Le Criminel (Orson Welles - 1946)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Zelda Zonk
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Re: Notez les films naphtalinés de septembre 2008

Message par Zelda Zonk »

hellrick a écrit :J'ai retrouvé un extrait d'interview intéressant
- "Le Criminel est le film le moins bien considéré par la critique française"
Welles:
- "Et bien parfait, c'est le pire, il n'y a rien de moi dans ce film,c 'est John Huston qui rédigea le scénario sans signer au générique....Ce film ne m'intéressa absolument pas mais je n'ai pas cherché à bâcler, au contraire j'ai essayé de faire de mon mieux mais de tous mes films c'est celui dont je suis le moins l'auteur".
Vu il y a quelques temps, et il ne m'en reste pas grand chose. J'avais été déçu. C'est correct, hein, attention, mais venant de Welles, on s'attend bien sûr à mieux.
Mon Welles préféré reste La soif du mal, haut la main. C'est "baroque" au possible, mais j'adore.
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nobody smith
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Re: Notez les films naphtas - Décembre 2009

Message par nobody smith »

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Je dois avouer que je connais aussi mal la carrière d’Orson Welles que ses films. A part citizen Kane dont je ne garde qu’un souvenir lointain, il reste une personnalité flou à mes yeux. Ça n’est pas vraiment avec ce criminel que j’allais obtenir des éclaircissements mais je dois avouer que le sujet (la traque d’un nazi caché dans une bourgade américaine) promettait un sympathique film noir. D’un point de vu formel, c’est d’ailleurs une réussite. En dépit de la déplorable qualité du DVD, j’ai été épaté par ces amples mouvements de caméras, ces étonnants jeux d’ombres et autres recherches graphiques. Cela donne un charme indéniable à un script ne tenant guère ses promesses. Malgré la certaine fascination du parcours parallèle des deux antagonistes (le détective chargé de démasquer le nazi et ce dernier cherchant à tout prix à détruire les preuves de son identité), le long-métrage est fort laborieux et guère captivant passé un efficace premier quart d’heure. Une série B honnête en somme surtout sauvé par sa réalisation donc.
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Nestor Almendros
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Re: Le Criminel (Orson Welles, 1946)

Message par Nestor Almendros »

J'ai redécouvert le film hier soir et j'ai moi aussi trouvé l'expérience assez intéressante. Le scénario n'est peut-être pas totalement abouti, il possède encore de nombreux défauts qui peuvent l'allourdir, mais la thématique est pertinente, le suspense préfigure des situations types du genre, et surtout l'aspect formel est loin d'être délaissé. Car si l'histoire peut ne pas passionner, le visuel donne au moins un certain plaisir au spectateur. Et si je ne suis pas un fan de Welles, ne connait pas bien ses films, n'ai pas tellement d'exigence avec le bonhomme (ce qui explique certainement cela) j'ai beaucoup apprécié ce style, ces cadres en contre-plongée, ces plans-séquence à la grue, ce jeu de lumières aux contrastes poussés.

Vu grâce aux Vintage Classics de Wild Side: c'est du Ntsc transcodé en Pal, la définition est un peu chiche mais l'ensemble se laisse regarder grâce à une copie propre et des contrastes très appuyés (qui cachent peut-être la misère, mais c'est efficace).
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Watkinssien
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Re: Le Criminel (Orson Welles - 1946)

Message par Watkinssien »

Welles voulait prouver qu'il pouvait travailler dans un cadre formaté... Mais finalement, que l'on retient-on ?

Ses idées de cinéma, de mise en scène, le travail sur l'ambiance... Et la confrontation remarquable entre Welles et Robinson ...
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Demi-Lune
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Re: Le Criminel (Orson Welles - 1946)

Message par Demi-Lune »

Watkinssien a écrit :Welles voulait prouver qu'il pouvait travailler dans un cadre formaté... Mais finalement, que l'on retient-on ?

Ses idées de cinéma, de mise en scène, le travail sur l'ambiance... Et la confrontation remarquable entre Welles et Robinson ...
Assez d'accord avec ça, même si je tiens Le Criminel pour un Welles très mineur. Comme beaucoup ici, j'avais été déçu par la découverte du film, mais le travail du réalisateur reste par endroits suffisamment remarquable pour avoir un souvenir rétrospectif du film plus positif (angles, photographie, très bonne entame, bon final). Je continue cependant de penser que Le Criminel est une belle occasion manquée, parce que le postulat était vraiment intéressant et qu'il s'enlise rapidement dans une chronique de bourgade lénifiante, et parce que Welles n'a pas eu suffisamment les coudées franches pour faire de cette œuvre ce qu'il en aurait réellement voulu (ses idées ont toutes été écartées, comme celle de faire du personnage joué par Robinson une femme). Le personnage qu'il campe, Kindler, aurait pu avoir la démesure fascinante des autres ogres qu'il a incarnés, mais il ne peut jamais s'affranchir de la chape qui pèse sur le film. Une sorte de pénible couvercle de tiédeur (im)posé sur la cocote-minute de Welles qui ne demande qu'à exploser. Le Criminel est un exemple, éventuellement intéressant en tant que tel mais quand même extrêmement frustrant, d'une hybridation branlante entre le baroque wellesien et la pondération du studio. Loretta Young m'avait bien agacé, aussi.
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Watkinssien
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Re: Le Criminel (Orson Welles - 1946)

