Louis Malle (1932-1995)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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LéoL
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Re: Louis Malle

Message par LéoL »

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Les amants (1958)

Après un premier film relevant plus de l’exercice de style, non moins réussi, que de l’œuvre personnelle, Louis Malle se lance dans l’adaptation d’un conte « libertin » du XVIIIème siècle qu’il transposera très librement aux années 50. Les amants respire effectivement une liberté de ton et de mise en scène toute particulière dont la Nouvelle vague se fera le chantre. D’abord en esquissant avec souplesse et authenticité les traits d’une bourgeoisie renfermée sur ses conventions, gentiment sotte et menant une vie ennuyeuse faîtes de futilités que l’arrivée impromptue d’un jeune homme au regard et aux considérations étrangères (malgré son appartenance à cette même bourgeoisie) fera exploser. Cet homme, on le devine, c’est Louis Malle, désirant s’affranchir d’un monde qu’il abhorre en exposant de front ce que ce dernier n’ose voir ni même entendre parler. C’est ainsi qu’après une première partie tout autant agréable que descriptive, Louis Malle émancipe assez radicalement son histoire en dépeignant l’intensité et la simplicité du « coup de foudre à l’état brut » qui frappera Jeanne et Bernard. C’est au travers de cet affranchissement que la mise en scène de Louis Malle va se libérer et offrir ses plus belles scènes, captant avec beaucoup de sensibilité et de beauté l’amour éclatant de ces amants jusque dans ce que Truffaut qualifiera de « première nuit d’amour du cinéma ». La photographie vaporeuse reflète un très beau noir et blanc qui participe à sublimer cette inoubliable nuit d’amour. Elle apparaît aujourd’hui bien légère mais fut considérée comme extrêmement licencieuse à l’époque et souleva de vives critiques en particulier pour cet adultère assumé et consommé avec autant de plaisir. Il semble indéniable que Les amants ait participé en son temps à la libéralisation des mœurs au cinéma comme au sein de la société.

De la même manière, les dialogues vont s’affranchir du carcan bourgeois traditionaliste qui régissait et filtrait toute émotion pour éclater avec finesse dans toute la simplicité, la justesse et la naïveté d’un amour intense et brutal.

Enfin, Louis Malle a la chance de profiter d’un casting de premier ordre. Jeanne Moreau est éblouissante de beauté et de talent et Alain Cuny joue son rôle de mari trompé à merveille.

Si découvrir aujourd’hui un tel film n’a probablement pas la même intensité qu’en 1958 et si je lui trouve personnellement quelques légères longueurs, on retiendra avant tout que Les amants est un beau film sur lequel souffle un sentiment enivrant de liberté et de fraicheur.
LéoL
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Re: Louis Malle

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Le feu follet (1963)

Adaptation saisissante d’un roman du très controversé Drieu La Rochelle, Le feu follet est un grand film sur l’ennui, le mal-être et la solitude. Louis Malle livre une nouvelle fois un film très personnel, qui sans être autobiographique s’inspire beaucoup de ses propres expériences, notamment le suicide similaire de l’un de ses amis ou encore au travers du regard acerbe qu’il porte à une certaine bourgeoisie et intelligentsia parisienne (on peut aussi noter que les habits que porte Maurice Ronet dans le film sont les siens et qu’il a lui-même décoré la chambre de ce dernier avec de nombreux objets lui appartenant).
Louis Malle suit donc les ultimes moments d’un homme qui a perdu le goût de la vie mais que l’on devine pourtant encore relativement jeune, et qui ayant planifié la date de son suicide, décide de rendre visite à ses anciens amis à Paris, desquels il ne semble rien attendre, ni aide, ni justification de son acte. Le traitement de son alcoolisme et la prise de conscience de l’inconsistance et de la futilité de son existence (dont il se persuade de la véracité par tous les moyens) l’amèneront à repousser l’attachement à toute vie et envie.

