Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Cathy
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Re: Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Message par Cathy »

Revisionnage de ce film et je suis séduite par la beauté plastique du film, ce sens du cadrage, de "l'architecture" des plans. Par contre j'ai été un peu réfractaire au personnage interprété par Patricia Neal, si la sensualité et l'amour sortent de tous les plans où Gary Cooper et elle sont à l'écran, son personnage odieux n'est guère attachant, et on se demande ce que Roark peut bien lui trouver. Finalement j'ai l'impression que c'est un rebelle bien placide contrairement à la jeune femme. La scène de leur rencontre est par contre un sommet du genre avec ces gros plans de visages irradiés par l'amour naissant. Rarement une scène de rencontre n'a été aussi belle. Le film reste classique dans sa narration, mais Gary Cooper et Patricia Neal en font un grand film. Curieusement la dernière scène ne m'a pas semblé si machiste que cela !
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Profondo Rosso
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Re: Notez les films naphtas - Avril 2009

Message par Profondo Rosso »

Le Rebelle de King Vidor (1949)

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Un vibrant plaidoyer à l'individualité et à l'intégrité de l'artiste avec ce peronnage d'architecte magistralement incarné par Gary Cooper, farouchement attaché à ses principe quitte mettre sa carrière en danger, sûr que le temps parlera pour lui. Un trio de héros fascinants et complexe entre Cooper bien sûr, Patrica O'Neal névrosée dans son rapport à l'art et résignée par la médiocrité de son temps ainsi que Raymond Massey, magnat de la presse pensant mener l'opinion public à sa guise. Le critique incarné par Robert Douglas (qui m'a étrangement fait penser au critique culinaore de "Ratatouille") est tout aussi insaisissable dans sa volonté de briser toute forme de talent propre et d'individualité. Les interactions et l'évolution des rapport entre les personnages est incroyablement fouillée notamment Massey qu'on a le tord de prendre pour le méchant du film dans un premier temps mais s'avérera bien plus profond que cela à travers ses revirements pour finalement finir totalement brisé alors que Cooper qui n'a pas dérogé à ses convictions termine le film triomphant, figurant les grands pionniers de l'Amérique. Le film parvient à rendre limpide des notions finalement très abstraites grâce à la mise en scène particulièrement réfléchie de Vidor dont il faudra plusieurs vision pour saisir toutes les subtilités. Le tout culmine avec l'incroyable discours final de Gary Cooper déclamant la philosophie de Ayn Rand, auteur du livre adapté du film et dont elle a écrit le script. Un très grand moment où on sent l'audience (et le spectateur) prendre conscience de son esprit libre et de son individualité à travers ce discours très fort avec un Gary Cooper habité et balançant d'une traite des pages de dialogues. Bonne claque et grand film. 6/6
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Shin Cyberlapinou
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Re: Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Message par Shin Cyberlapinou »

Vu à l'instant, non pas parce que je m'intéresse particulièrement à Gary Cooper ou King Vidor, mais parce que je voulais découvrir Ayn Rand, auteur culte aux USA à l'origine de l'Objectivisme, philosophie de l'individualisme à tout prix et de l'égoïsme rationnel, conçue en réaction au communisme que sa famille russe avait fui. De nombreuses sources semblent indiquer que Rand était dans les faits une sacrée sociopathe, charmeuse, instable, dénuée de la moindre empathie, mais suffisamment futée pour convertir ces traits de caractère en une doctrine pouvant faire illusion, ce fameux Objectivisme. Attention il y a quelques SPOILERS.

Pour le film même: déjà c'est très bien foutu. C'est du travail de grand professionnel, rien à dire là dessus. Mais ce qui m'intéressait c'était le fond.

Et le fond est à la hauteur des attentes: les mecs burnés (à tout point de vue, j'y reviendrai) qui ne cèdent pas un centimètre de terrain pour affirmer leur convictions, bien. Les branleurs ternes parasites conformistes crypto-communistes, pas bien.

