gig Young, le Casanova qui fait une psychanalyse car ses aventures extraconjugales lui provoquent toujours des crises de conscience ; à la fin du film, il exulte car il est guéri : désormais, il peut batifoler à qui mieux mieux sans que sa conscience en soit affectée ! L’acteur et son personnage de mufle sont souvent assez drôles, ce qui nous permet d’échapper à l’ennui qui n’est cependant jamais loin. Quant à l’aguichante Gia Scala, nous sommes un peu déçus qu’elle n’ait pas plus de temps de présence à l’écran.

Image
Malgré ses nombreux quiproquos, une comédie pas franchement inoubliable voire même plus que moyenne et bien trop sage, ayant perdu le pouvoir de subversion qui avait du faire son effet à l’époque. Mais que l’on se rassure ; grâce notamment au producteur Ross Hunter, la plupart des comédies suivantes avec Doris Day seront autrement plus amusantes et énergiques. Reste le plaisir de l’avoir entendu fredonner la chanson-titre ainsi que –à mi-film- la sympathique ‘Runaway, Skiddadle Skido’. C’est bien peu !

*************************************
On trouve le film dans ce coffret avec sous titres français ; copie superbe, la plus belle des cinq.

Image
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13984
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Doris Day

Message par Alexandre Angel »

Jeremy Fox a écrit :I'll Never Be Jealous Again’ chantée puis dansée aux claquettes par l'improbable mais savoureux duo composé par Eddie Foy Jr. et Reta Shaw
Si je devais établir un top 10 de mes numéros musicaux préférés, je jure qu'il est dedans! Absolument fan : il m'est arrivé de le regarder en boucle.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99491
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

Alexandre Angel a écrit :
Jeremy Fox a écrit :I'll Never Be Jealous Again’ chantée puis dansée aux claquettes par l'improbable mais savoureux duo composé par Eddie Foy Jr. et Reta Shaw
Si je devais établir un top 10 de mes numéros musicaux préférés, je jure qu'il est dedans! Absolument fan : il m'est arrivé de le regarder en boucle.

J'adore aussi mais si je ne devais en garder qu'un seul du film de Donen ce serait 'There once was a Man'. 'Steam heat' ou I'm not at all in love aussi d'ailleurs :oops:
Avatar de l’utilisateur
Alexandre Angel
Une couille cache l'autre
Messages : 13984
Inscription : 18 mars 14, 08:41

Re: Doris Day

Message par Alexandre Angel »

Jeremy Fox a écrit : 'Steam heat'
très All that jazz celui-là 8)
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99491
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

Alexandre Angel a écrit :
Jeremy Fox a écrit : 'Steam heat'
très All that jazz celui-là 8)
Oui mais néanmoins assez sagement filmé (sans que ce ne soit péjoratif de ma part). Le plus fou et celui qui annonce le plus les futurs Bob Fosse au travers la mise en scène c'est néanmoins la séquence du pique-nique et son montage ultra-saccadé.
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99491
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

23
Image

Le Chouchou du professeur (Teacher's Pet)

Réalisation : George Seaton
Avec Doris Day, Clark Gable, Gig Young, Mamie Van Doren
Scénario : Michael & Fay Kanin
Photographie : Haskell B. Boggs (Noir et blanc 1.85)
Musique : Roy Webb
Une production Paramount
USA – 120 mn -1958


Image
James Gannon (Clark Gable) est rédacteur en chef d’un grand quotidien new-yorkais. C’est un autodidacte qui estime que seule l’expérience compte pour faire un bon reporter et non pas la soi disant efficacité d’une quelconque éducation universitaire. Il a d’ailleurs refusé -par l’intermédiaire d’une lettre cinglante- une invitation du professeur Stone à aller faire part de son expérience dans l’université où ce dernier donne des cours de journalisme. Ayant eu vent de ce refus, le directeur du journal oblige Gannon à se rendre sur place pour s’excuser afin de ne pas déplaire à un membre du conseil d’administration de l’université qui n’est autre que leur éditeur. A contre-cœur Gannon s’exécute ; quelle n'est pas sa surprise lorsqu'il constate que le professeur Stone est en fait une charmante jeune femme nommée Erica (Doris Day). Seulement il tombe sur celle-ci alors qu’elle est en train de lire sa fameuse lettre à ses élèves pour évoquer la muflerie de certaines ‘reliques du passé’. Étant donné la situation malencontruse où il se trouve et Erica l’ayant pris pour l’un de ses élèves, Gannon ne cherche en aucune manière à rétablir la vérité ; au contraire il décide de profiter de cette méprise pour lui faire comprendre à quel point elle a tort dans ses conceptions sur le journalisme. Évidemment ils vont tomber amoureux malgré la présence d’un rival en la personne d’un séduisant professeur de psychologie, le Dr Pine (Gig Young)…

