Marcel Carné (1906-1996)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Commissaire Juve
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par Commissaire Juve »

A propos de Les Jeunes Loups (1968)

Je reproduis mot pour mot un petit échange entendu par hasard au Masque et la plume du 14 avril 1968... (j'espère que Jean-Louis Bory écrivait mieux qu'il ne parlait... 'tain de logorrhée :mrgreen: )

Jean-Louis Bory : J'ai beaucoup de tristesse à m'apercevoir que ce genre de cinéma ne vieillit pas... c'est qu'il est déjà mort... Et pourtant, c'est "les Enfants du Paradis", et pourtant c'est "Quai des Brumes", et pourtant c'est tout ça... enfin, on a beaucoup aimé ça quand on était jeunes... et je veux dire que lorsque j'ai vu "Les jeunes loups" j'ai essayé de m'intéresser désespérément au sujet qui est celui que Carné traite depuis plusieurs films, c'est-à-dire "le drame de la jeunesse dans le monde moderne"...

Malheureusement, il ne la connaît pas, cette jeunesse... Ou alors il la connaît par produits bizarrement sophistiqués... du style germano-pratin qui n'a qu'un rapport lointain avec la vraie jeunesse... et, par conséquent, il prend des petits gigolos de la terrasse du Flore, il s'imagine que c'est la jeunesse avec un grand J... et naturellement, du fait même qu'il veut faire un film général, il commence par mettre lourdement à côté de la plaque...

Alors cette espèce de Rastignac 1965... 6... 7... 8... 9... enfin, je ne sais pas, c'est tout à fait dans le vent, c'est tout ce qu'il y a de plus "in", bien sûr...

Alors il y a un spectacle qui a tout de même un côté un peu consternant de voir un vieux monsieur s'essouffler pour rester "in"... je préférerais que Carné porte le regard d'un homme de "sa" génération sur la génération qui monte, et non pas essayer d'être "dans le coup" de cette génération-là, parce qu'il a perdu d'avance... il est essoufflé, hors circuit...

Alors il y a ce film auquel on ne croit pas beaucoup, d'autant plus que les jeunes gens parlent tous -- alors là, je me demande par quel secret le dialoguiste a réussi à faire parler des jeunes gens aussi faux ! Il n'y a qu'à se promener, descendre dans le métro, aller sur une terrasse...

-- Une partie des dialogues est empruntée à une enquête qui a paru dans le journal dans lequel tu travailles !
-- Oh ?
-- Oui ! une partie des dialogues...
-- Alors là, je suis terrifié !
-- Avec le CNRS, en plus ! C'est un coup du CNRS !
-- Alors je suis terrifié de voir à quel point ces résultats -- certainement scientifiques...
-- Oui, avec machines IBM et tout...
-- Alors ça, ça accroit ma méfiance vis-à-vis des machines IBM, des rapports scientifiques et des statistiques... Jamais je n'ai entendu des jeunes gens parler de la sorte !
-- Oui mais, Jean-Louis, il ne faut pas oublier qu'ils parlent faux, les malheureux ! Ils sont incapables d'articuler ! C'est ça qui est terrible !
-- Mais ils parlent peut-être faux dans la vie aussi ?
-- Non, non... ils ne parlent pas, pas à ce point-là !
-- Ils sont d'ailleurs... ce qui est très frappant, c'est qu'ils donnent une image de "mort"... on a l'impression qu'ils sont morts !
-- C'est un film mort !
Et dire que "La maman et la putain" n'était pas encore sorti ! :uhuh:
La vie de l'Homme oscille comme un pendule entre la douleur et l'ennui...
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par Federico »

Euh... quand on voit ("subit" serait un terme plus adéquat) la bande-annonce, je dirais simplement : "Heureusement qu'il y a eu La maman et la putain... :mrgreen:
En même temps, la qualité du jeu des acteurs et celle des dialogues annoncent avec une sidérante prémonition les copro-ductions Azoulay/Berda de la génération suivante. A croire qu'Elizabeth Teissier avait vraiment le don de lire l'avenir dans les boules...
:uhuh: :arrow:
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Commissaire Juve
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par Commissaire Juve »

