Doris Day (1922-2019)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Doris Day

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L'intégrale en cours de la comédienne se poursuit sur le site également avec aujourd'hui, Starlift de Roy del Ruth, toujours au sein de ce coffret.
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Re: Doris Day

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La Maîtresse de papa (By the Light of the Silvery Moon)

Réalisation : David Butler
Avec Doris Day, Gordon McRae, Leon Ames, Mary Wickes
Scénario : Robert O'Brien & Irving Elinson
Photographie : Wilfred M. Cline (Technicolor)
Musique : Divers sous la direction de Max Steiner
Une production Warner Bros.
USA - 102 mn - 1953


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Deux ans ont passé depuis On Moonlight Bay qui se terminait sur le départ de Bill (Gordon MacRae) sur le front lors de l’entrée en guerre des USA dans la Première Guerre Mondiale, sa petite amie Marjorie (Doris Day) promettant de l’attendre avec le mariage en point de mire. En cette année 1919, Bill revient dans sa petite ville d’Indiana ; il annonce à Marjorie qu’il souhaite repousser les noces à une date ultérieure, une fois qu’il aura acquis une situation stable capable de les rendre autonomes. Ce qui n’est pas du goût ni de Marjorie ni de ses beaux parents (Leon Ames & Rosemary DeCamp) qui se faisaient une joie de marier leur ainée. Un qui ne se soucie aucunement de ces noces est le cadet, Wesley (Billy Gray) qui continue à commettre bêtises sur bêtises, la plus grosse allant être le vol d'une dinde chez le patron de son père afin que la sienne ne passe pas au four pour Thanksgiving. Tout ceci n’ayant pas de graves incidences, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu’au jour où, suite à un quiproquo, on soupçonne le père de famille d’avoir une liaison avec une actrice française, Miss LaRue (Maria Palmer). Branle bas de combat chez les Winfield !

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A la fin de l’année 1952, Doris Day est devenue pour la première fois l’actrice la mieux payée d’Hollywood. By the Light of the Silvery Moon est le premier film qui sort sur les écrans depuis que l'actrice et chanteuse a atteint une telle notoriété ; ce sera évidemment un franc succès mais il faudra attendre Calamity Jane quelques semaines après pour assoir définitivement l’amour que portent les spectateurs américains à la comédienne à la voix suave et au charme irrésistible. Cette suite de On Moonlight Bay -pour laquelle tous les comédiens du précédent ont pointé présents- sera le quatrième des cinq films de la collaboration entre le réalisateur David Butler et Doris Day ainsi que le dernier -sur cinq également- du couple constitué par la nouvelle ‘petite fiancée’ de l’Amérique et de Gordon MacRae. Ce dytique est l’adaptation des histoires de Penrod par le célèbre écrivain Booth Tarkington (La Splendeur des Amberson, Alice Adams...), des récits semi-autobiographiques et gentiment satiriques inspirés par la jeunesse du romancier en Indiana. Ici, le duo de scénaristes composé par Robert O'Brien, Irving Elinson remplace celui plus rodé qui avait écrit le précédent, Jack Rose & Melville Shavelson.

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On Moonlight Bay – réalisé par Roy Del Ruth- ayant remarquablement bien marché auprès du public, les producteurs ne prennent aucun risque ; plutôt que de partir vers d’autres horizons et thématiques ils préfèrent quasiment décalquer cette première tranche d’Americana familiale et bon enfant qui se déroulait dans une Amérique idéalisée et grandement fantaisiste au sein de laquelle il faisait bon vivre malgré les modestes tracasseries quotidiennes. On prend donc les mêmes et on recommence : l'intrigue se passe à nouveau en début de siècle au sein d'un quartier chic typique des petites villes américaines de province. Seront pêle-mêle proposés au menu une villa cossue où les repas sont préparés par une servante acariâtre mais au grand cœur, un couple de parents aimants mais aux idées un peu ‘vieux jeu’ du point de vue de leur progéniture, un jeune garçon malicieux voire parfois infernal (la servante dit de lui : “Wesley is their second child. If he had been the first, there never would have been a second!”), une jeune fille qui, de garçon manqué (elle n’hésite pas à mettre les mains dans le cambouis pour réparer les voitures) va se transformer en une jolie jeune fille une fois son amoureux rentré du front, des sorties au bal, des maisons richement décorées à l’approche des fêtes de Noël... A nouveau le parfait attirail du film familial nostalgique avec son Technicolor rutilant, ses décors et ses costumes qui flashent, ses bons sentiments, ses touches gentiment humoristiques et ses séquences romantiques surannées.

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Si dans On Moonlight Bay on trouvait cinq ou six standards musicaux du début du siècle, la partie dévolue à la musique ne devant guère dépasser le quart d’heure, By the Light of the Silvery Moon est plus fourni en la matière. Seulement on a l’impression que ce passage d'une comédie familiale à une comédie musicale est surtout dû au fait que les scénaristes n’ayant plus d’idées et pas grand-chose à raconter par rapport à leurs prédécesseurs, ils ont décidé de boucher les trous et combler leur manque d'inspiration par des chansons et numéros musicaux malheureusement pour la plupart peu mémorables voire même assez gênants tels ‘King Chantacleer’. On retiendra néanmoins la chanson titre interprétée par le couple Day/MacRae et surtout ‘Your Eyes Have Told Me So’ toujours par le même duo, ou encore la très amusante ‘Be My Little Baby Bumble Bee’ au cours de laquelle nos deux tourtereaux se moquent gentiment du prétendant malheureux interprété par le savoureux Russell Arms. Doris Day nous comblera enfin avec la très émouvante ‘I'll Forget You’ qui ne vaut cependant pas les plus belles mélodies mélancoliques susurrées par Doris Day en bien d’autres occasions. Quant à la séquence rêvée de Wesley se prenant pour un grand détective, elle est un peu décevante, les auteurs ne profitant pas vraiment de l’opportunité pour faire quelque chose de bien plus fantaisiste. Et pourtant l’ouverture du film laissait présager beaucoup mieux, les scénaristes faisant présenter les membres de la famille par l’inénarrable Mary Wickes s’adressant directement aux spectateurs en leur faisans se remémorer l'intrigue du film précédent.

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Il n’est encore une fois pas interdit de tomber sous le charme ‘carte-postale’ de cette comédie certes un peu datée et fortement désuète, plus mécanique et moins bien rythmée que On Moonlight Bay, mais pas désagréable pour autant -tout du moins durant sa première moitié- d’autant que le Technicolor est toujours aussi rutilant. Dommage que la seconde partie (l’histoire d’adultère d’où est tiré le titre français) se révèle bien plus laborieuse, limite ennuyeuse, le film se terminant heureusement avec sa meilleure séquence, celle de la patinoire en nocturne. Étonnement, que ce soit Doris Day ou David Butler, ils semblent avoir été un peu en retrait sur ce film, bien moins convaincants que lors de leurs précédents films respectifs. Étaient-ils alors tout à leur projet suivant, Calamity Jane, dans lequel l’actrice allait littéralement exploser grâce à une vivacité extraordinaire qui lui fait un peu défaut ici ?

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Le film existe dans un DVD américain sans sous titres français mais les dialogues sont très faciles à comprendre et la copie est correcte

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Jullien Robert
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Re: Doris Day

Message par Jullien Robert »

J'ai sous-titré aussi ce film en français,
si ça intéresse quelqu'un ? Amitiés Robert.
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Jeremy Fox
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Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

15
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La Blonde du Far West (Calamity Jane, 1953) de David Butler
WARNER


Avec Doris Day, Howard Keel, Philip Carey, Dick Wesson, Paul Harvey, Chubby Johnson, Allyn Ann McLerie
Scénario : James O'Hanlon
Musique : Sammy Fain & Paul Francis Webster
Photographie : Wilfred M. Cline (Technicolor)
Un film produit par William Jacobs pour la Warner


Sortie USA : 04 novembre 1953

Après The Harvey Girls et Annie reine du cirque (Annie Get your Gun), tous deux signés George Sidney, voici avec Calamity Jane une troisième comédie musicale se déroulant dans le Far-West du 19ème siècle et s'appropriant respectueusement tous les codes et ingrédients du genre, toujours avec beaucoup d'humour. Annie Get your Gun mettait déjà en scène un fameux personnage féminin de l'histoire de l'Ouest, Annie Oakley, qui fut l'une des principales attractions du cirque de Buffalo Bill. Concernant cette autre célébrité qu’est Calamity Jane, nous avions déjà eu l'occasion de rencontrer ce personnage sous les traits de Jean Arthur dans le superbe The Plainsman (Une Aventure de Buffalo Bill) de Cecil B. DeMille aux côtés de Gary Cooper dans le rôle de Wild Bill Hickok, puis sous ceux de la splendide Yvonne De Carlo dans un western beaucoup moins connu mais excellent lui aussi, réalisé par George Sherman en 1949, La Fille des prairies (Calamity Jane ans Sam Bass). En cette année 1953, c’est au tour de Doris Day d’endosser le rôle de la tireuse d’élite la plus emblématique qui soit ; et elle le fait avec un abattage confondant !

