Nashville (Robert Altman - 1975)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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acidparadouze
Machino
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Nashville (Robert Altman - 1975)

Message par acidparadouze »

Nashville: Espèce d'énorme film sans intrigue, beaucoup de séquences sont géniales et délurées grâce un paquet d'acteurs impressionnants et de personnages très forts. Un film totalement immersif mais que je trouve plombé à partir de la moitié du film par des séquences de chansons country interminables. Si je comprends l'interet que veut porter Altman à la musique et aux scènes de concert, je trouve que le film est noyé dans une musique qui m'ennuie terriblement. Alors au bout d'un moment je me suis fermement ennuyé. Pourtant la première moitié suffit à soutenir le tout et j'en garde un bon souvenir.
Tom Peeping
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Nashville (Robert Altman - 1975)

Message par Tom Peeping »

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Le chef-d’œuvre de Robert Altman, plus de 30 ans après sa sortie, reste une expérience cinématographique intense et l’un des films essentiels des années 70. En 1975, la sortie du film en salles a été un coup de tonnerre pour les professionnels du cinéma et les spectateurs qui n'avaient jamais rien vu de tel sur un écran. Nashville révolutionnait les principes narratifs filmiques, lançait un ensemble de comédiens exceptionnels et parlait de l’Amérique et de l’Etre Humain comme aucun autre film ne l’avait encore tenté. Je l’ai découvert en DVD il y a quelques jours et à vrai dire, je ne m’en suis pas encore tout à fait remis.

Sorti à la fin de la Guerre du Vietnam, Nashville est le premier film choral (ou "panoramique" comme on disait alors), un genre ré-inventé par Altman et sa scénariste Joan Tewkesbury : en 2h40 de film, vingt-quatre personnages arrivent à Nashville pour le festival Grand Ole Opry (Folk & Country). Ils se croisent sans tous se reconnaître pendant 2h30 avant de se retrouver impliqués ensemble à divers degrés dans un dramatique fait divers au cours des 10 dernières minutes.

Il y a d'abord Barbara Jean (Ronee Blakley), la reine de la Country qui traverse une phase dépressive et qui va craquer pendant un concert. Un de ses fans est un Marine revenu du Vietnam (Scott Glenn). Il la suit partout. Sa rivale Connie White (Karen Black) attend qu’elle se plante pour lui piquer sa place. Keith Carradine est une star du Folk qui tombe toutes les femmes du coin et notamment Lily Tomlin, une mère de famille mariée à Ned Beatty et qui échappe à son ennui conjugal en chantant dans un groupe de Gospel. Une journaliste – nullissime - en reportage pour la BBC (Géraldine Chaplin) est intriguée par un motard plus que bizarre (Jeff Goldblum). Shelley Duvall est une hippie qui arrive de Los Angeles pour voir sa tante hospitalisée et qui croise souvent un type très introverti qui se promène partout avec un étui à violon après avoir emménagé dans un Bed & Breakfast... Pendant ce temps, une camionnette munie de haut-parleurs sillonne Nashville pour la campagne électorale d’un politicien du coin…

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Karen Black dans le rôle de Connie White (dans une scène hilarante du film, on lui présente Julie Christie - la vraie Julie Christie - qui est de passage à Nashville mais Connie White, qui ne connait l'actrice que de nom, ne croit pas que c'est elle et se fout de sa gueule quand l'autre lui dit qu'elle a eu un Oscar).

Nashville est le premier film d’Altman où les superpositions de dialogues, les brusques changements de direction de l’histoire en fonction des déplacements des divers personnages, le mélange de l’intime et de l’universel, les scènes avec figurants filmées comme un documentaire et le dosage typique d’absurde et de vérité, de tendresse et de cynisme, d’humour et de tragédie s’organisent dans une structure d’une inventivité de chaque instant et d’une rigueur subtile mais implacable. The Player (1992), Shortcuts (1993), Gosford Park (2001) – sans compter Magnolia, Crash et tant d’autres films - reprendront tous l’organisation de Nashville, qui reste définitivement le modèle du genre.