La lassitude, le vide, le mépris pour les autres comme pour soi et une multitude d’autres sentiments qui peuvent amener un individu à déconsidérer l’importance de son existence n’ont jamais été aussi justement et intensément retranscrit à l’écran. Les états d’âmes de cet homme bénéficient d’une caractérisation et d’un traitement profonds, passionnants et véritablement fascinants que la mise en scène de Louis Malle et le jeu de Maurice Ronet transcendent magistralement.

La mise en scène talentueuse de Louis Malle fait preuve de beaucoup d’inventivité pour dynamiser le récit et ne pas le laisser s’enliser dans la torpeur et la passivité qu’incarne le personnage joué par Maurice Ronet. Malgré le caractère sombre et quelque peu dépressif de l’histoire, force est de constater que Malle parvient à captiver le spectateur. Il filme merveilleusement son acteur, usant de gros plans particulièrement marquants, ainsi que ses moments de solitude (souvent silencieux) dans sa chambre ou de perdition auprès des autres. Il utilise aussi parfaitement les immenses qualités de son scénario – la progression de l’histoire permet une compréhension très claire des pensées du personnage principal malgré leur complexité – et exploite brillamment les très riches dialogues du roman.

Que dire enfin de la performance impressionnante de Maurice Ronet. Il est Alain Leroy, physiquement et moralement ; son expressivité et son naturel, dans un rôle loin d’être évident, démontrent un immense talent et si une telle puissance émane du film c’est en grande partie grâce à lui.
Le feu follet est un film remarquable qui malgré son sujet difficile se révèle d’une intensité et d’une richesse rarement égalées.
LéoL
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Re: Louis Malle

Message par LéoL »

Bon je suis pas dans l'ordre mais c'est pas grave,

Lacombe Lucien (1974)

Si Lacombe Lucien n’est pas le premier film polémique de Louis Malle (ce dernier s’étant déjà fait remarquer dès son second film avec Les amants), il s’agit probablement du plus célèbre et de celui qui a donné lieu, dans la carrière de son réalisateur, au plus grand nombre de discussions et de critiques après sa sortie (souvent à côté de la plaque d’ailleurs). Son sujet fondamentalement politique, revenant sur une période et des faits encore tabou à l’époque – ceux de l’occupation et de la collaboration – au travers de l’histoire d’un jeune paysan entrant dans la milice et s’éprenant d’une jeune fille juive, ne fut pas sans choquer une partie de la critique française. Son engagement fut relativement mal interprété et on reprocha à Louis Malle de lui trouver des justifications, alors qu’il semble évident qu’il ne juge jamais son personnage, ne justifiant jamais ses actes, les exposant le plus simplement du monde. Les raisons qui poussent Lucien du mauvais côté sont essentiellement à chercher dans le pur hasard et dans son incapacité intellectuelle à saisir des concepts idéologiques, même basiques tel que le bien ou le mal qui lui feraient prendre conscience de ses agissements. Son ignorance et sa simplicité d’esprit associé à la méchanceté de son comportement et de ses actes ont d’ailleurs dû provoquer un rejet radical chez de nombreux spectateurs tant le portrait que nous donne à voir Louis Malle est d’un réalisme effroyable tout en étant extrême et dérangeant.

La force du film réside justement dans cette recherche du réalisme à la manière du documentaire qui émane du film, et ce à tous les niveaux qu’ils soient historiques, sociaux ou psychologiques, ou encore dans l’ambiance oppressante et tendue qui entretient un sentiment énigmatique sur les motifs de chacun et enfin dans une mise en scène très sobre qui ne cesse d’intensifier ces deux aspects. Les acteurs, en particulier Pierre Blaise dont le naturel et l’authenticité (c’est un véritable paysan) conviennent à merveille au rôle et Aurore Clément, déjà remarquable, parviennent à cerner toutes les ambiguïtés de leur personnage avec une maîtrise assez époustouflante pour un premier film.

