Doris Day (1922-2019)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Doris Day

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NO NO NANETTE (Tea for Two)

Réalisation : David Butler
Avec Doris Day, Gordon McRae, Gene Nelson, Eve Arden
Scénario : Harry Clork
Photographie : Wilfred M. Cline
Musique : sous la direction e Ray Heindorf
Une production Warner Bros.
USA - 97 mn - 1950


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1929. Pour obtenir l'argent d'un spectacle devant se monter sur Broadway pour lequel le metteur en scène (Billy DeWolfe) lui promet qu’elle en sera la vedette, Nanette (Doris Day) fait un pari stupide avec son tuteur, Oncle Max, (S.Z. Sakall), un millionnaire dont elle ne sait pas qu'il vient d'être ruiné lors du Krach de Wall Street. Elle devra dire non à toutes questions durant 48 heures y compris à Jimmy (Gordon McRae), le compositeur de la comédie musicale à venir, lorsque ce dernier lui fera sa demande en mariage. Oncle Max espère fortement que Nanette ne pourra pas arriver à tenir son pari car dans le cas contraire il serait dans l’obligation de lui avouer sa catastrophique situation financière et dans l'impossibilité de tenir sa promesse de lui verser 25.000 dollars. Il va donc employer toutes les ruses et tous les coups bas pour la faire craquer en commençant par lui mettre un chaperon (Eve Arden) dans les pattes pour surveiller ses éventuels ‘écarts de langage’. Ce dont Nanette ne se doute pas non plus est que le metteur en scène espère mettre en tête d’affiche sa fiancée du moment (Patrice Wymore). Quasiment certaine d'obtenir l'aide financière voulue pour monter le spectacle ‘Tea for Two’, Nanette invite toute la troupe à venir répéter dans l’imposante villa de son oncle…

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Devoir ne répondre que par NON à toutes les questions qu’on lui posera durant 48 heures, voici le postulat principal de l’intrigue de cette 4ème comédie musicale que Doris Day tourna pour la Warner. Certes, cette idée de départ est aussi idiote que le pari du film, mais tout ceci est évidemment sans conséquences car David Butler -qui venait déjà de tourner avec l’actrice en début d’année la très amusante mise en abimes du petit monde hollywoodien avec It’s a Great Feeling, leur collaboration allant encore se poursuivre à deux reprises- réalise un spectacle musical sans aucune autre prétention que de nous divertir ; et il y parvient sans problèmes ! Il s’agit d’une libre adaptation d’une opérette américaine des années 20, No no Nanette! composée par Vincent Youmans (musique) et Otto A. Harbach (livret) qui fut l’une des rares de l’époque à obtenir un franc succès dans notre pays ; d’où probablement l’idée de retenir son titre par le distributeur français alors que les producteurs américains optèrent pour Tea for Two, le nom du spectacle à l’intérieur du film, également le titre de l’une des chansons originales de l’opérette et qui rappelle surtout dans l’hexagone un certain célèbre film avec Louis de Funès et Bourvil, bien évidemment La Grande vadrouille lors de la fameuse séquence du bain turc.

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"Divertir avant tout" ; telle semble avoir été la volonté première pour ce film comme d’ailleurs pour la plupart des comédies musicales de l’époque ! Et pour le coup, à condition évidemment d’apprécier le genre, ses ingrédients constitutifs et autres clichés lui étant attachés, David Butler et les équipes de la Warner y arrivent à merveille, Tea for Two étant certainement l’une des plus réjouissantes comédies musicales que Doris Day tournera pour le studio au cours de sa première partie de carrière et dans le même temps certainement l'un des films les plus enjoués du cinéaste, juste derrière son trépidant Calamity Jane (La Blonde du far-West), probablement aujourd’hui encore son film le plus connu. D’ailleurs si le nom de David Butler ne dira probablement pas grand-chose à une grande majorité de cinéphiles, rappelons-nous que notamment ces deux films furent parmi les plus gros succès des années 50 pour le studio. Autant dire que Doris Day fut une véritable poule aux œufs d’or pour la Warner durant environ pas moins de sept ans. Comparativement à ses films précédents, l’ex chanteuse de Big Band semble avoir acquit ici une aisance encore plus grande et son jeu s’avère d’un naturel confondant qui tranche un peu avec celui des autres actrices des ‘Musicals’ de l’époque. Une fraicheur loin du cabotinage dont elle se fera une autre spécialité par la suite comme dans Calamity Jane justement, se montrant ainsi capable d’un film à l’autre de passer d’un jeu tout à fait spontané à des excès jubilatoires.

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Même si elle se retrouve pour la première fois tout en haut de l’affiche, la comédienne ne cherche jamais à tirer la couverture à elle et du coup, sans que ça n'enlève rien à ses talents, l’on se souviendra au final bien plus que d'elle certains seconds rôles dont deux plus particulièrement : Eve Arden (que l’on retrouvera plus tard dans Grease où elle tiendra le rôle de la directrice du lycée), le chaperon désabusé, sarcastique et pince sans rire aux punchlines saignantes, ainsi que Billy De Wolfe, cabotin à souhait et souvent hilarant, sorte de mélange entre Red Skelton et Ernie Kovacs ; il faut l’avoir vu danser le charleston ou imiter un serpent avec ses mains pour s'en rendre compte. On retrouve également aux côtés de Doris Day trois autres comédiens qui auront été ou seront ses partenaires à multiples reprises : Gordon McRae et sa belle voix de baryton qui fait un peu oublier la grande fadeur de son jeu d’acteur ; Gene Nelson qui prouve une nouvelle fois qu’à la MGM et avec un meilleur agent, il aurait très bien pu rivaliser sur le plan acrobatique avec Gene Kelly (son numéro de claquette avec Doris Day, sa danse sur un tambour géant et celle sur l’escalier sont toutes des séquences assez étonnantes) ; et enfin S.Z. Sakall dont le numéro de vieil oncle débonnaire mais bien vite débordé est désormais parfaitement rodé. Tea for Two marquera également la première apparition à l’écran de l’a future Mme Errol Flynn, Patrice Wymore, qui tient le rôle de la rivale sur scène de Doris Day et qui fait preuve de beaucoup de vitalité notamment lors de son numéro dansé. Les amateurs de Doris Day auront aussi avec étonnement pu constater pour la première fois ses talents pour la danse, sa première passion avant qu’un grave accident de voiture durant sa jeunesse lui fasse oublier ses prétentions au profit de la chanson. Personne n’y aura perdu au change car si son numéro de claquettes est formidable, rien qui ne vaille les moments où elle entonne les airs les plus variés, romantiques ou enlevés.