Ah oui, indeed ! :lol: Marcel avait dû faire un mauvais trip au LSD ! :mrgreen:
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par batfunk »

Les assassins de l'ordre (1971)

Pour être franc ,je connais très mal le cinéma de Marcel Carné,je n'ai vu que "Les enfants du Paradis" et "Hôtel du nord".C'est le sujet qui m'a intéressé,car je suis un grand amateur des films politiques des années 70.Et sur ce point,ce film est absolument réussi.Un plaidoyer pour la justice,qui ne se veut pas naïf mais tout simplement réaliste et humain.
Le casting est excellent:Brel est parfait en juge obstiné,un Michael Lonsdale mielleux , et Charles Denner est excellent en avocat insinuant le doute dans la tête des témoins.Boby Lapointe fait aussi une apparition remarquée.
Le témoignage de Brel à la barre est un grand moment.La musique très parcellaire et électronique de colombier accentue le côté menaçant du film.
Mon seul regret est le manque d'envergure cinématographique du film(la photo est beurk notamment),on est plus proche du film TV mais cela est est probablement du à un manque de moyens(Carné est en fin de carrière).La mise en scène de Carné,classique,reste elle irréprochable avec notamment cette faculté de faire parler les silences(les croisements de regards lors du procès sont éloquents).
A recommander à tous ceux qui aiment les films de Boisset,de Costa Gavras...
Une bien belle surprise,comme l'avait été pour moi "Dressé pour tuer" de Fuller ,autre oeuvre tardive .
Merci France 3 corse!
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Profondo Rosso
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par Profondo Rosso »

Quai des Brumes (1938)

Image

Par une nuit ténébreuse, un déserteur du nom de Jean arrive au Havre dans l’espoir de quitter la France. En attendant un bateau, il trouve refuge au bout des quais, dans une baraque autour de laquelle gravitent plusieurs marginaux. Il y fait la rencontre de Nelly, une belle et mystérieuse jeune femme dont le regard le bouleverse. Cette dernière vit dans la terreur de son tuteur, le misérable Zabel, lui-même racketté par une bande de voyous. Par amour, Jean se mêle aux affaires de Nelly et met les pieds dans un engrenage périlleux…

Après la rencontre artistique sur Jenny (1936) et le premier succès avec Drôle de drame (1937), le tandem Carné/Prévert signait un de ses sommets avec Quai des Brumes. Les aléas de la production conduisirent le film à finalement prolonger et définir les canons du "réalisme poétique" déjà posés par des œuvres antérieures comme Pepe le Moko (1937) ou La Belle Équipe (1936) : puissance mélodramatique exacerbée, personnages maudits et poids du destin inéluctable. Désireux de travailler avec Jean Gabin, Marcel Carné adapte là le roman éponyme de Pierre Mac Orlan (paru en 1927) et lui propose le rôle principal dans un projet devant être produit par la UFA avec laquelle Gabin est sous contrat. Joseph Goebbels hostile à un film mettant en avant un personnage de déserteur, les droits sont revendus en France au producteur Gregor Rabinovitch (producteur juif assez ironiquement d'ailleurs) et change grandement d'orientation. Tout dans les choix d'adaptation de Jacques Prévert confère à donner une pureté, une beauté immaculée tant narrativement que visuellement au récit alors que le roman de Pierre Mac Orlan était bien plus sordide. L'action passe des quartiers de Montmartre aux quais du Havre (initialement quais de Hambourg quand le film devait encore être produit par les allemands), le personnage de Michel Simon aussi ignoble soit-il agit par amour quand ce n'est qu'un assassin cupide sur papier et le passé de Michelle Morgan est plus évasif ici quand il était avéré qu'elle avait sombré dans la prostitution dans le livre. Nous avons donc là des héros typiques du réalisme poétique, des innocents meurtris dont la destinée semble guidée vers une issue funèbre quel que soit leurs efforts pour s'en sortir.