Et c'est tout. Le héros Howard Roark est un Steven Seagal de l'ascension sociale et existentielle, il n'a *jamais* tort, chaque difficulté n'est qu'un piège mesquin de la populace amorphe (et de ceux qui suivent son mouvement) qui peut le ralentir, mais jamais le stopper. Les récits philosophiques sont toujours un exercice casse gueule, mais fantasmer à ce point sur son héros/homme idéal, ce n'est pas bien mature, et pas si éloigné au hasard d'un Twilight.

En face nous avons une espèce de crapule intellectuelle gauchisante qui expose ses plans tel un méchant de James Bond. Il aurait pu kidnapper l'héroïne, l'attacher à des rails et attendre que le train passe en tortillant sa moustache que ça n'aurait pas juré avec le reste. Les mots honnis "Socialisme" et "Communisme" ne sont jamais prononcés, mais on a quand même droit à un "Collectivisation". Ce perso aurait dû être plus présent, c'aurait été plus fun.

Puis il y a ceux qui sont -presque- comme le héros. Des mecs qui se sont faits tout seuls, qui ont des principes, qui ont réussi, mais n'ont pas le chtick qui fait la différence et le font savoir haut et fort, là encore comme quand les méchants des films de Seagal expliquent à quel point ils sont dans la merde, tellement le Steven est balaise. Merci d'avoir essayé, revenez la semaine prochaine.

Et pour finir le love interest, Dominique Francon. Twilight m'est revenu à l'esprit car la politique sexuelle de l'oeuvre est tout aussi perturbante. Fondamentalement la Francon est une névrosée adepte de la cravache (ça ne s'invente pas) qui attend désespérément le vrai mec qui la remettra à sa place (à un moment elle supplie le héros de tout laisser tomber, promettant de faire le ménage et la cuisine) et la prendra sauvagement dans sa chambre parce qu'elle n'attendait que ça (même avec le Code Hayes on est à fond dans le fantasme de viol. Sérieusement). La scène de rencontre est tout aussi équivoque, avec le héros qui manie un bon gros marteau piqueur tous muscles bandés sous le regard lubrique de la belle, et le final montre l'héroïne rejoindre son cher et tendre au sommet de l'immeuble qu'il est est en train d'achever, officiellement le plus haut de tout New York, le dit héros l'attendant cheveux au vent, les pieds bien campés sur le sommet de la bit... euh, du bâtiment. C'est Desproges qui expliquait qu'il existe des femmes misogynes, non?

Je comprends parfaitement l'attrait de Rand (qui a adapté son propre roman) sur un jeune lecteur. A un âge où on est mal dans sa peau, voilà quelqu'un qui vous dit: "c'est pas toi, c'est les autres. Envoie les chier et deviens mégaburné, ouais". C'est comme du Fight Club (il est d'ailleurs question à un moment de faire péter un immeuble) sans le recul, l'ironie, l'ambiguïté ou le talent. 16/20 pour la facture, à l'aise, 4/20 pour le fond, schématique et puéril au possible. Je verrai d'autres films de Vidor, mais pour ce qui est des idées randiennes, j'ai été servi. Je ne pensais pas que le film avait tant d'adeptes, peut-être que c'est juste moi... Ou pas?
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Re: Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Message par Miss Nobody »

Dans mon souvenir, j'ai été moi aussi gênée par l'insistant discours sur l'individualisme qui court tout au long du film. Parmi mes regrets, je me souviens aussi d'une musique pleine d'emphase beaucoup trop présente.
Formellement, il est vrai que le film est une réussite, mais il m'avait semblé excessif et dérageant sur le fond. J'avais en revanche été charmé par le personnage de Patricia O'Neal, véritable héroïne de tragédie grecque, qui se sacrifie, se torture, mais garde toujours la tête haute.
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Rick Blaine
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Re: Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Message par Rick Blaine »

