Henry Hathaway (1898-1985)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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nobody smith
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par nobody smith »

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Bertrand Tavernier est à Dijon pour les rencontres cinématographiques et comme il se doit lorsqu’on accueille une sommité pareille, on lui a donné carte blanche pour projeter 4 films. Dans sa sélection, il a ainsi choisi un petit Henry Hathaway. Voilà qui n’est pas pour me déplaire étant donné que je n’ai vu que des œuvres disons mineures du cinéaste : prince vaillant (sympa et quoi qu’on en pense fichtrement moins chiant que du Richard Thorpe), le jardin du diable (western captivant par son ambiance à la lisière du fantastique, même si je trouve que la dernière partie gâche un peu l’ensemble) et Nevada Smith (passionnante variation de Monte-Cristo pour un western fiévreux). Une liste auquel on peut désormais rajouter Niagara. Lorsqu’il a présenté le film, Tavernier a attiré l’attention sur le transfert des personnages. Il est vrai que le film est captivant par l’évolution qui s’opère entre les personnages de Marilyn Monroe et Joseph Cotten. A travers un magnifique travail de photographie et d’effets de mise en scène incroyables (formidable ultime scène entre les deux personnages), la première passe d’une beauté sexuellement agressive à une victime apeurée alors que le second passe du pauvre bougre à une figure plus menaçante et sûre d’elle. Une opposition qu’on retrouve également mais plus en retrait entre les deux couples vedettes, les disfonctions de l’un finissant par déteindre sur les bienheureux à force de les cotoyer. Et puis quelle idée d’avoir situé l’action près des chutes du Niagara, cette démonstration de la force de la nature servant brillament à mettre en perspective le tumulte intérieur des personnages. Du bel ouvrage en somme rendant fort attrayant une histoire un brin classique (les rebondissements se voient venir de loin).
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homerwell
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par homerwell »

nobody smith a écrit :Bertrand Tavernier est à Dijon pour les rencontres cinématographiques et comme il se doit lorsqu’on accueille une sommité pareille, on lui a donné carte blanche pour projeter 4 films. Dans sa sélection, il a ainsi choisi un petit Henry Hathaway.
Alléchantes ces rencontres, il est chouette Bertrand. :D
Moi aussi je suis en plein voyage Hathawayen, Peter Ibbetson (splendide film), La Fille du bois maudit (The Trail of the Lonesome Pine), The Shepherd of the Hills, Prince Vaillant, La fureur des hommes (grand western !), et j'ai Âmes à la mer en attente.
Et c'est un grand plaisir. :wink:
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par Julien Léonard »

homerwell a écrit :
nobody smith a écrit :Bertrand Tavernier est à Dijon pour les rencontres cinématographiques et comme il se doit lorsqu’on accueille une sommité pareille, on lui a donné carte blanche pour projeter 4 films. Dans sa sélection, il a ainsi choisi un petit Henry Hathaway.
Alléchantes ces rencontres, il est chouette Bertrand. :D
Moi aussi je suis en plein voyage Hathawayen, Peter Ibbetson (splendide film), La Fille du bois maudit (The Trail of the Lonesome Pine), The Shepherd of the Hills, Prince Vaillant, La fureur des hommes (grand western !), et j'ai Âmes à la mer en attente.
Et c'est un grand plaisir. :wink:
Bien content de voir cet enthousiasme à propos d'Hathaway ! Sa filmo est quand même très impressionnante. Et les choix de titres que tu as fait sont à mon sens très bons. Je ne cesse de conseiller Le jardin du diable en plus... :oops: Quel chef-d'œuvre !
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Père Jules
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par Père Jules »

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La fureur des hommes (From Hell to Texas) (1958)

Quel beau western ! Outre la forme comme d'habitude parfaitement maîtrisée par Hathaway (il n'y a qu'à voir l'attaque indienne pour s'en convaincre ou bien entendu le duel -enfin duel à quatre- final) c'est surtout le fond qui m'a touché. Le scénario est signé Wendell Mayes et c'est d'une originalité folle, à l'exact opposé des canons du genre. Tavernier a d'ailleurs la bonne idée de souligner la nette différence avec le cinéma de Ford. Rarement (jamais ?) en effet on a vu une traque comme celle qui nous est présentée ici. Entre soif de vengeance et sens de la justice (voilà pour le chef de meute), entre maîtrise parfaite de la carabine et gentillesse excessive (pour le jeune homme poursuivi), autant d'éléments qui touchent énormément le spectateur.