Au-delà de la polémique, Lacombe Lucien dépeint le portrait à la fois fascinant et déroutant d’un jeune paysan dont on n’arrive pas à savoir « si on le déteste tout à fait » mais dont l’engagement absurde et la personnalité insaisissable offre des pistes de réflexions véritablement passionnantes.
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Re: Louis Malle

Message par homerwell »

:D Je viens de le voir, j'ai beaucoup aimé.

Concernant le personnage de Lacombe Lucien, je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi. C'est un personnage mauvais au sens manichéen du terme, pas pour son engagement politique ou idéologique mais simplement parce qu'il aime tuer les lapins, les poules et les petits oiseaux (je simplifie outrageusement à dessein :wink: ). Son arrivée dans la "police Allemande" n'est que le fruit d'une péripétie dans laquelle il trouve son compte car elle lui permet d'exercer sa petite tyrannie sur son entourage. Il contemple son pouvoir, aime provoquer son petit monde. Son revirement à la fin du film est d'ailleurs limpide, point de regret ou d'amour à ce moment, simplement si on ne peut pas garder son butin pour soi, c'est que l'on est mal accompagné, autant changer de camp !
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Re: Louis Malle

Message par julien »

LéoL a écrit :Bon je suis pas dans l'ordre mais c'est pas grave,
Ben oui, t'as zappé Le Souffle au Cœur. Pourtant c'est vachement bien Le Souffle au Cœur.
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"Toutes les raisons évoquées qui t'ont paru peu convaincantes sont, pour ma part, les parties d'une remarquable richesse." Watki.
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Re: Louis Malle

Message par LéoL »

homerwell a écrit ::D Je viens de le voir, j'ai beaucoup aimé.

Concernant le personnage de Lacombe Lucien, je ne suis pas tout à fait d'accord avec toi. C'est un personnage mauvais au sens manichéen du terme, pas pour son engagement politique ou idéologique mais simplement parce qu'il aime tuer les lapins, les poules et les petits oiseaux (je simplifie outrageusement à dessein :wink: ). Son arrivée dans la "police Allemande" n'est que le fruit d'une péripétie dans laquelle il trouve son compte car elle lui permet d'exercer sa petite tyrannie sur son entourage. Il contemple son pouvoir, aime provoquer son petit monde. Son revirement à la fin du film est d'ailleurs limpide, point de regret ou d'amour à ce moment, simplement si on ne peut pas garder son butin pour soi, c'est que l'on est mal accompagné, autant changer de camp !
Merci de compléter! Je suis d'accord avec toi.
julien a écrit :
LéoL a écrit :Bon je suis pas dans l'ordre mais c'est pas grave,
Ben oui, t'as zappé Le Souffle au Cœur. Pourtant c'est vachement bien Le Souffle au Cœur.
J'ai pas encore écris quelque chose pour le souffle au coeur mais ca va venir :D .
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Re: Louis Malle

Message par LéoL »

Bon, petit retour en arrière.

Zazie dans le métro (1960)

Adaptation du célèbre roman de Raymond Queneau, Zazie dans le métro est un film un peu à part dans la filmographie de Louis Malle, par son style complètement déjanté peu commun pour l’époque ainsi que pour son auteur qui ne livrera rien de similaire sur la forme par la suite. Véritable exercice de style respectant assez fidèlement le récit loufoque et l’écriture atypique de Queneau, Zazie dans le métro n’en est pas pour autant dénué de personnalité et de liberté, le langage cinématographique exprimant, grâce à la mise en scène très imaginative de Louis Malle, une grande richesse visuelle. Le matériau de base était effectivement propice à une/un déconstruction/dépassement des procédés narratifs, sonores et visuels classiques, ce que Louis Malle n’a pas manqué de faire, en livrant une comédie désinvolte, pétillante et inventive qui fut évidement appréciée et saluée par les tenants de la Nouvelle vague.