Le Havre, carrefour commercial et lieu de passage est également là un lieu où viennent se perdre les âmes les plus torturées. Pour s'abandonner à ses idées morbides et suicidaire comme le peintre dépressif joué par Robert Le Vigan, se laisser porter par une vie sans but comme la jeune mais déjà désabusée Nelly (Michèle Morgan), s'abandonner à ses mauvais penchants comme l'infâme Zabel (Michel Simon) ou dans l'espoir de tout recommencer avec le déserteur incarné par Jean Gabin. La brume nocturne dans laquelle s'ouvre le film semble ainsi autant dissimuler les secrets et remords des personnages que leurs âmes noires, révéler une vraie bonté désintéressée (le chaleureux patron de bar Panama) ou la lâcheté ordinaire (Pierre Brasseur en gangster de pacotille) et surtout éveiller l'amour entre les deux être perdus que sont Jean et Nelly. Pour un temps, Jean oublie les idées noires qui l'on poussé à la désertion et Nelly l'environnement sordide qui la rend si détachée de tout et les deux protagonistes deviennent beaux ensemble devant la caméra de Marcel Carné, les arrières de bar, les quais désert au petit matin ou les ruelles sombres deviennent de sublimes lieux d'abandon et de passion magnifié par la photo de Eugen Schüfftan et les décors d' Alexandre Trauner. Le réalisme se manifeste quand les amants font face au quotidien de cet environnement tandis que la dimension factice et onirique peut s'affirmer dès qu'ils sont seuls (avec un exemple frappant dans l'intimité de cette chambre retrouvant tout son aspect trivial quand un domestique vient apporter le petit déjeuner).

Jean Gabin, éteint et renfrogné comme toujours immédiatement attachant par les fêlures qu'il révèle sous les réactions brusques (belle ouverture où il désamorce la bagarre le chauffeur de camion). Michèle Morgan est d'une beauté juvénile et d'une fragilité désarmante, son regard clair semblant comme illuminer la fange ambiante dès qu'il s'anime. La sophistication esthétique de Carné offre un parfait contrepoint à la simplicité des mots de Carné (les répliques plus recherchées venant en grande partie du livre comme les tirades du peintre dépressif), offrant deux moments parfaits avec le baiser où Gabin lance le fameux "T'as d'beaux yeux, tu sais" et bien sur la bouleversante conclusion voyant le couple cruellement rattrapé par tous ces choix tout au long du film et son impossibilité à se séparer. Ce serait d'ailleurs peut être le seul relatif reproche à ce classique, ce sentiment que tout est joué sans nous donner l'illusion d'y croire (le thème solennel de Maurice Jaubert appuyant ce fait) au contraire de la progression dramatique d'un Pépé le Moko par exemple, écueil que surmontera Carné avec les innovations narrative du Jour se lève (1939). 5,5/6
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Rick Blaine
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par Rick Blaine »

Profondo Rosso a écrit :Ce serait d'ailleurs peut être le seul relatif reproche à ce classique, ce sentiment que tout est joué sans nous donner l'illusion d'y croire (le thème solennel de Maurice Jaubert appuyant ce fait) au contraire de la progression dramatique d'un Pépé le Moko par exemple, écueil que surmontera Carné avec les innovations narrative du Jour se lève (1939). 5,5/6
Entièrement d'accord avec ça. Ce qui n’empêche pas le Quai des Brumes d'être un film que j'aime énormément mais il y a cette petite limite.
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Jeremy Fox
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par Jeremy Fox »

L’air de Paris - 1954

Ancien boxeur, Victor Le Garrec (Jean Gabin) dirige une salle d'entraînement dans le quartier de Grenelle et rêve de découvrir un poulain qui deviendra champion et réalisera ainsi les ambitions que lui-même n'a pu tenir. Son épouse Blanche (Arletty) a pris son parti de cette passion excessive pour la boxe ; elle continue de tenir la comptabilité de la salle alors qu’ayant hérité elle aurait préféré qu’ils aillent couler des jours heureux sur la Riviera. Lorsque Victor rencontre André Ménard (Roland Lessafre), un ouvrier ferroviaire déprimé qui révèle des dons pour le noble art, il l'arrache à sa vie médiocre, le fait travailler pour en faire un champion. Mais le jeune homme tombe amoureux de Corinne (Marie Daëms), une jeune mannequin qui monte dans la haute société, et délaisse les entrainements pour assouvir cette passion naissante. Quant à Blanche, elle se sent délaissé par son mari depuis qu’il a pris le jeune homme sous sa coupe…