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Calamity Jane (Doris Day), très populaire dans sa ville de Deadwood (Dakota), est un véritable garçon manqué aux manières frustres, très habile au tir. Derrière son dos, attisé par Wild Bill Hickok (Howard Keel), ses concitoyens ne manquent pas une occasion de se moquer de sa vantardise outrancière, de sa naïveté et de son caractère très ‘soupe au lait’. Tous ces défauts ne l'empêchent pas d'avoir un cœur d'or ; elle va tout faire pour sauver de la faillite son ami Henry Miller (Paul Harvey), le tenancier du saloon local qui vient de subir un bide monumental avec la prestation calamiteuse de Francis Fryer (Dick Wesson) qu'il avait obligé à se travestir en femme après avoir annoncé à ses clients la venue d'une certaine... Frances Fryer. Pour que son établissement ne soit pas vite déserté, il faut qu'il trouve au plus vite une remplaçante qui fasse le poids. Voilà que Calamity part pour ‘Chicagee’ à la recherche d'Adélaïde Adams, une chanteuse adulée que les habitants de Deadwood, en manque de présence féminine, rêveraient de voir se produire dans leur petite bourgade. Mais ‘Calam’ ramène sans le savoir sa bonne, Katie Brown (Allyn Ann McLerie) qui, rêvant de monter sur scène, se fait passer pour sa patronne. Le lieutenant Danny Gilmartin (Philip Carey) et Wild Bill Hickok ne vont pas être insensibles aux charmes de la nouvelle venue, au grand dam de Calamity qui prend du coup conscience de son manque de féminité...

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Cette parodie a été réalisée par David Butler, cinéaste assez peu connu que nous avions pourtant déjà croisé aux alentours de 1946 lorsque nous avions abordé le plaisant San Antonio, l'un des plus gros budgets de la Warner dans le genre et qui mettait en scène Errol Flynn et Alexis Smith. Mais les amateurs de comédies musicales le connaissent mieux que les westernophiles puisque ce fut quasiment son genre de prédilection. Toujours à la Warner pour qui il fut très fidèle, après celles de Michael Curtiz, Butler a sans doute réalisé les films musicaux les plus sympathiques du début de carrière de Doris Day avec Tea for Two et Escale à Broadway (Lullaby of Broadway). Mais il est évident que son talent est bien moindre que celui de George Sidney et, techniquement et plastiquement parlant, son Calamity Jane n’est pas du même niveau que The Harvey Girls ou Annie Get your Gun avec lequel il possède néanmoins d’innombrables points communs à commencer par son personnage principal qui aurait d’ailleurs très bien pu être interchangeable, Betty Hutton et Doris Day les interprétant sur le même tempo et sur le même registre, à savoir celui du cabotinage le plus éhonté ; il vaut mieux prévenir car ces deux prestations pourraient en fatiguer ou agacer plus d’un alors que d’autres au contraire se réjouiront d’une telle énergie à revendre !

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Même si le film possède un rythme assez soutenu, la mise en scène est trop peu inspirée pour en faire une grande comédie musicale. Ceci dit, elle s’avère néanmoins franchement très amusante. Elle est portée à bout de bras par une Doris Day gouailleuse et survoltée qui s'amuse visiblement comme une folle à se comporter et à parler comme un garçon mal dégrossi. Son énergie et son abatage sont communicatifs ; son registre étant assez vaste, elle arrive même vers la fin du film à nous toucher par sa vulnérabilité : se rendant compte de sa grossièreté et de sa lourdeur, bref de son manque de féminité qui, jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse, ne lui faisait pas défaut, elle tente de retrouver charme et attrait, faisant également en sorte d’oublier sa pudibonderie exagérée. Naïve, voire même idiote, moquée par ses concitoyens qui ne peuvent s’empêcher dans le même temps de la respecter et l’admirer, Doris Day compose un personnage clownesque mais finalement très attachant. Quant à Howard Keel, il se révèle toujours aussi sympathique, n’hésitant pas une seconde à se moquer de lui-même et de son personnage de bellâtre vantard. Si certains (nombreux) ne seront pas encore convaincus à cette occasion par leurs talent de comédiens, ils devraient en revanche l’être par leur génie vocal car ce qui est certain, c'est que ce sont deux chanteurs formidables et ils ont ici de quoi le prouver car les tubes se suivent sans discontinuer à commencer dès le début par le revigorant ‘The Deadwood Stage’ (sur fond d’hideuses transparences décidément typiques de la Warner de cette époque.)

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S’ensuivent, toujours aussi remuantes, l’amusante et acrobatique ‘Just Blew in from the Windy City’ par une Doris Day qui se démène comme un beau diable ; l’hilarante ‘I Can Do Without You’ en duo avec Howard Keel, chanson qui ressemble étrangement à la plus mémorable de celles que l’on trouvait dans Annie Get your Gun, déjà un duo-scène de ménage entre Howard Keel et Betty Hutton, ‘Anything You Can Do, I Can Do Better’ ; la sympathique ‘A Woman's Touch’, un duo de femmes chanté par Doris Day et la très belle découverte qu’a été l’actrice Allyn Ann McLerie dont on regrette qu’elle n’ait pas fait une grande carrière au cinéma. Howard Keel prouvait qu’il était toujours un fabuleux baryton avec la délicieuse ‘Higher than a Hawk’ ; la très belle ballade ‘The Black Hills of Dakota’ précédée d’une phrase de Doris Day nous rappelant que nous étions en pleine période de réhabilitation de la nation indienne : "Pas étonnant que les indiens se battent pour garder ce pays". Et enfin, la chanson phare du film enregistrée en une seule prise, celle qui du jour au lendemain a propulsé Doris Day encore plus haut dans les sommets des box-office, ‘Secret Love’ : plus d’un million d’exemplaires vendus et l’Oscar de la meilleure chanson de l’année !

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Alors il semble évident qu’il ne faut pas chercher ici quelconque élégance ou finesse : David Butler et son scénariste sortent la grosse artillerie (ceci dit extrêmement efficace), et la bonne humeur qui parcourt le film devient vite contagieuse. On retrouve avec plaisir Philip Carey, inoubliable quelques mois auparavant dans Bataille sans merci (Gun Fury) de Raoul Walsh, ici il est vrai, un peu effacé par le dynamisme de ses partenaires dont un Howard Keel qu’il faut avoir vu être obligé de se déguiser en squaw suite à un pari qu’il pensait perdu. D’excellentes chansons et une énergie débordante sans lesquels le film serait probablement tombé aux oubliettes. Un film qui plaira avant tout aux fans de Doris Day qui s’est d’ailleurs toujours plu à dire qu’il s’agissait de son film préféré. Elle écrivait dans son autobiographie intitulée ‘Doris Day, her own Story’ : “In 1953 I made one of my favorite musicals, Calamity Jane. I loved portraying Calamity Jane, who was a rambunctious, pistol-packing prairie girl (I lowered my voice and stuck out my chin a little). I can’t say that the physical high jinks of jumping on horses, bars, wagons, and belligerent men or doing pratfalls in muddy streams seemed to be particularly exhausting…I had a great working relationship with my costar, Howard Keel, and absolutely first-rate songs to sing (by Sammy Fain and Paul Webster), one of which, ‘Secret Love,’ became my third million-plus recording and won that year’s Academy Award.”
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Le film existe en zone 2 avec VF et VOST. Assez bonne qualité.
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Mademoiselle Porte-bonheur (Lucky me)

Réalisation Frank Donohue
Avec Doris Day, Phil Silvers, Robert Cummings, Eddie Foy Jr.
Scénario : Irving Elinson, Robert O’Brien & James O’Hanlon
Photographie : Wilfred M. Cline (Warnercolor 2.55)
Musique : Sammy Fain
Une production Warner Bros
USA – 100 mn -1954