Toutes ces qualités rendent encore plus pour moi le relatif anonymat dans lequel le film est plongé. Si les docteurs ès western du forum pouvaient éclairer ma lanterne...
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Jeremy Fox
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par Jeremy Fox »

Père Jules a écrit : La fureur des hommes (From Hell to Texas) (1958)


Toutes ces qualités rendent encore plus pour moi le relatif anonymat dans lequel le film est plongé. Si les docteurs ès western du forum pouvaient éclairer ma lanterne...
Relatif anonymat certes mais il a toujours eu une excellente cote d'amour. Je n'ai jamais rien lu de négatif à son sujet. Revu ce mois-ci ; très bon film effectivement mais pas aussi enthousiaste qu'une majorité d'entre vous. Je lui préfère d'assez loin, pour en rester dans le domaine du western, Le Jardin du Diable, L'attaque de la malle poste ou même True Grit. Mais peut-être mon attente était trop grande et que je changerais d'avis à la prochaine revision ; j'y reviendrais alors lorsque j'en serais arrivé à l'année 1958 dans mon topic.

Par contre, quelle bonne idée de la part de Tatav de souligner la différence avec le cinéma de Ford ? Il est évident que son cinéma et celui de Ford n'ont pas grand chose à voir mais à priori ce n'est qu'une lapalissade et je ne vois pas ce qu'il y aurait d'intéressant à faire ce constat ; qu'a t'il remarqué de spécial justement à ce sujet ?
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Père Jules
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par Père Jules »

Le commentaire de Tavernier en bonus du film (ce n'est donc pas une œuvre littéraire, ce qui explique certaines répétitions):

"Si je devais caractériser La fureur des hommes, je dirais que c'est un western qui se situe à l'opposé des films de Ford. Je dirais que c'est un film qui se rapproche des films noirs d'Hathaway. Qui est plus proche de certaines de ses oeuvres criminelles, psychologiques que des films épiques ou romantiques qui ont été inspirées de l'histoire de l'Ouest. Je dirais même, peut-être, que c'est un film qui est plus proche d'Anthony Mann, et même au-delà, je dirais que c'est presque un film Langien, dans son découpage. Dans sa manière très acérée, très concentrée de souligner certains sentiments, des coïncidences, de mettre l'accent sur la culpabilité et sur cette notion d'engrenage qui motive toute la dynamique du film. Le héros est pris malgré lui dans un engrenage criminelle (...) et plus le récit progresse, plus le poids du sang, des meurtres devient important."
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par Jeremy Fox »

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La Fureur des hommes (From Hell to Texas - 1958) de Henry Hathaway
20TH CENTURY FOX


Avec Don Murray, Diane Varsi, Chill Wills, Dennis Hopper, R.G. Armstrong
Scénario : Robert Buckner & Wendell Mayes
Musique : Daniele Amfitheatrof
Photographie : Wilfred M. Cline (DeLuxe 2.35)
Un film produit par Robert Buckner pour la 20th Century Fox


Sortie USA : 01 juin 1958


Tod Lohman (Don Murray) est poursuivi par Otis Boyd (Dennis Hopper) et ses hommes. Le père d’Otis, le gros rancher Hunter Boyd (R.G. Armstrong), accuse Tod d’avoir tué l’un de ses fils lors d’une rixe qui les a tous deux opposés durant un bal. Lohman a beau clamer son innocence, expliquant que la victime s’est tuée accidentellement en tombant sur son arme blanche, l’irascible éleveur ne veut rien savoir ; il n’a qu’une idée en tête, poursuivre la traque jusqu’à ce sa vengeance soit accomplie. Le jeune et naïf Tod devra combattre à contre cœur, lui qui fuit avant tout pour ne pas être obligé de tuer à son tour même si c’est en état de légitime défense ; en effet la mort d’un homme le rend malade. Sur son chemin, il trouve de l’aide auprès d’Amos Bradley (Chill Wills) et sa fille Juanita (Diane Varsi), cette dernière n’étant pas insensible au charme du doux jeune homme. Préférant les abandonner pour ne pas risquer leurs vies, Tod, après avoir donné du fil à retordre à ses poursuivants, rencontre Jack Leffertfinger (Jay C. Flippen), un vieux trafiquant d’armes qui l’invite à poursuivre la route à ses côtés. Après avoir échappés à une attaque des Comanches, le vieil homme conduit Tom jusqu’à la petite ville où il espère retrouver son père qu’il recherche depuis maintenant trois ans, depuis que ce dernier l’a abandonné ainsi que sa mère. C’est là que vivent les Bradley qui l’accueillent à nouveau. Mais Boyd et ses hommes sont arrivés à ce même endroit ; l’affrontement semble inévitable…

