Tomu Uchida (1898-1970)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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k-chan
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Message par k-chan »

noar13 a écrit :si cher ?

c'est le coffret de l'année :mrgreen:
- la sélection des films avec un incontestable chef d'oeuvre, leurs raretés - à priori yoshiwara est même pas sorti au japon, et les 2 autres n'étaient dispos qu'au japon sans st
- la qualité des copies
- les bonus fournis et interessants, fabrice arduini est un mec passionant
Certes, ce n'est pas excessif, mais 3 films pour 50€, on fait mieux comme prix quand il sont regroupés en coffret. Mais bon, je l'ai acheté à ce prix et ne regrette pas mon argent.

Et je suis peut-être d'accord aussi pour dire qu'il s'agit (pour le moment) du coffret de l'année (il y a quand même en face le coffret Gosha vol.2 et le coffret Ozu de Carlotta). Une sortie incroyable ! :D
bruce randylan
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Message par bruce randylan »

le coffret de l'année sera le Meliès 8)
"celui qui n'est pas occupé à naître est occupé à mourir"
Jack Sullivan
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Message par Jack Sullivan »

Le mont Fuji et la lance ensanglantée (Chiyari Fuji)
Beau film plein d'humanité, où la grandeur morale ne recoupe pas toujours le statut social - ou, du moins, pas toujours comme on l'attend. Une galerie de personnages intelligemment nuancés, et une manière de filmer pleine d'originalité. Mon préféré des trois.


Meurtre à Yoshiwara (Yoto monogatari: Hana no Yoshiwara hyakunin giri)
Le titre annonce une tragédie totalement inévitable dès les prémisses de l'histoire: un homme trop bon se ruine pour plaire à la seule femme qui, croit-il, n'accorde aucune importance à sa disgrâce physique. Derrière tout cela, une démonstration implacable de ce que l'avilissement de la prostitution (et, plus largement, toute forme de marginalisation) peut engendrer comme désastres.


Le détroit de la faim (Kigakaikyo)
La course effrénée d'un homme pour échapper à la misère l'entraîne dans une série de meurtres dont la culpabilité finira par le rattraper. Une dimension fantasmagorique baigne le film, donnant le sentiment d'une malédiction latente sur le personnage principal. Dommage que l'enquête policière, toutefois, progresse sur des déductions tirées par les cheveux.



Dans l’ensemble, une très belle découverte donc, je suis ravie ! J’aurais aimé des suppléments un tout petit peu moins statiques dans leur présentation (parce que bon, l’interview-face-caméra, c’est un peu monotone), mais c’est un détail car leur contenu est réellement très intéressant. J’aurais été très curieuse d’entendre Uchida lui-même s’exprimer, sans doute quelqu’un qui a eu une vie aussi riche et guidée par son idéologie avait-il des choses très intéressantes à dire.
Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

MEURTRE A YOSHIWARA
SPOILERS
Je commence le coffret par ce titre, vu vraiment par hasard et surtout motivé par le label Wild Side (je n'apprécie pas forcément tout ce qui est asiatique, mais le peu que j'ai découvert avec eux - tout ce qui n'est pas Shaw Brothers en fait - m'a souvent plu).

J'ai trouvé ça vraiment très bon. On pourrait presque parler de fable, tellement les caractéristiques de l'histoires sont simples, à priori. On joue avec des personnages et des actions facilement définies. Ainsi, le héros est un homme bon, mais handicapé. Malgré sa richesse et sa popularité, il est né avec une tache sur le visage et cela l'empêche de trouver l'amour car les femmes, mêmes les geishas, se refusent à lui. C'est son point faible, c'est ce qui le perdra. Lorsqu'il va croiser le chemin des geishas, il va être aveuglé par l'amour. Or l'avidité de cet univers, qu'il ne connait pas, va profiter de cette occasion inespérée.

L'univers des geishas que je pensais beaucoup plus notable et distingué, est ici présenté de façon très sombre et peu reluisante. L'héroine est arrêtée par la police parce qu'elle se prostituait. Elle est placée dans cette maison de geishas. A priori, c'est comme ça que je le vois, on fait une distinction entre prostituée et geisha. Or les comportements des tenanciers de la maison de geishas et l'héroine (qui ne pense qu'à se venger socialement et à trouver un homme riche, les tenanciers pensant seulement à profiter du flot d'argent que peut amener le héros) sont d'une bassesse incomparable. L'argent pervertit les comportements et les relations entre les humains. Cela résume très bien ce qu'il se passe.