L’exercice décontenança, probablement trop radical et novateur en son temps. Il étonne et surprend toujours autant aujourd’hui mais l’expérience de la Nouvelle vague d’abord, puis de nombreux auteurs encore plus extravagants ensuite, nous font désormais sérieusement relativiser les excentricités de Louis Malle. Cela ne nous empêche pas d’apprécier les facéties auxquelles il se prête ; Zazie dans le métro étant un condensé d’humour déluré et de loufoqueries en tout genre cachant sous son apparente (et bien présente) légèreté un contenu plus sérieux. Catherine Demongeot mène tout son beau monde à la baguette avec une vivacité, une gaieté et un humour plutôt réjouissants et communicatifs avant que la fête ne devienne plus qu’un chahut passablement lassant qui nous laisse sur une note malheureusement décevante. À noter le rôle déjà remarquable de Philippe Noiret, l’oncle fantaisiste de Zazie.

On retiendra les bons moments et l’inventivité de la première partie du film à défaut d’être entièrement convaincu par cette expérience de Louis Malle.

Il y a une très belle analyse du film ici que je vous invite à lire.
O'Malley
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Re: Louis Malle

Message par O'Malley »

Vie privée (1962)
Le film comporte deux parties distincts: l'ascension d'une star qui ressemble à deux gouttes d'eau au parcours de son interprète même, Brigittte Bardot, et la folie furieuse que le phénomène déclenche, avec son lot de fans et de paparazzis; puis la romance en Italie entre Bardot et Mastroianni, petit à petit mise à l'épreuve par une vie privée violée par un "grand carnaval" semblable à celui que provoquait Charles Tatum dans Le gouffre aux chimères de Billy Wilder.
La première partie est assez ennuyeuse et,avec le recul, sans réelle surprise. Peut-être était-elle assez pertinente à l'époque de la sortie du film car le phénomène de paparazzi était encore à ses débuts mais aujourd'hui, l'intérêt (ent tout cas le mien) s'emoussé vite. D'ailleurs, la mise en scène de Louis Malle, composée d emultiples petites saynettes souvent espacées par des fondus au noir, semble traduire que le metteur en scène veuille en finir pour s'attarder sur la partie italienne.
La seconde partie est au contraire plus intéressante car relève toute l'ambiguité que provoque ce statut de star sur le personnage joué par Bardot: etouffant, difficilement vivable mis en même temps recherché. Aussi le rapport amoureux s'approfondit car en voulant protéger Bardot de la cohorte de fans et de photographes, que cherche Mastroianni: réellement la protéger? empecher que l'intérêt que suscite sa compagne interfère sur la pièce qu'il est en train de monter et finisse par l'éclipser? au contraire, jouer sur ce phénomène pour mettre en lumière son travail? vouloir garder pour lui la femme que les fans et les journaux s'arrachent (et ici finalement, ne s'agit-il pas d'une joute amoureuse entre lui et le public)? sûrement tout la fois. Et le film prend toute sa dimension lors de cette escapade italienne; même la mise en scène de Malle semble un peu plus s'attarder (s'interesser?) sur les situations; les séquences sont moins vite expédiées, la caméra prend un peu plus sn temps, les fondus au noir disparaissent...
Spoiler (cliquez pour afficher)
jusqu'à la séquence finale, qui se révèle assez troublante car n'anticipe t-elle pas ce qui arrivera à Lady Di 35 ans plus tard?
Un des moins bon Malle que m'ait été donné de voir jusqu'ici, inégal, mais une oeuvre néanmoins intéressante et dont il faut se révéler patient pour finalement en apprécier la portée.

Par contre, horreur, la copie diffusée au ciné club de France 2 était recadrée... pour un espace cinéma estampilliée ciné-club, ça la fout mal... :roll:
julien
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Re: Louis Malle

Message par julien »

Quelqu'un de courageux pour se lancer dans la critique de Black Moon ?
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bronski
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Re: Louis Malle

Message par bronski »

julien a écrit :Quelqu'un de courageux pour se lancer dans la critique de Black Moon ?
Toi?