Pour donner à Nashville son aspect naturaliste (et assouplir l’artifice de la construction), Altman a demandé à ses acteurs de composer leurs propres chansons en respectant les codes de la Country/Folk Music. Keith Carradine a d’ailleurs remporté en 1975 l’Oscar de la meilleure chanson pour sa splendide ballade «I’m Easy» - très fortement influencée par Cat Stevens – qui fait l’objet de l’une des plus belles scènes du film, quand Carradine la chante dans un club après l’avoir dédicacée à une femme présente dans la salle et que quatre de ses conquêtes pensent qu’il s’agit d’elles. La superbe Ronee Blakley (ex-Mme Wim Wenders à la ville) interprète sur scène trois compositions de son cru qui sonnent comme des standards : «Tapedeck in His Tractor», «Dues» et «My Idaho Home». Même Karen Black, toujours aussi épatante dans le rôle d’une chanteuse talentueuse mais stupide, s’y colle avec ses créations «Memphis» et «Rolling Stone». Un autre effet surprenant de la force de Nashville est qu’on peut aimer le film sans aimer ni la Country ni le Folk.

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La très belle Ronee Blakley dans le rôle de Barbara Jean (avant son grand pétage de plomb)

Réalisé il y a trois décennies, le film pourrait être cruellement daté mais il n’en est rien : en ayant situé son histoire à Nashville – la capitale de la Country, genre musical américain par excellence - où les ravages de la Mode n’ont aucun effet et où les visiteurs d’aujourd’hui doivent ressembler trait pour trait à ceux de la génération précédente et à celle de la génération prochaine, Altman a eu un trait de génie. Nashville est d’hier, d’aujourd’hui et de demain. L’actualité de ses images est fascinante et on ne peut que se dire en fin de visionnage qu’on a vu un des très rares films sur lesquels le Temps n’a strictement aucune prise. Du coup, l’histoire individuelle de ses personnages devient intemporelle, universelle et profondément bouleversante. Le personnage de la serveuse qui rêve de devenir une star de la Country et qui finira strip-teaseuse pour VRPs, pour cliché qu’il soit, prend dans le film une dimension qui touche au mythologique.

Dans son commentaire passionnant inclus dans le DVD, Altman raconte que les journalistes le harcelèrent après l’assassinat de John Lennon en 1980 parce qu’ils pensaient que le film en était, à sa façon, une prémonition. Altman s’en défend bien sûr mais reconnaît que Nashville posait bien la question du rôle de plus en plus important que prenait le show-business dans la société de la fin des années 60 et des risques de dérive de la transposition du divin (les stars de la scène) dans l'industrie du spectacle : ce n’est pas par hasard que le film se termine dans le décor incroyable et vulgaire du Parthénon de Nashville, la seule réplique grandeur nature au Monde du monument de l’Acropole d’Athènes.

Et rien ne peut préparer le spectateur qui découvre Nashville pour la première fois à la puissance émotionnelle des 10 dernières minutes, quand les parcours croisés des personnages du film entrent en collision au cours d’un concert en plein-air. A la brutalité de l’incident qui a alors lieu, la réponse de la foule, galvanisée par la sublime chanson «It Don’t Worry Me» (écrite par Keith Carradine et chantée dans le film par Barbara Harris), est un moment de grâce rarement atteint dans le cinéma. La critique, qu’elle soit pro- ou anti-Nashville (oui, il y en a) s’est toujours retrouvée sur ces quelques minutes qui ont été décrites comme un moment «miraculeux» défiant toute analyse. Difficile de ne pas avoir une boule dans la gorge et le coeur qui bat plus vite quand commence à défiler le générique final.

Je n’ai vu Nashville qu’une seule fois mais il paraît que le film est encore meilleur à la seconde vision. Pour l’instant, la première fois me suffit : Nashville s’est durablement imprimé dans ma mémoire de cinéphile et a rejoint ma top-list. Ce puzzle parfait est l’un des mes plus grands chocs cinématographiques de ces dernières années. Robert Altman, rien que pour ce film, a mille fois mérité l’Oscar d’honneur qu’Hollywood a décidé de lui remettre.

Et toi, as-tu vu Nashville ?

