Le polar italien des années 60/70

[hellrick]

Sans en avoir vu autant, quelques titres sympathiques à redécouvrir

- La peur règne sur la ville : de ce que j'ai vu le sommet du polar reac à l'italienne, à faire passer Bronson et Dirty Harry pour des hippies gauchiste avec la réplique culte du flic dur à cuire qui abat une racaille dans le dos et déclare ensuite à un curé désapprobateur "c'est grâce à des mecs comme moi que des mecs comme toi peuvent vivre tranquilles"

- The Big Racket. Un mélange de polar et de vigilante movie là aussi tout à fait réac et radical... donc délectable. Make my day punk!

- Live like a man, die like a cop. Du très bon polar...et quel titre!

- A tutte le auto della polizia un mélange polar giallo qui s'inspire effrontément de la Lame infernale. Un poil en deçà du film précité mais quand même très bon

[Julien Léonard]

Des quatre films que tu cites, j'ai vu les deux premiers et je suis bien d'accord. Paura in citta n'est pas ce que Merli a fait de mieux (Umberto Lenzi est plus à l'aise pour le mettre en valeur), mais c'est très efficace. Quant à The big racket, c'est énorme... Très tendu, très noir, et finalement assez amer. On a l’impression que le film préfigure le A toute épreuve de John Woo.

[manuma]

Du top 10 de Julien Léonard, je virerais juste le Colère noire de Di Leo - pas mal, mais pas définitif dans le genre - pour le remplacer par La Mala ordina ou Salut des pourris du même auteur.

Pas trop fan de The Big racket en revanche, mais Castellari, c'est pas trop mon truc en règle générale.

Deux titres pas encore cités que j'avais bien apprécié : Liberi armati pericolosi de Romolo Guerrieri, avec Tomas Milian et Eleonora Giorgi, écrit par Di Leo, et Equipe spéciale de Domenico Paolella avec Vittorio Mezzogiorno et l'indispensable Marcel Bozzuffi.

[Shin Cyberlapinou]

J'ai un peu honte de le dire mais après avoir pas mal fantasmé sur ce genre (notamment par la grâce du HS Mad Movies spécial Italie, peut-être le dernier truc vraiment balaise qu'ils aient produit) j'ai fini par modérer mes attentes à force de tomber sur des titres sympathiques mais un peu interchangeables (les Merli en particulier. Ca m'a fait un peu la même chose sur les films de sabre de la Shaw ou les films de yakuza de Fukasaku), même des titres aussi estimables que Bandis à Milan ou Milan Calibre 9 ne m'ont pas retourné autant qu'ils auraient dû. J'ai quand même un top 3 perso:

- La poursuite implacable/Revolver de Sergio Sollima. Tendu, politique, pessimiste, le film peut-être vu comme une relecture plus sombre de Colorado (un homme mûr et intégré devant revoir son sytème de valeurs au contact d'un jeune marginal) du même Sollima.

- Big racket. Bon, Castellari n'est pas bien subtil, reste que j'adore son Keoma et sous ses allures de vigilante movie revanchard on tient là une belle pépite nihiliste (le sous-estimé Fabio Testi et son flic quasi autiste) quand même plus intéressantes que les séries B linéaires de Maurizio Merli (même si j'aime bien ses affrontements avec mon chouchou Tomas Milian).

- La mala ordina/L'empire du crime de Fernando Di Leo. Souvent éclipsé par Milan Calibre 9 j'ai beaucoup de sympathie pour ce polar ultracarré où un proxénète minable (protagoniste rarement utilisé au cinéma, hors blaxploitation) se découvre de sacrées ressources quand il se retrouve pris dans un complot criminel. Avec en bonus une très belle scène hardcore

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fou de douleur après le meurtre sauvage de sa femme et de sa fille, le héros se lance à la poursuite des tueurs, s'accroche à leur fourgon et se met à en défoncer le parebrise à coup de tête

.

[Julien Léonard]

Effectivement, poussé par ces avis à propos de La mala ordina, je l'ai regardé. Blu-ray très solide, au passage.