Image
1958 : les 'Musicals' n’étant plus trop au goût du jour, c’est dans un autre registre de la comédie que la vedette féminine toujours la mieux payée de l’époque allait commencer à s’épanouir et à en devenir une sorte d’égérie, la ‘Sex-comedy’. Doris Day l’avait déjà testé l’année précédente avec pour partenaire Richard Widmark ; il s’agissait d’un film réalisé par Gene Kelly, The Tunnel of Love (Le Père malgré lui). Paradoxalement, à ce moment de sa carrière, cette première incursion dans ce sous-genre allait s’avérer être son plus mauvais film, une comédie pas très drôle faute surtout à l’indigence de la mise en scène et à un Richard Widmark absolument pas convaincant et semblant très mal à l'aise, ce dont il ne fut d’ailleurs pas dupe, ayant par la suite reconnu son incompétence dans ce domaine. Teacher’s Pet est donc la première très belle réussite parmi les comédies non musicales tournées par Doris Day ; et ça n’allait pas être la dernière, la plupart de celles pour lesquelles elle aura ensuite pour partenaires Rock Hudson, David Niven, Cary Grant ou James Garner allant faire partie des comédies américaines les plus amusantes des années 60. Dans Le Chouchou du professeur, elle donne cette fois la réplique à une autre immense star, non moins que Clark Gable -57 ans, sans avoir encore rien perdu de sa vivacité- avec qui elle forme ici un couple qui fonctionne à merveille et dont on regrette qu’il ne se soit pas réuni à nouveau par la suite.

Image
Cette comédie a été réalisée par George Seaton, un cinéaste tenu en haute estime dans son pays mais au contraire -à tort à mon avis- plutôt considéré comme un tâcheron en France ; en effet, au vu de ce que j’ai pu en voir et apprécié, sa filmographie mériterait vraiment d’être redécouverte. Il commença sa carrière à Hollywood en tant que scénariste co-signant d’emblée deux des meilleurs Marx Brothers de la MGM, Une Nuit à l'opéra (A Night at the Opera) et Un Jour aux courses (A Day at the Races). Puis, rejoignant les rangs de la 20th Century Fox, il écrivit quelques unes des innombrables comédies musicales exotiques du studio avec souvent en têtes d'affiche Carmen Miranda, Alice Faye ou Betty Grable, ainsi que l’un des plus beaux films de Henry King, Le Chant de Bernadette (The Song of Bernadette). Passant derrière la caméra en 1945, il continuera dans la plupart des cas à scénariser lui-même ses films, ce qui était alors très rare dans le cinéma américain des studios. Parmi ses réussites, le sympathique The Shocking of Miss Pilgrim avec Betty Grable, le célèbre Miracle sur la 34ème rue avec John Payne et Maureen O’Hara –un classique de Noël- puis plus tard l’intéressant Une fille de la Province (The Country Girl) avec Grace Kelly et Bing Crosby. Tout le reste est toujours aussi peu connu dans notre contrée si ce n’est un film aujourd’hui lui aussi injustement moqué à cause des ZAZ et leur hilarante parodie -Airplane-, le pourtant toujours très efficace Airport qui obtint un immense succès mondial assez mérité.

Image
Mais revenons-en à Teacher’s Pet, l’une de ses plus jolies réussites -tout du moins au sein de la petite partie immergée de l’iceberg-, comédie établie sur plusieurs bases : un quiproquo reposant sur une méprise de la charmante professeur qui prend pour un 'simple' élève le rédacteur en chef d’un grand quotidien dont elle vient de se moquer en public pour avoir refusé avec virulence de manière épistolaire son invitation à venir faire une conférence dans son université ; la traditionnelle bataille des sexes qui a toujours fait les beaux jours de la comédie américaine -assez proche ici de celles des films mettant en scène le couple Katharine Hepburn/Spencer Tracy ; et pour cause, l’un des scénaristes étant celui ayant écrit l’un de leurs premiers films en commun, le délicieux La Femme de l’année (Woman of the Year)- avec une femme de tête au caractère bien trempé faisant vaciller l’assurance et les certitudes de son futur compagnon ; l’irruption d’un troisième larron à l’origine de quelques nouveaux quiproquos et situations savoureusement croustillantes en la personne d’un psychologue 'beau gosse' interprété avec une grande drôlerie par l’inénarrable Gig Young, rival d’autant plus dangereux du journaliste qu’il s’avère brillant, sachant tout faire mieux que lui (danser le mambo notamment) et qu’il peut soutenir n’importe quels sujets de conversation même sans rien en connaitre ; une petite histoire en marge de l’intrigue principale venant débuter et clore le film, celle de la mère protectrice suppliant le patron de son fils de pousser ce dernier à poursuivre ses études –séquences assez émouvantes- ; enfin de longues discussions prises très au sérieux par les auteurs portant sur l’opposition des deux professionnels quant à leur manière de concevoir le journalisme, sur ce que devrait être un article ou plus globalement un journal.