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Quelle est la réputation de ce western au sein du genre et de la filmographie de l’excellent cinéaste qu’est Henry Hathaway ? Et d’ailleurs, pourquoi cette interrogation ? Parce que Bertrand Tavernier, pour prendre sa défense, affirme qu’il s’agit du western d’Hathaway le plus méconnu et que ce serait pour cette raison qu’il n’est pas plus souvent cité dans les différentes anthologies du genre. Il est tout à fait légitime (et même sain) de vouloir défendre becs et ongles un film que l’on porte aux nues, et tout le monde a dû un jour ou l'autre exagérer son argumentaire pour être encore plus convaincant. C’est à mon avis le cas ici, car contrairement à ce qu’avance Bertrand Tavernier, la plupart de ceux qui ont écrit sur le genre connaissait le film qui a d’ailleurs été diffusé à la télévision non seulement sur les chaines du câble et du satellite, mais déjà du temps du hertzien en prime time qui plus est, notamment dans la célèbre Dernière séance d’Eddy Mitchell et Gérard Jourd’hui. Bref, il serait étonnant que la plupart des aficionados du genre ne l’ait pas autant vu que d’autres western du cinéaste tel Rawhide (L’Attaque de la malle poste) ou Le Jardin du diable (Garden of Evil), ses westerns suivants avec John Wayne ou Paul Newman ayant par contre il est vrai été diffusés plus souvent. Tout ça pour dire que si La Fureur des hommes n’est pas plus souvent mis en avant dans les différents ouvrages consacrés au genre, c’est que probablement les auteurs n’en ont pas ressenti la nécessité ; pour ma part, je n’en fais pas grand cas non plus, estimant qu’il s’agit d’un des westerns les plus faibles du grand cinéaste. Le mieux est donc de vous forger votre propre opinion sachant également qu’un grand spécialiste du genre aux USA, William K. Everson, considère From Hell to Texas comme le meilleur western sorti entre Le Convoi des braves (Wagonmaster - 1950) et Coups de feu dans la Sierra (Ride the High Country - 1962) de Sam Peckinpah.

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Henry Hathaway n’avait plus abordé le western depuis l’inoubliable Le Jardin du diable en 1954. L’attente devait être donc assez grande concernant La Fureur des hommes. Avec le souvenir du magnifique thème de générique signé Bernard Herrmann pour Garden of Evil, la déception arrive d’emblée à cause du compositeur Daniele Amfitheatrof qui écrit probablement ici l’une des plus épouvantables musiques de générique de western jamais encore entendue, horriblement mal mixée et orchestrée, les percussions imitant le galop d’un cheval venant phagocyter la mélodie qu’il est impossible d’entendre et d’écouter correctement. Quant on est très sensible à la musique de film, la mise en bouche s’avère d’emblée catastrophique. Ce n’est certes qu’un détail mais qui peut avoir de l’importance par le fait de plomber le film d’entrée de jeu ; d’ailleurs le reste de la musique composée pour le film restera totalement anodine, aucun air spécifique arrivant à nous rester en tête. Heureusement, une fois que le film a démarré, on oublie cette déplorable mise en route et l’on est immédiatement intrigué par la situation qui nous est présentée, le film d’Hathaway nous plongeant directement dans l’action, sans préambules, un jeune homme apparemment inoffensif se faisant traquer au sein d’amples paysages par six hommes qui tentent de lui loger une balle dans la carcasse ; il réussit à fuir en provoquant la mort d’un des hommes du groupe. Lorsque les membres le composant ramènent le corps à son père, on apprend alors seulement que celui-ci cherche à se venger de la mort de son fils tué par le fugitif. On éprouve immédiatement de la sympathie pour ce père pourtant pas commode et malgré le fait que celui-ci cherche à se faire auto-justice ; on peut en effet arriver à comprendre son chagrin même si l’on ne partage pas ses idées de représailles et c'est tout à l'actif du scénariste d'y être arrivé. Durant ces dix premières minutes, on constate aussi d’emblée une belle utilisation du scope mais néanmoins sans commune mesure avec le travail de Milton S. Krasner pour Le Jardin du diable et sans que la photo soit aussi marquante que celle en noir et blanc du même chef opérateur pour Rawhide. Disons pour être plus clair qu'en voyant From Hell to Texas, on ne se surprend pas forcément à s'extasier devant son aspect plastique même si de ce point de vue il s'agit d'une réelle réussite.