Une claque monstrueuse... je n'en n'attendais pas autant. Le film ne cesse de monter en puissance, ne se contentant jamais d'une excellente scène passée. Il enchaîne les moments insensés et anthologiques avec une rythmique impensable. La scène de poursuite centrale est d'une efficacité incroyable, tout étant basé sur un montage sec et une très grande tension nerveuse qui met le spectateur sous pression. L'acteur Mario Adorf est remarquable dans ce rôle, et très inattendu lui aussi. Il a sans aucun doute dû beaucoup donner de lui-même lors du tournage. Difficile d'en faire ressortir une vision globale pour le moment, il faut que l'enthousiasme retombe un peu. Reste probablement l'un des films neo noirs les plus impressionnants que j'ai pu découvrir, jamais en-dessous de ce qu'il devrait être, toujours au-dessus des attentes.

Essentiel, exceptionnel. Fernando Di Leo est décidément l'auteur primordial du neo polar. Un auteur à redécouvrir d'urgence. Un film à redécouvrir d'urgence.

[Shin Cyberlapinou]

J'en profite pour évoquer (si ça n'a pas déjà été fait) ici et faute de mieux Avere vent'anni

,

pas un polar, ni même un giallo, mais une espèce de chronique de moeurs libertaire. Comme une andouille j'avais lancé le montage US du double DVD Raro Video et ça m'a bien abimé l'impact du film, qui se présente comme une oeuvre légère et joyeuse (en gros les escapades de deux jeunes filles bien décidées à profiter de la vie) avant de nous montrer le côté sombre du machisme à l'italienne. Je ne tiens pas nécessairement Fernando di Leo pour un immense cinéaste (même dans sa catégorie) mais il avait indéniablement des choses à dire. 7/10.

[manuma]

J'en profite pour évoquer (si ça n'a pas déjà été fait) ici et faute de mieux Avere vent'anni

,

pas un polar, ni même un giallo, mais une espèce de chronique de moeurs libertaire. Comme une andouille j'avais lancé le montage US du double DVD Raro Video et ça m'a bien abimé l'impact du film, qui se présente comme une oeuvre légère et joyeuse (en gros les escapades de deux jeunes filles bien décidées à profiter de la vie) avant de nous montrer le côté sombre du machisme à l'italienne. Je ne tiens pas nécessairement Fernando di Leo pour un immense cinéaste (même dans sa catégorie) mais il avait indéniablement des choses à dire. 7/10.

Un film que j'aime bien également, analysant à sa façon la fin des utopies soixante-huitardes, à rattacher au plus mineur Brucia, ragazzo, brucia dans sa carrière.

Di Leo, je le trouve un peu à part dans le genre Poliziottesco. A la différence des Umberto Lenzi, Mario Caiano, Marino Girolami, Stelvio Massi et autres Castellari, tous plus ou moins habiles faiseurs cherchant avant tout à exploiter la mode du polar urbain à la Dirty Harry, lui est un cinéaste ouvertement engagé aimant à faire passer des messages dans ses films. Par ailleurs, il me semble que ses plus célèbres travaux se rapprochent davantage du film noir social que du pur poliziottesco.

[Julien Léonard]

Je me note ce film, cela me donne envie.

Tout à fait, Fernando Di Leo réalise du polar, très nerveux, très noir... De fait, il s'agit souvent de film noir. Jean-Baptiste Thoret (qui est l'une de mes idoles) le classe néanmoins dans le genre poliziottesco, mais en différenciant son appartenance au genre. De fait, il n'y a pas un polar italien dans les années 1970, mais bien des polars italiens. Difficile de connecter un Fernando Di Leo, un Massimo Dallamano et un Maurizio Merli (notez que là je cite l'acteur) au même arbre de genre, et pourtant on peut. Il s'agit selon moi de différentes visions de ce que le genre peut apporter, et de ce qu'il peut utiliser comme souche dramatique. J'aurais tendance à penser (mais l'avenir dans mes visionnages me démontrera peut-être mon tort) que le neo polar est multiple, et que ses incessants changements de directions au travers d'une production frénétique (bien plus soutenue qu'aux USA) ne sont que le fruit d'une société italienne sur le point d'imploser. Le genre répond aux besoins et aux souhaits du public, et tergiverse, fonce sur un coup de tête, reprend son souffle, prend une carrure humaniste (Dallamano et La lame infernale peuvent en témoigner) pour enfin s’enraciner dans une nature droitière à base de simili-Dirty Harry retors et sans problème de conscience. C'est passionnant, justement parce que le neo polar ne cesse de prendre le pouls de son pays et de ses populations.