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Au programme musical, avec en majorité la voix suave et chaleureuse de Doris Day ainsi que celle belle et grave de Gordon McRae, des chansons très agréables soit issues de l’opérette d’origine écrite par Vincent Youmans (‘Tea for Two’, ‘I Want to be Happy’, The Call of the Sea’ et bien évidemment ‘No no Nanette’), soit puisées dans les standards de l’époque signés George Gershwin (‘Do Do Do’), Joseph Meyer (‘Crazy Rhythm’) ou Harry Warren (le célèbre ‘I Only Have Eyes For You’, écrit expressément en 1934 pour le film Dames chorégraphié par Busby Berkeley et -le hasard faisant bien les choses- le titre phare du dernier chef-d’œuvre de Woody Allen, Cafe Society). Les chorégraphies de Leroy Prinz ne manquent pas de tonus, notamment lors de morceaux spectaculairement acrobatiques tels ‘Oh me oh My !’, l’athlétique et éblouissant numéro de Gene Nelson faisant des claquettes sur un escalier avant de finir par le descendre sur la rampe, ‘I Know that you Know’, superbe duo de claquettes Doris Day/Gene Nelson, ou encore l’exotique ‘Crazy Rhythm’ au cours duquel Gene Nelson danse comme un beau diable sur un tambour géant bientôt rejoint par une charmante et sensuelle Patrice Wymore.

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Même si certains gags s’avèrent lourds et (ou) répétitifs, même si le scénario n’est pas d’une grande finesse, même si David Butler ne peut se targuer d’être un très bon réalisateur, un musical malgré tout d’assez bonne facture et qui se suit sans ennui d'autant que le rythme est très rapide et que les amusants dialogues fusent eux aussi à grande vitesse. A condition de ne pas chercher autre chose que la danse, le rire et les chansons, le tout en Technicolor, on peut passer un excellent moment à la vision de ce spectacle au charme suranné. A l’image de sa vedette principale, une comédie musicale allègre, charmante et énergique qui rappelle un peu le très amusant Summer Stock (La Jolie Fermière) de Charles Walters avec Judy Garland et Gene Kelly dans la manière qu’a une importante troupe théâtrale d’investir un lieu inhabituel pour ses répétitions (ici une imposante demeure, là une ferme). Certes pas mémorable mais fortement distrayant !

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Le film se trouve à l'intérieur de ce coffret. Copie correcte, VF et VOSTF.

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Re: Doris Day

Message par Supfiction »

Je n'accroche pas tellement à ce film pour ma part (scénario d'une grande platitude et l'humour est très gentillet). A contrario, je t'ai trouvé beaucoup plus dur avec Young Man with a Horn que j'aime beaucoup.
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Jeremy Fox
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Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

Supfiction a écrit : (scénario d'une grande platitude et l'humour est très gentillet).
Comme pour 95% des comédies musicales hollywoodiennes en fait. Ca fait un peu partie du genre.
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Re: Doris Day

Message par Supfiction »

Jeremy Fox a écrit :
Supfiction a écrit : (scénario d'une grande platitude et l'humour est très gentillet).
Comme pour 95% des comédies musicales hollywoodiennes en fait. Ca fait un peu partie du genre.
Certes. Après c'est aussi une question d'humeur du moment et ça se joue souvent à pas grand chose entre rejet total ou plaisir coupable. Les idioties de Sinatra (dans ses films avec Gene Kelly) par exemple me font rire et pourtant on pourrait en dire de même. Pour revenir à Tea for two, je crois surtout que c'est surtout le côté spectacle dans le film qui m'ennuie. J'essayerai de me le repasser un bout ce soir pour voir. Je sais que j'avais du mal aussi à rentrer dans By the light of the silvery moon. Il faut faire un effort sur soi-même pour se débarasser de toute condescendance vis à vis de la naïveté des personnages. Mais définitivement je préfère la Doris Day plus mûre et plus drôle.
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Jeremy Fox
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Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

Supfiction a écrit :Mais définitivement je préfère la Doris Day plus mûre et plus drôle.
C'est clair que dans ce film son rôle n'est pas d'être drôle ; c'est pour cette raison qu'on se souvient bien plus de Eve Arden et Billy de Wolfe.
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Commissaire Juve
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Re: Doris Day

Message par Commissaire Juve »

Jeremy Fox a écrit :

LA FEMME AUX CHIMERES (Young Man with a Horn)

... Bancal mais pas inintéressant !
C'est la faute à Lauren Bancal ! :mrgreen:
Supfiction a écrit :... A contrario, je t'ai trouvé beaucoup plus dur avec Young Man with a Horn que j'aime beaucoup.
Je l'ai en LD et en DVD (que je n'ai jamais visionné du reste). J'aime beaucoup.

Dans mon entrée, j'ai même une splendide photo d'exploitation du film (encadrée) : Doris + Kirk avec sa trompette. C'est dire.

image retirée

Là, j'ai chopé l'image sur internet. Ma ma photo -- d'époque -- est beaucoup plus jolie (elle est très très fine).
Dernière modification par Commissaire Juve le 1 juin 16, 01:41, modifié 1 fois.
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Re: Doris Day

Message par Supfiction »

Nestor Almendros
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Re: Doris Day

Message par Nestor Almendros »

Désolé de calmer tes ardeurs mais je te déconseille l'achat...

http://caps-a-holic.com/c.php?go=1&a=0& ... 29&i=0&l=0

J'ai juste Pillow Talk en digibook (paru il y a quelques années). L'image est un peu bidouillée colorimétriquement (couleurs flashy) mais le rendu est beaucoup plus correct que sur cette comparaison.
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
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Re: Doris Day

Message par Supfiction »

Nestor Almendros a écrit :Désolé de calmer tes ardeurs mais je te déconseille l'achat...

http://caps-a-holic.com/c.php?go=1&a=0& ... 29&i=0&l=0

J'ai juste Pillow Talk en digibook (paru il y a quelques années). L'image est un peu bidouillée colorimétriquement (couleurs flashy) mais le rendu est beaucoup plus correct que sur cette comparaison.
J'ai également le digibook de Pillow Talk qui est très bien (Doris Day parait juste très maquillée niveau fond de teint mais c'est peut-être normal).

Sinon j'ai revu Tea for Two et le film était bien mieux que dans mon souvenir grace à l'énergie et la fraîcheur de la jeune Doris Day. Quelques longueurs tout de même (notamment les numéros musicaux sans Doris) mais le tout reste amusant.
En revanche, j'ai voulu enchaîner avec It happened to Jane et je me suis arrêté en cours de route (le dvd n'est qu'en v.o. ça n'aide pas) tant je me suis ennuyé.
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Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

Supfiction a écrit : En revanche, j'ai voulu enchaîner avec It happened to Jane et je me suis arrêté en cours de route (le dvd n'est qu'en v.o. ça n'aide pas) tant je me suis ennuyé.