Image
C’est surtout grâce à l’ajout de cette réflexion sur le journalisme au travers de passionnantes joutes oratoires que Teachers’ Pet prend de l’ampleur et de la profondeur, rares étant les comédies de l’époque qui, à côté de l’habituel comique de situation basé sur des successions de quiproquos, se préoccupaient de sujets sérieux et abordés comme tels. Car en plus de la différence de conception du journalisme avec d’une part le rédacteur en chef chevronné ne croyant qu’en l’expérience pratique et dédaignant les reporters éduqués –'mépris' peut-être dû à un sentiment d’infériorité comme il s'en confiera plus tard-, de l’autre le professeur prônant l’éducation théorique, quelques thématiques supplémentaires sont abordées en catimini par l’intermédiaire d’une sous intrigue, celle d’un fait divers tragique à l’origine d’un exercice de rédaction. Ses élèves devant rédiger un article sur un crime commis en pleine rue, Doris Day va mettre sur le tapis la question du fond et du journalisme d'investigation en insistant lourdement sur le fait qu’un journal ne devrait pas seulement se contenter d’énoncer des faits le plus efficacement possible mais également chercher à comprendre le pourquoi de l'aboutissement à une telle dramatique situation ; au cours de cette 'enquête', le progressisme des auteurs se fera jour puisque seront évoqués pêle-mêle le racisme ordinaire, la pauvreté, l’éducation, la qualité de vie au sein des grandes villes, les injustices sociales… C’est pour cette raison que certains diront avec justesse qu’il ne s’agit pas de la comédie la plus drôle ni la plus trépidante avec Doris Day mais néanmoins d’une des plus riches. Quoiqu’il en soit, l'actrice s’avère ici parfaite, trouvant le bon compromis entre fantaisie et retenue, Clark Gable et Gig Young lui damant même le pion niveau dynamisme et exubérance. Enfin, pour le plaisir des yeux, Miss Day est subtilement maquillée et somptueusement vêtue par Edith Head. Une chose est certaine : elle était fin prête à poursuivre sur cette voie avec une dizaine d’autres titres à venir, certains encore plus drôles et délurés.

Image
Une comédie certes candide dans ses réflexions mais cependant plus riche que la moyenne, des dialogues aussi amusants qu’intelligents, pleins de délectables sous-entendus sexuels, de belles performances d'acteurs qui ont tout compris du timing, un très joli noir et blanc avec en bonus une savoureuse Mamie Van Doren dans le rôle d’une chanteuse un peu écervelée se déhanchant sur ‘The Girl Who Invented Rock and Roll’ ainsi qu’une Doris Day interprétant la chanson-titre. En attendant, George Seaton, Clark Gable, Doris Day et Gig Young nous offrent un formidable moment de gaieté et de bonne humeur non dénué de réflexions et d'un louable sens de l’éthique. Une sorte de version légère de Bas les masques (Deadline USA) de Richard Brooks, une Screwball au rythme bien plus apaisée que celui de His Girl Friday (La Dame du vendredi) qui se déroulait également au sein d’une rédaction, une comédie stylée, élégante, drôle et spirituelle... que demander de plus ? A signaler pour ceux qui hésiteraient encore que le film fit partie d’une majorité des tops 10 de fin d’année des grands journaux américains dont le New York Times.

Image
**********************************
Le film est sorti en zone 2 avec VF et VOST ; copie superbe !

Image
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99491
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

24
Image

Train, amour et crustacés (It Happened to Janes)

Réalisation : Richard Quine
Avec Doris Day, Jack Lemmon, Ernie Kovacs, Steve Forrest
Scénario : Norman Katkov & Max Wilk
Photographie : Charles Lawton Jr. (Eastmancolor 1.85)
Musique : George Duning
Une production Columbia
USA – 98 mn -1959


Image
La veuve Jane Osgood (Doris Day) a décidé d’élever des homards dans la paisible petite ville de Cape Anne dans le Maine pour subvenir aux besoins de ses deux jeunes enfants. Malheureusement l’une de ses grosses ventes par correspondance lui revient ‘avariée’, la compagnie de chemin de fer chargée de son transport ayant négligemment trop tardée à la livrer. C’est une perte sèche pour la jeune femme d’autant qu’il s’agissait d’un de ses meilleurs clients qui refuse désormais de faire à nouveau appel à elle. Estimant être dans son bon droit, avec l’aide de son ami d’enfance l’avocat George Denham (Jack Lemmon), elle décide tel David contre Goliath d’intenter un procès à la grosse société ferroviaire que dirige un homme misogyne et sans aucun scrupule, le détestable Harry Foster Malone (Ernie Kovacs). Une bataille juridique et médiatique s’engage mais Malone ne va pas se laisser faire, n’ayant dès lors de cesse que de mettre des bâtons dans les roues à la jeune femme entêtée. Avec l’aide de ses concitoyens qui commencent à voir en elle une héroïne entreprenante et persévérante luttant pour le droit et la justice, Jane finit par bloquer la voie ferrée en s’accaparant l’un des trains de la compagnie…

Image
Faste période en cette fin des fifties pour le réalisateur Richard Quine qui signe successivement trois excellents films dont en 1960 très probablement le plus beau de l’histoire du cinéma sur la thématique de l’adultère -et d’ailleurs également l’un des plus beaux films tout courts, poignant comme rares l’auront été-, le sublime Liaisons secrètes (Strangers when we Met) avec l’inoubliable couple illégitime composé par Kirk Douglas et Kim Novak qui vous fera à coup sûr verser quelques larmes d’émotion. It Happened to Jane fut son film précédent, une comédie sociale ‘à la Capra’ qui elle-même faisait suite à la comédie fantastique qui inspira probablement la savoureuse série Bewitched (Ma Sorcière bien aimée) –d’autant plus certain que Richard Quine fut coréalisateur et coproducteur à la fin des années 40 avec William Asher qui non seulement initia la série mais devient l’époux d’Elisabeth ‘Samantha’ Montgomery-, L’adorable voisine (Bell, Book and Candles) avec à nouveau Kim Novak en ravissante sorcière tombant cette fois amoureuse de James Stewart. Ernie Kovacs –dont on ne cessera de tarir d’éloges sur son potentiel comique trop mal exploité tout au long de sa carrière-, troisième larron de cette élégante comédie, sera à nouveau de l’aventure It Happened to Jane aux côtés cette fois d’un couple tout aussi crédible et attachant que les deux cités ci-dessus, Doris Day et Jack Lemmon ; ce dernier allait être l’un des acteurs fétiches du cinéaste, les deux hommes ayant tourné ensemble à pas moins de six reprises.