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Fatalitas
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Message par Fatalitas »

je reve depuis bien longtemps de le voir, mais bon Paramount France (vu que les zone 1 ne proposent pas de stf) n'est pas pressé de sortir ses classiques :?
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blaisdell
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Message par blaisdell »

Fatalitas a écrit :je reve depuis bien longtemps de le voir, mais bon Paramount France (vu que les zone 1 ne proposent pas de stf) n'est pas pressé de sortir ses classiques :?
+ 100000 . Ils commencent vraiment à taper sur les nerfs à ne pas sortir les classiques disponibles en zone 1. A quand LE LOCATAIRE, LE DERNIER NABAB, OPERATION DIABOLIQUE, DANGER DIABOLIK, DU SANG DANS LE DESERT, LA PETITE, PARIS BRULE T-IL ?, REGLEMENT DE COMPTES A OK CORRAL, j'en passe et des meilleurs ?
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Message par Fatalitas »

blaisdell a écrit :
Fatalitas a écrit :je reve depuis bien longtemps de le voir, mais bon Paramount France (vu que les zone 1 ne proposent pas de stf) n'est pas pressé de sortir ses classiques :?
+ 100000 . Ils commencent vraiment à taper sur les nerfs à ne pas sortir les classiques disponibles en zone 1. A quand LE LOCATAIRE, LE DERNIER NABAB, OPERATION DIABOLIQUE, DANGER DIABOLIK, DU SANG DANS LE DESERT, LA PETITE, PARIS BRULE T-IL ?, REGLEMENT DE COMPTES A OK CORRAL, j'en passe et des meilleurs ?
j'ai Le Locataire, vu que la plupart des acteurs sont français, je prefere la VF, mais je te rejoins sur les autres titres, surtout pour le Frankenheimer, le Bava, et donc le Altman, et d'autres qu'on oublie surement. Universal France (la collection Marlene Dietrich) ou Columbia (Columbia Classics) font plus d'effort du coté des classiques.
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blaisdell
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Message par blaisdell »

Merci de me rejoindre FATALITAS sur les titres cités (je n'ai pas cité un film comme BARBARELLA qui est un nanar mais kitsch comme je les aime) d'autant qu'il s'agit souvent de films très demandés.

Mais le pire ce sont des films comme LE CONFORMISTE de Bertolucci (on m'a fait remarquer que je le citais beaucoup mais c'est un des plus grands films du cinéma, du moins c'est ce qu'on pense à juste titre aux Etats -unis), BORSALINO de Deray ou QUATRE NUITS D'UN REVEUR et UNE FEMME DOUCE de Bresson qui resteront peut-être dans les archives !

Enfin pour LE LOCATAIRE c'est vraiment bizarre, on ne sait pas quelle est la vo. Dans la vf, les acteurs américains ont une voix qui laisse à désirer mais dans la version anglaise, ce sont les acteurs français qui ont une voix qui laisse à désirer !!
Martin Brody
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Message par Martin Brody »

Je partage entièrement l'avis de Tom. C'est un film que j'ai vu il y a très, très longtemps et qui m'avait beaucoup plu. J'étais très fan du Robert Altman de cette période, j'avais aussi beaucoup aimé A Wedding (un autre film "choral", d'une certaine manière) et surtout l'inclassable Three Women.

En espérant que toutes ces petites merveilles seront un jour éditées en zone 2 ...
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Tom Peeping
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Message par Tom Peeping »

Martin Brody a écrit :J'étais très fan du Robert Altman de cette période, j'avais aussi beaucoup aimé A Wedding (un autre film "choral"; d'une certaine manière) et surtout l'inclassable Three Women.
Trois Femmes est le film d'Altman que je préfère. Après l'avoir découvert, j'avais créé un post sous le coup de l'enthousiasme : http://www.dvdclassik.com/forum/viewtopic.php?t=13820 :wink:
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Re: Nashville (1975) de Robert Altman

Message par Tom Peeping »

Mes antennes me disent qu'un forumeur à qui on ne marche pas sur les pieds à finalement vu Nashville hier.
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Watkinssien
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Re: Nashville (Robert Altman - 1975)

Message par Watkinssien »

Un des meilleurs films de Robert Altman, une oeuvre quasiment archétypale (le premier film choral véritablement abouti) proposant un portrait féroce d'une certaine Amérique, à travers des cultures très précises.
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Re: Nashville (Robert Altman - 1975)