Retente à l'occasion : pour moi une délicieuse comédie du encore trop méconnu Richard Quine.
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Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

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LES CADETS DE WEST POINT (The West Point Story)

Réalisation : Roy Del Ruth
Avec Doris Day, Virginia Mayo, James Cagney, Gordon McRae
Scénario : John Monks Jr., Charles Hoffman & Irving Wallace
Photographie : Sidney Hickox (noir et blanc)
Musique : Jule Styne (Mucis) & Sammy Cahn (Lyrics) sous la direction de Ray Heindorf
Une production Warner Bros.
USA - 103 mn - 1950


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Autrefois chorégraphe et producteur célèbre à Broadway, Bix (Cagney) est dans une mauvaise passe au point d’en être réduit à mettre en scène des numéros musicaux dans un minable Night Club de Manhattan. Eve (Virginia Mayo), son assistante et fiancée, supporte de moins en moins la situation et ses colères. C’est ce moment que choisit Harry (Roland Winters), le rival à cause de qui Bix est tombé si bas, pour se racheter en lui proposant d’aller mettre en place le spectacle annuel de printemps de West Point, ‘the 100th Nite Show’. En réalité il a une idée derrière la tête : il compte sur Bix pour convaincre son neveu Tom (Gordon McRae), l’auteur du spectacle, de se lancer dans le métier de chanteur pour lequel il est doué plutôt que d’embrasser la carrière militaire dans laquelle il s’est engagé avec détermination. Quoiqu’il en soit et malgré son aversion pour l’armée, poussé par Eve qui menace de le quitter s’il n’accepte pas la proposition, Bix se rend à l’académie militaire pour monter le spectacle avec l’aide de Hal (Gene Nelson), étonnant danseur de claquettes, ainsi que des autres cadets qui, selon la tradition, doivent également interpréter les rôles féminins. Bix a cependant l’idée de changer les habitudes en leur adjoignant une femme dont il a lancé la carrière et qui est devenue une star de cinéma à Hollywood, Jan Wilson (Doris Day). Il va de soi que les cadets accueillent l’idée avec enthousiasme…

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C’est seulement huit ans après l’obtention de son Oscar pour Yankee Doodle Dandy (La Glorieuse parade) réalisé par Michael Curtiz, que James Cagney se voit offrir par la Warner de tourner à nouveau dans une comédie musicale, le genre qu’affectionnait le plus le comédien qui regrettera toujours ne pas avoir eu l’occasion de jouer dans un plus grand nombre. Bizarrement pour le genre qui se déclinait alors la plupart du temps au sein d’un glorieux Technicolor, The West Point Story sera réalisé en noir et blanc. Ce choix n’était probablement pas dû à une question de faible budget au vu de son prestigieux casting constitué de plusieurs stars de l’écran de cette époque ; en effet, aux côtés de James Cagney l’on pouvait trouver Virginia Mayo, autre vedette du studio et sa partenaire l’année précédente dans le chef-d’œuvre de Raoul Walsh L’Enfer est à lui (White Heat), mais également l’actrice montante de la Warner, Doris Day, ainsi que les partenaires de cette dernière dans plusieurs de ses films de cette même année, l’étonnant danseur Gene Nelson ainsi que le chanteur à la voix de baryton qui connaitra son plus grand succès en 1954 dans Oklahoma de Fred Zinnemann, Gordon McRae.

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West Point Story n’aura ni le succès du film de Michael Curtiz (un biopic sur le compositeur George M. Cahn) ni celui de Prologues (Footlight Parade) de Lloyd Bacon dans lequel dès 1933 Cagney prouvait ses réels talents de danseur de claquettes au sein de superbes chorégraphies de Busby Berkeley. Il est évident que le film de Roy Del Ruth ne concoure pas dans la même catégorie ; il n’en demeure pas moins un très honnête divertissement et une comédie musicale souvent très amusante. D’ailleurs ce cinéaste aujourd’hui totalement méconnu aura auparavant déjà bien bourlingué dans le genre, nous en offrant même quelques savoureux exemples comme Born to Dance (L’amiral mène la danse) et Broadway Melody of 1936, tous deux de 1936, Broadway Melody of 1938, ainsi et surtout en 1937 qu’un petit bijou au timing impeccable et aux scènes hilarantes, On the Avenue. On peut donc dire que Roy Del Ruth était en terrain connu et il le prouve à nouveau mettant en scène ici d’impeccables numéros musicaux fort bien réglés dont quelques superbes numéros de claquettes ‘militaires’ prenant pour base musicale des morceaux entièrement rythmiques, assez uniques dans leur genre tout en s’avérant impressionnants de précision et de virtuosité. Cette autre séquence qui voit Gene Nelson danser avec une canne est elle aussi remarquable, démontrant une nouvelle fois qu’avec un bon agent le comédien aurait très bien pu rivaliser – ne serait-ce que du point de vue de la danse acrobatique- avec Gene Kelly, n’ayant en revanche guère eu encore l’occasion de nous montrer s’il possédait ou non de talent dramatique. Quant au couple constitué par Gordon McRae et Doris Day, il tournera à nouveau à deux reprises avec ce cinéaste dès l’année suivante.

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Doris Day qui, telle une star qu’elle est devenue en à peine deux ans, véritable poule aux œufs d’or pour le studio de Jack Warner, se fera ici attendre pas moins de 42 minutes avant sa première apparition. Et quelle entrée en scène ! Avec ‘Ten thousand four hundred thirty two sheeps’, une fantaisiste et revigorante chanson, avant de se voir offrir juste après une scène où elle se retrouve seule avec son partenaire masculin et où leur complicité totale rejaillit sur l’écran d’une manière assez moderne, préfigurant à mon avis –toutes proportions gardées- cette séquence sublime dans The Misfits (Les Désaxés) de John Huston, le petit déjeuner entre Marilyn Monroe et Clark Gable au cours de laquelle on avait l’impression que les deux stars avaient été filmées à leur insu tellement ils faisaient preuve d’un naturel confondant. C’est un peu ce qui ressort également lors de cette séquence de West Point Story, l’encore toute jeune Doris Day nous dévoilant un des secrets qui en avait rapidement fait une comédienne adulée des américains, une manière de jouer de son naturel et de sa propre expérience qui créée une apparente proximité avec les spectateurs (comme dans My Dream is Yours, le parcours artistique de son personnage narré à Gordon McRae lors d'une séquence romantique ressemble beaucoup au sien). Passer de ce style de jeu 'réaliste' au cabotinage le plus jubilatoire, c’est ce que fera l’actrice tout au long de sa carrière, aussi douée dans les deux registres qu’elle le sera dès qu’elle entonnera une chanson. Ici, comme dans Tea for Two, elle nous fait profiter en plus à nouveau de ses talents de danseuse, tout comme d’ailleurs Virginia Mayo que l’on ne s’attendait pas à trouver aussi douée pour la discipline, cette dernière nous délivrant également quelques chansons et un jeu tout en dynamisme et en drôlerie, arrivant même par un effet de mimétisme assez cocasse à imiter son partenaire masculin lorsqu’il pique une colère. Le film se doit d’ailleurs d’être vu rien que pour la manière inénarrable et 'cartoonesque' que Cagney a de bouger les bras et les jambes à toute vitesse et de tous côtés, de sauter de rage et d’exaspération lorsqu’il est énervé. Excessif mais jubilatoire !