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A Miami, le spectacle de vaudeville ‘Parisian Pretties’ n’attirant pas les foules, ses comédiens sont congédiés. Cette petite troupe de seulement quatre membres est constituée de la superstitieuse et gaffeuse Candy (Doris Day), ainsi que de Hap (Phil Silvers), Duke (Eddie Foy Jr) et Flo (Nancy Walker). Les voilà partis à la recherche d'un nouveau contrat, ce qui ne va pas s’avérer aisé d’autant qu’ayant voulu escroquer sans succès un hôtelier, les voilà obligés de rester quelques jours en ces lieux pour ‘rembourser’ leurs dépenses inconsidérées en faisant la plonge et le ménage. Flo apprend que le célèbre compositeur de Broadway Brad Carson (Robert Cummings) est descendu dans ce même hôtel et qu’il est en train d’écrire un nouveau spectacle qu’il espère financer grâce au riche père de sa fiancée. Par ‘chance’ pour notre petite troupe théâtrale, Brad – qui se fait passer pour un garagiste pour rester dans l’anonymat- va tomber amoureux de Candy qu’il a rencontrée par hasard après que celle-ci ait provoqué un accident endommageant sa voiture. Sans l'informer de la véritable identité de son nouvel ami, ses trois 'compères' vont faire en sorte que Candy puisse entretenir cette relation dans l’espoir d’être recrutés pour le spectacle. Ce qui va provoquer maintes jalousies et quiproquos…

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Alors qu’elle est au sommet de sa gloire -c’est à cette époque non seulement l’actrice hollywoodienne la mieux payée mais également la chouchoute des américains-, les retombées psychologiques d'une telle notoriété se font ressentir et c’est une Doris Day moralement affaiblie et au bord de la crise de nerfs qui est obligé d’accepter pour motif contractuel de tourner ce Lucky Me qui ne l’attire pourtant pas du tout et qu’elle ne souhaitait pas faire. Entre un scénario pas de première fraicheur mettant en scène quatre comédiens en quête de financement pour leur spectacle (on trouve des postulats de départ très ressemblants à plusieurs reprises au sein même de la filmographie de la comédienne) et le choix de Robert Cummings pour être son partenaire masculin principal en lieu et place de Gordon McRae avec qui elle s’entendait à merveille… rien ne fait qu’elle s’attache à un projet auquel elle ne croit guère. Elle donnera néanmoins son maximum même si on sent un peu plus de retenue et un certain ‘inconfort’ dans son jeu, comme si elle était un peu ‘hors du coup’ et récupérait de son trop plein d’énergie dépensée lors de son précédent Calamity Jane qui fut un immense succès critique et public, ce qui ne sera pas le cas de Lucky Me, boudé par les uns et les autres.

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Et en effet, Lucky Me est loin d’être un sommet dans la filmographie de Doris Day ; l’actrice semble un peu en retrait malgré la pétulance dont elle ne se départit pas, l’intrigue routinière n’a que peu d’intérêt et les duettistes Sammy Fain et Paul Francis Webster à l’origine des mélodies n’ont pas choisi leurs meilleures partitions ; alors que Calamity Jane était une succession de tubes en puissances récompensée très justement par un Oscar (pour ‘Secret Love’), hormis l’entêtante ‘The Superstition Song’ (qui annonce dans sa mélodie et son orchestration l’une des meilleures chansons du génial Pajama Game de Stanley Donen), rien d'autre de musicalement mémorable à retenir ; il en va de même concernant les numéros, seul ‘Men’ s’avèrant amusant, la jolie romance ‘I Speak to the Stars’ qui aurait dû être le grand moment du film pour Doris Day étant mise en scène d’une manière trop kitsch pour rester dans les mémoires. "There were some pictures I performed in that I didn’t like at all. I couldn’t sit through them for any amount of money. But many people have been entertained by them and don’t share my feelings. So there it is again – nothing is good or bad” dira Doris day dans son autobiographie en parlant de ce film qui lui aura néanmoins permis de rencontrer Judy Garland qui tournait Une étoile est née (A Star is Born) sur un plateau voisin et avec qui elle se liera d’une forte amitié.

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Pour la petite histoire, Lucky Me marque non seulement la première apparition à l’écran de Angie Dickison (il faut ouvrir grand les yeux pour l’apercevoir) mais est aussi la première comédie musicale sortie sur les écrans à avoir été tournée en cinémascope ; dommage que le chorégraphe Jack Donohue s’étant vu confier la réalisation du film ne semble avoir eu aucunes affinités avec le format large utilisé ici sans la moindre once d’invention. Quant au choix de Robert Cummings (Le Crime était presque parfait – Dial M for Murder d’Alfred Hitchcock), il reste tout aussi incompréhensible, pas du tout à l’aise en jeune premier ou derrière un piano, de plus aucune alchimie ne se dégageant du couple qu’il forme avec Doris Day. D’ailleurs le film commence à battre de l’aile à la fin de son premier tiers qui correspond justement à l’apparition de Cummings alors que la séquence d’ouverture laissait présager une comédie musicale bien plus réjouissante. Eddie Foyle Jr., Nancy Walker et Phil Silvers font en revanche très honnêtement leur travail, Silvers n’étant pas avare de cinglantes réparties, son sens du timing étant parfaitement bien réglé.

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Généralement considéré comme médiocre, ce film narrant les déboires d'un quatuor d'artistes ayant du mal à trouver un financement pour monter un spectacle, s'il ne brille effectivement ni par sa mise en scène, ni par sa chorégraphie, ni par sa musique et encore moins par son scénario d'une grande banalité, n'en demeure pas moins loin d'être désagréable grâce à l'abatage de quelques uns de ses acteurs et de quelques jolies séquences comme celle qui ouvre le film qui voit Doris Day se balader dans les rues de Miami en chantant 'The Superstition Song' tout en ne se rendant pas compte qu'elle provoque la pagaille derrière elle. Quelques autres petits plaisirs au passage : avoir vu Doris Day avec une perruque brune ou Phil Silvers se faire passer pour un milliardaire texan gouailleur et vulgaire... En y réfléchissant, pas grand chose d'autre d'inoubliable mais le souvenir d'un moment plutôt sympathique. Déjà ça de pris !

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Après un début de carrière réjouissant pour Doris Day au cours de laquelle David Butler et surtout Michael Curtiz lui offrirent soit de très beaux rôles soit des comédies musicales assez jubilatoires (notamment les deux premières), le petit creux de la vague durant les années 1951, 1952 et 1953 allait prendre fin, Gordon Douglas, Charles Vidor et Alfred Hitchcock étant sur le point de lui donner l’occasion de briller dans des films d’un tout autre niveau, et c’est peu de le dire ! Young at Heart, Love me or Leave me et The Man who Knew too much viendront rapidement faire oublier ce relative passage à vide dans la filmographie de l’actrice. Et nous y reviendrons à notre tour très bientôt !

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Le film est sorti en zone 1 avec uniquement des st anglais. Copie assez moyenne.

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Un Amour pas comme les autres (Young at Heart)

Réalisation Gordon Douglas
Avec Doris Day, Frank Sinatra, Gig Young, Dorothy Malone
Scénario : Julius J. Epstein, Lenore J. Coffee & Liam O’Brien
Photographie : Ted D. McCord (Warnercolor 1.37)
Musique : divers sous la direction de Ray Heindorf
Une production Arwin Productions (distribué par Warner)
USA – 113 mn -1954


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Gregory Tuttle (Robert Keith), professeur de musique dans le Connecticut, est un veuf qui vit avec ses trois filles, Fran (Dorothy Malone), Amy (Elisabeth Fraser) et Laurie (Doris Day), ainsi qu’avec sa sœur (Ethel Barrymore). L’ainée des filles, Fran, est sur le point de se marier, ce qui ravive l’envie de rencontrer le grand amour chez ses deux sœurs. Elles s’amusent alors à se lancer un défi ‘double or nothing’ : soit elles se marient en même temps soit elles resteront toutes deux vieilles filles. Puis c’est l’arrivée du charmeur et expansif Alex Burke (Gig Young), un compositeur de musique pour Broadway dont le père fut durant les années d’étude une connaissance de celui des trois filles ; il s’invite à venir passer quelques jours dans leur sympathique demeure afin de pouvoir demander des conseils au musicien tout en travaillant au sein d’une ambiance chaleureuse. Sauf qu’il va faire tourner la tête des trois sœurs ! Le jour où il fait venir son arrangeur de talent, le triste et déprimé Barney Sloan (Frank Sinatra), les donnes vont encore changer, l’atmosphère va se faire moins guillerette, plus sombre...