Image
Richard Quine, cinéaste encore méconnu en France -injustement éclipsé à mon avis par son collaborateur et grand ami Blake Edwards, sans que le talent de ce dernier ne soit de ma part remis en question-, commença sa carrière à Broadway en tant qu'acteur à l'âge de onze ans avant d’être en 1941 le partenaire du duo Mickey Rooney/Judy Garland dans la comédie familiale et musicale Débuts à Broadway (Babes on Broadway) de Busby Berkeley. Passé derrière la caméra il réalisera avec autant de réussite aussi bien des films noirs (Du Plomb pour l’inspecteur – Pushover) que des comédies musicales (Ma Sœur est du tonnerre – My Sister Eileen), des comédies ou des mélodrames (voir les titres cités dans le premier paragraphe). Durant les années 60 il se consacrera au cinéma presque exclusivement à la comédie (Deux têtes folles – Paris when it Sizzles avec William Holden et Audrey Hepburn ; Comment tuer votre femme - How to Murder Your Wife avec Jack Lemmon et Virna Lisi…) et travaillera par ailleurs beaucoup pour la petite lucarne pour laquelle il signera notamment trois épisodes de Columbo. Revenu au cinéma à la fin des années 70 avec une nouvelle version du Prisonnier de Zenda dont le double-rôle était joué par Peter Sellers, il se suicidera dix ans après. Malgré de bonnes critiques et des têtes d’affiches prestigieuses -dont Doris Day qui était toujours à l’époque la star féminine la mieux payée ainsi que la préférée des américains-, It Happened to Jane fut malheureusement un cuisant et incompréhensible échec public ; Jack Lemmon ayant émis l’hypothèse qu’une partie du bide provenait d’un titre peu accrocheur -et ne parlons pas du stupide titre français-, la Columbia tenta de forcer le sort en le ressortant sur les écrans deux ans plus tard sous le titre Twinkle and Shine. Rien n’y fit ! Essayons presque 60 ans après de lui redonner une chance qu’à mon humble avis il mérite amplement.

Image
Pourquoi un tel flop, l'excuse du titre paraissant quand même un peu grosse ? Les fans de Doris Day étaient-ils réfractaires à la voir jouer dans une comédie sociale à la Capra ? Car c’est la première et dernière fois que nous la verrons dans ce sous-genre de la comédie -qui a surtout fleuri durant les années 30 à l’époque du New Deal-, les prochaines allant être soit des comédies musicales, soit des ‘Sex Comedy’ préfigurant les comédies romantiques contemporaines –celles notamment avec pour partenaire Rock Hudson- ou encore des parodies burlesques plus ou moins drôles de films d’espionnage. Richard Quine disait à Bertrand Tavernier à propos de It Happened to Jane -lors d’un entretien que l’on peut retrouver dans son imposant ouvrage ‘Amis américains’- : "Une régression par rapport aux films de Capra ou de McCarey, par exemple, que j'aime beaucoup. Il me semblait que je devais faire ce film, qu'il était important, socialement, de le réaliser, pour réagir contre l'indolence qui sévissait aux États-Unis. Mais je le ratai complètement. C'est la vie". Cette sévérité envers son film serait-elle due à la difficulté à accepter son échec financier ? Quoiqu’il en soit j’estime au contraire qu’il s’agit non seulement de l’une de ses plus savoureuses réussites mais également l’un des meilleurs films dans lequel a joué Doris Day -toujours aussi fraîche et pétulante-, l’actrice formant avec Jack Lemmon un couple tout à fait délicieux. Comme avec Clark Gable l’année précédente, l’alchimie fonctionne à merveille et l’on regrette que ces couples de cinéma ne se soient pas reformés par la suite même si Rock Hudson et James Garner s’avèreront eux aussi parfaits.

