Chikamatsu's love in Osaka (1959)
Un jeune homme qui a été adopté est amené pour la première fois de sa vie dans le quartier des prostituées. Timide, il tombe amoureux d'une des courtisanes mais leur amour ne peut s'épanouir. Alors qu'il songe à racheter sa dette, il apprend qu'elle vient d'être vendue à un aristocrate qui désire l'épouser..
Même si le titre original japonais ne fait pas référence à l'écrivain Monzaemon Chikamatsu, ce film de Tomu Uchida le place en effet au cœur du récit, non comme l'un des personnage principal mais comme un témoin du drame qui se joue devant lui et qui l'inspire en retour. On pense d'ailleurs aux
Les amants crucifiés avec cette histoire de passion maudite. Cette présence est anodine durant la première mais gagne en puissance durant la seconde. Un peu comme le film en fait.
La première moitié est assez conventionnelle, pour ne pas dire académique malgré les nombreux mouvements de caméra raffinée qui compense un peu un matériel justement théâtral peinant à véritablement passionner.
C'est une fois que Umegawa (la prostituée) est sur le point d'être rachetée qu'on commence à se redresser sur le fauteuil, surpris par l'intensité dramatique qui se profile. L'histoire, jusque là assez froide, se fait plus poignante portée par une très jolie réalisation qui repose tant sur un travail des couleurs délicat que sur des longs mouvements de grues frémissant.
La criminalité, la fuite, la folie et le dénouement funeste rythme évidement le récit mais c'est justement la présence de Chikamatsu qui transcende le tout. Malgré les histoires tragiques que lui-même à écrit pour la scène, il se trouve indigné et bouleversé par ce qu'il voit et souhaiterait imaginer une fin moins pessimiste. L'occasion donc de donner deux séquences sublimes d'onirisme où le destin des amants prend la forme de pièces de théâtre (à l'approche scénique différente) dans lesquelles Chikamatsu essaye d'exorciser ce qu'il a assisté sans parvenir à l'oublier.
Uchida en fait une brillante mise en abîme sur la création artistique où lui-même mêle cinéma et théâtre avec une virtuosité lyrique pour des plans-séquences remarquables : les amants devenus de personnages d'une pièce puis leurs alter-ego en marionnettes sous le regard bouleversé de leur auteur en fond de la salle de spectacle, passif et victime d'un drame qu'il a pourtant écrit.
Les 20 dernières minutes sont incroyablement fortes et presque viscérales pour une ultime séquence audacieuse (ce travelling arrière quand même !) qui fait oublier l'anonymat un peu plat de la première moitié mais qui se justifie par la nature même du projet.
Voilà qui mériterait largement une seconde vision pour décrypter plus en profondeur le travail d'Uchida sur l'appréhension de l'espace et la construction des regards et des points de vue qui m'a l'air très élaborée en repensant à certaines scènes. Je viens justement de lire sur un blog anglais une orientation plus intellectuelle et existentielle où Chikamatsu devinerait en avance (voire dicterait) les rebondissement et que les personnages étaient déjà les marionnettes de son imagination.