Shin Cyberlapinou a écrit :Je comprends parfaitement l'attrait de Rand (qui a adapté son propre roman) sur un jeune lecteur. A un âge où on est mal dans sa peau, voilà quelqu'un qui vous dit: "c'est pas toi, c'est les autres. Envoie les chier et deviens mégaburné, ouais". C'est comme du Fight Club (il est d'ailleurs question à un moment de faire péter un immeuble) sans le recul, l'ironie, l'ambiguïté ou le talent. 16/20 pour la facture, à l'aise, 4/20 pour le fond, schématique et puéril au possible. Je verrai d'autres films de Vidor, mais pour ce qui est des idées randiennes, j'ai été servi. Je ne pensais pas que le film avait tant d'adeptes, peut-être que c'est juste moi... Ou pas?
Est-ce que ce qui te gène, c'est la thèse défendue ou bien la manière de la défendre, la forme prise par le film?
La thèse est-ce qu'elle est, on peut être heurté par l'absolutisme avec laquelle elle est présentée, mais la thèse n'est généralement pas une gène quand l'histoire et la mise en scène amènent bien la chose (si on considérait uniquement la thèse défendue, il serait bien difficile d'apprécier les premiers Eisenstein, ou même certains Renoir, tant on va assez loin dans la naïveté - certes pour la thèse opposée au film qui nous occupe).
Il semble que tu as bien apprécié le film au strict plan artistique, et justement, il me semble que dans ce film, la forme, splendide, permet de dépasser le strict point de vue proposé et justement d'accepter de prendre en considération une manière de penser qui peut heurter par sa radicalité.

Quand à l'aspect naïf, ou simpliste de la thèse, c'est tout de même le cas de beaucoup de films, certains merveilleux, et ce n'est pas forcément gênant. Il est certain qu'il serait difficile de considérer une personnalité si radicale que celle de Howard Roark dans notre vision de la société, mais nous sommes ici devant une fiction, qui permet justement de prendre en considération une opinion, et qui a pour intérêt ne nourrir la réflexion du spectateur pour se faire sa propre opinion.

Ici, le lyrisme du film, les personnages formidables et l'esthétique somptueuse proposée par Vidor nous emportent et permettent d'accepter, me semble-t-il, une forme de radicalité du ton. D'autant que finalement, si les choses sont schématiques, on parle ici de la place de l'artiste dans la société et pas nécessairement du fonctionnement social dans son ensemble, je ne suis pas certain que le film soit si nettement que tu le vois une critique global du communisme ou de la collectivité dans son ensemble, et c'est probablement pour cela que Vidor va si loin.

Bref, sans rentrer dans un débat sur les idées du films, qui pourrait nous emmener assez loin, je voulais simplement dire que le film s'apprécie à mon avis quelque soit l'opinion que l'on a, tant la forme est belle, et c'est finalement le cas de tout beau film , et du coup c'est embêtant que la thèse te perturbes tant que ça, même si je le comprends parfaitement.

Est-ce que tu as vu (et apprécié) d'autres Vidor? Car même si c'est certainement un des films où c'est le plus clairement affiché, l'idée est souvent la même, pourtant c'est généralement un cinéaste qui plait habituellement indifféremment à des personnes de toutes les sensibilités (contrairement à DeMille par exemple, qui me semble heurter plus facilement). D'ailleurs Renoir dont je parlais plus haut louait son œuvre alors que leur propos est souvent radicalement opposé (parfois, mais pas toujours, avec une aussi grande "naïveté" chez Renoir d'ailleurs).
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Jeremy Fox
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Re: Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Message par Jeremy Fox »

A la virgule près, je suis en phase totale avec ce que vient d'écrire Rick Blaine
Strum
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Re: Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Message par Strum »

Shin Cyberlapinou a écrit :Vu à l'instant, non pas parce que je m'intéresse particulièrement à Gary Cooper ou King Vidor, mais parce que je voulais découvrir Ayn Rand, auteur culte aux USA à l'origine de l'Objectivisme, philosophie de l'individualisme à tout prix et de l'égoïsme rationnel, conçue en réaction au communisme que sa famille russe avait fui.
Euh, si tu veux vraiment découvrir Ayn Rand et ses idées, effectivement criticables, je te conseille plutôt de lire ses livres (The Fountainhead ou Atlas Shrugged) plutôt que l'adaptation cinématographique très simplifiée de The Fountainhead qui en a été faite via Le Rebelle. Comme le dit Rick Blayne, le cinéma avec sa nécessité de tout condenser et de tout simplifier n'est pas le meilleur vecteur pour représenter des idées sur un plan philosophique. Le film de Vidor peut être apprécié indépendamment d'Ayn Rand à mon avis et il est superbe.
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Shin Cyberlapinou
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Re: Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Message par Shin Cyberlapinou »

Rick soulève des points plus qu'intéressants.