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Après Tea for Two de David Butler, Doris Day se retrouve à nouveau dans une comédie musicale dans laquelle les répétitions d’un spectacle se déroulent dans un endroit assez inhabituel, la villa d’un millionnaire dans le précédent, ici dans l’enceinte de l’académie militaire de West Point. L’équipe n’ayant probablement pas eu l’autorisation de tourner en ces lieux d’où ont été issus beaucoup de grands hommes politiques américains et où les règles doivent être aussi strictes que celles qui empêchent Bix de faire ce qu’il veut dans le courant du film, des transparences seront fréquemment utilisées devant lesquelles les comédiens parleront en marchant sur un tapis roulant ; des séquences esthétiquement guère gratifiantes mais vite oubliées au regard de tout ce qui les entoure y compris ce numéro qui aurait pu être gênant car emphatiquement patriotique au cours duquel Gordon McRae et un chœur d’hommes entonnent ‘The Corps’, un hymne chaleureux vantant leur institution et ses grands personnalités. Un monologue un peu ronflant et lourdement propagandiste mais récité avec une telle sincérité par le baryton de service qu’il en serait presque émouvant. Ceci étant dit, les autres seront évidemment bien meilleurs, que ce soit ‘It Could Only Happen in Brooklyn’ et ‘It's Raining Sundrops’ réunissant tous deux le couple Cagney/Mayo, ou encore l’amusant et entêtant ‘By the Kissing Rock’, 'B’Klyn' avec un Cagney survolté, et enfin ‘The Military Polka’ qui nous offre l’une des rares occasions de sa carrière de voir Doris Day danser ; la comédienne aura sur ce tournage tant impressionné son partenaire masculin qu’il fera en 1955 le forcing auprès de la MGM pour qu’elle obtienne à ses côtés dans Love me or Leave me (Les Pièges de la passion) de Charles Vidor, le splendide rôle de la véritable chanteuse Ruth Etting qui deviendra l’un des plus mémorables de sa carrière.

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Certes l’histoire est à la fois un peu idiote et mince, les mélodies pas forcément inoubliables, les transparences utilisées sans parcimonie, tous les participants mieux utilisés par ailleurs et la mise en scène plutôt paresseuse ; le film n’en est pas honteux pour autant mais au contraire fort amusant et suprêmement divertissant grâce avant tout à un James Cagney à l’enthousiasme débordant, plus excité que jamais et qui confirme qu'il était en même temps un dieu des claquettes, ainsi qu’à une Doris Day toujours aussi charmante, le tout enrobé dans de très agréables chansons et numéros musicaux, les arrangements de Ray Heindorf ayant même été nominés aux Oscars. Même s'il n'y a pas de quoi s'en relever la nuit, le sympathique Les Cadets de West Point devrait en tous cas aisément contenter les amateurs de comédies musicales hollywoodiennes !

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On trouve ce film en zone 2 avec VF et VOST. Copie moyenne mais néanmoins regardable.

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Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

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STORM WARNING (Storm Warning)

Réalisation : Stuart Heisler
Avec Doris Day, Ronald Reagan, Ginger Rogers, Steve Cochran
Scénario : Daniel Fuchs & Richard Brooks
Photographie : Carl E. Guthrie (noir et blanc)
Musique : Daniele Amfitheatrof
Une production Warner Bros.
USA - 93 mn - 1951


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Marsha (Ginger Rogers) arrive de nuit à Riverport, petite ville du Sud, dans l’intention de rendre visite à sa sœur Lucy (Doris Day) qu’elle n’a pas revue depuis des années et qui, entretemps, s’est mariée. Dans la ville étrangement (volontairement ?) désertée, Marsha est témoin du passage à tabac et de l’assassinat d’un homme par un groupe cagoulé. Elle a pu aussi voir la figure de deux d’entre eux. Ayant enfin retrouvé sa sœur, elle lui raconte immédiatement ce qu’elle vient de vivre. Quand elle voit son beau-frère (Steve Cochran) pour la première fois, elle découvre stupéfaite qu’il s’agit d’un de deux meurtriers qu’elle a aperçus à visage découvert. Que va-t-elle devoir faire ? Le dénoncer au risque de compromettre le bonheur de sa sœur qui continue à aimer son époux malgré ses ‘frasques’ ? Tout avouer au procureur (Ronald Reagan), le seul homme de la ville à ne pas avoir peur de faire tomber le Ku Klux Klan qui régente la cité et qui pourrait bien être à l’origine du meurtre ?

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S’étant rendu compte que son beau-frère était un meurtrier, Marsha doit-elle ou non le dénoncer aux autorités au risque de compromettre le bonheur de sa sœur ? Le scénario de Richard Brooks va démarrer et se poursuivre sur ce postulat de dilemme pour son personnage principal et développer à la fois cet intéressant cas de conscience, la description (assez bien rendue) d’une ville sous la coupe d’une organisation qui la régente, une intrigue policière basée sur l’enquête du procureur seul et contre tous (aussi bien les coupables que ceux qui préfèrent se taire par lâcheté) ainsi qu'un drame psychologique opposant les deux sœurs et le meurtrier ; le tout débouchant au final sur un prenant climax de thriller. Cocasse et plutôt sympathique de voir la ‘cohabitation’ d’un des acteurs hollywoodiens les plus républicains qui soit (le ‘futur ex-président’ Ronald Reagan) dans un film écrit par un scénariste démocrate jusqu’au bout des ongles en la personne de Richard Brooks qui, dans le même temps, entamera sa belle carrière de cinéaste engagé et vigoureux. Il est d’ailleurs un peu regrettable que ce dernier n’ait pas filmé son histoire car si la mise en scène de Stuart Heisler s'avère très correcte, elle ne possède pas la puissance de celle des films de Brooks de cette époque.