Message par Watkinssien »

Demi-Lune a écrit :
Watkinssien a écrit :Welles voulait prouver qu'il pouvait travailler dans un cadre formaté... Mais finalement, que l'on retient-on ?

Ses idées de cinéma, de mise en scène, le travail sur l'ambiance... Et la confrontation remarquable entre Welles et Robinson ...
Assez d'accord avec ça, même si je tiens Le Criminel pour un Welles très mineur. Comme beaucoup ici, j'avais été déçu par la découverte du film, mais le travail du réalisateur reste par endroits suffisamment remarquable pour avoir un souvenir rétrospectif du film plus positif (angles, photographie, très bonne entame, bon final). Je continue cependant de penser que Le Criminel est une belle occasion manquée, parce que le postulat était vraiment intéressant et qu'il s'enlise rapidement dans une chronique de bourgade lénifiante, et parce que Welles n'a pas eu suffisamment les coudées franches pour faire de cette œuvre ce qu'il en aurait réellement voulu (ses idées ont toutes été écartées, comme celle de faire du personnage joué par Robinson une femme). Le personnage qu'il campe, Kindler, aurait pu avoir la démesure fascinante des autres ogres qu'il a incarnés, mais il ne peut jamais s'affranchir de la chape qui pèse sur le film. Une sorte de pénible couvercle de tiédeur (im)posé sur la cocote-minute de Welles qui ne demande qu'à exploser. Le Criminel est un exemple, éventuellement intéressant en tant que tel mais quand même extrêmement frustrant, d'une hybridation branlante entre le baroque wellesien et la pondération du studio. Loretta Young m'avait bien agacé, aussi.

Oui, ces défauts peuvent exister, mais ils restent débattables. The Stranger est effectivement une oeuvre mineure, mais je vais user une formule maintenant éprouvée, c'en est une qui vaut des oeuvres majeures des autres...

Justement, en revoyant le film récemment, ce que tu accuses d'être une "chronique de bourgade lénifiante" me paraît comme une observation stylisée d'un faux apaisement. Une bourgade aux allures tranquilles sous qui se cache des éléments d'une politique destructrice, le tout en 1946, je trouve cela assez courageux et propice à un bon thriller...

Il est certain néanmoins que Welles n'a pas donné tous les moyens de son génie, volontairement... C'est sûr qu'on peut fantasmer sur ce qu'aurait donné le film avec tout le génie de Welles en marche... Déjà que le film, en terme de mise en scène, est une véritable leçon, alors on peut difficilement imaginer l'oeuvre de taré qu'il nous aurait empaqueté...
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Re: Le Criminel (Orson Welles - 1946)

Message par kiemavel »

Extrait d'un autre sujet…
Watkinssien a écrit :
kiemavel a écrit : …sauf dans Le criminel mais je ne connais pas les éventuelles - mais quasi certaines - vicissitudes pré et/ou post tournage.
Même dans Le criminel, oui. Oeuvre mineure, mais rien que le dernier morceau de bravoure est... génial. Et pour le resituer dans son contexte, ce que raconte le film est très fort.
Oui ; d'accord pour la séquence de l'horloge mais ce qui précède cad la séquence durant laquelle "le criminel" lâche enfin à sa femme sa véritable identité est pour moi à la limite du grotesque. Une partie de ce ressenti est selon moi imputable à la monstruosité du personnage génialement interprété par Welles, et par conséquent absolument volontaire, mais peut-être pas seulement pour cette raison. J'ai de toute façon un gros soucis avec la majorité de ces films noirs et apparentés montrant de près ou de loin la traque des anciens nazis. Si les films peuvent être réussis, cet aspect là, passé à la machine à laver hollywoodienne, édulcore quasiment systématiquement cette part du sujet plus ou moins centrale. Ici, c'est de toute façon moins la personnalité du criminel - qui néanmoins continue de tuer même "passé à l'ouest" - que le duel à distance ou par personnes interposés (l'épouse américaine ainsi que le frère et le père de celle ci ) qui intéresse Welles. Reste donc les deux grands comédiens impliqués (L. Young est limite agaçante) mais qui se croisent très peu ; la mise en scène de Welles et le final plus spectaculaire et attendu que génial. Pour moi, je maintiens que c'est moyen ; pour du Welles.
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Re: Le Criminel (Orson Welles - 1946)

Message par Watkinssien »

La séquence où le personnage de Robinson montre à celui de Young les images des camps est sacrément culottée pour l'époque et ne m'apparaît pas édulcorée.