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Retour auprès du jeune ‘meurtrier’ poursuivi par un autre fils du rancher joué par un Dennis Hopper très sobre ; ses relations avec le cinéaste furent parait-il orageuses sur le tournage, une anecdote rapportant que Hathaway lui fit retourner 85 fois une même séquence pour un seul plan. La scène réunissant le chasseur (Otis) et son ‘gibier’ (Tod) est celle au cours de laquelle on englobe enfin en leur ensemble le postulat de départ et les enjeux dramatiques qui devraient en découler, le jeune homme poursuivi racontant à celui qui venait de tenter de l’achever qu’il n’est pour rien dans la mort de son frère, ce dernier s’étant tué accidentellement en tombant sur son couteau. On comprend aussi à ce moment là que le fuyard a horreur de la violence et qu’il est malade rien que de savoir qu’il pourrait tuer l’un de ses poursuivants dans le but de sauver sa vie ; d’un côté nous trouvons donc un innocent non violent mais habile de la gâchette et de l’autre un homme fou de douleur et qui, ne voulant rien entendre, décide de faire du premier son bouc émissaire. Cette situation est parfaitement bien pensée et immédiatement intéressante même si d’emblée Don Murray ne nous fait pas forte impression, le spectateur pouvant légitimement penser qu’il n’a pas quitté la peau de son personnage de Bus Stop de Joshua Logan. Alors qu’Otis retourne au ranch prévenir son père avoir échoué dans sa mission d’appréhender ‘l’assassin’ de son frère, ce dernier croise la route d’un vieil homme et de sa fille. Si Chill Wills est très convaincant dans un rôle qui a son importance en temps de présence, il n’en va pas de même pour la jeune Diane Varsi. La calme séquence au bord de la rivière qui se déroule entre les trois personnages reste néanmoins encore attachante malgré quelques fautes de goûts pseudo-humoristiques en rapport à la timidité du héros (Jeffrey Hunter était bien plus à son aise dans le même registre dans The Searchers) ; on apprend d’autres bribes du passé de Tod et notamment sa situation familiale, son père ayant quitté le foyer voici trois ans. Puis, au matin, arrive le groupe des poursuivants, le père Boyd proposant à celui qu’il souhaite tuer une monture et quatre heures d’avance avant qu’il ne se lance à sa poursuite ; un élément scénaristique tiré de La Chasse du Comte Zaroff assez peu crédible ici : comment un homme aussi obnubilé par son chagrine par sa vengeance peut-il se lancer dans un tel jeu ?