A noter que le titre spoilie pas mal, et que cette fin, à contre courant du reste du film, étonne et marque par sa violence jusque-là contenue et qui explose avec ce personnage qui pète un câble, à juste titre. La façon dont c'est filmé (cachant les défenseurs sous les arbres en fleur) et la façon dont le film se termine (une conclusion qui se suffit à elle-même, mais dont aimerait en savoir un peu plus) sont encore plus marquantes.

C'est passionnant, la mise en scène est parfois assez moderne, je repense notamment à ces mouvements de grue très efficaces.

Vivement la suite!!!!

Le master est assez bon, très propre. La colorimétrie fait son âge mais particpe au charme naphta, ça ne m'a pas gêné. Seul un voile persistant dans les scènes moins lumineuses est à déplorer. Pas très gênant, mais c'est un défaut chimique de la pellicule, donc on doit faire avec. L'image est quand même de très bonne qualité.
Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

LE MONT FUJI ET LA LANCE ENSANGLANTEE

La suite du coffret Uchida confirme l'intérêt de ce réalisateur. Ce film est un mélange de comédie avec quelques brèves pointes dramatiques. Le ton est souvent léger, mais parfois teinté d'une certaine noirceur. Jack Sullivan a raison de le qualifier "plein d'humanité". C'est probablement le terme adéquat. Au travers des différents personnages, par leurs comportements, leurs réactions, il se dégage une certaine attitude humaine, très digne.

Une partie du film m'a fait penser à un road movie. L'idée de base est simple mais originale: plusieurs personnages parcourent à pied une région en suivant la même route (presque à la queue leu leu), font des haltes dans les mêmes auberges, et finissent par faire connaissance. Il y a donc un ton assez léger pendant une bonne partie du film, notamment avec le personnage du gamin, assez trognon il faut le dire, et également avec un jeu d'acteurs parfois un peu marqué: certaines expressions exagérées ou quelques bagarres trop chorégraphiées, trop mimées, et peu crédibles. A plusieurs reprises, j'ai eu le sentiment que le jeu des acteurs, la reconstitution, étaient volontairement maniérés pour bien faire sentir qu'on était dans un créneau précis d'histoire plus légère. Je ne connais pas les subtilités des cinémas asiatiques, mais j'ai pensé à ça.
Autre petit détail amusant: dans les premières minutes, la musique est fortement américaine. Cela fait bizarre d'avoir une musique presque jazzy avec des samourais à l'image. C'était l'époque (1955) ...

Au fianal, c'est un film qui joue sur plusieurs registres et qui ne peut provoquer que de la sympathie. Pas aussi marquant, pour moi, que MEURTRE A YOSHIWARA mais fort agréable.

Petit message aux administrateurs du site: le premier post de ce topic ne comporte par de lien vers la page de la chronique Classik, juste le lien vers le concours (auquel j'aurais bien aimé participer, si j'avais su :wink: ).
Nestor Almendros
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Message par Nestor Almendros »

Ayé j'ai fini le visionnage des trois films du coffret avec

LE DETROIT DE LA FAIM

SPOILERS
J'en sors un peu mitigé, mais je vais expliquer pourquoi parce que, dans l'ensemble, le film possède des qualités incroyables.
Ce qui m'a gêné, c'est le rythme parfois nonchalent, un peu comme un polar contemplatif. Le récit se permet des pauses dans le "suspense" qui m'ont parfois dérouté. En fait pendant la première moitié, j'ai trouvé que ça avait un intérêt variable. Voilà pourquoi, sans m'être ennuyé (l'histoire se suit malgré tout) la progression était un peu trop lente pour moi.

Et puis vient la seconde moitié, et là tout s'accélère. Si j'ai retrouvé un certain rythme défaillant dans la dernière demi-heure (après maints rebondissements l'ultime partie finit par faire un petit surplace), les choix de narration et les trouvailles scénaristiques m'ont assez conquis.
J'ai notamment énormément apprecié la gestion dans l'utilisation des personnages: le "héros" est perdu de vue, remplacé par la prostituée, puis fait un retour remarqué, relançant l'enquête et le suspense. Cette façon (peut-être involontaire mais terriblement réaliste) de brouiller les pistes, puis de surprendre le spectateur, tout ça m'a bluffé. Excellente idée.