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Cela dit, rien n’empêche ce ‘film noir pamphlétaire’ de se regarder avec un grand plaisir puisque remarquablement photographié par Carl Guthrie (le premier plan de l’arrivée nocturne du bus donne d’emblée le ton), doté d'une bande originale puissante signée par le trop peu connu Daniele Amfitheatrof, ainsi que d'une interprétation de tout premier ordre et dans l'ensemble d’une plutôt appréciable sobriété. On savait Ginger Rogers et Doris Day aussi à l’aise dans le drame que sur des planches ou derrière un micro : en voici de nouveau la preuve. Il s’agissait alors du premier rôle ‘non chantant’ de Doris Day qui a l’occasion pouvait accomplir l’un de ses rêves, tourner avec son idole de jeunesse qu’était Ginger Rogers ;
Spoiler (cliquez pour afficher)
ce sera également le seul film où son personnage mourra [Fin du spoiler]. Steve Cochran, qui a dû être marqué par l’interprétation de Marlon Brando dans Un Tramway nommé Désir cette même année, compose un personnage négatif assez angoissant (Storm Warning possède d’ailleurs quelques autres points communs avec le film d'Elia Kazan, que ce soit dans l’intrigue, les personnages et l’atmosphère) même s'il ne peut s'empêcher de rouler les yeux un peu trop souvent. Quant à Ronald Reagan, il est remarquablement à l’aise dans le seul rôle entièrement honnête et incorruptible du film ; les scénaristes ont d’ailleurs eu la bonne idée de ne pas le faire tomber amoureux du personnage interprété par Ginger Rogers (un rôle prévue au départ pour Lauren Bacall), une histoire d’amour inutile nous étant ainsi épargné. Il ne faudrait pas non plus oublier une belle brochette de seconds rôles dont les excellents Hugh Sanders, Lloyd Gough ou Ned Glass.

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Concis, d’une belle efficacité dramatique et optant de plus pour une approche assez réaliste, ce scénario courageux omet cependant de mentionner les idéologies racistes du KKK. En 1936, la Warner avait produit Black Legion d’Archie Mayo qui narrait l’histoire d’un ouvrier (Humphrey Bogart) devenant membre du Klan avant de le dénoncer. Quinze ans plus tard, le studio récidive avec Storm Warning qui, sans prêche inutile, stigmatise à nouveau les méfaits du groupe sans malheureusement jamais parler de ses idées, faisant du Klan une vulgaire organisation mafieuse bigote et haineuse : la dénonciation sociale perd ainsi un peu de sa vigueur. Mais le final reste toujours aussi impressionnant avec cette montée dramatique qui culmine dans une séquence nocturne utilisant une importante figuration de non professionnels, des contre-plongées sur la croix en feu du Ku Klux Klan, le tout nous mettant sous le nez la xénophobie galopante qui gangrène une ville et des gens à priori comme vous et moi. Manquant d’un véritable auteur derrière la caméra mais courageux et rondement mené. Une petite réussite !

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Le film se trouve aux USA dans un coffret consacré à Ronald Reagan. Le DVD est all zones et possède une VOSTF. Belle copie.

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Re: Doris Day

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ESCALE A BROADWAY (Lullaby of Broadway)

Réalisation : David Butler
Avec Doris Day, Gene Nelson, Billy de Wolfe, S.Z. Sakall
Scénario : Earl Baldwin
Photographie : Wilfred M. Cline (Technicolor)
Musique : Divers sous la direction de Ray Heindorf
Une production Warner Bros.
USA - 92 mn - 1951


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Après plusieurs années passées en Angleterre, la jeune chanteuse Melinda (Doris Day) décide de revenir à New York pour aller rendre visite à sa mère Jessica (Gladys George), une vedette de Broadway qu’elle n’a pas revu depuis des années. Ce dont Melinda ne se doute pas est que sa mère n’est plus désormais qu’une star déchue, tombée dans l’alcoolisme et obligée de se produire dans les cabarets les plus malfamés de Greenwich Village. Lorsqu’elle se rend à la villa de sa mère qui appartient désormais à Adolph Hubell (S.Z. Sakall), un producteur de comédies musicales sur Broadway, elle est accueillie par les serviteurs (Billy de Wolfe & Anne Triola), ex-partenaires de Jessica à la scène. Pour lui cacher la déchéance de sa mère, ils font croire à Melinda qu'elle est partie en tournée. Hubbell, tombé sous le charme de Melinda, lui propose le premier rôle dans son prochain spectacle où se produira aussi le danseur de claquette Tom Farnham (Gene Nelson) qu’elle a rencontré sur le paquebot et dont elle va tomber amoureuse. Son plus grand souhait est que sa mère puisse partager tout ce bonheur qui lui tombe dessus. Encore faut-il qu’elles puissent se rencontrer à nouveau sans que la fille n’apprenne la triste vérité sur sa mère. Entretenir l’illusion d’une femme toujours au sommet de sa gloire, c’est ce que vont s’évertuer à mettre en place tout l’entourage de Jessica ; ce qui ne va pas sans provoquer quelques quiproquos...

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Si la Warner, dans le domaine de la comédie musicale, a donné le meilleur d’elle-même dans les années 30 avec les films réalisés et (ou) chorégraphiés par Busby Berkeley, à l’inverse de la MGM, elle ne nous a plus laissé grand-chose de mémorable dans ce genre par la suite, si l’on excepte quelques superbes réussites isolées tels Une Etoile est née (A Star is Born) ou Pique-nique en pyjama (Pajama Game), ce dernier avec en tête d’affiche l’actrice principale de cet Escale à Broadway, Doris Day. Rien de franchement inoubliable dans le lot mais néanmoins de nombreux films hautement divertissants dont la plupart de ceux interprétés par l’ex-chanteuse de Big Band découverte par Michael Curtiz en 1948. En 1951, à l’époque de Lullaby of Broadway, la jeune actrice, avec déjà sept films à son actif, n’était encore pas devenue une star du grand écran adulée par les américains mais commençait à être une valeur sûre pour le studio qui était quasi-certain de rentrer dans ses frais à chaque fois qu'elle était présente au générique d'une de leur production. C'est Calamity Jane deux ans plus tard qui allait la propulser tout au sommet ; elle n’allait plus en redescendre avant sa retraite cinématographique qui aura lieu assez tôt, à seulement 46 ans !