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Au cours de sa fuite, Tod est obligé de tuer un des hommes de Boyd qui l’attendait au détour d’un chemin : la mort de John Larch écrasé par un énorme rocher fait expressément tombé par des tirs de balles est une séquence qui tire vers le serial sans que ce ne soit très gratifiant pour un film censé être très réaliste. Avec la rencontre qui s’ensuit avec Jay C. Flippen en plein territoire Comanche, nous assistons à une séquence similaire à celle de Stagecoach (La Chevauchée fantastique), l’attaque de la diligence (ou carriole en l'occurence) par les Indiens, avec force cascade pour détacher les chevaux ; une scène sur laquelle s’extasie Bertrand Tavernier pour des raisons (de fond) qui me laissent totalement dubitatif (mais je ne vais pas rentrer dans les détails ici), la passion et l’enthousiasme étant déclencheurs d’exagération comme chacun le sait. Une séquence efficace mais qui n’arrive pas à la cheville de celle du John Ford, un peu handicapée par des plans en studio moyennement bien intégrés, et au cours de laquelle Harry Carey Jr se fait tuer à son tour ; et c’est à ce moment là que l’on commence à déplorer le sous-emploi de tous ces grands seconds rôles, que ce soient Dennis Hopper, John Larch, Jay C. Flippen et Harry Carey Jr. : il est fort dommage qu’ils s’en soient presque tous allés aussi vite qu’ils étaient entrés en scène sans avoir eu le temps de faire grand-chose entre temps. Et puis à ce moment là, au bout d’une heure de film, tout semble avoir été dit ; le reste ne servira plus qu’à le faire durer jusqu’aux 90 minutes ‘réglementaires’ pour une production de série A. Le personnage joué par Don Murray arrive donc à ce moment dans une petite ville au sein de laquelle se déroulera le dernier tiers du film : un décor assez original constitué de quatre ou cinq maisons disséminées un peu n’importe comment. Avant le conflit final dont tout le monde sait très bien qu’il va avoir lieu, on aura surtout eu droit à des informations supplémentaires sur la famille du héros sans qu’elles ne provoquent la moindre émotion, ainsi qu’à une romance sans aucune alchimie entre les deux ternes comédiens que sont Don Murray et Diane Varsi. Heureusement, après aussi une entrée en matière captivante, le final vient pour nous faire un peu oublier le ressenti déceptif de ce qui a précédé, le spectateur retrouvant enfin du très grand Hathaway (si on veut bien oublier le dernier plan dont on se serait fort bien passé). La confrontation finale et les quelques lignes de dialogues qui s’échangent entre Don Murray et R.G. Armstrong (le comédien le plus mémorable du film, le personnage le plus intrigant) sont pour le coup totalement inattendus et font rêver à ce qu’aurait pu être le film s’il avait été tout du long de ce niveau. Mais je vous laisse les découvrir sans rien vous dévoiler, ayant déjà quasiment raconté toute l'histoire.

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A partir d’un schéma classique de chasse à l’homme et de vengeance (thème récurrent chez le réalisateur), on trouve dans ce western des éléments originaux provenant surtout du caractère et du tempérament des deux protagonistes antagonistes (le fugitif timide et gauche ; le père fou de chagrin et rancunier) qui permettent une réflexion assez intéressante sur la violence, son inanité et l’inéluctable engrenage qu’elle déclenche, finissant de transformer en tragédie un vulgaire accident, détruisant une famille entière par le fait d'avoir voulu venger un seul de ses membres. Dommage que le scénario ne soit pas plus rigoureux, que le film se traîne parfois bien trop, que les acteurs principaux manquent à ce point de charisme au point de rendre mièvre leur histoire d’amour, et que les seconds rôles soient autant sacrifiés, auquel cas contraire nous aurions pu nous trouver devant un grand western. Henry Hathaway n’opère pas non plus cette fois de miracles, ces deux précédents westerns s’étant révélés d’un tout autre niveau. Mais cet avis est, comme je le disais dès le début, loin d’être partagé par tout le monde. Au contraire aujourd’hui, une majorité s’accorde à voir en lui l’un de ses plus beaux films. Une seule chose vous reste à faire : le visionner pour vous forger votre propre opinion !

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Père Jules
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par Père Jules »

Pour ma part, je me demande même si je ne le préfère pas au Jardin du diable qui m'avait pourtant enthousiasmé.
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par Rick Blaine »

Fourteen Hours (Quatorze Heures - 1951)
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À New York, le jour de la Saint Patrick, Robert Cosick menace de se jeter du haut du 15e étage d'un grand hôtel. Un policier, Charlie Dunnigan, tente de l'en empêcher.