Pour la majorité du grand public, Marcel Carné c’est surtout et avant tout Drôle de drame, Quai des brumes, Le Jour se lève et Les Enfants du paradis ; soit ses films en collaboration avec Jacques Prévert, à en croire certains sans lequel Carné n’était plus grand-chose hormis un technicien hors-pair. Sur ce dernier point personne ne le contredira, L’air de Paris étant une nouvelle preuve de son formidable talent de plasticien. Mais c’est oublier qu’au cours de cette période le tout aussi inoubliable Hôtel du Nord était signé par le duo Henri Jeanson /Jean Aurenche et que Les Portes de la nuit n’était pas forcément au niveau de ses classiques précédents même avec le célèbre poète officiant encore une dernière fois pour lui. Il serait donc temps de ne plus tenir compte de ce qui a a longtemps été considéré comme un état de fait et de ne plus être forcément convaincu que Marcel Carné n’a brillé durant sa carrière qu’avec l’apport aux scénarios et dialogues de Jacques Prévert. Sans minimiser les immenses réussites qui ont découlé de ce brillant duo d’artistes, d’autres des œuvres plus tardives du cinéaste ne déméritent vraiment pas à commencer par cet assez peu connu mais superbe L’air de Paris. Avant ça, il y eut déjà une excellente adaptation de Georges Simenon avec La Marie du Port, Gabin encore en tête d’affiche, puis plus tard encore Les Tricheurs ou Les Assassins de l’ordre qui démontrèrent que le cinéaste possédait encore du talent sur le tard.

Thérèse Raquin ayant reçu un très bon accueil l’année précédente, Marcel Carné décide de renouveler sa collaboration avec le scénariste Jacques Viot pour L’air de Paris, film à l’atmosphère néanmoins beaucoup moins sombre et à l'ambiance générale bien moins noire même si son intrigue se déroule dans les milieux pas toujours reluisants de la boxe. Il nous propose l’histoire d’un entraineur qui s’illusionne et espère trouver un poulain pour en faire un champion du noble art, ce qu’il n’était jamais parvenu à réussir lui-même. Il va placer tous ses espoirs en la personne d’un ouvrier ferroviaire désabusé qui n’a plus aucune confiance en lui et qui déprime avec son salaire et sa situation de misère, incapable de croire en la bonté d’autrui et donc à une quelconque aide. Carné fera de même avec le comédien Roland Lessafre qui interprète le jeune boxeur, l’ayant pris sous son aile, l’ayant aidé à avoir une carrière honorable et ayant gardé avec lui jusqu’à la fin de sa vie une forte relation d’amitié. "Ce qui m’intéressait – en plus de l’atmosphère particulière du milieu – c’était d’évoquer l’existence courageuse des jeunes amateurs qui, ayant à peine achevé le travail souvent pénible de la journée, se précipitent dans une salle d’entraînement pour « mettre les gants » et combattre de tout leur cœur, dans le seul espoir de monter un jour sur le ring…" dira-t-il dans son autobiographie. Paris, la boxe et un arrière-plan social qui le touche beaucoup, le réalisateur part donc très confiant pour ce nouveau long métrage mais les producteurs sont frileux, ne croyant pas à ce projet. Heureusement Robert Dorfmann qui venait de triompher avec ces deux chefs d’œuvre que sont Jeux interdits de René Clément et Touchez pas au grisbi de Jacques Becker lui apporte son soutien d’autant que la boxe le passionne aussi.