Image
Il s’agit donc cette fois d’une comédie sociale et non d’une pure comédie ‘romantique’ avec force délirants quiproquos et savoureuses allusions sexuelles comme la plupart de celles du début des 60's. Il y a bien une double romance dans le film puisque Jane est non seulement amoureuse en secret de son ami d’enfance (Jack Lemmon) mais va également être séduite par un beau ténébreux -journaliste de son état- qui n’attendra pas longtemps avant de la demander en mariage. Malgré tout, ce triangle amoureux est loin de tenir la première place au sein de l’intrigue. Le film raconte avant tout l'histoire véridique d'une femme qui, par la faute à un financier sans scrupule, a presque été ruinée mais qui, à l'aide d'un ami avocat, a décidé de ne pas se laisser faire et de le contrer jusqu'à ce qu'elle obtienne entière réparation. A l'instar du tout aussi excellent Erin Brockovich de Steven Soderbergh avec Julia Roberts qu'il préfigure grandement, It Happened to Jane est en quelque sorte une variation sur l’affrontement entre David et Goliath avec caricaturalement d’un côté les gentils américains moyens contre les méchants patrons, antagonisme 'outrancier' expressément voulu par les auteurs afin que le message soit plus clair ; et puis s’agissant d’une comédie, ce manichéisme n’est pas du tout dérangeant, à l’origine au contraire de maintes séquences délectables de drôlerie. De plus, l’intrigue se situant au sein de la seule ville américaine dans laquelle toutes les décisions municipales sont soumises au vote de l’ensemble de la population, les auteurs peuvent aborder bille en tête la thématique de la démocratie et des valeurs qu’ils jugent primordiales -et dont ils souhaitent ardemment qu’elles redeviennent importantes aux USA- comme l’entraide, l'égalité de la femme, la tolérance ou la justice sociale ; cette comédie est d'ailleurs probablement l’un des films les plus ‘à gauche’ du cinéma hollywoodien de l’époque. Même lors des séances de scoutisme -puisque le personnage de Jack Lemmon est responsable d’un groupe de scouts à ses heures perdues tout en étant le seul démocrate de la ville- la religion n’est jamais mise sur le tapis, uniquement les idéaux sus cités ainsi que le sens de l’éthique par l’intermédiaire également de la seule chanson du film –en plus de celle du générique- chantée par Doris Day et des enfants. Comme le reste du film cette séquence aurait facilement pu verser dans la mièvrerie mais Richard Quine et ses scénaristes évitent l’écueil avec talent (même si certains pensent le contraire).

Image
C'est parfois très drôle grâce donc surtout à une prestation mémorable et hilarante d'Ernie Kovacs dans le rôle de l'ordure de service -"the Meanest Man on Earth" comme le nomme la délicieuse chipie interprétée par Gina Gillespie- mais c'est surtout profondément attachant grâce au couple que forment Doris Day et Jack Lemmon, tellement naturel qu’il semble tout à fait crédible d’autant que les comédiens n’en font jamais des tonnes et s’avèrent au contraire toujours justes et spontanés. La plupart des seconds rôles ont été choisis parmi les habitants de Chester, la petite ville du Connecticut où s’est déroulé le tournage, afin de donner au film plus d’authenticité -alors qu'accessoirement l’histoire est censée se dérouler dans le Maine- ; parmi les acteurs professionnels on se doit de citer l’inénarrable Mary Wickes, le bellâtre Steve Forrest -assez drôle dans l’assurance machiste qu’il met à demander la main de Doris Day- ou encore le savoureux Russ Brown dans le rôle du vieux conducteur de locomotive. Nous n’oublierons pas non plus de revenir sur les deux délicieux enfants effrontés de Jane dont le petit garçon n’est autre que celui de Mickey Rooney. Richard Quine ne fait pas se dérouler sa comédie à 100 à l'heure mais au contraire prend son temps pour enrichir ses personnages ; au passage, il croque avec chaleur toute une communauté bien sympathique et sa mise en scène s'avère toujours aussi élégante, sa caméra se baladant avec aisance au milieu des apaisants décors naturels du Connecticut superbement mis en valeur. Le film est d’ailleurs grandement dépaysant au propre comme au figuré ; non seulement les comédies sociales étaient devenues une denrée rare à Hollywood à cette époque mais les décors naturels ou non demeurent assez inoubliables, que ce soit les rues de la paisible ville de Chester, ses alentours verdoyants ou encore la campagne environnante que l’on traverse à bord du train, lui aussi délicieusement anachronique. Sans oublier le décor inhabituel de la maison où vit Doris Day, située en bord de rivière et dont l’entrée se situe à l’étage, les habitants devant descendre sous la mezzanine pour se rendre à la cuisine. Enfin, pour les fans de Doris Day à qui ça aurait pu manquer, le film comporte une séquence chantée –celle du barbecue des scouts- avec pour ne rien gâcher Jack Lemmon à la guitare.

Image
Malgré un ventre mou à mi-parcours -les séquences à la télévision ou celle du conseil municipal-, une comédie familiale gentiment satirique et qui ne paie à priori pas de mine, cependant profondément humaine, plaisamment idéaliste et au final aussi amusante et enlevée que touchante. "A Delightful Blend of Ealing Comedy and Capra-esque Social Satire" pouvait-on entendre sur la BBC Radio Times : un résumé assez bien vu de cette comédie charmante et rafraichissante de Richard Quine qu’il serait temps de réévaluer -le film tout autant que le réalisateur ! Ne boudons pas notre plaisir d’autant que, comme dans les meilleurs comédies de Capra, la scène finale est hautement euphorisante avec une demande en mariage peu banale et le vilain capitaliste se transformant quasiment en bienfaiteur de la ville.

**************************************************
Le film n’existe qu’en DVD zone 1 ; une copie qui fait son âge mais néanmoins tout à fait correcte. Sous titres français sont présents.