De même que l'enquête qui se poursuit sur plus de 10 ans est tout à fait passionnante à suivre à partir de ce fameux retour. Elle l'était déjà un peu avant, mais ce "twist de milieu de film" relance la machine admirablement. Ces enquêtes sont d'ailleurs montrées de façon méthodiques, réalistes, de telle façon qu'on accompagne les enquêteurs, en en sachant toutefois plus qu'eux la plupart du temps.

Le film montre aussi, en arrière-plan, un certain tableau du Japon d'après-guerre, des conditions de vie de la population, rationnée, soumise au commerce (souvent sexuel et mafieux) avec l'occupant américain.

Sur la durée, LE DETROIT DE LA FAIM ne sera probablement pas mon préféré des trois, mais certains passages (surtout dans la 2e moitié) m'ont vraiment scotché au fauteuil. Et c'est déjà pas mal, car il restera certainement longtemps dans mon souvenir...
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Boubakar
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Message par Boubakar »

La vision de ce coffret m'aura permis de découvrir trois bons films, le point d'orgue étant Meurtre à Yoshiwara que j'ai beaucoup aimé, Le détroit de la faim me semblant un peu trop étiré (et Uchida savait se servir du format Cinemascope, c'est le moins que l'on puisse dire).
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Re: 3 films de Tomu Uchida

Message par bruce randylan »

Le bar du crépuscule (1955)

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Un brasserie/cabaret est sur le point d'ouvrir. Comme tous jours les employés et les habitués y croisent des nouveaux venus.

Un peu dans la même veine que Club Havana de Ulmer, le film de Uchida est un film choral se déroulant uniquement dans un bar sur une unité de temps bien défini (mais non en temps réel). Sans être une véritable réussite, c'est une oeuvre assez intéressante dont la grande qualité est de ne jamais chercher à faire croiser les différents destins pour dessiner quelque chose de plus large. Ici, les clients rentrent et sortent sans toujours interférer les uns entre les autres tandis que des artistes viennent faire un seul numéro et puis disparaissent.
Il en ressort une sentiment de réalisme et d'honnêteté qui ne vire jamais dans un genre particulier (contrairement au Ulmer). Pour autant on n'est absolument pas dans une approche documentariste avec une réalisation très cinématographique de Uchida dont la caméra se faufile d'une table à l'autre, joue sur le hors-champ dans les ruelles et exploite chaque cm² du décor (évitant tout de même l'exercice de style). Une réalisation en tout cas très fluide qui s'attarde le moins longtemps sur les différents personnages avec une certaine densité : on y croise d'anciens militaristes qui se retrouvent par hasard, des étudiants qui parlent d'art, une serveuse dont l'amoureux vient de défier un yakuza, un vieux peintre qui gagne sa vie au pachinko, le gérant d'un opéra, un pianiste déchu, une danseuse de strip-tease, un pilier de bar qui finit tous les verres et tant d'autres.

Un zapping permanent parfois presque frustrant tant on passe fugacement d'une groupe à l'autre. A l'inverse, certains passages sont un peu trop étirés dont les numéros musicaux/danses (pour le coup en temps réel) qui cassent un trop le rythme. Il est surtout dommage que la sous-intrigue la moins passionnante et la plus artificielle soit la plus présente (celle du pianiste qui refuse que son élève rejoigne la troupe d'opéra) avec une dimension mélodramatique pratiquement hors-sujet d'autant qu'arrivant vers la fin du récit, elle n'est absolument pas entrecoupée par d'autres histoires.

Quelques fausses notes qui empêchent de trouver le projet aussi stimulant que sur le papier mais il faut reconnaître que Uchida triche le moins possible et évite beaucoup de facilités et de pièges. De plus l'interprétation générale est d'une grande qualité, là aussi très naturelle et la réalisation parvient est solide avec sa virtuosité discrète qui se révèle surtout dans l'introduction et la conclusion puisque le bar y apparaît vide. Le dernier plan est à ce titre une petite merveille de mélancolie existentialiste avec une économie de moyens et de dialogues.