Sinon, j'ai vu... Ascenseur pour l'échafaud, Le Feu follet, Le Voleur, Atlantic City -quatre chefs-d'oeuvre, et vu quelques autres. Sa période américaine je ne connais pas trop.
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Re: Louis Malle

Message par Joe Wilson »

Pretty baby

Louis Malle compose un film d'une extrême dureté, derrière le voile d'un univers clos. Violet est une enfant considérée comme femme, et elle se voit ainsi...ayant grandi trop vite, son insouciance provocante la confrontant d'autant plus vite à la souffrance des adultes.
Malle fuit considérablement un jugement hâtif, et cet établissement de La-Nouvelle-Orléans rassemble des êtres qui luttent pour ne pas s'effondrer. La mise en scène scrute la dignité des regards, tout comme l'expression est suggérée avec beaucoup d'audace.
Le photographe Bellocq, entre voyeurisme et empathie, concentre une ambiguité qui irrigue le film : il est celui qui va permettre à Violet d'assouvir sa soif de liberté..mais il ne peut que l'enchaîner encore une fois, avec amertume. Au final, les destins individuels sont encore livrés à eux-mêmes.
Malle s'attache à plusieurs thématiques (l'attention aux lieux, un rythme musical, un combat pour l'accomplissement individuel face à une marginalité) qui seront évoquées avec davantage d'intensité dans Atlantic City. Pretty baby manque parfois d'unité et de rigueur...et la présence de Sarandon, en demie-teinte car trop distante, apparaît frustrante.
Mais cela reste un film important dans sa filmographie, avec une identité forte.
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Re: Louis Malle

Message par Nestor Almendros »

posté par Nobody Smith le 15 mars 2008

ASCENSEUR POUR L’ECHAFAUD de Louis Malle
Le début m’a vraiment fait peur puisque trouvant les aspects romantiques peu touchant avec une interprétation versant trop à mon goût dans la récitation. Mais là où j’imaginais que le film courait à la catastrophe et qu’il n’y aurait plus que l’exercice de style hitchcockien pour sauver l’affaire, j’ai été agréablement surpris de voir que plus il avance plus le film arrive à étonner. La narration se complexifie au fur et à mesure et cette histoire de meurtre qui en cache un autre arrive au final à réellement émouvoir par son étonnante structure recelant une envoûtante densité dramatique. Terriblement habile et diabolique.

posté par Alligator le 22 juillet 2006

Zazie dans le métro - Louis Malle - 1960 - 4,5
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Un film fou-fou, mais qui m'a très vite lassé, limite tapé sur le système. Ca ne manque pas d'originalité, le film ne ressemble à aucun autre. Cela aurait dû m'enchanter. Mais l'interprétation n'est pas phénoménale. De l'imagination dans la réalisation, mais de l'amateurisme chez le jeune Malle. Pas mal d'essais, de tentatives et au final ça ne tient pas trop debout et frôle l'hystérie. Je me suis perdu. Et j'avais hâte que ça se termine. Sans queue ni tête. Une relecture me parait nécessaire. En attendant ça m'a saoulé.
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Re: Louis Malle

Message par LéoL »

Au revoir les enfants (1987)