Image
Avatar de l’utilisateur
Supfiction
Charles Foster Kane
Messages : 22130
Inscription : 2 août 06, 15:02
Localisation : Have you seen the bridge?
Contact :

Re: Doris Day

Message par Supfiction »

Je n'avais pas vu ces nouveaux textes. Teacher's Pet est un régal, Clark Gable semblant né pour incarner les journalistes blasés et sans scrupule et Doris Day craquante en professeur.
Je n'en dirai pas autant de It happened to Jane qui m'avait bien ennuyé.
Quant au Widmark, j'en garde une bonne impression mais je l'ai totalement oublié.
Avatar de l’utilisateur
rodoliv
Electro
Messages : 795
Inscription : 10 sept. 16, 22:33

Re: Doris Day

Message par rodoliv »

Jeremy Fox a écrit :24


Le film n’existe qu’en DVD zone 1 ; une copie qui fait son âge mais néanmoins tout à fait correcte. Sous titres français sont présents.

Image
Sans vouloir faire mon chi..., il existe en zone 2 en Angleterre mais sans sous-titres français si je me souviens bien, je l'ai eu à une époque mais je n'arrive plus à mettre la main dessus.
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99491
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

rodoliv a écrit :
Jeremy Fox a écrit :24


Le film n’existe qu’en DVD zone 1 ; une copie qui fait son âge mais néanmoins tout à fait correcte. Sous titres français sont présents.

Image
Sans vouloir faire mon chi..., il existe en zone 2 en Angleterre mais sans sous-titres français si je me souviens bien, je l'ai eu à une époque mais je n'arrive plus à mettre la main dessus.
Merci pour la précision.
Avatar de l’utilisateur
rodoliv
Electro
Messages : 795
Inscription : 10 sept. 16, 22:33

Re: Doris Day

Message par rodoliv »

Jeremy Fox a écrit :
rodoliv a écrit : Sans vouloir faire mon chi..., il existe en zone 2 en Angleterre mais sans sous-titres français si je me souviens bien, je l'ai eu à une époque mais je n'arrive plus à mettre la main dessus.
Merci pour la précision.
pas de quoi, pour une fois que je sais quelque chose :oops:
Avatar de l’utilisateur
Jeremy Fox
Shérif adjoint
Messages : 99491
Inscription : 12 avr. 03, 22:22
Localisation : Contrebandier à Moonfleet

Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

25
Image

Confidences sur l'oreille (Pillow Talk

Réalisation : Michael Gordon
Avec Doris Day, Rock Hudson, Tony Randall, Thelma Ritter
Scénario : Stanley Shapiro & Maurice Richlin
Photographie : Arthur E. Arling (Eastmancolor 2.35)
Musique : Frank De Vol
Une production Universal
USA – 102 mn -1959


Image
A New York, en cette fin des années 50, la demande de lignes téléphoniques dépasse tellement l'offre que les compagnies installent alors des lignes partagées. Jan Morrow (Doris Day), décoratrice d’intérieurs et célibataire endurcie, tombe amoureuse de Brad Allen (Rock Hudson), auteur de chansons, sans savoir qu’il s’agit de l’homme qui justement partage et monopolise sa ligne ; homme qu’elle exècre à force de ne plus pouvoir utiliser son combiné à des fins professionnels, encore plus agacée lorsque c’est pour l’entendre à longueur de journée roucouler auprès de quatre ou cinq femmes à la fois. L’incorrigible coureur de jupons qui pensait que Jan était une vielle fille frustrée, comprend s’être trompé lorsqu’il tombe par hasard sur elle au cours d’une soirée. Sachant fort bien qu’il n’aura aucune chance s’il lui révèle sa véritable identité mais désormais désireux de la faire entrer dans son lit, il décide pour arriver à ses fins de se faire passer auprès d’elle pour un texan ‘mal dégrossi’ aux manières trop ‘retenues’, un nommé Rex Stetson. Elle tombe sous le charme. Mais le quiproquo est encore plus savoureux du fait que celui qui a vanté les qualités de Jan à Brad, n’est autre que Jonathan (Tony Randall), son meilleur ami, amoureux transi de la jeune femme et qui ne pense qu’à s’en faire épouser…

Image
Avant ce Pillow Talk, devenu aujourd’hui (tout du moins aux USA) un classique de la comédie et l’une des plus rentables (le film fut le deuxième plus grand succès du studio Universal de l’année 1959 juste derrière Opération Jupons – Operation Petticoat de Blake Edwards, autre belle réussite du genre), la dernière œuvre en date de Michael Gordon remontait à 1951. Il s’agissait de l’intéressant L’énigme du lac noir (The Secret of Convict Lake) avec Glenn Ford et Gene Tierney, curieux film faisant la part belle aux personnages féminins, mélange de western, de drame psychologique, de suspense et de film noir. Il y aura donc eu un trou de huit ans dans la filmographie de ce cinéaste peu connu ! Issu d’une famille aisée, Michael Gordon fut d’abord acteur de théâtre avant de passer à la réalisation au début des années 40. D’un tempérament ‘humaniste’, homme cultivé et très sympathique selon les dires, il fit un film sur le problème de l’euthanasie (An act of Murder), quelques séries noires et enfin une adaptation du Cyrano d’Edmond Rostand avec José Ferrer. Porté sur une des premières listes édictées par le sénateur McCarthy, victime de la chasse aux sorcières, il dut pour cette raison arrêter sa carrière durant presque une décennie après son western. Il ne reviendra derrière la caméra qu’en 1959 grâce au producteur Ross Hunter qui l’accueillera au studio Universal après qu’il ait du faire acte de contrition. Retour triomphal puisque ce sera par l’intermédiaire de l’énorme succès financier (tout comme ce sera le cas pour sa chanson-titre) du film qui nous concerne ici, Confidences sur l’Oreille (Pillow Talk) avec l’inénarrable et irrésistible duo composé par Rock Hudson et Doris Day. Aucun de ses films suivants ne renouvellera ce niveau de réussite même si Move Over Darling (Pousse-toi, chérie), toujours avec Doris Day -qui avait cette fois pour partenaire un James Garner souvent hilarant-, était un remake sacrément réjouissant de Mon Epouse Favorite (My Favorite Wife) de Garson Kanin avec Cary Grant et Irene Dunne.