Un peu déstabilisant sur le moment mais le genre de films qui vieillit bien.
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Re: Tomu Uchida (1898-1970)

Message par k-chan »

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Le bar du crépuscule, de Tomu Uchida (1955) [Tasogare sakaba - たそがれの酒場]
[vu le vendredi 25/03/16 - rétrospective Shintoho, à la MCJP]

En connaissant les films de Uchida disponibles chez nous, et avec son 8/10 sur IMDB, difficile de ne pas attendre de pieds fermes ce Bar du crépuscule, film inédit en France. La déception est évidente, le film n'étant pas la pépite annoncée par les programmateurs de la MCJP. La mise en scène de Uchida est vraiment très belle, mais après une mise en place intéressante partant toutefois dans tous les sens, le bar étant comme une fourmilière dans laquelle se faufile la caméra avec une aisance surprenante, le récit en huis clos se concentre finalement sur des personnages dont les histoires ne sont pas des plus palpitantes. Le film est par ailleurs parsemé de passages chantés qui ne sont pas forcément réjouissants, en plus d'être bien trop longs, et le pathos forcé des dernières scènes est franchement fatiguant. Bref, pas un mauvais film, mais clairement un film mineur, dont j'ai surtout apprécié la première partie. On retiendra donc la réalisation impeccable, la jolie Keiko Tsushima en danseuse, et la trop brève apparition de Daisuke Kato et Eijiro Tono, tous deux franchement très drôles (voir l'image du dessus).
On notera aussi l'apparition d'un tout jeune Tetsuro Tanba jouant le caïd, et qui se fait bien mâter, repartant alors la queue entre les pattes sans demander son reste. :mrgreen:

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-Kaonashi-
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Re: Tomu Uchida (1898-1970)

Message par -Kaonashi- »

Tiens, j'ai aussi raté un Uchida, dommage !
k-chan, que penses-tu de ses 6 films Miyamoto Musashi ?
Je les ai découverts il y a un an, et quasiment vu d'une traite (bon, en une semaine). J'étais impressionné par la qualité constante, d'un film à l'autre, par l'intérêt constamment renouvelé (surtout pour moi qui ait lu les romans, puis une partie de l'adaptation en manga Vagabond). Et le summum, vraiment, c'est le dernier film, complètement à part, assez fou, et ultra noir.
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Re: Tomu Uchida (1898-1970)

Message par k-chan »

-Kaonashi Yupa- a écrit :k-chan, que penses-tu de ses 6 films Miyamoto Musashi ?
Je les ai découverts il y a un an, et quasiment vu d'une traite (bon, en une semaine). J'étais impressionné par la qualité constante, d'un film à l'autre, par l'intérêt constamment renouvelé (surtout pour moi qui ait lu les romans, puis une partie de l'adaptation en manga Vagabond). Et le summum, vraiment, c'est le dernier film, complètement à part, assez fou, et ultra noir.
J'ai acheté le coffret il n'y a pas si longtemps, profitant du fait que amazon le brade à 19.99€. Même si j'avais auparavant les 5 premier films en fansub, je ne les avais toujours pas regardé. Je craignais un peu d'être déçu vu ce qu'en dis Ordell Robbie sur cinémasie (Vic Vega par ici) concernant les 5 premiers volets. Mais vu ce que tu me dis, et après pas mal d'autres échos souvent postifs, ça me donne très envie. Je vais me programmer ça. :)
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Re: Tomu Uchida (1898-1970)

Message par bruce randylan »

Chikamatsu's love in Osaka (1959)

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Un jeune homme qui a été adopté est amené pour la première fois de sa vie dans le quartier des prostituées. Timide, il tombe amoureux d'une des courtisanes mais leur amour ne peut s'épanouir. Alors qu'il songe à racheter sa dette, il apprend qu'elle vient d'être vendue à un aristocrate qui désire l'épouser..

Même si le titre original japonais ne fait pas référence à l'écrivain Monzaemon Chikamatsu, ce film de Tomu Uchida le place en effet au cœur du récit, non comme l'un des personnage principal mais comme un témoin du drame qui se joue devant lui et qui l'inspire en retour. On pense d'ailleurs aux Les amants crucifiés avec cette histoire de passion maudite. Cette présence est anodine durant la première mais gagne en puissance durant la seconde. Un peu comme le film en fait.