Pour son retour en France, après quelques années passées aux Etats-Unis, Louis Malle décide de mettre en scène un épisode tragique de son enfance qui eut lieu sous l’occupation lorsqu’il était élève dans un collège catholique. En partie autobiographique, en partie romancé, Au revoir les enfants raconte l’expérience d’un jeune collégien, Julien, précoce mais encore naïf, aux prises avec la triste réalité de son époque lorsque celui-ci se liera d’amitié avec un jeune camarade juif. C’est avec beaucoup de sobriété que Louis Malle décrit le milieu scolaire dans lequel Julien apprendra à connaître son camarade mais par lequel il découvrira aussi les affres du monde adulte. La direction d’acteur, en particulier celle des enfants, indéniablement consciencieuse, porte ses fruits ; Gaspard Manesse (Julien) est troublant de vérité et de naturel (en plus d’attirer irrésistiblement la sympathie), de même que Raphaël Fejtö et cela était plus que nécessaire pour convaincre et toucher le spectateur tant le film se nourrit de leur relation. La photographie est volontairement terne et grisâtre, filtrant toutes couleurs vives pour mieux nous immerger dans cet environnement froid et triste. La mise en scène et même la musique se font relativement oubliées ; Louis Malle, à la manière du documentaire, insiste davantage sur le fond de son histoire qu’il traite avec intelligence. Le résultat est finalement très soigné, presque académique dans sa portée civique. Il n’est guère étonnant que le film soit donné en exemple par l’Education Nationale. Cela n’est pas un reproche en soi, seulement l’ensemble m’a paru très, voire trop, mesuré et réservé, ce qui est toujours mieux que de tomber dans l’excès en abusant d’effets en tout genre. Le final est assez révélateur ; on applaudit la retenue et la simplicité dont fait preuve Louis Malle, mais on est aussi peu touché (forcément un peu mais pas profondément) par ces adieux inévitables.

Il n’en reste pas moins qu’Au revoir les enfants est un film magnifique qui grâce à son regard simple et intelligent est justement une bonne façon d’éduquer son enfant à cette période noire de notre histoire.
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Re: Louis Malle (1932-1995)

Message par Phnom&Penh »

Viva Maria ! (1965)

Ce film un peu oublié est peu cité quand on évoque la filmographie de Louis Malle. Il s’agit pourtant d’une comédie, genre dans lequel Malle s’est peu exercé mais qui, à des degrés divers, lui convenait bien puisque chacune de ses trois comédies est une réussite, les autres étant Zazie dans le métro (1960) et Milou en Mai (1989).