Quant à Fernando Di Leo, je dirais personnellement qu'il s'agit d'un grand cinéaste. Je n'ai vu que six films de ce réalisateur, et même quand l'ensemble est plus mineur, cela reste passionnant. Il n'y a qu'à voir Milan calibre 9, mélange de cinéma Melvillien, de violence à l'italienne, de rebondissements assumés avec la rage du désespoir, sans oublier des acteurs remarquables et une musique inoubliable... le tout menant à une fin parmi les plus sèches et violentes que j'ai jamais vu :

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Le jeune Luca crible Ugo de balles de 9mm, tandis que ce dernier frappe son ancienne compagne d'un poing meurtrier avant de rendre l'âme. Survient Rocco et sa réaction inattendue (il tue Luca pour une raison que je n'entrevoyais pas auparavant), et enfin la police venant ramasser les cadavres. Le fil se conclut sur ce mégot de cigarette à demi posé sur une table en verre, se consumant peu à peu. Rien de maniériste, juste une vision d'auteur. Magnifique et terrible.

Di Leo a l'art de soulever son spectateur et de lui offrir un spectacle unique et tendu, avec une matière à la base vue et revue. C'est un enragé, intellectuel et très sensible à la fois. Il ne négocie pas avec ses films, il tourne comme il en a envie et livre l'uppercut dont il a envie. Pour ma part, je reste totalement secoué par La mala ordina, un modèle de film noir comme on n'en voit plus. Et Mario Adorf, quel acteur...

Enfin, Di Leo a l'art d'ouvrir ses films. Ses séquences pré-génériques sont souvent essentielles pour intégrer le film, son idée et son fond.

[Shin Cyberlapinou]

Motivé par l'existence de ce topic, je me suis essayé au Live like a cop, die like a man de Ruggero Deodato sur un scénario de Fernando Di Leo, soit les aventures de deux flics burnés traquant le crime avec acharnement.

Ca commence de façon nerveuse avec une belle poursuite en moto. Ca continue classiquement avec le commissaire qui les engueule parce qu'ils ne suivent pas le règlement. Puis ça devient bizarre: les deux héros sont deux bellâtres têtes à claques vivant ensemble, roulant à deux sur une moto et draguant tout ce qui bouge comme des gros lourds au cas où on se demanderait s'ils ne sont pas homos, et surtout flinguant et torturant à tout va, rebondissant de braquages en tripots clandestins par la grâce de tuyau qui tombe toujours au bon moment, tellement motivés à éliminer le crime qu'ils sont prêts à interrompre une prise d'otages en tirant dans tous les sens parce que bon, "ils ont déjà tué 3 otages sur 4, alors une vieille de plus ou de moins...".

Et c'est là que j'ai compris: non, Deodato et Di Leo ne cherchent pas à concurrencer Maurizio Merli sur son terrain mais font bien une mise en boite de tous ces fantasmes de justice expéditive (tellement expéditive d'ailleurs que les héros butent des braqueurs avant qu'ils commettent le braquage) et Live like a cop... est au polar réac ce que Starship Troopers est à la SF militariste: une satire cynique, méchante et absurde. Non pas que le film soit un chef d'oeuvre: Deodato est un faiseur parfois inspiré là où Paul Verhoeven est un grand cinéaste, le film est donc gentiment dilletante dans son rythme et superficiel dans son propos, et on sent quand même les concessions dans les coupes de plans gore ou la fin (

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tout est fait pour des les héros meurent comme des cons. Ils survivent, mais restent cons

). Reste qu'on a là un polar assez atypique par rapport au genre et un exercice de style limité mais souvent amusant. 6,5/10.

[manuma]

(tellement expéditive d'ailleurs que les héros butent des braqueurs avant qu'ils commettent le braquage)

Ce petit excès de zèle leur vaut tout de même une remontée de bretelles par leur hiérarchie

Non seulement les 2 loustics vivent ensemble, mais, si je me souviens bien, ils dorment dans la même piaule !

[hellrick]

Non seulement les 2 loustics vivent ensemble, mais, si je me souviens bien, ils dorment dans la même piaule !

Oui oui.
Mais ça ne veut rien dire, c'est juste comme ça quoi, ils sont pas gay, faut rien s'imaginer, ça veut rien dire, c'est de l'affection, un truc de bon potes quoi.

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[Lino]

Ce superbe film, méconnu, d'E. Visconti, dans le lignée des oeuvres de Damiani, n'existe qu'en VHS chez nous, très belles éditions DVD allemande (Koch Media) et italienne "Medusa".