Mais il est vrai qu'au lieu de ressembler à un cygne, Le criminel ressemble plus à un canard dans sa filmo, mais certainement pas le vilain petit... Il y a bien trop de bon cinéma au milieu de défauts criants. Ce qui n'est pas assez suffisant pour Welles. :wink:
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Re: Le Criminel (Orson Welles - 1946)

Message par kiemavel »

Watkinssien a écrit :La séquence où le personnage de Robinson montre à celui de Young les images des camps est sacrément culottée pour l'époque et ne m'apparaît pas édulcorée.
Oui, exact. J'avais oublié ce passage. D'accord pour l'audace mais je viens de recaler la séquence et la voix off débite au moins une grosse erreur (le mode d'extermination et la raison d'être des douches dans les camps). Sinon, dans les ratés, j'identifie plusieurs choses. Le manque de présence à l'écran du criminel "en nazi". Il n'est lui même que durant une brève scène avec son supérieur qui le retrouve aux usa. On comprend bien qu'il compte gangrener la société américaine de l'intérieur - et en plus c'est un enseignant (il va s'en prendre aux jeunes, ce salaud ! ) - mais je trouve que c'est insuffisamment exploité. On assiste surtout à un duel à distance - et par personnes interposés - entre le flic qui cherche à démasquer et celui qui tire la couverture. Or, même sur cet aspect, je trouve que ça manque de scènes entre Robinson et Welles. Mais OK, même un petit Welles est un bon film. Ahhhh
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Re: Le Criminel (Orson Welles - 1946)

Message par Watkinssien »

8)

Un autre aspect intéressant, dans le choix de la caractérisation de ce méchant. Orson Welles, qui a bâti ses performances sur l'art du grimage, du maquillage, apparaît seulement avec une moustache. Comme une des thématiques les plus importantes de son cinéma est le secret et que ses transformations faisaient partie de ce vaste sujet, il est surprenant qu'il choisisse de se livrer ainsi pour un personnage dont le principe même est de fuir, de se faire passer pour quelqu'un d'autre (bon le fait que son apparence soit normale est cohérent dramatiquement). Le jeu de Welles et la construction du personnage qu'il interprète sont une des composantes de sa propre mise en scène. Ce qui semble être un aspect plus solidement classique colle à la réussite de son usurpation et dès lors que son identité se révèle, la mise en scène devient d'un coup plus flamboyante, inventive, explosive...
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Re: Le Criminel (Orson Welles - 1946)

Message par kiemavel »

Watkinssien a écrit :8)

Un autre aspect intéressant, dans le choix de la caractérisation de ce méchant. Orson Welles, qui a bâti ses performances sur l'art du grimage, du maquillage, apparaît seulement avec une moustache. Comme une des thématiques les plus importantes de son cinéma est le secret et que ses transformations faisaient partie de ce vaste sujet, il est surprenant qu'il choisisse de se livrer ainsi pour un personnage dont le principe même est de fuir, de se faire passer pour quelqu'un d'autre (bon le fait que son apparence soit normale est cohérent dramatiquement). Le jeu de Welles et la construction du personnage qu'il interprète sont une des composantes de sa propre mise en scène. Ce qui semble être un aspect plus solidement classique colle à la réussite de son usurpation et dès lors que son identité se révèle, la mise en scène devient d'un coup plus flamboyante, inventive, explosive...
Oui, c'est juste. Je crois me souvenir d'une mise en scène "sage" lorsque "le criminel" est en contrôle et soudain il y a comme de brusques moments de panique illustrés par une mise en scène plus "chaotique". C'est ma traduction de "flamboyante, inventive, explosive". Ce qui montre que j'ai moins de vocabulaire et que je suis moins admirateur que toi :wink: Je me rappelle d'une séquence nocturne durant laquelle on voit Welles se promener tranquillement et il est interpelé par le vieux commandant du camp d'extermination qui l'appelle par son véritable nom. C'est peut-être d'ailleurs le 1er moment de panique…Juste à ce moment là passent ses élèves qui le sollicitent pour participer à un jeu (il me semble). Bref, de toute façon il se récupère très vite et trouve pour ses proches - surtout sa femme - des explications extravagantes qui semblent pourtant convaincre. Mais ça c'est parce que peu nombreux sont les gens suffisamment costauds :mrgreen: pour assumer le fait d'avoir pu sympathiser - et plus si affinités - avec un monstre ; même au cinéma (de Joan Bennett, épouse d'un nazi dans The Man I Married...à Jessica Lange, fille de … dans Music Box)
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