Bizarrement je suis en général assez "amoral" en matière d'art, il faut prendre à rebrousse poil mes convictions de façon particulièrement frontale pour altérer ma perception "artistique" d'une oeuvre donnée. Certains trouvent Inglourious Basterds sadique, vulgaire et irresponsable, je suis d'accord avec eux, mais ça ne me gêne pas. Tarantino ne nous trompe pas sur la marchandise, il ne cherche à nous convaincre de rien, on aime ou on aime pas. De même je peux remettre Soy Cuba et Eisenstein dans leur contexte et faire la part des choses entre discours neuneu/daté et talent cinématographique pur.

Mais j'ai vu Le rebelle pour Ayn Rand. Ce n'est pas dans mes habitudes, ce n'est pas équitable pour les autres rouages du processus créatif (je n'ai vu aucun autre film de Vidor, mais je peux voir qu'il est costaud), mais c'est comme ça que j'ai procédé. Et j'ai moins de problèmes avec le propos (l'individualisme et l'anticonformisme sont dans l'absolu de bonnes choses) qu'avec la façon dont il est formulé: qu'on le veuille ou non il s'agit d'un récit à thèse, manichéen à mort et culminant dans un discours bêta et totalement didactique. Même avec une mise en scène extrêmement maîtrisée, les paramètres de l'histoire sont éhontément tordus pour servir son propos, Roark est ainsi une brute de perfection existentielle tandis que le méchant se lève manifestement tous les matins en se disant "bon, qu'est-ce que je peux faire aujourd'hui pour péter les rotules à ces génies avant gardistes qui veulent s'élever au dessus des masses que je maintiens dans leur médiocrité confite?". Ce genre de tricherie m'énerve au plus haut point, et c'est encore pire quand mes opinions sont caressées dans le sens du poil.

La rigueur intellectuelle voudrait effectivement que je m'attaque aux romans de Rand au lieu d'un "simple" digest mais 1) les dits romans sont apparemment contestables sur le plan strictement littéraire et font plus de 1000 pages** et 2) ce Fountainhead, même "light", m'a rassasié en termes de discours plus simpliste que radical sur l'individualisme et de bizarreries sexuelles plus ou moins inavouées. Un jour peut-être...



*Hilarante critique à propos d'Atlas shrugged et du discours de 60 pages (!) du héros John Galt: au bout d'un moment la question que l'on se pose n'est plus "qui est John Galt?" mais bien "quand est-ce que John Galt va la fermer?".
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Ann Harding
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Re: Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Message par Ann Harding »

Ayant lu The Fountainhead dans sa langue originale, le roman m'a fait l'effet d'un best-seller dont le point principal était l'attraction entre Domique Francon et Howard Roark. L'aspect purement idéologique est terriblement daté. Rand était sans conteste d'extrême-droite étant elle-même issue de l'immigration russe post-révolutionnaire. Je sais que certains américains (une minorité) la considère comme ayant créé un courant de pensée philosophique. Hmmm...à la lecture de son ouvrage, je dirais que sa psychologie et ses personnages sont bien trop superficiels pour être autre chose qu'un best-seller d'été.

En tous cas, Shin Cyberlapinou, je ne renoncerais pas à découvrir les autres films de Vidor. Le metteur en scène ne partageait pas vraiment les idées de sa scénariste Rand. D'ailleurs il suffit de voir son génial The Crowd (La foule, 1928) pour s'en rendre compte. Il s'intéresse à l'individu écrasé par un système qui l'oppresse, un perdant, un monsieur-tout-le-monde. Fountainehead est un film qui lu a été commandé par la Warner pour lequel il a donné tout à la forme, une sorte d'opéra wagnérien flamboyant pour faire passer la pilule des personnages approximatifs de Rand. D'ailleurs, à sa sortie, le film fut un flop total. Je suis une inconditionnelle de Vidor qui a réalisé bien d'autres films -fort différents de celui-ci- et il est injuste de ne le connaître que comme le réalisateur de The Fountainehead.