Henry Hathaway est un de mes réalisateurs favoris. A l'aise dans tout les genres, il marque notamment le western avec L'Attaque de la Malle Poste ou surtout Le Jardin du Diable, mon western favori, et le film noir pour lequel il impose un certain style, liée aux productions Fox et réalise bon nombre de film majeur, avec en vrac des réussites comme L'Impasse Tragique, Appelez Nord 777 ou Le Carrefour de la Mort.
Quatorze Heures est à rattacher à ce style, par son esthétique naturaliste et par la tension qui parcours l'ensemble du métrage, même si on quitte la criminalité pour un univers plus dramatique. L'intrigue et simple, et le projet semble assez risqué. Passer 90 mn à filmer un rebord de fenêtre, voilà qui semble assez ingrat (comme le souligne Tavernier et Coursodon dans 50 ans). Pourtant, Hathaway, comme d'habitude lorsqu'il s'agit de s'attaquer à ce type d'exercice, s'en tire à merveille. Il tire la quintessence de son décor, simple mais fort réussi d'ailleurs, notamment par de superbes plongées totales, qui ne sont pas sans évoquer celles de Berkeley dans un autre registre, qui nous montre la fourmilière des forces de l'ordre et des badauds qui s'activent 15 étages plus bas.
Pendant tout le métrage, Hathaway maintient la tension. Installant la situation et les personnages en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, il saisit immédiatement le spectateur pour ne jamais le relâcher. Les rares respirations consistent en deux intrigues sentimentales secondaires, dont l'une permet la première apparition cinématographique de Grace Kelly, certes inutiles mais rapidement, et intelligemment, traitées.
Le scenario de John Paxton (Feux Croisés, Adieu Ma Jolie) est un modèle du genre. Fort bien écrit (quels dialogues!), il s'attaque subtilement au voyeurisme de la société, par la présence écrasante des médias et de l'image tout au long du film et à sa déshumanisation lié à l'éclatement de la cellule familiale (celle de Cosick) et des valeurs morales (les paris des taxis sur l'horaire du saut de Cosick).
Pour servir cette histoire, il fallait un casting à la hauteur. De ce point de vue, on se fait rarement de souci avec Hathaway, et on a encore une fois raison. Richard Basehart, incarnant Cosick, est magnifique, et nous fait croire à son personnage de bout en bout et ses parents son magnifiquement incarnés par Agnes Moorehead et Robert Keith. Barbara Bel Geddes, la petite amie de Cosick est également très touchante dans un rôle pourtant très court.
Mais que dire de Paul Douglas. Alors qu'il ne m'avait pas particulièrement marqué dans Panique dans la Rue ni dans l'excellent La Tour des Ambitieux, il livre ici une performance des plus marquantes, qui aurait du à mon sens lui valoir au minimum une nomination à l'oscar, portant avec une sincérité bouleversante son personnage de flic simple et humain, c'est lui qui porte l'émotion du film, et qui la transmet brillamment au spectateur.

Il n'y a pas grand chose à jeter dans Quatorze Heures, qui marque une nouvelle réussite d'Hathaway dans le genre, posant au passage l'essentiel des bases du film de prise d'otage ou de négociation. Une réussite majeure et un immense coup de cœur.
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par Père Jules »

Je vais être obligé de le commander sur amazon.com maintenant. C'est malin :wink:
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par Rick Blaine »

Père Jules a écrit :Je vais être obligé de le commander sur amazon.com maintenant. C'est malin :wink:
J'espère qu'il te plaira alors :D

D'ailleurs à propos du DVD, je précise que c'est VOSTA, c'est à noter, même si a priori ça m'a paru être un langage assez simple qui est utilisé. La copie est très bonne.
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par 1kult »

J'ai une petite passion pour Henry Hathaway qui signa quelques très bonnes réalisations, à l'instar de Niagara (qui devrait aussi faire l'objet d'une prochaine critique sur 1kult). En attendant, voilà notre petite critique de L'Attaque de la Malle-poste, une petite perle du western qui multiplie les détournements des codes (huis clos, brouillage des pistes) avec un talent remarquable. La critique est ci-dessous :

http://www.1kult.com/2011/02/18/lattaqu ... -hathaway/

:wink:
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Re:

Message par Federico »