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En 1951, Doris Day commençait sérieusement à plaire de plus en plus à la fois aux hommes par son sex-appeal et sa gentillesse qu’à la gent féminine pour ses personnages de femmes modernes, indépendantes et n'ayant pas froid aux yeux dont le premier exemple sera justement celui qu’elle tient dans Lullaby of Broadway, rembarrant par exemple avec aplomb son jeune prétendant un peu trop empressé dès les premières séquences. Doris Day avait donc débuté dans le cinéma seulement trois ans auparavant, déjà à la Warner, sous la baguette de Michael Curtiz qui la dirigera à nouveau à plusieurs reprises les années suivantes y compris dans le dramatique La Femme aux chimères (Young with a Horn) où elle avait pour partenaire non moins que Kirk Douglas et Lauren Bacall. Tout en continuant d’enregistrer des disques, elle ne cessera désormais plus de tourner incarnant l’américaine typique joviale et dynamique. Et si ses compétences de chanteuse ont toujours été reconnues, il faudrait insister sur ses indéniables talents d’actrice qui s'améliorent de film en film, trouvant dans Escale à Broadway un parfait équilibre entre naturel et fantaisie, pétulance et effronterie.

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Cette comédie musicale colorée, tout comme plus tard le Calamity Jane du même David Butler, si elle n’a absolument rien d’exceptionnel devrait néanmoins grandement plaire aux amateurs du genre, aux amoureux du Technicolor (l'actrice principale s'étant vu offrir ici une garde-robe de folie, on s'en prend plein les yeux) et à ceux qui ne peuvent s’empêcher de craquer devant l’entrain, le sourire, la voix sensuelle et la manière de chanter de Doris Day, Il s’agit d’un vaudeville musical parfaitement conventionnel mais à la fois assez amusant dans ses quiproquos tout en étant capable d'émouvoir, témoin les retrouvailles très touchantes entre la mère et la fille. Le film ne brille certes ni par son scénario cependant plutôt bien mené, ni par sa réalisation assez quelconque, mais le naturel et la bonne humeur de Doris Day sont communicatifs et, non contente d'être excellente chanteuse, se révèle ici superbe danseuse de claquettes. L’on sait que son rêve d’une carrière de danseuse a pris fin à la suite d’un accident de voiture alors qu’elle avait 16 ans ; on imagine qu’elle aurait aisément pu faire partie des plus grandes dans le domaine quant on la voit évoluer dans l’excellent final qui donne son titre au film ou même auparavant dans une autre séquence la réunissant déjà à Gene Nelson, 'Somebody Loves me', deux numéros superbement chorégraphiés par Eddie et Leroy Prinz.

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Son partenaire, Gene Nelson, s’il s'avère sans conteste étonnement virtuose en tant que danseur, peut difficilement se targuer de l’être en tant que comédien, sa ‘non-performance’ sautant aux yeux malgré un capital sympathie bien présent. L’utilisation des seconds rôles ne manque pas de pittoresque même si elle ne brille pas par sa légèreté (ce n'est pas ce qu'on leur demande non plus) : l’on retrouve l’habituel S.Z Sakall dans le rôle du producteur au grand cœur qui tombe sous le charme de sa nouvelle vedette sous les yeux de son épouse acariâtre et jalouse, très amusante Florence Bates ; le cocasse duo de 'serviteurs ex-comédiens' constitué par Billy De Wolfe (moins hilarant cependant que dans Tea for Two) et Anne Triola, tous deux excellents dans leur chanson ‘You’re Dependable’ ; et enfin Gladys George qui apporte sa touche d’émotion au film dans la peau de l’ex-star déchue et alcoolique reprenant même une chanson qu’elle entonnait déjà dans les années 30, ‘In a Shanty in Old Shanty Town’. Nous pouvons également nous régaler des standards utilisés au cours du film, quasiment tous déjà également présents dans des films des années 30, ici brillamment réorchestrés façon jazz par Ray Heindorf et Howard Jackson et bénéficiant de belles chorégraphies.

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Au menu : 'Just one of those Things' de Cole Porter qui ouvre le film avec une Doris Day portant admirablement bien le smoking ; 'You’re Getting to be a Habit with me' ainsi que le fameux 'Lullaby of Broadway' tiré de Chercheuses d’or 1935, composés par Harry Warren et Al Dubin ; 'Zing Went the Strings of my Heart' avec le Page Cavanaugh Trio et qui démontre le brio et l'agilité hallucinants de Gene Nelson qui arrive même à sauter sur un piano et à continuer à faire des claquettes dessus ; le réjouissant duo Doris Day/Gene Nelson constitué par 'Somebody Loves me' de George Gershwin ; 'I Love The Way You Say Goodnight' d’Eddie Pola où, comme déjà Fred Astaire dans Easter Parade de Charles Walters, nous voyons danser le couple au ralenti… Un très beau Tracklisting pour une comédie musicale qui atteint son but, celui de divertir et de nous éclairer le visage d’un sourire durant 90 minutes.

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Le film existe en zone 1 (misible sur lecteurs de zone 2) dans un DVD de bonne qualité. VOSTF incluse.

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Supfiction
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Re: Doris Day

Message par Supfiction »

Jeremy Fox a écrit :07
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STORM WARNING (Storm Warning)
Spoiler (cliquez pour afficher)
Réalisation : Stuart Heisler
Avec Doris Day, Ronald Reagan, Ginger Rogers, Steve Cochran
Scénario : Daniel Fuchs & Richard Brooks
Photographie : Carl E. Guthrie (noir et blanc)
Musique : Daniele Amfitheatrof
Une production Warner Bros.
USA - 93 mn - 1951


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Marsha (Ginger Rogers) arrive de nuit à Riverport, petite ville du Sud, dans l’intention de rendre visite à sa sœur Lucy (Doris Day) qu’elle n’a pas revue depuis des années et qui, entretemps, s’est mariée. Dans la ville étrangement (volontairement ?) désertée, Marsha est témoin du passage à tabac et de l’assassinat d’un homme par un groupe cagoulé. Elle a pu aussi voir la figure de deux d’entre eux. Ayant enfin retrouvé sa sœur, elle lui raconte immédiatement ce qu’elle vient de vivre. Quand elle voit son beau-frère (Steve Cochran) pour la première fois, elle découvre stupéfaite qu’il s’agit d’un de deux meurtriers qu’elle a aperçus à visage découvert. Que va-t-elle devoir faire ? Le dénoncer au risque de compromettre le bonheur de sa sœur qui continue à aimer son époux malgré ses ‘frasques’ ? Tout avouer au procureur (Ronald Reagan), le seul homme de la ville à ne pas avoir peur de faire tomber le Ku Klux Klan qui régente la cité et qui pourrait bien être à l’origine du meurtre ?