La première moitié est assez conventionnelle, pour ne pas dire académique malgré les nombreux mouvements de caméra raffinée qui compense un peu un matériel justement théâtral peinant à véritablement passionner.
C'est une fois que Umegawa (la prostituée) est sur le point d'être rachetée qu'on commence à se redresser sur le fauteuil, surpris par l'intensité dramatique qui se profile. L'histoire, jusque là assez froide, se fait plus poignante portée par une très jolie réalisation qui repose tant sur un travail des couleurs délicat que sur des longs mouvements de grues frémissant.
La criminalité, la fuite, la folie et le dénouement funeste rythme évidement le récit mais c'est justement la présence de Chikamatsu qui transcende le tout. Malgré les histoires tragiques que lui-même à écrit pour la scène, il se trouve indigné et bouleversé par ce qu'il voit et souhaiterait imaginer une fin moins pessimiste. L'occasion donc de donner deux séquences sublimes d'onirisme où le destin des amants prend la forme de pièces de théâtre (à l'approche scénique différente) dans lesquelles Chikamatsu essaye d'exorciser ce qu'il a assisté sans parvenir à l'oublier.
Uchida en fait une brillante mise en abîme sur la création artistique où lui-même mêle cinéma et théâtre avec une virtuosité lyrique pour des plans-séquences remarquables : les amants devenus de personnages d'une pièce puis leurs alter-ego en marionnettes sous le regard bouleversé de leur auteur en fond de la salle de spectacle, passif et victime d'un drame qu'il a pourtant écrit.
Les 20 dernières minutes sont incroyablement fortes et presque viscérales pour une ultime séquence audacieuse (ce travelling arrière quand même !) qui fait oublier l'anonymat un peu plat de la première moitié mais qui se justifie par la nature même du projet.

Voilà qui mériterait largement une seconde vision pour décrypter plus en profondeur le travail d'Uchida sur l'appréhension de l'espace et la construction des regards et des points de vue qui m'a l'air très élaborée en repensant à certaines scènes. Je viens justement de lire sur un blog anglais une orientation plus intellectuelle et existentielle où Chikamatsu devinerait en avance (voire dicterait) les rebondissement et que les personnages étaient déjà les marionnettes de son imagination.
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-Kaonashi-
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Re: Tomu Uchida (1898-1970)

Message par -Kaonashi- »

Le film était projeté quelque part ?
k-chan a écrit :
-Kaonashi Yupa- a écrit :k-chan, que penses-tu de ses 6 films Miyamoto Musashi ?
Je les ai découverts il y a un an, et quasiment vu d'une traite (bon, en une semaine). J'étais impressionné par la qualité constante, d'un film à l'autre, par l'intérêt constamment renouvelé (surtout pour moi qui ait lu les romans, puis une partie de l'adaptation en manga Vagabond). Et le summum, vraiment, c'est le dernier film, complètement à part, assez fou, et ultra noir.
J'ai acheté le coffret il n'y a pas si longtemps, profitant du fait que amazon le brade à 19.99€. Même si j'avais auparavant les 5 premier films en fansub, je ne les avais toujours pas regardé. Je craignais un peu d'être déçu vu ce qu'en dis Ordell Robbie sur cinémasie (Vic Vega par ici) concernant les 5 premiers volets. Mais vu ce que tu me dis, et après pas mal d'autres échos souvent postifs, ça me donne très envie. Je vais me programmer ça. :)
Toujours pas, k-chan ? :P
Dernière modification par -Kaonashi- le 23 févr. 17, 14:27, modifié 1 fois.
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Re: Tomu Uchida (1898-1970)

Message par bruce randylan »

-Kaonashi Yupa- a écrit :Le film était projeté quelque part ?
Sur mon disque dur :oops:
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Re: Tomu Uchida (1898-1970)

Message par k-chan »

-Kaonashi Yupa- a écrit :Le film était projeté quelque part ?
k-chan a écrit : J'ai acheté le coffret il n'y a pas si longtemps, profitant du fait que amazon le brade à 19.99€. Même si j'avais auparavant les 5 premier films en fansub, je ne les avais toujours pas regardé. Je craignais un peu d'être déçu vu ce qu'en dis Ordell Robbie sur cinémasie (Vic Vega par ici) concernant les 5 premiers volets. Mais vu ce que tu me dis, et après pas mal d'autres échos souvent postifs, ça me donne très envie. Je vais me programmer ça. :)
Toujours pas, k-chan ? :P
J'ai vu les 3 premiers, du très bon, avec des moments forts. Il faut que je continue, et j'avoue que j'ai hâte de découvrir le dernier après ce que tu as dis.
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