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Pas évident de narrer l’intrigue de ce mélodrame musical avec ses trois sœurs qui vont tomber sous le charme du même homme alors que d'autres prétendants sont déjà en lice pour au moins deux d'entre elles ; mais le scénario de Julius J. Epstein et Lenore J. Coffee étant d’une belle fluidité et d’une progression dramatique exemplaire, vous n’aurez aucun problème à suivre cette chronique familiale douce-amère qui commence comme une comédie mais qui dès l’arrivée de Frank Sinatra penche brusquement et glisse sans prévenir du côté du 'Soap Opera' à la Douglas Sirk, du mélodrame tragique de la plus belle eau, touchant et bouleversant ! Gordon Douglas s’étant surtout spécialisé et étant bien plus connu pour ses westerns et films noirs après avoir commencé sa carrière par des burlesques de Laurel et Hardy, il était logique que nous émettions un léger doute quant à sa capacité et son implication à diriger un tel film qui comporte de plus une petite dizaine de chansons. Sa réussite est d’autant plus étonnante et réjouissante qu’elle nous rappelle qu’il existe encore des pépites méconnues au sein du cinéma hollywoodien et que nous ne sommes pas au bout de nos surprises quant à d’éventuels trésors encore cachés.

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Après un très beau panoramique démarrant en contre plongée sur la rue de studio dans laquelle se trouve la maison familiale –très joliment décorées et photographiées par le chef-opérateur Ted D. McCord qui accomplit pour l'occasion un travail magnifique- et qui s'engouffre à travers la fenêtre pour aller surprendre deux personnages âgés, la première séquence muette voit la ‘confrontation’ amicale entre ce veuf et sa sœur, lui jouant de la flute alors qu’elle est en train de regarder un match de boxe à la télévision. Une scène qui dès le début nous démontre non seulement la virtuosité du cinéaste mais la tendresse et la douceur de ton dont ne va jamais se départir son film. Il s’agit du remake musical d’un film de Michael Curtiz datant de 1938, Four Daughters (Rêves de jeunesse), avec Claude Rains et Priscilla Lane dans les rôles que reprendront ici Frank Sinatra et Doris Day. D’après ceux ayant eu la chance de pouvoir visionner les deux films adaptés du roman ‘Sister Act’ de Fanny Hurst (Imitation of Life), hormis le fait que l’une des quatre sœurs se soit volatilisée au passage, les deux scénarios seraient très semblables au point que de nombreuses lignes de dialogues auraient même été intégralement reprises ; des dialogues qui sont d’ailleurs très recherchés pour une comédie musicale, ce qui rend le film de Gordon Douglas déjà plutôt original comparativement au tout venant du genre. Pas si courant non plus dans le domaine du film musical de ces années-là, le fait que l’allégresse qui règne durant une bonne demi-heure fasse ensuite rapidement place au drame, à la mélancolie voire même à la tragédie ; un deuxième point qui rend cette œuvre assez singulière !

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Le premier quart du film fera grandement penser aux tranches d’Americana telles Le Chant du Missouri (Meet me in St Louis) pour citer le chef-d’œuvre du genre. La rue respire la quiétude, la maison est belle et propre, les costumes rutilants, les habitants souriants et à priori tous heureux, les filles rêvent du prince charmant ; au sein de ce monde ‘idéal’ et idéalisé où tout le monde semble vivre en parfaite harmonie vient progressivement filtrer une certaine mélancolie, ceci discrètement et dès le début avec la vision de cette douce cohabitation entre le frère et la sœur désormais âgés ou encore la splendide séquence de la conversation entre les deux sœurs complices devisant sur l’amour alors qu’elles sont sur le point de se coucher, d’une délicatesse de ton assez inhabituelle d’autant qu’elle est accompagnée de ces dialogues richement écrits (à tel point qu’ils ne seront pas aisés à suivre ou à traduire par les moins anglophiles d’entre nous sans l’aide de sous titres français). S’ensuit la rencontre autour de la naissance de chiots entre une Doris Day pétillante et un Gig Young affable dont on se dit d’emblée qu’ils sont faits l’un pour l’autre. Avec son aplomb, son amabilité et son caractère extraverti, Gig Young charme non seulement l’ensemble de la famille dans laquelle il s’incruste mais aussi les spectateurs que nous sommes. On assiste à son ‘show’ assez drôle lors du premier diner familial où il accapare toute les attentions puis l’on se retrouve toujours en sa compagnie pour l’unique fois en dehors des studios, sur une plage où la mer est bleue et le soleil brille, tout ce petit monde finissant par pique-niquer en nocturne devant un sympathique feu de camp avec chansons à l’appui. Même si certains regards font penser que les couples présents risquent de ne pas rester ensemble longtemps, l’atmosphère est encore empreinte d’une gaieté et d'une allégresse, de celles que l’on trouve dans la majorité des comédies musicales de l’époque. Les allergiques à ce genre ‘sucré’ risquent donc de ne pas plus accrocher à ce long prologue qui régalera au contraire les aficionados.

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Puis arrive au bout de 30 minutes le personnage joué par Frank Sinatra ; le vernis se fendille alors et le ton commence à évoluer vers une atmosphère plus sombre ! La scène de la première rencontre entre Doris Day et Frank Sinatra est anthologique et fait regretter que les deux plus belles voix du moment ne se soient pas retrouvées par la suite (ils s'étaient avant ça juste croisés lors d'émissions radios dans les années 40). La ‘confrontation’ entre la joie de vivre de l’une et la déprime de l’autre aboutit à une séquence d’une douceur et d’une richesse émotionnelle assez rare, les deux fabuleux chanteurs s’avérant également deux comédiens exceptionnels même si l’on n’en avait jamais douté. Laurie a pitié de cet homme morose, taciturne et sarcastique qui broie du noir et qui croit que les anges l’ont abandonné dès sa naissance (il est orphelin). Elle décide immédiatement de le prendre en main et de le guérir de ses démons ("Im The Girl Who Brought Chintz Curtains Into Your Life!") ; alors que lui, sans se l’avouer ni le faire deviner, est tombé amoureux de cette femme au tempérament totalement contraire au sien. Tout basculera pour la plupart des membres de la famille lorsque Laurie annoncera lors d’une réception donnée en l’honneur de son père qu’elle va convoler en justes noces avec... Gig Young ; non seulement l’espoir de Sinatra va s’envoler mais également ceux des deux autres sœurs qui n'étaient pas insensibles au charme du bel homme avec qui elles se seraient bien vues également mariées. Je ne continuerais pas à vous narrer le reste du film, suite ininterrompue de séquences profondément émouvantes dont une, sublime, qui rappelle la fuite éperdue de Lana Turner au volant de sa voiture dans Les Ensorcelés (The Bad and the Beautiful) de Vincente Minnelli et qui prouvait que Gordon Douglas était un excellent metteur en scène capable de faire éclore le plus beau des lyrismes, sa direction artistique s'avérant dans le même temps irréprochable tout comme sa réalisation et sa direction d’acteurs. Le Happy End voulu par Frank Sinatra -et qui se démarque de la fin tragique du film de Michael Curtiz- a beau sembler sortir de nulle part et ne pas forcément coller avec tout ce qui a précédé, les midinettes (dont je fais partie) devraient s’en délecter même s’il est compréhensible que ce final en ait au contraire déçu une majorité.

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Martin Melcher -qui était alors l’époux de Doris Day- fonda sa propre société de production à l’occasion de ce film, la Arwin Productions. Young at Heart fut donc le premier d’une longue liste qui aboutira au fameux Doris Day Show qui eut un succès considérable aux USA durant les années 70. L’idée de génie du film fut bien évidemment de réunir les deux plus grandes stars de la chanson de l’époque, Doris Day et Frank Sinatra, dont le couple fonctionne ici à merveille. Musicalement, le film de Gordon Douglas est un véritable enchantement dû non seulement à des interprètes au sommet de leurs formes vocales mais également à la beauté des mélodies composées par George Gershwin, Cole Porter, Harold Arlen ou Sammy Fain. Imaginez que The Voice chante non moins que –outre la sublime ‘Young at Heart’ durant les génériques de début et de fin- les standards intemporels que sont devenus ‘Just One of Those Things’ de Cole Porter, ‘Someone to Watch Over Me’ des frères Gershwin et enfin 'One for My Baby (and One More for the Road)' de Harold Arlen. Doublé par André Prévin au piano, Sinatra chante en revanche divinement ces classiques avec une mélancolie prégnante sur le visage, le regard perdu, la cigarette au coin des lèvres et le chapeau penché sur le sommet de la tête, l’une de ces images iconiques qui l’auront rendu célèbre. Les chansons interprétées par Doris Day ne sont pas autant restées dans la mémoire collective mais n’en sont pas moins elles aussi magnifiques, nous dévoilant au passage l’impressionnant éventail de registres de la miss : la tendre ‘Hold Me in Your Arms’, la vivace ‘Ready, Willing and Able’, la romantique ‘There's a Rising Moon for Every Falling Star’ sans oublier la fabuleuse transposition d'une mélodie de Mendelssohn avec 'Till My Love Comes Back to Me'. Et puis le Happy end tant décrié nous aura néanmoins donné l’occasion de voir chanter Doris Day et Frank Sinatra ensemble pour la seule fois de leur carrière, sur une mélodie écrite par Jimmy Van Heusen, ‘You, My Love’. Rien que pour ça, on remerciera le caprice de la star masculine de l’avoir imposé envers et contre tous malgré son manque de crédibilité.