Image
Durant presque une décennie, ou plus précisément entre 1948 et 1956, Doris Day n’aura quasiment tourné que dans des comédies musicales si l’on excepte en 1951, Storm Warning, film noir de Stuart Heisler avec pour thématique principale la lutte contre le Ku-Klux Klan ; elle n’avait cependant pas le rôle principal, Ginger Rogers et Ronald Reagan lui volant la tête d’affiche. Alfred Hitchcock lui offrira définitivement en 1956 l’occasion de pouvoir tenter autre chose avec son superbe L’Homme qui en savait trop (The Man who Knew too much) dans lequel elle nous gratifiait d’une prestation mémorable quoiqu’en dirent les mauvaises langues. A partir de là, à l’exception notable du génial Pique-nique en pyjama (Pajama Game) de Stanley Donen et du très plaisant La Plus belle fille du monde (Billy Rose’s Jumbo) de Charles Walters, elle ne tournera au contraire quasiment plus dans des films musicaux. On la verra alors apparaitre dans quelques drames et thrillers mais elle se recyclera surtout dans la comédie familiale et (ou) romantique dans laquelle elle s’avèrera aussi convaincante qu’elle l’était en tant qu’actrice-chanteuse dès ses débuts au sein des très plaisantes comédies musicales de la Warner signées Michael Curtiz ou David Butler. Le producteur Ross Hunter s’amusera en s’en vantant d’être à l’origine de l’immense regain d’intérêt pour Doris Day de la part du public par le fait de l’avoir "sorti de la cuisine pour l’amener dans la chambre à coucher" ("taking Doris Day out of the kitchen and into the bedroom"). Quant à son nouveau partenaire, il avait été jusque là cantonné d’abord principalement dans de petits films d’aventures de série B avant de se voir attribuer des rôles plus sérieux, ses films les plus réputés étant alors les mélodrames de Douglas Sirk. Encore plus que pour sa nouvelle partenaire féminine, Pillow Talk fut une gageure assez culottée mais au final il ne le regrettera jamais, s’étant découvert à l’occasion un sacré don pour la comédie. Dans son autobiographie, sa partenaire dira que jamais personne ne l’aura autant faire rire que lui sur un plateau alors que Rock Hudson affirmera devoir tout à Doris Day dans son apprentissage du comique à l’écran ("She’s teaching me how to do comedy"). Au vu de ces dires, il n’est plus tellement étonnant qu’une telle alchimie ait pu naitre entre les deux comédiens, un des éléments primordial dans la réussite du film.

Image
Confidences sur l’oreiller raconte l’histoire de Jan, une décoratrice d’intérieurs (sa profession lui permettra d’ailleurs une ‘vengeance’ qui sera le point d’orgue hilarant du film), célibataire endurcie, qui tombe amoureuse de Brad, un playboy compositeur, sans savoir qu’il s’agit en même temps de l’homme qui partage sa ligne téléphonique et qu’elle exècre à force de l’entendre quotidiennement roucouler auprès de 4 ou 5 femmes à la fois, leur dédicaçant à toutes -en leur faisant croire qu’elles en ont été l’inspiratrice- la même chanson (l’un des running gag les plus amusants de cette comédie) ! Mais le quiproquo est rendu encore plus cocasse par le fait qu’en revanche, l’incorrigible coureur de jupons a immédiatement compris à qui il avait à faire et que, pour arriver à la faire entrer dans son lit, décide de se faire passer pour un texan ‘mal dégrossi’ aux manières trop ‘retenues’. Et ce n’est pas tout puisque le meilleur ami de Brad se révèle aussi l’amoureux transi de Jan… On imagine aisément le comique de situation qui peut découler de tous ces paramètres ‘pimentés’ et pour tout dire parfois ‘salaces’ ; quitte est de constater que le film tient toutes ses promesses, qui plus est sur un rythme soutenu. Michael Gordon et ses scénariste Stanley Shapiro et Maurice Richlin s’en donnent à cœur joie au point de ne pas nous laisser reprendre notre souffle entre deux répliques cinglantes, deux savoureux sous entendus sexuels, deux gags visuels ou sonores bien sentis ; même si quelques trouvailles s’avèrent logiquement plus lourdes que d’autres, les auteurs nous donnent l’occasion de rire à gorge déployée pendant une bonne partie de leur film, bien aidés en cela par l’abattage euphorisant du couple à priori improbable formé par Doris Day / Rock Hudson qui, au vu de l’énorme popularité du film, se reformera pour deux autres comédies aux postulats tout aussi croustillants, Un Pyjama pour deux (Lover come back) de Delbert Mann, peut-être encore plus drôle, ainsi que Ne m’envoyez pas de fleurs (Send me no Flowers to me) de Norman Jewison.