j'ai vu d'autres adaptations de Rand au cinéma. Noi Vivi et Addio Kira (1942) adapte une de ses oeuvres qui se déroule sur fond de révolution russe. (Il est d'ailleurs amusant de voir que ce sont les fascistes italiens qui l'ont adapté!) C'est un mélo flamboyant avec Alida Valli qui est amoureuse d'un contre-révolutionnaire. Le film fonctionne essentiellement sur son histoire d'amour plutôt que sur une quelconque idéologie. De même, Love Letters (1945, W. Dieterle) est une histoire d'amour torturée entre une Jennifer Jones amnésique -et peut-être criminelle- et Joseph Cotten.
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Sybille
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Re: Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Message par Sybille »

J'avais découvert ce film en salle en 2007, j'aimerais bien le revoir aujourd'hui, car je m'étais à moitié endormie dans mon fauteuil (pas à cause du film cependant). :lol: Enfin dans mes états de conscience, je m'étais quand même rendu compte de la qualité visuelle du film. Je me rappelle aussi le final, que j'avais trouvé très impressionnant. Et comme Miss Nobody, j'avais admiré le personnage joué par Patricia Neal.

Sinon je suis d'accord avec le développement exposé par Rick sur la nécessité de dissocier forme et thèse, mais ça je crois que nous le faisons tous la plupart du temps. :P
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Re: Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Message par Federico »

Strum a écrit :
Shin Cyberlapinou a écrit :Vu à l'instant, non pas parce que je m'intéresse particulièrement à Gary Cooper ou King Vidor, mais parce que je voulais découvrir Ayn Rand, auteur culte aux USA à l'origine de l'Objectivisme, philosophie de l'individualisme à tout prix et de l'égoïsme rationnel, conçue en réaction au communisme que sa famille russe avait fui.
Euh, si tu veux vraiment découvrir Ayn Rand et ses idées, effectivement critiquables, je te conseille plutôt de lire ses livres (The Fountainhead ou Atlas Shrugged) plutôt que l'adaptation cinématographique très simplifiée de The Fountainhead qui en a été faite via Le Rebelle. Comme le dit Rick Blayne, le cinéma avec sa nécessité de tout condenser et de tout simplifier n'est pas le meilleur vecteur pour représenter des idées sur un plan philosophique. Le film de Vidor peut être apprécié indépendamment d'Ayn Rand à mon avis et il est superbe.
Disons surtout que ce n'est pas un trait caractéristique de l'efficacité du cinéma américain. Je ne connais pas de meilleur - ou plutôt pire - exemple que les adaptations des Fous du roi de Robert Penn Warren (mais une européenne comme Liliana Cavani n'a pas fait beaucoup mieux avec celle de La peau de Malaparte). Ce sont probablement les cinéastes asiatiques qui sont les plus doués pour cela, cf les nombreuses adaptations de Tagore par Satyajit Ray ou les oeuvres de Mizoguchi et Ozu.

Reste que Vidor était un géant et que Le rebelle est un film d'une puissance rare, porté par deux comédiens de feu et une photographie à couper le souffle (comme souvent chez ce cinéaste).
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Re: Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Message par Joe Wilson »

Grand film. Si Duel au soleil et L'homme qui n'a pas d'étoile m'ont laissé des frustrations, Le rebelle m'a comblé de bout en bout. Au-delà de la splendeur plastique, dessinant une verticalité oppressante, la mise en scène de Vidor exprime une violence psychologique emportant tout sur son passage. Mais elle n'écrase pas les personnages...au contraire, elle leur donne une vie, une ampleur, une sensibilité forcenée, entre fièvre et démesure.
Le regard porté sur Howard Roark demeure fascinant et opaque. Sa première apparition, de dos, immobile, encaissant les coups, contient tout ce qui va suivre. Une lutte permanente, un défi, jusqu'à l'épuisement. Le jeu de Gary Cooper, extraordinaire de tension et de fermeté, transcende cette certitude inébranlable.
Patricia Neal et Raymond Massey sont des miroirs déformés de la perfection abstraite qu'il s'obstine à représenter. D'où un trio qui semble éclater en permanence, s'effondrer sur lui-même. Jusqu'à un triomphe aussi vertigineux qu'inaccessible.
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Re: Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Message par cinéfile »