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Une jolie réussite qui se sera aussi révélé dans le même temps une singulière curiosité ; en effet, sous sa mièvrerie apparente, non seulement les valeurs familiales traditionnelles de la Middle-Class américaine auront été remises en question et battues en brèche par les sarcasmes et le cynisme désespéré du personnage joué par Sinatra -qui voulut probablement à cette époque casser son habituel personnage de naïf un peu benêt de ses débuts- qui fait également porter à la société le poids de tous ses maux, mais également l’adultère n’arrête pas de se profiler -tout du moins au travers les regards des jeunes femmes qui, malgré le fait qu’elles soient en couple, n’hésiteraient probablement pas à le faire voler en éclat au moindre claquement de doigt du charmeur-, le suicide pointant également le bout de son nez à une époque où tous ces sujets étaient encore plutôt tabous à Hollywood. Au sein d’un genre dont on n’attendait pas à trouver Gordon Douglas en maitre de cérémonie, le réalisateur s'en tire donc au contraire plus qu'honorablement nous livrant un drame romantique et sentimental d'une douceur, d’une mélancolie et d'une tendresse vraiment touchantes. Une tournure sombre après une demi-heure d’allégresse qui fait ressortir la vérité des sentiments, Doris Day et Frank Sinatra qui rivalisent de talent aussi bien en tant que comédiens qu'en tant que chanteurs et qui sont magnifiquement entourés par Gig Young (surement l'un de ses plus beaux rôles), Dorothy Malone, Ethel Barrymore... et au final une très belle histoire d'amour non dénuée d’amertume, portée par de superbes chansons de George Gershwin et Cole Porter ainsi que rehaussée par un Technicolor superbement utilisé.

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A l'instar de La Vie est belle de Frank Capra, ce film au charme indéfinissable est régulièrement diffusé aux USA à la télévision aux périodes de Noël ; dommage que sa réputation n’ait pas réussi à traverser l’Atlantique puisqu'il aura été l'un des meilleurs films de la carrière de Doris Day, à placer aux côtés de Pajama Game (Pique Nique en Pyjama) de Stanley Donen, The Man who Knew too much (L’homme qui en savait trop) de Alfred Hitchcock, Pillow Talk (Confidences sur l'oreiller) de Michael Gordon ou un autre tout aussi méconnu que le film de Gordon Douglas, It Happened to Jane (Train, amour et crustacés) de Richard Quine. Quant à Frank Sinatra, il s’est apparemment parfaitement bien entendu avec son réalisateur puisqu'il tournera sous sa direction bien d’autres films et endossera notamment la défroque du détective le plus nonchalant de l'histoire du cinéma dans le réjouissant Tony Rome. Amateurs de Doris Day, de Frank Sinatra ou des standards de Broadway, il y a très peu de chances pour que ce film vous déçoive !

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Le film étant libre de droits, il existe dans de nombreux DVD américains ou anglais mais jamais avec stf.

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Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

Au vu des captures, le BR sorti chez Olive est évidemment 100 fois plus beau et démontre que l'image sur le DVD a été zoomée. Bref, vivement qu'un éditeur français s'occupe enfin du cas de ce film grandement apprécié au USA et totalement inconnu en France.
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Les Pièges de la passion (Love me or Leave me)

Réalisation Charles Vidor
Avec Doris Day, James Cagney, Cameron Mitchell, Robert Keith
Scénario : Daniele Fuchs & Isobel Lennart
Photographie : Arthur E. Arling (Eastmancolor 2.55)
Musique : divers
Une production Metro Goldwin Mayer
USA – 122 mn -1955


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Années 20. Dans un Night Club malfamé de Chicago, le gangster Martin Snyder (James Cagney) assiste à une altercation entre l’entraineuse Ruth Etting (Doris Day) et un client l'ayant un peu molestée. Ce n’est pas du goût du patron qui met la jeune femme à la porte. Snyder qui est tombé sous le charme de cette femme de caractère et qui possède de très nombreuses connaissances dans le monde du Show Business décide de prendre en main sa carrière. Ruth qui a toujours eu pour ambition de devenir une chanteuse réputée se laisse faire et -aussi par reconnaissance- accepte de l’épouser ; elle commence en tant que Chorus Girl dans un dancing où elle se lie d’amitié avec le pianiste Johnny Alderman (Cameron Mitchell). Les talents de chanteuse de Ruth vont rapidement se faire jour et, après avoir remplacée au pied levé la vedette du spectacle, elle entame une fulgurante ascension. Après les Ziegfeld Folies et des émissions de radio, les sirènes de Hollywood retentissent. Le succès est au rendez-vous mais les relations entre les deux époux sont loin d’être au beau fixe d'autant qu'à force de la côtoyer en tant que 'coach' Alderman est tombé amoureux de Ruth…

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Charles Vidor nous offre avec Love me or Leave me un ‘Biopic’ sur Ruth Etting, chanteuse et actrice aujourd’hui totalement oubliée qui avait réussi à percer dans le show business grâce à un gangster notoire qui tomba amoureux d’elle et qui décida de gérer sa carrière. Elle finit par acquérir assez de notoriété pour être engagée dans les Ziegfeld Follies avant de devenir entre 1925 et 1935 une vedette de la radio, de jouer dans quelques spectacles à Broadway -dont le célèbre ‘Whoopee’ d’où est tirée la chanson-titre du film de Vidor- puis de tenir quelques rôles au cinéma. Dans la vraie vie elle épousa Harry Alderman, son pianiste (Cameron Mitchell dans le film), après que Snyder se soit fait tuer en 1938. Ils demeurèrent d'heureux mariés jusqu’à la mort d’Alderman à qui elle survécut 12 années. Le film de Charles Vidor va être surtout intéressant pour sa description des relations ambigües, troublantes et tumultueuses entre la chanteuse et le gangster, Ruth ambitieuse et se servant de l’adoration de Snyder pour parvenir au succès, ce dernier aussi amoureux qu’envahissant, colérique, paranoïaque et violent mais que l’on arrive néanmoins à prendre en pitié lors de ses accès de tendresse et au vu de la fierté entière et sincère qu’il a pour son artiste de femme.

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Après 7 ans et 17 films au compteur, Doris Day est enfin désengagée de son contrat qui la liait à la Warner. Elle va désormais être libre de pouvoir choisir où et avec qui elle va continuer à travailler sans pour autant ne rien regretter de sa période dans le studio qui la mit sur orbite, faisant d’elle l’actrice la plus populaire et la mieux payée de l’époque. Après que Jane Powell ait été pressentie et qu’Ava Gardner ait refusée le rôle de Ruth Etting -ayant peur qu’on lui donne encore à jouer un biopic sans intérêt-, c’est James Cagney qui recommande au producteur Joe Pasternak l’actrice avec qui il avait joué dans West Point Story (Les Cadets de West Point) cinq ans auparavant et qu’il considérait alors comme une comédienne parfaite : "As an actress, she perfectly illustrates my definition of good acting ; just plant yourself, look the other actor in the eye, and tell him the truth. That’s what she does, all right." Il estime tellement Doris Day qu’il lui accorde même d’avoir son nom au dessus du sien en haut de l’affiche, ce qu’il avait quasiment toujours refusé jusqu’à présent. Intriguée par le personnage de cette chanteuse des années 30, heureuse de retrouver un partenaire masculin avec qui elle s’était entendue à merveille mais surtout enchantée de pouvoir travailler avec le département musical le plus réputé de l’époque -celui de la MGM, le studio roi de la comédie musicale- elle n’hésite plus et se lance à corps perdu dans la préparation du rôle : "I prepared for the role by listening to all the Ruth Etting records. She had a quiet way of speaking and singing. It was not my intention to mimic her, but to suggest her style with little inflections and shadings that I picked up from the recordings."