Geoffrey Firmin a écrit :J'ai un reproche à lui faire, c'est d'avoir totalement foiré Sundown avec Gene Tierney et George Sanders.En outre il n'a pas su gèrer la période 1940-1945 ou il a traité par dessus la jambe la pluspart(j'ai pas tout vu) des sujets qu'il a pu aborder(surtout les films de guerre comme wing and a pryer).Cette période est indigne du talent qu'il a montré dans Peter Ibbetson,rawhide ou le jardin du diable.
Ouhla, je confirme ! Je suis tombé tard hier soir sur une diffusion de Sundown, un des rares films avec Gene Tierney que je ne connaissais pas. Bon, la copie était indigne, le son pourri, les sous-titres en italien et j'ai loupé le début :roll: mais je crois que ça m'a suffit hélas pour le qualifier moi aussi de daube de carton-pâte. Un film de commande (et même de propagande) traité sous la jambe comme un vulgaire serial de complément (et encore je suis pas gentil envers les serials, genre éminemment sympathique). Bien sûr, c'est toujours très émouvant de voir la sublime Gene à ses débuts mais elle y est ridiculisée en pseudo-métisse. C'était la période où Zanuck ne voyait en elle qu'une actrice à abonner aux rôles "exotiques" mais avec la sur-exposition de la pellicule, son adorable et fascinant visage en devient presque poupin. Non, vite revoir les autres films de ses débuts, même si tous n'étaient pas des chefs d'oeuvre, et évidemment les grands moments d'Hathaway.
Très embarassé aussi de voir l'immense George Sanders panouiller dans ce désastre et mourir dans un tombereau d'affectation pour amener le discours final de son pasteur de papa, discours écrit en caractères énormes pour édifier le courage des spectateurs Anglais alors sous les bombes nazies.
A ne voir que pour affiner sa (sous- ?) culture de cinéphile pervers (je parle pour moi :wink: ) et s'amuser (vaguement) des apparitions de certains grands noms : Dorothy Dandridge, Woody Strode (qui y retrouva Kenny Washington, son pote du temps où ils furent les premiers Noirs à être admis dans la ségrégationniste ligue de football américain) et même... Riccardo Freda !
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Message par Strum »

Federico a écrit :
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Il est vrai qu'elle garde encore quelque chose de poupin sur son visage. Celui-ci s'affinera encore pour faire d'elle la plus belle de toutes les actrices. Mais déjà, qu'elle est belle sur cette photo ... :oops:
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par Nestor Almendros »

QUAND SIFFLE LA DERNIERE BALLE (1971)

Fin de carrière pépère pour le dernier western d'Hathaway (et avant-dernier film) relativement tranquille, pas désagréable à regarder, mais clairement mineur. N'étant pas un inconditionnel du genre, je pense avoir eu sur ce coup-là une trop forte indulgence... Le scénario recycle des poncifs du genre de façon assez paresseuse: l'ancien prisonnier trahi qui revient se venger, le jeune chien fou amoral et violent, et même une petite fille qui va arrondir les angles d'un personnage principal au départ rigide et dur (façon TRUE GRIT). Le tout est cousu de fil blanc (la veuve séduite en une seule soirée), sans grand originalité mais sans trop d'ennui également. On a droit à quelques beaux plans extérieurs, une Nature automnale avec vues sur les montagnes enneigées.
Content d'avoir découvert un film avec Gregory Peck que je ne connaissais pas, même si l'acteur ne se foule pas des masses (et qu'il a la voix française de Charles Bronson: il faut tester...).

l'avis de Beule (août 2004):
Je crois n'apprécier aucun des westerns d'Hathaway dans les années 60, mais celui-là n'est pas loin de détenir le pompon :twisted: . Après les ados dans Cent dollars pour un shérif, le vieux borgne et son producteur Hal Wallis choisissent de confronter leur héros bigger than life aux turpitudes de la paternité, via la découverte d'une gamine de sept ans, vacharde, insupportable, mais comme il se doit, prompte à faire fondre notre homme (Peck en lieu et place de Wayne). Un trio hystérique de Billy the Kid en puissance est laché à ses trousses, sans que l'on sache jamais trop pour quoi, par celui qui est la cible de sa vengeance, histoire d'agrémenter cette odyssée du far-west bien guimauve d'un zest de violence de circonstances, années 70 obligent. Cela permet à Peck d'émuler Dirty Harry ou Papy Bronson en se fendant de quelques "Punks" bien sentis (pas de "Make my day" ici mais on n'en est pas si loin).
La belle photo automnale, copie conforme de celle de True grit, est à peu près tout ce qu'il y a à sauver de ce navet commercialement très marketé. Le vieux lion n'est pas vraiment en cause, un script aussi sentencieux était de toute façon absolument irrécupérable. Ah si, il me faut encore ajouter que le score de Dave Grusin est probablement ce que j'ai entendu de plus pléonastique et redondant dans le cadre d'un western, avec, peut-être, celui de Jarre pour l'atroce McKenna's gold de Jack Lee Thompson.
"Un film n'est pas une envie de faire pipi" (Cinéphage, août 2021)
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