Image
Les deux acteurs paraissant s’amuser comme des petits fous, ils vont immédiatement séduire les spectateurs ; il faut dire qu’ils se révèlent tous deux jubilatoires : lui en vil macho sournois, menteur et roublard, multipliant les impostures les plus lubriques et affublé d’un accent texan à couper au couteau ; elle en jeune femme moderne au caractère bien trempé, aux tenues et coiffures les plus improbables les unes que les autres. La troisième roue du carrosse, l’ami fidèle qui tient la chandelle malgré lui, est l’inénarrable Tony Randall qui rempilera lui aussi dans les deux films suivants. Et puis dans l'ensemble, tous les seconds rôles s'avèrent excellents ; il ne faudrait par exemple pas oublier la grande actrice Thelma Ritter (la vieille femme ‘sacrifiée’ du Port de la drogue de Samuel Fuller) une fois encore parfaite, inénarrable dans la peau de la femme de ménage constamment ivre, ne se gênant pas pour envoyer des vacheries à qui se trouve à ses côtés, à commencer par le garçon d'ascenseur. "If there's one thing worse than a woman livin' alone, it's a woman sayin' she likes it" lance-t-elle par exemple en pleine face à Jan qui n'est autre que son employeur. Citons aussi le gynécologue qui pense avoir trouvé la perle rare en Brad qu’il croit être le premier homme ‘enceint’ ! Parmi toutes celles tournées par Doris Day, Pillow Talk est certainement la comédie la plus connue, et pour cause, l’une des plus drôles et des plus réussies, sorte de précurseur aux comédies romantiques actuelles ; si Doris Day sera nominée pour l’Oscar de la meilleure actrice sans pour autant remporter la statuette, en revanche le film gagnera celui du meilleur scénario original. Si les multiples allusions grivoises qui forment le moteur de ce ‘vaudeville’ effréné devaient faire leur effet à l’époque, elles demeurent toujours aussi cocasses aujourd’hui mais paraissent bien bénignes et ne devraient plus choquer grand monde ! L'important est qu'elles fassent toujours autant rire ou sourire. Entendre Doris Day dire qu’elle veut bien payer l’addition (sous entendu ‘passer à la casserole’), l’entendre chanter "I'm yours tonight. My darling possess me" sont des situations toujours aussi délicieusement coquines. Et puis, à postériori, voir Rock Hudson se moquer des homosexuels en se faisant passer pour l’un d’entre eux (par le simple fait de s’intéresser aux recettes de cuisine, aux potins et d’adorer sa mère ; autres temps, autres mœurs), ajoute encore à la drôlerie de l’ensemble.

Image
Sur la forme, rien de franchement mémorable ni de révolutionnaire mais néanmoins une construction parfaitement bien rythmée ainsi qu'une utilisation du Split-Screen assez audacieuse pour l’époque, toujours dans un but fortement sensuel, plaçant les deux protagonistes dans des situations compromettantes malgré eux. Voir nos deux tourtereaux, nus dans leur baignoire respective, se faire du pied par l’intermédiaire de cette idée de mise en scène reste délectable. Esthétiquement, il ne faudrait pas cacher que l'ensemble fait très kitsch, entre décors roses bonbons, séquences hideuses de surimpressions, costumes extravagants et coiffures discutables de Doris Day ; on ne peut d’ailleurs pas dire que l’actrice soit constamment montrée sous son plus beau jour même si au contraire, à de nombreuses reprises, elle se révèle autrement plus sexy et sophistiquée que jamais auparavant notamment lorsqu’elle nous montre le galbe de ses jambes au tout début où bien lorsque le célèbre costumier Jean-Louis l’accoutre d’une magnifique robe de soirée blanche. Mais ce kitsch faisant partie des éléments constitutifs des comédies américaines des années 60, il leur apporte aujourd'hui un charme supplémentaire. Au vu de cette comédie dont l'humour repose avant tout sur des quiproquos et tournant autour des ‘problèmes d’alcôve’, les spectateurs n’étaient pas préparés à voir ces deux stars de l’écran prendre un tel virage et on peut dire qu'ils le prirent très positivement : ils leurs firent alors un triomphe mais difficile de nos jours d’imaginer à quel point ! La carrière respective des deux acteurs fut, suite à Pillow Talk, grandement 'boostée'. Doris Day écrivit dans son autobiographie que son image en fut bouleversée, celle de “a new kind of sex symbol-the woman men wanted to go to bed with, but not until they married her." Une comédie pétillante, pêchue, délurée et surtout très drôle autour du désir et de la guerre des sexes, qui devrait vous remonter le moral ou tout du moins vous redonner du peps !

*************************************************

Le film est sorti en Bluray testé sur le site.

Image
Avatar de l’utilisateur
rodoliv
Electro
Messages : 795
Inscription : 10 sept. 16, 22:33

Re: Doris Day

Message par rodoliv »

Superbe chronique Mr Fox, merci. Je n'ai pas vu l'info sur le site, mais, pour ceux qui l'ignorent, Pillow Talk est aussi sorti dans le coffret 3 BR "Doris Day and Rock Hudson Romantic Comedy Collection" avec les deux autres films cités dans la review (Send me no flowers" et "Lover come back" en zone free et avec sous-titres français, indispensable pour les fans de Doris :D
Répondre