Ceux qui ne connaissent pas peuvent se référer au lien ci-dessous, sur le tournage :

http://archiviostorico.unita.it/cgi-bin ... nce%20hill

[Lino]

Le tournage de Barbagia la società del malessere, de Carlo Lizzani avec Terence Hill et Don Backy, hiver 1969.

http://monnomestpersonne1973.blogspot.f ... ti-in.html

Le film est inspiré de la vie de Graziano Mesina, rebelle sarde joué par Terence Hill. (Don Backy était une grande vedette de variété à l'époque).

[Helena]

Mort suspecte d'une mineure de Sergio Martino

"Paolo Germi est un flic pas comme les autres. Ses manières d'interroger les suspects sont parfois assez brutales, ses manières pas toujours très orthodoxes, mais en général il arrive toujours à obtenir ce qu'il veut. Parce que la fille qu’il avait dragué dans une guinguette vient de se faire assassiner, l’inspecteur Germi décide de tout mettre en œuvre pour la venger. C’est ainsi qu’il découvre que non seulement la belle était mineure, mais qu'elle se livrait aussi régulièrement à la prostitution. De fâcheuses découvertes qui vont désormais mettre sa propre vie en danger..."

Bon le film est vendu par un paquet de personnes comme étant un giallo, alors que celui-ci ne contient que peu d'ingrédients du genre à mes yeux. Ici en tout cas le film est assez intéressant de part son sujet. Le réalisateur Sergio Martino parle de la prostitution des mineurs, c'est un thriller d'action faisant penser au film L'inspecteur Harry toute proportion gardée bien entendu. Le début du film en tout cas nous fait directement entrer dans l'oeuvre, une jolie fille essaye d'échapper à un homme aux lunettes noires (et à la coupe de cheveux improbables,) On découvre par la même occasion le héros de l'histoire qui se laisse en partie séduire par la jeune femme qui va connaitre un funeste destin. L'enquête démarre donc de manière assez rapide ce qui n'est pas pour me déplaire. On cerne assez vite le héros, c'est un homme au grand coeur, qui a du charme, mais qui utilise des méthodes expéditives pour résoudre ses enquêtes. le héros est vraiment expéditif et même si c'est assez soft, je veux dire on sent qu'il y a comment dire un certain problème dans le rythme, c'est assez bizarre, c'est violent, mais en même temps modéré ^^. La prostitution de mineures n'est pas un nouveau sujet dans le genre en Italie vu que d'autres films et même des gialli en font leur thématique, ici néanmoins, c'est par moment assez léger vu qu'il y a un paquet de scènes humoristiques. Il y a déjà l'ajout d'un sidekick assez bien intégré au récit et ne servant pas uniquement à faire le pitre dans le récit. En effet, plusieurs aspects du récit tourne autour de lui. C'est un personnage fonction à plusieurs reprises qui permet un certain dynamisme au récit même si à plusieurs reprises cela rend le tout classique. La structure en tout cas est assez classique même si on arrive à passer outre.
Le film est doté de scènes d'action de qualité, notamment celle du métro, celle du parc, ou bien celle avec le proxénète. Après le film est mal rythmé, en effet par moment c'est assez longuet et le dosage humour/action ne fonctionne pas systématiquement.

La poursuite en voiture du film est pas mal dans son genre, le seul hic c'est qu'il y a plusieurs gags burlesques qui font un peu taches par moment, certes ça nous change, mais bon ça casse un peu. C'était pourtant bon passage avec une certaine tension, bon après la conclusion de la course fait sourire.
la mise en scène de Sergio Martino est toujours autant de qualité, le bonhomme est talentueux, mais on le savait déjà et ici il nous propose à plusieurs reprises des séquences de qualité et différentes de ce qu'on peut attendre d'un polar. En tout cas le réalisateur sait filmer Milan, la mettre en valeur, comme il sait mettre en valeur son casting (Claudio Cassinelli, Mel Ferrer...)
La musique est classique par contre, voir moyenne à plusieurs reprises, mais bon on ne s'ennuie pas vraiment et il y a quelques scènes qui mérites le détour. Je lui donne la note de 6/10.

[hellrick]

Je suis bien d'accord avec toi: http://bis.cinemaland.net/html/movies/s ... -minor.htm

C'est le dernier Martino "giallo" (au sens large) potable, Crimes au cimetière étrusque et Mozart is a murderer étant bien médiocre, sans parler de son piètre sexy thriller Désir meurtrier.

Mais c'est tellement en deça de ce qu'il a fait au tout début des 70's