Si Milou en Mai est un charmant film doux-amer qui revenait, vingt ans après, sur l’époque de mai 68, Viva Maria !, sur les écrans en 1965, est plutôt un film précurseur. Fassbinder racontera d’ailleurs à Louis Malle que Viva Maria ! avait emballé les étudiants de l’université de Berlin, où les mouvements extrémistes avaient pris un peu d’avance sur les français.
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Ceci est précisé pour l’anecdote car Viva Maria ! est avant tout une joyeuse comédie qui ne se prend pas du tout au sérieux. Le ton peut quelquefois être grave car, même s’il s’amuse avec son sujet, Louis Malle rappelle fréquemment que la révolution est une affaire dangereuse. Le générique est d’ailleurs très précis sur ce point. Nous y voyons une petite fille qui accompagne avec ingénuité son père, qui, de caserne en commissariat de police passe son temps à faire exploser les symboles de l’Empire britannique. Nous aurons compris que le père de celle qui, au cours du générique grandit et devient la belle Maria (Brigitte Bardot), est un révolutionnaire de l’IRA. Après un passage par Gibraltar, nos dynamiteurs irlandais se retrouvent dans la jungle de Bélize (ancien Honduras britannique), mais les choses tournent mal, et Maria doit s’enfuir seule. Le générique se termine tandis que Maria franchit clandestinement la frontière du Mexique. Sans grand effet de camera, Louis Malle nous a livré, l’air de rien, un bel exercice de style dans ce long générique.
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Nouvelle séquence et beau raccourci de scénario (signé Jean-Claude Carrière) dans les minutes qui suivent : Maria 1, puisqu’une seconde va bientôt apparaître, se cache au milieu des roulottes d’un cirque ambulant. Une danseuse, en mal d’amour, se suicide et, bouleversée, Maria 2 (Jeanne Moreau) se retrouve sans partenaire pour son numéro de danse. Les deux Maria font donc naturellement connaissance et le premier numéro ne tarde pas à suivre. Maria 1, inexpérimentée, déchire sa jupe, et devant l’enthousiasme du public de saloon, improvise un strip-tease dont le succès encourage Maria 2 à faire de même. Célébrités d’un soir, les deux Maria deviennent, au fil des représentations, de véritables gloires nationales et se produisent finalement au Théâtre national avec une nouvelle chorégraphie.
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Fidèle à ses sentiments anarchistes et libertaires, Louis Malle présente une Maria 1 / Brigitte Bardot qui, de l’ingénue du début, devient une impressionnante croqueuse d’hommes. A l’issue de sa première représentation, les deux Maria quittent le théâtre et sont suivis dans la rue par trois hommes à l’allure assez patibulaire. Maria 1 se retourne et, ni une ni deux, quitte Maria 2, rejoint ces trois hommes et monte dans une voiture à cheval avec eux. Elle réapparaît au campement du cirque le lendemain matin, accompagnée dans la voiture par ces trois hommes et les quitte la tête haute. Visiblement comblée par sa nuit, elle s’affale langoureusement dans la roulotte de Maria2 et dévoile avec un érotisme assumé un corps plein de bleus…Maria1 semble apprécier les aventures de tout ordre. Par la suite, elle tiendra une comptabilité écrite sur un mur de la roulotte de ses nombreuses et courtes aventures masculines.
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Un seul homme semble manquer à sa liste, le beau Rodolfo, le lanceur de couteaux du cirque. Il est vrai que Rodolfo est anglais. Il est difficile de ne pas penser que le personnage élégant et aventureux de Rodolfo / Claudio Brook n’a pas inspiré le John Mallory / James Coburn de Sergio Leone dans Il était une fois la Révolution (1971) tant l’allure des deux héros est proche, même si l’un est anglais et l’autre révolutionnaire irlandais. L’acteur mexicain Claudio Brook apparaît en second rôle dans quelques Buñuel et plusieurs films français des années 60, mais, si vous avez oublié son nom, vous le connaissez pourtant tous : c’est Peter Cunningham, l’aviateur anglais qui doit raser ses belles moustaches au début de La grande vadrouille (1966) de Gérard Oury :)
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Les chorégraphies des deux Maria cèdent rapidement la place à l’épopée révolutionnaire. Maria1 fait le coup de feu pour venir en aide à des peones maltraités par les sbires du sinistre Rodriguez et tout le cirque se retrouve invité d’honneur dans l’hacienda dudit Rodriguez, tout content de recevoir chez lui les célèbres Maria. Maria2, plus romantique que Maria1, tombe amoureuse du beau Flores, le chef des révolutionnaires enfermé dans les geôles de Rodriguez, se donne à lui et, n’étant pas parvenue à le sauver, recueille de lui la tâche de mener la révolution.
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Les deux Maria deviennent ensuite les héroïnes d’une aventure qui les mènera jusqu’à la capitale où elles participeront au renversement du pouvoir. Mêlant avec beaucoup d’habileté le comique au tragique, Louis Malle parvient à nous faire rire continuellement tout en orchestrant sa révolution mexicaine. Les deux Maria finissent malheureusement entre les mains du dictateur qui les confie aux inquisiteurs dont les outils sont trop rouillés pour être restés efficaces. Pendant que les insurgés prennent la ville – amusante scène où les banquiers en habit font le coup de feu pour défendre leur banque – les deux Maria sont conduites au peloton d’exécution pour y être (ou pas) fusillées.
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Novateur par la façon très primesautière dont il traite son sujet, Louis Malle donne avec Viva Maria ! un film élégant et fin qui est une rare mais réussie incursion dans le domaine du film d’aventure.
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"pour cet enfant devenu grand, le cinéma et la femme sont restés deux notions absolument inséparables", Chris Marker

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Re: Louis Malle (1932-1995)

Message par Phnom&Penh »

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My dinner with André (1981)