Malgré un tournage qui se passe moyennement bien pour tout un tas de raisons dont des frictions diverses et des relations tendues entre Jean Gabin et Roland Lessafre - le premier estimant que la dernière mouture du scénario lui accordait moins d’importance qu’à son jeune partenaire - le résultat est à la hauteur des attentes de son réalisateur qui est au final très satisfait de son travail. Et nous ne pouvons que lui donner raison car en effet son film, renouant avec la poésie populaire de ses débuts, est pleinement réussi à tous les niveaux. Certains ne se sont pas gênés pour parler d’artificialité, de misérabilisme, de bons sentiments (oui Jean Gabin est un brave type… et alors ?!), d’intrigue vue et revue du niveau d’un roman feuilleton… Mais dans les Lettres françaises Georges Sadoul répliquait très justement "qu’on ne crie pas à l’excès, au misérabilisme. Tous ces traits sont justes, typiques, valables pour des centaines de milliers de travailleurs parisiens, jeunes ou non. Jamais peut-être, depuis quinze ans, un film français n’avait peint avec une telle vigueur la vie privée d’un ouvrier." Et c’est vrai que l’aspect documentaire ainsi que la recréation de l’atmosphère de ces milieux populaires sont remarquablement bien restitués. Alors qu’à ceux qui reprochaient une excessive gouaille et de la superficialité décorative, Maurice Arlaud répondait dans Combat : "non, ce milieu est simple, vrai, direct ; c’est celui qui précède la grande foire de la boxe, celui des salles d’entraînement avec son odeur aigre, sa pureté naïve, ses espoirs et cette part de rêve à bon marché qui se distille là avec des bleus et de la sueur".

L’air de Paris met en présence deux couples : d’un côté nous avons celui formé par Jean Gabin et Arletty qui fonctionne à la perfection, les deux comédiens étant d’un naturel confondant. Lui, gérant d’une salle d’entrainement de boxe sans cesse à la recherche d’un futur champion, sa passion pour ce sport le faisant délaisser un peu trop son épouse au grand dam de cette dernière qui préfèrerait désormais aller couler des jours heureux sur la Côte d’Azur d’autant plus qu’elle vient d’hériter. Ne parvenant pas à le persuader, elle fait contre mauvaise fortune bon cœur et continue à aider son mari à gérer la salle en s’occupant de la comptabilité et de l’accueil des nouveaux arrivants. L’autre couple est constitué par les comédiens Roland Lessafre, ex-boxeur dans la vie - ce qui aidera grandement à la crédibilité des combats surtout qu’il se frotte à un véritable professionnel (Séraphin Ferrer, alors champion d’Europe) lors de la longue séquence du match - et Marie Daëms dans le rôle de l’ambitieux mannequin sur le point par un mariage arrangé d’entrer dans la Jet Set parisienne. Si Roland Lessafre est très crédible, sa partenaire féminine est absolument formidable dans la peau d’un personnage riche et complexe, bien loin deS clichés attendus, que l’on prend au départ pour une bourgeoise méprisante mais qui se révèle en quelque sorte prisonnière de ce monde superficiel dans lequel elle s’est jetée un peu trop vite à corps perdu et qui va trouver un semblant de bonheur dans sa relation avec un simple ouvrier. Contrairement à ce qu’on aura pu lire ici et là, leur histoire d’amour impossible s’avère non seulement bouleversante mais tout aussi passionnante que l’autre intrigue tournant principalement autour de la boxe, de la jalousie d’Arletty à l’encontre du jeune boxeur qui lui parait ‘prendre sa place’ auprès de son époux au point de partager leur appartement.

Outre de grandes qualités d’écriture, une belle richesse psychologique et une grande sureté dans la direction d’acteurs (il ne faudrait pas oublier du côté des nantis les prestations de Jean Parédès en couturier homosexuel extraverti ou de Simone Paris en lesbienne possessive), il nous faut aussi louer la direction artistique, Carné nous octroyant des plans absolument superbes, notamment ceux de la capitale en extérieurs, aidé par la magnifique photographie de Roger Hubert. Une belle histoire aux différentes lignes dramatiques bien définies et parfaitement développées mettant sur le devant de la scène des protagonistes profondément humains avec cependant chacun leurs parts d’ombre, ce qui évite au film d’être trop manichéen. Un des derniers grands rôles d’Arletty et un de plus parmi tant d’autres dans la carrière éblouissante de Jean Gabin. Quant à l’air de Paris du titre, il est un personnage à part entière, celui chaleureux du Grenelle populaire, celui miséreux de Saint-Ouen où se retrouvent la plupart des travailleurs immigrés, celui des Halles alors encore ‘le ventre de Paris’ cher à Zola ou encore celui plus ouaté des quartiers chics. Un film chaleureux, bouleversant, tendre, humain mélancolique et authentique qui s’avère également à postériori un intéressant document sociologique sur ce Paris du milieu des années 50.
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par cineberry »