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Voir ou revoir Les Pièges de la passion aujourd’hui, c'est l’occasion idéale pour ceux qui douteraient encore des talents d’actrice dramatique de Doris Day de réviser leurs jugements, l’inoubliable interprète de L’Homme qui en savait trop (The Man who Knew too much) d’Hitchcock, Pique nique en pyjama (Pajama Game) de Stanley Donen, Confidences sur l’oreiller (Pillow Talk) de Michael Gordon et Young at Heart de Michael Douglas se révélant tout simplement impeccable dans le rôle de Ruth Etting, arrivant même sans problème dans ce registre bien plus sombre qu’à l’accoutumée à tenir tête à James Cagney pourtant égal à lui-même, touchant en amoureux transi, parvenant à insuffler un peu d’humanité à son personnage brutal même si manquant un peu de nuances sur la durée, le spectateur ayant parfois l’impression au bout d’une heure de film de le voir jouer et rejouer toujours la même scène ; la faute en incombe en partie aux scénaristes qui semblent avoir eu du mal à renouveler ce genre de séquences faute aussi à un manque flagrant de rebondissements dramatiques. Le film n’aurait duré que 90 minutes qu’il aurait probablement été plus harmonieux de ce point de vue, qu'il aurait paru moins redondant. Une toute petite réserve également sur le jeu de Doris Day : si elle parvient facilement à émouvoir en laissant couler quelques larmes discrètes, elle peine à nous convaincre de la véracité des quelques scènes où elle s’écroule en pleurs et en cris, séquences cependant très rares. Rien cependant de rédhibitoire de part et d'autre, bien évidemment. Aux côtés de cet improbable mais très joli couple de cinéma (dont la complicité était étonnante dans leur film précédent), beaucoup d’excellents seconds rôles dont un touchant et attachant Cameron Mitchell dans la peau du pianiste follement amoureux de la chanteuse avec qui il travaille.

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Le film eut non seulement un immense succès critique et public -le Soundtrack tout autant, au point de squatter plusieurs mois durant les Charts américains- mais obtint également l’Oscar du meilleur scénario et cinq autres nominations pour cette année 1955. Il s'agit toujours du film préféré de Doris Day et également l’un de ceux que James Cagney fut le plus fier d’avoir tourné. Dommage que le scénario soit un peu redondant, se mettant à piétiner à mi parcours, et que la mise en scène de Charles Vidor manque d'ampleur et de personnalité car le potentiel nécessaire pour aboutir à un grand film était bien présent. Imaginons le résultat sous la direction du premier réalisateur pressenti, George Cukor : au vu des sommets émotionnels qu'il avait fait atteindre à son récent Une étoile est née (A Star is Born), il ne fait presque aucun doute qu’entre ses mains Love me or Leave Me aurait été un drame musical d’une plus grande envergure et que toutes les séquences chantées auraient été plastiquement bien plus remarquables. En l’état, Charles Vidor étant loin d’être un tâcheron (rappelons nous les sympathiques The Desperadoes, Hans Christian Andersen ou Cover Girl sans oublier le célèbre Gilda), son film est sinon génial ni inoubliable mais néanmoins de très bonne tenue, aidé en cela par la perfection du travail effectué par les équipes artistiques et techniques de la MGM sous la direction d’un Joe Pasternak très bon producteur, un peu trop inustement éclipsé par Arthur Freed concernant le film musical.

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Dans ce drame musical nous retiendrons surtout deux grands comédiens rivalisant de talent, énormément de chansons -dont deux inédites écrites spécialement pour le film, les très belles ‘I'll Never Stop Loving You’ et ‘Never Look Back’- parfaitement mises en valeur par George Stoll, un scénario plutôt bien écrit même s’il s’essouffle un peu en cours de route ainsi qu'une mise en scène n’atteignant pas des sommets mais se tenant tout à fait bien, maniant le technicolor et le cinémascope avec un certain goût. Rien de révolutionnaire mais néanmoins l’un des ‘biopics’ musicaux les plus réussis de l’époque avec The Glenn Miller Story (Romance inachevée) d’Anthony Mann.

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On trouve le film dans le coffret métal Warner. S’il s’agit de la même copie que sur le zone 1, c’est un master restauré et plutôt beau avec VF et VOST. Mais il existe aussi en Blu-ray aux USA.

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L’Homme qui en savait trop (The Man who Knew too Much)

Réalisation Alfred Hitchcock
Avec Doris Day, James Stewart, Daniel Gélin, Bernard Miles
Scénario : John Michael Hayes
Photographie : Robert Burks (Technicolor 1.85)
Musique : Bernard Herrmann
Une production Universal
USA – 120 mn -1956


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Maroc. Dans le car qui les conduit à Marrakech, les McKenna, un couple de touristes américains accompagné de Hank (Christopher Olsen), leur jeune garçon d’une huitaine d’années, font la connaissance du français Louis Bernard (Daniel Gélin). Au cours de leur première conversation, Louis apprend que Ben McKenna (James Stewart) est un médecin aisé alors que sa charmante épouse, Jo (Doris Day), est une ancienne chanteuse renommée qui a décidé d’arrêter sa carrière pour s’occuper de son fils. Ils semblent constituer un couple modèle, équilibré et heureux. Louis et les McKenna décident de diner ensemble le soir même, mais au dernier moment le français se décommande. Au restaurant, les McKenna rencontrent néanmoins un couple d’anglais, les Drayton, avec qui ils passent la soirée. Dès le lendemain, ils visitent ensemble la place principale du marché. Ce jour-là, en plein milieu de la foule bigarrée, Louis, grimé en Arabe, tombe dans les bras de Ben, un poignard planté dans le dos. Avant de succomber à sa mortelle blessure, il a le temps de souffler à l’oreille de Ben qu’une importante personnalité va bientôt être assassinée et lui murmure le nom d’Ambrose Chapell à Londres. Convoqué au commissariat pour témoigner, Ben ne dit rien du secret qu’il vient d’apprendre puisqu’un coup de téléphone vient juste avant de l’informer que s’il parle, la vie de son fils sera menacée ; en effet, les Drayton l’instruisent dans le même temps que Hank vient d’être kidnappé par leur soin. Bouleversés par la trahison de leurs nouveaux amis et surtout par l’enlèvement de leur enfant, les McKenna partent toutefois pour Londres avec la ferme intention d’essayer de retrouver leur progéniture par leurs propres moyens. Ils refusent d’ailleurs de collaborer avec Scotland Yard qui leur apprend que Louis Bernard était un espion international…

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En 1984, ressortaient en salles cinq films d’Alfred Hitchcock tournés pour la Paramount. A cette époque, ils ne furent pas vraiment considérés et mis en avant comme des reprises mais, en déployant des moyens plus conséquents, comme des nouveautés ; en effet, suite à des problèmes de droit, ils n’avaient jamais fait leurs réapparitions sur quelconque écran de cinéma ou de télévision en France depuis leurs sorties au milieu des années 50. Autant dire que ce fut un évènement pour des milliers de jeunes et moins jeunes cinéphiles que cette résurrection d’œuvres aussi réputées d’un artiste qui était alors toujours considéré, notamment par cette nouvelle génération d’amoureux du cinéma, comme l’un des plus grands. Je peux en témoigner car du haut de mes 17 ans, la perspective de pouvoir enfin découvrir ces cinq œuvres ‘cachées’ déclencha une euphorique attente comme je n’en avais encore rarement éprouvé d’aussi intenses jusqu’à cette date. La presse, comme il se doit, en parla autant que s’il s’était agit de la sortie du blockbuster de l’année et ne tarit pas d’éloges à l’égard de ce ‘quintet’. Pourtant, si Sueurs froides (Vertigo) et Fenêtre sur cour (Rear Window) firent tout logiquement l’unanimité, il n’en fut pas de même pour les trois autres même si la majorité fut néanmoins dans l’ensemble fort élogieuse. Si La Corde (The Rope) fit surtout parler de lui pour son gimmick formaliste, celui du plan ‘unique’, et Mais qui a tué Harry (The Trouble with Harry) pour sa singularité au sein de la filmographie du maître du suspense par le fait d'être une comédie d'humour noir, L’Homme qui en savait trop fut souvent jugé comme le vilain petit canard du groupe, "aussi peu inventif sur le forme que sur le fond" malgré sa célèbre séquence du Royal Albert Hall qui était quand même déjà considérée comme la plus étonnante preuve du génie d’Hitchcock concernant le découpage d’une scène et la mise en place du suspense. Moi-même avait été relativement déçu et ennuyé par cet opus alors qu’aujourd’hui je le place presque au niveau des plus grands chefs-d’œuvre d’Hitchcock (sans que ce ne soit uniquement dû à la présence de Doris Day dont vous êtes quelques uns à savoir qu’il s’agit désormais d’une de mes comédiennes fétiches).