Message par Strum »

Watkinssien a écrit :le premier film choral véritablement abouti.
Dodes'kaden de Kurosawa, très grand film choral aux personnages multiples que l'occident a découvert sur le tard, date de 1970.
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Watkinssien
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Re: Nashville (Robert Altman - 1975)

Message par Watkinssien »

Strum a écrit :
Watkinssien a écrit :le premier film choral véritablement abouti.
Dodes'kaden de Kurosawa, très grand film choral aux personnages multiples que l'occident a découvert sur le tard, date de 1970.
Il est vrai que j'attendais le contre-exemple après ma phrase. J'aime beaucoup le film de Kurosawa.

On va dire alors le premier film choral américain.
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Re: Nashville (1975) de Robert Altman

Message par Tuesday »

Tom Peeping a écrit :Mes antennes me disent qu'un forumeur à qui on ne marche pas sur les pieds à finalement vu Nashville hier.
Vu hier 8) donc

Un forumeur de mes connaissances, quand il ne me fait pas decouvrir des stars sur le retour botoxées jusqu'à l'éclatement labiale et épanchement nasal, m'offre des très très chouettes dvds.

Nashville fut l'un d'eux.

Tom, merci infiniment!

Nous en parlerons en live, un de ces 4. Pour la review du film, vous avez tout dit ici ;)
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odelay
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Re: Nashville (Robert Altman - 1975)

Message par odelay »

J'ai découvert il y a peu l'excellent Un mariage avec son affrontement de nouveaux et anciens riches et sa Lilian Gish au sommet de la pyramide reposant tranquillement, et l'étonnant et passionnant Trois Femmes (Shelley Duvall m'a vraiment bluffé dans ce film).
Je n'ai qu'une envie c'est de voir ce classique qu'est Nahville mais que Paramount a l'air de se contre foutre (surtout quand je lis l'excellent post de départ de Monsieur Peeping). J'irais bien du côté du z1 mais il suffira que je l'achète pour qu'il débarque en z2 avec ssfr! On peut avoir espoir, après tout Le Dernier Nabab est bien arrivé jusqu'à chez nous.
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ed
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Re: Nashville (Robert Altman - 1975)

Message par ed »

Je reposte, non sans fainéantise, le commentaire que j'avais écrit en proposant le film au frcd :
Touché que j'ai été par sa disparition à la fin de l'année dernière, il m'était inconcevable de ne pas rendre hommage à Robert Altman lors de cette session glanchienne, et y'avait-il pour cela film plus approprié que cette oeuvre quintessentielle de son art (qui en annonce bon nombre d'autres, notamment Short Cuts) ?
Drame social, satire politique, comédie musicale, mélodrame - et résolument impossible à raconter - Nashville est tout ça à la fois, brassant les registres et les tons avec une incroyable maîtrise, mais apparaît surtout comme un instantané sur les années 70, lucide et parfois désenchanté (d'aucuns parleront comme souvent avec Altman de misanthropie, à mon avis à tort). La capitale de la country music y est filmée comme un personnage à part entière (jusque dans ses recoins les plus ignorés, comme cette casse auto où une excentrique journaliste anglaise vient chercher inspiration pour un reportage sur la vie locale) et s'y croisent ainsi une quinzaine de protagonistes, parfois sans liens, si ce n'est évidemment leur présence physique, mais peut-être aussi leur absence de perspectives, la vie les ayant quasiment tous fissurés, leurs rêves s'étant un à un éteints (la candide Sueleen notamment s'accrochant de façon pathétique au sien).
Parfois bouleversant (le travelling avant sur Lily Tomlin pendant la chanson I'm easy), loufoque, mystérieux voire délibérément opaque, quoiqu'il en soit d'une incroyable richesse, ce film ample (2h30) bouillonne d'une énergie peu commune, et au lieu de devenir déprimant, conclut sa dramatique scène finale d'une touche amère mais paradoxalement presque optimiste... It don't worry me, It don't worry me... You may say that I ain't free, but it don't worry me...
En bref, donc, j'adore ce film.
Me, I don't talk much... I just cut the hair
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