Jeremy Fox a écrit :
C'est après un intense travail de restauration technique (image et son), puis de réflexion et de recherche d'éléments pellicule à travers le monde, que se représente à nous Le Jour se lève, 75 ans après sa première sortie, pour une diffusion en salles dans plusieurs pays (dont les Etats-Unis) puis en vidéo. Une occasion à ne certainement pas manquer !
La chronique de François-Olivier Lefèvre
Initialement prévue le 2 juillet, la ressortie de Le jour se lève a été repoussée au 24 septembre prochain.
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par Jeremy Fox »

Le jour se lève, le public de 2014 a la chance de pouvoir à nouveau l'apprécier en salles, et ce dans une version restaurée qui intègre de plus des scènes qui furent alors censurées par le gouvernement de Vichy. C'est donc après un intense travail de restauration technique (image et son), puis de réflexion et de recherche d'éléments pellicule à travers le monde, qu'il se représente à nous, 75 ans après sa première sortie, pour une diffusion en salles dans plusieurs pays (dont les Etats-Unis) puis en vidéo. Une occasion à ne certainement pas manquer !

La news, la chronique, ainsi que le test du Bluray qui vient de sortir chez Studio Canal.
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Rick Blaine
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :le test du Bluray qui vient de sortir chez Studio Canal.
:D

Je vais donc pouvoir redécouvrir ce film, qui fait parti de mes favoris absolus, dans de tous nouveaux atours apparemment remarquables. Chouette!!
C'est bien mérité pour ce qui constitue, à mon sens, le chef d’œuvre de Carné et l'un des plus grands films français.
Geoffrey Carter
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par Geoffrey Carter »

Rick Blaine a écrit : C'est bien mérité pour ce qui constitue, à mon sens, le chef d’œuvre de Carné et l'un des plus grands films français.
Pour moi aussi un des films les plus importants des années 1930 et du cinéma français en général. :)
lilmoz
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par lilmoz »

Quelqu'un saurait si il y a une différence entre l'édition Pathé DVD et Blu ray du film "les enfants du paradis", je veux dire si le blu ray au niveau résolution est mieux que le DVD?
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Jack Carter
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par Jack Carter »

Un blu-ray aura toujours une meilleure résolution qu'un dvd.
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The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)
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Jeremy Fox
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par Jeremy Fox »

Oui ; et pour un avis plus complet, le site l'a testé


extrait :
Le ressortie en salles et en vidéo des Enfants du Paradis en 2012 constitue en soi un événement exceptionnel, non seulement pour la qualité et la renommée incroyable du film, mais aussi en raison de l'investissement important (en termes financier et humain) opéré par Pathé et les équipes de restauration - image et son - pour délivrer une copie qui se veut exemplaire sur tous les points. Cet événement marque justement une date dans ce domaine technique. En effet, il s'agit ici de la première restauration 4 K du négatif original du film réalisée en France. Nous voici aujourd'hui en présence du résultat qui apparaît au premier abord impressionnant dans différents aspects et qui a tout pour régaler nos mirettes.
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Re: Marcel Carné (1906-1996)

Message par lilmoz »

en fait j'ai le dvd livret de pathé 2012 et je voulais etre sur que ca vaut le coup d'acheter le blu ray alors que j'ai déja le dvd, car j'ai plusieurs fois entendu que certains vieux films (années 30-40)restaurer en dvd et blu ray, n'avait au niveau de l'image quasiment aucune différence!
Dernière modification par lilmoz le 7 nov. 14, 22:33, modifié 1 fois.
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