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L’Homme qui en savait trop version 1956 est un des rares exemples de remake d’un film par le même cinéaste ; l’année suivante, Leo McCarey fera de même avec Elle et lui (An Affair to Remember, remake de son propre Love Affair). La première version de l’histoire, Hitchcock l’avait tourné en Angleterre en 1934 ; l’action principale était non pas située à Marrakech mais dans une région moins ‘exotique’, à Saint Moritz en Suisse. Pour le cinéaste, le film arrivait à un moment crucial de sa carrière puisque ses trois films précédents avaient été consécutivement trois cuisants échecs ; la première version de The Man who Knew too much fut donc très importante pour le réalisateur puisqu’elle lui permit de relancer sa carrière, le film recevant un accueil élogieux aussi bien de la critique que du public. Les 39 marches n’allait pas tarder à suivre et à entériner cette reconnaissance et ce retour au premier plan. Mais ce premier Homme qui en Savait trop avec Peter Lorre et Leslie Banks lui avait laissé un goût d’inachevé. Bien que neuf scénaristes aient participé à l’écriture, le réalisateur avait l’impression de ne pas avoir tiré le meilleur parti de la situation de départ. Une note de David O’ Selznick datée de 1941 nous apprend qu’Hitchcock avait déjà travaillé à cette époque sur une nouvelle version de son histoire. Elle devait se dérouler à Sun Valley puis à Rio pendant le carnaval, avant de réintégrer les USA, à New York plus exactement. Après Mais qui a tué Harry, toujours avec le scénariste John Michael Hayes (auteur également pour Hitchcock de Fenêtre sur cour et de La Main au collet), Hitchcock se sentit enfin prêt à reprendre son vieux projet. Son idée était de raconter l’histoire d’une famille américaine menacée par le terrorisme international, de faire survenir le drame et le suspense à partir d’une situation banale et d’y plonger des personnages anodins, comme vous et moi, pour en observer leurs réactions.

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Les McKenna composeront en effet une famille modeste et sans histoire à laquelle il sera assez facile pour le spectateur de s’identifier. Elle est composée d’un enfant de huit ans tout ce qu’il y a de plus normal, curieux et insatiable, charmant et agaçant ; il se fera kidnapper pour que ses parents ne dévoilent pas le secret qu’ils viennent d’apprendre et qui pourrait nuire aux ravisseurs. Concernant ses parents partis à sa recherche, le père est un médecin aimable mais assez vieux jeu, qui pense porter la culotte et dont on comprend à demi-mot qu’il a ‘convaincu’ son épouse de cesser sa carrière de chanteuse pour pouvoir rester à la maison s’occuper de son fils et des tâches ménagères. A ce propos, la scène au cours de laquelle il oblige sa femme à prendre un somnifère avant de lui annoncer l’horrible nouvelle de l’enlèvement de son fils est d’une formidable intelligence psychologique. En tant qu’homme, Ben se sent la personne forte du couple alors qu’il s’avèrera le plus faible ; trop sûr de lui, il ne verra rien venir malgré les angoisses et soupçons répétés de son épouse qu’il ne veut pas écouter ni croire. Le vulnérable et malhabile Ben permit à James Stewart de retrouver Hitchcock pour la troisième fois après La Corde et Fenêtre sur cour. La mère est une chanteuse ayant mis fin à sa carrière probablement ‘forcée’ par son époux qui, pour sa réputation, ne pouvait certainement pas accepter que sa femme travaille et encore moins en tant qu’artiste ; Jo permit à Doris Day de non seulement prendre la place de Grace Kelly (cette dernière ayant décidée d’abandonner le septième art pour se consacrer à sa vie de princesse) mais également de prouver que ses talents d’actrice dramatique étaient bien réels malgré tout ce qu'on pu dire les mauvaises langues qui continuent à la considérer comme une erreur de casting, la moins bonne blonde hitchcockienne (sic!). Les deux formidables comédiens forment au contraire un couple totalement crédible.

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1956. Année donc faste pour Alfred Hitchcock qui tourne coup sur coup deux superbes films pourtant (à tort) souvent jugés comme mineurs : le suprêmement délicieux Mais qui a tué Harry, sommet de l’humour noir bon enfant, et L’Homme qui en savait trop, remake en couleurs d’une de ses propres œuvres tournée 22 ans plus tôt. "La première version a été faite par un amateur de talent, tandis que la seconde l'a été par un professionnel" s’amusait-il à dire à l’occasion de ses fameux entretiens avec François Truffaut. Nous ne pourrions lui donner tort même si son film pourra paraitre de prime abord mal rythmé, moyennement bien ficelé, techniquement bâclé (ah ces transparences au Maroc mal intégrées mais qui renforcent finalement le côté mystérieux et déstabilisant de ce film, tout comme plus tard ces ‘ratés fait exprès’ auront le même effet dans Les Oiseaux, Pas de printemps pour Marnie et bien d’autres)... C’est qu’Hitchcock, comme à son habitude, ne s’embarrasse guère de vraisemblances esthétiques ou scénaristiques, se fichant même comme d’une guigne des motivations de ses malfaiteurs. En ce qui concerne l’intrigue, le cinéaste prend son temps pour mettre en place son histoire, flâne, fait prendre à son film des allures de comédie familiale ou romantique (très agréable d’ailleurs) pour pouvoir nous rendre attachants ses personnages riches et très bien croqués : "Aimons Hitchcock quand, las de passer pour un professeur de style, il nous entraine avec lui sur le chemin des écoliers" écrivait Jean-Luc Godard l’année de la sortie du film. Hitchcock ne distille ensuite son suspense qu’à petites doses et arrive à faire monter l’angoisse uniquement à l’aide de sa magistrale utilisation des sons, des décors nus et vides (l’inquiétante séquence des bruits de pas dans la rue inanimée de Londres menant chez le taxidermiste), par ses menaçants plans inclinés, par le choix des trognes de ses ‘méchants’ ou par l’intrigante position des personnages dans le cadre (ce film fourmille de plans devant lesquels on se sent mal à l’aise sans en comprendre de prime abord la raison). C'est une nouvelle fois, mine de rien, une formidable leçon de cinéma que nous offre le cinéaste.

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Mais cette histoire d’enlèvement d’un enfant à un couple de touristes américains et de complot visant à éliminer un important homme d’état, n’intéresse Hitchcock que pour mieux nous décrire la montée de l’angoisse chez des gens simples qui ne cherchaient pas d’histoires et qui se retrouvent du jour au lendemain embringués malgré eux dans une abracadabrante affaire d’espionnage. A cet égard, Hitchcock forme donc, comme nous l'avons déjà laissé entendre, un couple de cinéma qui fonctionne à la perfection, celui constitué par un James Stewart toujours impérial et une Doris Day élégante, épatante et qui, grâce à ce rôle et à la chanson ‘Que sera, sera’ (qui recevra l’Oscar et deviendra le titre emblématique de sa carrière de chanteuse), restera dans les souvenirs cinéphiles du grand public français, alors qu’à côté de cela, elle aura eu une longue filmographie émaillée d’autres films merveilleux mais totalement passés inaperçus de ce côté-ci de l’Atlantique. Les relations de l'actrice avec le cinéaste furent au départ froides et distantes, Hitchcock ne lui parlant pas assez à son goût, la faisant ainsi douter de son jeu. Ne supportant plus cette ‘mise à l’écart’, la comédienne ira trouver son réalisateur pour mettre les choses au point, lui proposant même de se faire remplacer s’il le fallait ; sur quoi il lui répondra : "You have been doing what I felt was right for the film and that's why I haven't told you anything." Rassurée, l’ambiance deviendra alors plus détendue sur le tournage. L'alchimie opérée grâce au talent de Doris Day et au génie de la direction d’acteurs d'Hitchcock feront des merveilles notamment lors de deux mémorables séquences : celle au cours de laquelle Ben prépare le terrain en l’obligeant à prendre un somnifère pour lui annoncer l’enlèvement de leur garçon, et plus encore la fameuse séquence du concert à l’Albert Hall au cours de laquelle, sans avoir à parler ni à chanter, Doris Day s’avère tout bonnement bouleversante, son angoissant dilemme moral, à savoir si elle doit ou non prévenir le meurtre qu’elle voit se mettre en place sous ses yeux, se transmettant au spectateur qui ne sait pas plus qu’elle la réaction qu’elle doit avoir sachant que la vie de son fils est en jeu dans le même temps.