Au milieu de sa période américaine, Louis Malle réalise ce film très original qui explique en partie la genèse de son dernier film, Vanya 42e rue (1994). Deux intellectuels et metteurs en scène de théâtre new-yorkais, Andrew Gregory et Wallace Shawn jouent leurs propres rôles. Ils se retrouvent pour dîner dans un restaurant new-yorkais, et mis à part une petite introduction avec voix-off et une conclusion identique, dans les rues de la ville, le film est une longue discussion, à table, entre les deux hommes.
Inutile de dire que le sujet peut faire peur, mais, pour peu qu’on aime ce type de conversation, le film est au contraire stupéfiant dès le début et pétille d’esprit et d’intelligence. En ce qui concerne la mise en scène, il ne s’agit d’ailleurs en rien de quelque chose qui pourrait ressembler à une simple émission de télévision. Même si elle est évidemment très discrète et ne comporte pas le moindre mouvement de caméra, la mise en scène constitue un véritable exercice de style. Ne disposant que de la possibilité de cadrer et d’alterner les plans, de faire de légères plongées et contre-plongées, Louis Malle parvient à donner un véritable rythme cinématographique à ce film, qui renforce la vivacité de la conversation.
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A l’origine de ce film, il y a une amitié entre deux hommes. André Gregory est un metteur en scène alors très célèbre. Il a fondé la compagnie The Manhattan Project en 1968 et c’est un des grands représentants de l’avant-garde de l’époque, proche aussi des premières communautés "New-Age". A l’époque du film, il venait de passer plusieurs années dans l’une d’entre elles, en Ecosse, Findhorn. Il s’y est guéri d’une dépression.
Wallace Shawn est un metteur en scène plus jeune auquel André Gregory a permis de faire ses débuts. C’est un personnage typiquement WoodyAllenien, et il a d’ailleurs joué dans nombre de ses films. Vous aurez compris qu’on se trouve ici un peu comme dans les coulisses de l’univers de Manhattan, même si My dinner with André est très différent des films de Woody Allen.
Wallace Shawn commençait à souffrir lui-même d’une dépression et André Gregory lui a permis de l’éviter en engageant de régulières conversations avec lui, un peu à la manière d’une analyse. Shawn consignait des notes de leurs échanges et, à la fin, les deux amis ont eu l’idée d’en faire une pièce de théâtre ou un film. Une connaissance commune a permis à Louis Malle de s’emparer du projet.
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Dépression, avant-garde, new age….tout ça peut aussi faire un peu peur :mrgreen: . Et bien non, c’est absolument passionnant. André Gregory est un très grand artiste et sa conversation est tout à la fois claire, brillante, étonnante, et même stupéfiante quand, au milieu du film, il raconte l’expérience de mise en scène, en Pologne, qui était justement à l’origine de sa dépression. Il est tellement disert et brillant qu’au début, Wallace Shawn fait un peu figure d’admirateur à l’écoute du maître. Mais quand André Gregory a montré sa faiblesse, c’est Shawn qui se met à poser des questions plus incisives qui font prendre à la discussion un tour plus philosophique et un peu mystique. La relation amicale entre les deux hommes m’a un peu rappelé les fameuses Conversations de Goethe avec Eckerman (Gallimard). Il y a un positionnement maître et élève, mais le respect et la proximité entre les deux hommes est telle que l’un enrichit l’autre, de façon très démocratique. Ce film est passionnant, très positif et finalement optimiste, même s’il traite de dépression et d’avant-garde théâtrale.
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Louis Malle est resté en relation avec les deux hommes et Vanya 42e rue conte justement la mise en scène d’une pièce de Tchékov par André Gregory, avec Wallace Shawn.
Le film vient de sortir en DVD. VO avec stf uniquement. L'image est malheureusement assez granuleuse, mais ce n'est pas désastreux non plus et pour un film de ce type, ce n'est pas très grave.
"pour cet enfant devenu grand, le cinéma et la femme sont restés deux notions absolument inséparables", Chris Marker

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