The Eye Of Doom
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Re: Le Rebelle (King Vidor - 1949)

Message par The Eye Of Doom »

Redécouverte hier en famille.
Je l'avais vu il y a au moins trente ans et n'en garder que le souvenir de la scène de la maquette du gratte-ciel qu'on rhabille en immeuble néoclassique.
J'ai pas lu les textes d'Ayn Rand mais connaît bien son propos, avec une piqûre de rappel récent lors les postcast France Culture "Comment avoir raison avec ..." Ayn Rand.

Ceci étant dit, a chaud, j'ai eu du mal.
Ce qui est le plus frappant, c'est la radicalité du film à thèse. Pas d'intro, pas de blabla, pas de subtilité: on a droit des le 1er plan, a un film entièrement dédié à défendre un propos radical.
C'est un film de propagande, conçu et exécuté comme tel, du moins sur le 1et tiers. Pas un dialogue, un plan qui ne serve de support à la démonstration d'un discours.
C'est d'une sécheresse incroyable dans la forme. Ce type de film paraît impossible aujourd'hui (indepandament des idées défendues bien sûr).
D'où tout de même une difficulté à rentrer dans le film.
Je ne sais ce que peut penser quelqu'un qui découvre le film et la pensée dAyn Rand. En tout cas, tout est sursaturé de signification, que le propos s'effondre sur lui meme. J'ai pas en tête le souvenir d'autres films de propagande à comparer avec celui-ci mais j'ai pas pu rentrer dans cette allégorie.
Rien à dire sur la mise en scene et l'interprétation, remarquable. On pourrait citer : les plans dans l'ambulance au début, le coup dans la maquette, les scènes de la carrière, ...
Au delà du manque de finesse du propos, même conduit de façon magistrale, ce qui pose vraiment problème est le personnage féminin. On a un portrait de femme névrosé, impuissante, osons le mot stupide. Elle ne fait preuve d'aucun dynamique personnelle, confie son existence aux hommes, ... en complète contradiction avec la peinture des personnages masculins (les bons ou les mauvais, les forts ou les faibles).
On ne comprend pas pourquoi elle épouse le magnat de presse qu'elle déteste. Elle aurait pu/dû conduire sa vie mais non le rêve est d'être l'épouse de ... tel la dernière réplique du film. C'est franchement le plus navant du propos. Et je passe sur les plans cravache et soumission. Vite un précode de Wellman pour effacer tout ça!
D'autant plus que le côté sexuel est traité avec autant de subtilité que le reste: plans sur Cooper qui besogne au marteau pilon, sueur et muscles en avant, la bourgeoise qui s'excite sur l'ouvrier à domicile, cavalcade à cheval et cravache, et enfin long orgasme en montant l'interminable instrument de Cooper.
On dirait le guide parfait pour le réalisateur porno débutant des années 70.
Tout cela est grotesque.

A trop en faire, le film raté son propos.
L'idée de faire le Building le plus haut est par exemple de trop : c'est vraiment le concours de qui aura la plus grosse.
Le film aurait pu et aurait dû se fini avec le procès. La suite est superflue et ne sert en fait qu'à libérer le personnage féminin de son mariage et lui permettre de convoluer enfin avec le surhomme. Elle aurait pu plaquer l'un pour vivre avec l'autre mais non, on est encore dans le conformisme le plus bête.

Bref je m'autorise à penser que si quelqu'un d'autre avait adapter le roman à la place de l'auteure, le film aurait été meilleur mais bien sûr cela aurait été en complète contradiction avec le principe meme.
Donc en résumer, le film souffre du jusqueboutisme de l'auteure, et est donc la démonstration de l'échec du propos lui meme.
Mais comme bien sûr Ayn Rand n'aurait rien eu à faire de mon opinion, on retombe sur les pieds.
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