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S’étant rendu compte que son beau-frère était un meurtrier, Marsha doit-elle ou non le dénoncer aux autorités au risque de compromettre le bonheur de sa sœur ? Le scénario de Richard Brooks va démarrer et se poursuivre sur ce postulat de dilemme pour son personnage principal et développer à la fois cet intéressant cas de conscience, la description (assez bien rendue) d’une ville sous la coupe d’une organisation qui la régente, une intrigue policière basée sur l’enquête du procureur seul et contre tous (aussi bien les coupables que ceux qui préfèrent se taire par lâcheté) ainsi qu'un drame psychologique opposant les deux sœurs et le meurtrier ; le tout débouchant au final sur un prenant climax de thriller. Cocasse et plutôt sympathique de voir la ‘cohabitation’ d’un des acteurs hollywoodiens les plus républicains qui soit (le ‘futur ex-président’ Ronald Reagan) dans un film écrit par un scénariste démocrate jusqu’au bout des ongles en la personne de Richard Brooks qui, dans le même temps, entamera sa belle carrière de cinéaste engagé et vigoureux. Il est d’ailleurs un peu regrettable que ce dernier n’ait pas filmé son histoire car si la mise en scène de Stuart Heisler s'avère très correcte, elle ne possède pas la puissance de celle des films de Brooks de cette époque.

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Cela dit, rien n’empêche ce ‘film noir pamphlétaire’ de se regarder avec un grand plaisir puisque remarquablement photographié par Carl Guthrie (le premier plan de l’arrivée nocturne du bus donne d’emblée le ton), doté d'une bande originale puissante signée par le trop peu connu Daniele Amfitheatrof, ainsi que d'une interprétation de tout premier ordre et dans l'ensemble d’une plutôt appréciable sobriété. On savait Ginger Rogers et Doris Day aussi à l’aise dans le drame que sur des planches ou derrière un micro : en voici de nouveau la preuve. Il s’agissait alors du premier rôle ‘non chantant’ de Doris Day qui a l’occasion pouvait accomplir l’un de ses rêves, tourner avec son idole de jeunesse qu’était Ginger Rogers ;
Spoiler (cliquez pour afficher)
ce sera également le seul film où son personnage mourra [Fin du spoiler]. Steve Cochran, qui a dû être marqué par l’interprétation de Marlon Brando dans Un Tramway nommé Désir cette même année, compose un personnage négatif assez angoissant (Storm Warning possède d’ailleurs quelques autres points communs avec le film d'Elia Kazan, que ce soit dans l’intrigue, les personnages et l’atmosphère) même s'il ne peut s'empêcher de rouler les yeux un peu trop souvent. Quant à Ronald Reagan, il est remarquablement à l’aise dans le seul rôle entièrement honnête et incorruptible du film ; les scénaristes ont d’ailleurs eu la bonne idée de ne pas le faire tomber amoureux du personnage interprété par Ginger Rogers (un rôle prévue au départ pour Lauren Bacall), une histoire d’amour inutile nous étant ainsi épargné. Il ne faudrait pas non plus oublier une belle brochette de seconds rôles dont les excellents Hugh Sanders, Lloyd Gough ou Ned Glass.

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Concis, d’une belle efficacité dramatique et optant de plus pour une approche assez réaliste, ce scénario courageux omet cependant de mentionner les idéologies racistes du KKK. En 1936, la Warner avait produit Black Legion d’Archie Mayo qui narrait l’histoire d’un ouvrier (Humphrey Bogart) devenant membre du Klan avant de le dénoncer. Quinze ans plus tard, le studio récidive avec Storm Warning qui, sans prêche inutile, stigmatise à nouveau les méfaits du groupe sans malheureusement jamais parler de ses idées, faisant du Klan une vulgaire organisation mafieuse bigote et haineuse : la dénonciation sociale perd ainsi un peu de sa vigueur. Mais le final reste toujours aussi impressionnant avec cette montée dramatique qui culmine dans une séquence nocturne utilisant une importante figuration de non professionnels, des contre-plongées sur la croix en feu du Ku Klux Klan, le tout nous mettant sous le nez la xénophobie galopante qui gangrène une ville et des gens à priori comme vous et moi. Manquant d’un véritable auteur derrière la caméra mais courageux et rondement mené. Une petite réussite !
Je n'avais pas eu le temps de réagir. Le film est effectivement très très bon. Les deux actrices sont parfaites et Steve Cochran m'a bien plu également, réussissant à composer un personnage de petite frappe ambigu, lâche et souvent faible quand il est seul. Reagan en revanche est assez quelconque. Je ne trouve absolument aucun problème au fait que le film de précise pas l'idéologie du KKK. Je ne suis pas spécialiste du sujet, peut-être qu'à l'époque ce n'était pas évident pour tout le monde, mais aujourd'hui le film fonctionne totalement ainsi et surement mieux que si le réalisateur avait longuement appuyé sur le sujet en expliquant tout ou en étant moralisateur.
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Jeremy Fox
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Re: Doris Day

Message par Jeremy Fox »

09
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LE BAL DU PRINTEMPS (On Moonlight Bay)

Réalisation : Roy Del Ruth
Avec Doris Day, Gordon McRae, Jack Smith, Leon Ames
Scénario : Jack Rose & Melville Shavelson
Photographie : Ernest Haller (Technicolor)
Musique : Divers sous la direction de Ray Heindorf
Une production Warner Bros.
USA - 94 mn - 1951


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1917 ; une petite ville de l’Indiana. Le banquier George Winfield (Leon Ames) vient s’installer dans une nouvelle maison flambant neuve. Ce dont il ne s’attendait pas est que ce n’est pas du tout du goût ni de sa femme Alice (Rosemary DeCamp) ni de ses deux enfants, Marjorie (Doris Day), garçon manqué de 18 ans, et Wesley (Billy Gray), 11 ans. Ils n’arrivent pas à retrouver leurs marques dans cette très grande demeure et regrettent leurs amis et habitudes. Même leur servante Stella (Mary Wickes) se plaint des ‘kilomètres’ qu’elle doit faire pour effectuer n’importe quelles tâches ménagères. Le déménagement partait pourtant d’une bonne intention, le patriarche un peu ‘vieux jeu’ espérant ainsi offrir aux membres de sa famille un entourage plus ‘décent’. Malgré cet emménagement assez laborieux, Wesley finit par trouver un nouveau camarade alors que Marjorie tombe amoureuse du frère de ce dernier, William (Gordon McRae), un universitaire qui ne comprend pas que l’on ait envie de s’amuser alors que de l’autre côté de l’Atlantique des hommes se font tuer lors du premier conflit mondial. Marjorie délaisse alors le base-ball pour séduire William. Mais, alors qu’il est fin prêt à accepter la demande en mariage de son futur gendre, George entend ses récriminations envers les métiers de la finance et le chasse de sa maison en lui demandant de ne plus fréquenter son ainée…

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Dans le domaine du film musical, Doris Day aura déjà en à peine 4 ans tâté de tous les sous genres. Après l’exotisme (Romance à Rio – Romance on the High Seas), le quasi autobiographique à tendance 'sociale' (Il y a de l’amour dans l’air – My Dream is yours), la satire de l’univers hollywoodien (Les travailleurs du chapeau – It’s a Great Feeling), le drame (La Femme aux chimères – Young Man with the Horn) ou le vaudeville ayant pour postulat de départ principal la mise en place d’un spectacle (No no Nanette – Tea for Two ainsi que Escale à Broadway – Lullaby of Broadway), la voilà qui aborde sous la direction de Roy Del Ruth qui l’avait déjà dirigé dans Les Cadets de West Point – The West Point Story la comédie musicale nostalgique à la manière du mémorable Meet me in St-Louis (Le Chant du Missouri) de Vincente Minnelli. Autant le dire d’emblée, les deux films ne boxent pas dans la même catégorie et On the Moonlight Bay ne retrouve jamais la magie de son prédécesseur tagué MGM.