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Et justement, le film est à juste titre réputé pour cette fameuse séquence muette mais musicale de 12 minutes à l’Albert Hall, d’une progression dramatique étonnante, peut-être la scène la plus virtuose et maîtrisée de la carrière du réalisateur qui n’en est pourtant pas dépourvue. On ne se lasse pas du découpage absolument extraordinaire de ce morceau de bravoure (124 plans fixes rigoureusement millimétrés) porté par la sublime ‘Storm Cloud Cantata’ d’Arthur Benjamin, qui nous donne en plus l’occasion de voir Bernard Herrmann la diriger avec le London Symphony Orchestra et le chœur du Covent Garden et ses 350 voix, bonus non négligeable pour tous les fans de ce compositeur de génie. Ne serait-ce que pour cette séquence, L’Homme qui en savait trop mérite d’être vu même par les plus réfractaires au réalisateur. Pour le reste, certains s’ennuieront certainement devant ce suspense aux scènes étirées plus que de coutume, mais d'autres seront constamment surpris par ses ruptures de ton, de ce générique préfigurant l’Albert Hall à cette image finale presque incongrue, faisant penser que nous avons assisté à une comédie anodine, véritable pied de nez d’Hitchcock aux spectateurs qui auraient voulu prendre son intrigue trop au sérieux. Hitchcock ne manquait décidément ni d’humour ni de culot ! Un brillant divertissement qui prend de délicieux chemins de traverse et qui n’est pas avare de réjouissantes notations pittoresques ou saugrenues alors que le ton d'ensemble semblerait devoir être tragique. Jacques Siclier a assez bien résumé ce fait lors de sa reprise en 1984 en écrivant "Hitchcock établit sa mise en scène sur des quiproquos de vaudeville alors qu’un crime se prépare". Une chanson, un coup de cymbale, un kidnapping et un complot dont on ne connait pas les motivations : voici les faibles fondations sur lesquelles repose ce film mêlant pourtant habilement et subtilement comédie de mœurs, drame et suspense. A savourer sans modération ! Le plus grand rôle de Doris Day arrivé à ce moment de sa carrière.

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Le film existe désormais au sein d'un très beau Blu-ray qui est même inclut au sein d'un coffret souvent vendu à prix sacrifié en Angleterre.

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Le Diabolique Monsieur Benton (Julie)

Réalisation Andrew L. Stone
Avec Doris Day, Louis Jourdan, Barry Sullivan, Frank Lovejoy
Scénario : Andrew L. Stone
Photographie : Fred Jackman Jr (Noir et blanc 1.85)
Musique : Leith Stevens
Une production Arwin productions (MGM)
USA – 98 mn -1956



Maladivement jaloux de son épouse Julie (Doris Day), Lyle (Louis Jourdan), en rentrant chez eux en voiture, la terrifie en lui maintenant le pied appuyé sur l’accélérateur dans les dangereux virages surplombant les falaises qui mènent à leur maison de Monterey, Californie. Ayant enfin stoppé cette folie, Lyle s’en excuse auprès de Julie. Cette dernière en profite pour lui dire qu’un ami de la famille (Barry Sullivan) lui a fait comprendre que son précédent mari ne se serait pas suicidé mais qu’il pourrait s’être agit d’un meurtre. Lyle admet que dès le moment où il a croisé son regard il était tombé immédiatement amoureux de Julie encore mariée, qu’il en avait immédiatement conçue une jalousie morbide pour son mari et avoue in fine en lui faisant promettre de garder le secret qu'il l'a assassiné. Effrayée, Julie s’enfuit le dénoncer à la police qui ne peut rien faire sans preuves concrètes. C’est le début d’une course poursuite, Lyle n’ayant désormais de cesse que d’essayer d’éliminer sa femme…

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Thriller oblige, je suis obligé d’emblée de vous prévenir de la présence de spoilers ici et là : terrain miné donc ! Une hôtesse de l'air dont le mari est maladivement jaloux découvre que ce dernier aurait tué son ex-époux soit disant suicidé. Elle va alors le fuir avec l'aide d'un ami mais le fou dangereux la retrouve où qu'elle aille… jusque dans un avion pour une dernière partie qui préfigure rien moins que la franchise à venir des Airport nous donnant même à voir un final qui sera quasiment repris dans Airport 1975 (747 en péril) de Jack Smight, séquence au cours de laquelle Karen Black devait faire atterrir l’avion à la place des pilotes qui n'étaient plus en état de le faire. C’est exactement la même mission que devra mener dans les dernières minutes une Doris Day qui aura été effrayée et qui aura couru pour sauver sa vie tout au long de ce curieux mélange de suspense et de film catastrophe.

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Andrew L Stone fut d’ailleurs un spécialiste du film catastrophe au début des années 60 ; grâce à l'efficacité de sa mise en scène il arrivait à pallier le manque de moyens pour aboutir à des œuvres vraiment prenantes : Panique à Bord – The Last Voyage ou Le Cercle de feu – Ring of Fire ; des films qui préfiguraient au niveau de la conduite du récit et du suspense les grosses machineries de la décennie suivante tels L’Aventure du Poséidon de Ronald Neame ou La Tour infernale de John Guillermin, pour ne citer que les meilleurs. Sans énormes moyens financiers, utilisant son savoir-faire et d’excellents castings, avec également un maximum d'imagination et de roublardise bienvenue, il arrivait à constamment nous tenir en haleine. Avant cette période, le cinéaste mit en boîte pour la 20th Century Fox dans les années 30 son plus grand titre de gloire, le célèbre -mais pénible- Stormy Weather après avoir travaillé dans les laboratoires Universal et avoir dirigé des courts métrages pour la Paramount. A partir de 1946, il tournera surtout en association avec son épouse Virginia, monteuse et coproductrice, des thrillers à petits budgets dont Julie fait partie.

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Dans Le Diabolique monsieur Benton -le titre français n’est pas franchement un spoiler étant donné que l’on est témoin dès la première minute de la folie du personnage joué par Louis Jourdan et au bout de seulement un quart d’heure de son statut d'assassin psychopathe- la première heure se déroule sous forme de thriller avec cette course poursuite à travers la Californie de Monterey à San Francisco, l'inquiétant Louis Jourdan cherchant à assassiner Doris Day qui a voulu le quitter pour le dénoncer ; il se termine en film catastrophe à bord d'un avion dont les pilotes ont été mis hors d'état de rentrer à bon port, l'hôtesse allant donc devoir se débrouiller seule. L'efficacité de la mise en scène est parfois bien là (notamment lors de l’excellente séquence au cours de laquelle Julie décide de fuir la maison conjugale dominant les falaises) mais elle est un peu annihilée par un scénario et des situations absolument pas crédibles faisant sombrer très souvent le film dans l’humour involontaire, le tout encore plus plombé par une partition envahissante et assourdissante ainsi que par la voix-off de Doris Day qui s’avère redondante avec les images et donc totalement inutile. Doris Day avait au départ refusé le rôle à cause de la folie de son époux dans le film qui lui rappelait trop de mauvais souvenirs de ses deux premiers mariages. Même si elle fait du mieux qu'elle peut, elle ne transcende rien du tout, le registre de son personnage étant bien trop limité ; tout comme Louis Jourdan d'ailleurs, beaucoup trop monolithique en psychopathe.

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Bref, pas forcément désagréable grâce aussi aux superbes paysages de la cote californienne de Carmel à Monterey, à une belle photo en noir et blanc, à de sympathiques seconds rôles (notamment Barry Sullivan et Frank Lovejoy) et à quelques séquences efficaces, mais néanmoins très décevant faute surtout à une écriture bâclée qui dépeint grossièrement ses personnages et rend l’intrigue peu crédible voire même totalement invraisemblable et de ce fait souvent ridicule. Il est d’ailleurs assez incroyable que le scénario ait été nominé aux Oscars. Pris en tenaille entre les deux chef-d’œuvre que sont L'Homme qui en savait trop (The Man who Knew too Much) de Alfred Hitchcock et Pique-nique en pyjama (Pajama Game) de Stanley Donen, Julie fait d'autant plus pâle figure ; il s'avère d'ailleurs l'un des films les moins convaincants de la filmographie de Doris Day qui dans le même registre sera autrement plus convaincante dans Midnight Lace de David Miller.

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C'est l'un des deux seuls films avec Doris Day qui n'existe pas en DVD en zone 1 ou en zone 2 français.
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Re: Doris Day

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
C'est l'un des deux seuls films avec Doris Day qui n'existe pas en DVD en zone 1 ou en zone 2 français.
Pour information aux collectionneurs anglophones, il existe tout de même un Warner Archive.
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Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :
Jeremy Fox a écrit :
C'est l'un des deux seuls films avec Doris Day qui n'existe pas en DVD en zone 1 ou en zone 2 français.
Pour information aux collectionneurs anglophones, il existe tout de même un Warner Archive.

:o Ah ; j'avais loupé ça. Sais tu s'il y a des sta ?
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Re: Doris Day

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
Rick Blaine a écrit :
Pour information aux collectionneurs anglophones, il existe tout de même un Warner Archive.

:o Ah ; j'avais loupé ça. Sais tu s'il y a des sta ?
Aucun ST il me semble, mais je pourrais vérifier.
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Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit :
Jeremy Fox a écrit :

:o Ah ; j'avais loupé ça. Sais tu s'il y a des sta ?
Aucun ST il me semble, mais je pourrais vérifier.

Si tu l'as je veux bien :)
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Re: Doris Day

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :


Si tu l'as je veux bien :)
J'ai. Je remets la main dessus et je te dis ça.
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