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Comme le film de Vincente Minnelli, Le Bal du printemps se déroule donc en début de siècle au sein d'un quartier chic typique des petites villes américaines 'de province', dans une villa quasiment identique à celle de la famille Smith de St-Louis ; le film est rythmé par les saisons, la période de Noël étant évidemment ici aussi la plus importante. Comme de bien entendu, nous y trouverons donc également pêle-mêle une villa cossue ou les repas sont préparés par une servante acariâtre mais au grand cœur, un couple de parents aimants mais aux idées un peu 'arriérés' du point de vue de leur progéniture, un jeune garçon espiègle voire parfois démoniaque, une jeune fille qui, de garçon manqué jouant encore mieux au base-ball que ses camarades masculins, va se transformer en une jolie jeune fille une fois tombée amoureuse du ‘Boy next Door’, des sorties au bal, des batailles de boules de neige, des maisons richement décorées à l’approche des fêtes de Noël… Le parfait attirail du film familial nostalgique comme pouvait déjà l’être également cette sorte de modèle qu’était Les 4 filles du Dr March (Little Women) de Mervyn LeRoy avec son Technicolor rutilant, ses décors et costumes qui flashent, ses bons sentiments, ses touches gentiment humoristiques et ses séquences romantiques surannées. Des films que l’on a eu coutume de décrire comme ‘des tranches d’Americana’, montrant une Amérique souvent idéalisée et grandement fantaisiste au sein de laquelle il fait bon vivre malgré les tracasseries quotidiennes. Durant les périodes un peu sombres, les spectateurs américains aimaient logiquement à venir se ressourcer auprès de ce genre de spectacles.

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On Moonlight Bay est l’adaptation des histoires de Penrod par le célèbre écrivain Booth Tarkington (La Splendeur des Amberson, Alice Adams…), des récits semi-autobiographiques et gentiment satiriques inspirés par sa jeunesse en Indiana. Le scénario des duettistes Jack Rose & Melville Shavelson (déjà auteur de celui très amusant de It’s a Great Feeling) est assez conventionnel si ce ne sont les idées assez progressistes du personnage incarné par Gordon McRae fustigeant le capitalisme, les métiers de la finance, les institutions comme le mariage voire même le sacro-saint baseball ("Baseball! It's the national insanity. At a time like this when, when civilization is crumbling beneath our feet, our generation is playing baseball!)" Mais il se pourrait que ce soit pour mieux s’en moquer puisqu’en fin de compte William rentrera dans le rang avec bonheur, deviendra un bourgeois respectable, s’engageant même dans l’armée pour aller combattre sur le front européen (alors que débute la Guerre de Corée, il se pourrait que dans les intentions des auteurs il y ait eu un message patriotique en faveur de l’engagement des américains dans ce conflit). Sinon, si l’on y trouve cinq ou six standards musicaux du début du siècle, la partie dévolue à la musique reste néanmoins à portion congrue, l’ensemble ne devant guère dépasser le quart d’heure. Elle nous aura néanmoins permis d’apprécier une fois encore le talent hors pair de nos deux tourtereaux à nouveau interprétés par le couple Doris Day/Gordon McRae qui chantera également, outre les traditionnels ‘Till We Meet Again’, ‘Cuddle Up A Little Closer’, ‘I'm Forever Blowing Bubbles’ ainsi que la chanson titre, une très jolie mélodie écrite spécialement pour le film, ‘The Christmas Story’.

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Ceux que le genre de la comédie musicale fait fuir justement à cause de la musique pourraient donc pouvoir apprécier cette petite comédie familiale à l’américaine qui ne compte pas énormément de chansons et aucun numéro de danse si ce n’est celui très rafraichissant du ‘Turkey Trot’ que le professeur de danse très axé sur les danses de salon accepte à contre cœur après avoir eu cette réflexion très amusante : "Such dances they play now. The Grizzly Bear! The Bunny Hug! The Kangaroo Dip! Am I a dance teacher or an animal trainer?" Les fans de Doris Day apprécieront de la voir dans un rôle un peu différent de ses précédents, adorable, charmante et énergique en garçon manqué et en tenue de joueuse de baseball, devenant du jour au lendemain très féminine une fois tombée amoureuse. Tout comme son partenaire masculin -plutôt convaincant en étudiant têtu et aux idées ‘larges’- elle fait un peu trop âgée pour son rôle mais son entrain fait vite oublier ce manque de crédibilité. Le couple est plutôt bien entouré par cet autre, tout aussi attachant, interprété par Leon Ames -déjà le père de Judy Garland dans Meet me in St-Louis- et Rosemary DeCamp -la mère de James Cagney dans Yankee Doodle Dandy- mais surtout aussi par les inénarrables Mary Wickes dans le rôle de la servante irascible et ne pouvant pas se déplacer sans se faire bousculer par un membre de la famille qui par la même occasion fait tomber de ses mains tout ce qu’elle porte, ainsi enfin que par le jeune Billy Gray, présent dans presque toutes les séquences humoristiques par le fait d’enchainer bêtises sur mensonges à l’origine de situations souvent cocasses.

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Le film sera un très grand succès, l’un des plus grands de l’année 1951, d’où deux ans après la mise en chantier d’une suite avec les mêmes personnages, réalisée cette fois par David Butler, By the Light of a Silvery Moon, film sur lequel je reviendrais un peu plus tard. En attendant, il n’est pas interdit de tomber sous le charme de cette comédie certes un peu datée et fortement désuète mais pas désagréable pour autant, surtout lorsqu'elle nous rappelle avec plein de bon sens qu’il faut toujours se souvenir avoir été jeune et d’être ainsi plus tolérant envers les ‘bêtises’ et écarts de ses propres enfants. Et puis ce Technicolor qui nous fait pardonner beaucoup de choses et devant lequel je n’ai pas fini de m’extasier ! Gentillet, loin d'être inoubliable mais bien plaisant !

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Le film existe dans un DVD lisible sur lecteurs zone 2 mais sans sous titres français. Copie assez belle.

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