Dévoiler, c'est perdre. Entre laisser les grottes fermées et savoir qu'elles renferment des trésors, et les ouvrir pour voir ces trésors au risque de les perdre, que choisirions-nous? C'est à cela que nous amène à penser Fellini. Vaut-il mieux imaginer, fantasmer, ou voir avec les risques que cela comprend? Un orde à la retenue, à la nostalgie, au rêve...joe-ernst a écrit :Je trouve cette poésie lourde, voilà.Strum a écrit :J'avoue ne pas comprendre où serait le maniérisme dans cette scène. Fellini parle de sa ville. Evoquer les strates historiques qui la constituent était un passage obligé. Qu'il le fasse au travers d'une scène aussi originale et poétique que la découverte et la disparition simultanée des fresques témoigne pour moi de l'inventivité de son génie.
Roma (Federico Fellini - 1972)
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J'entends bien.joe-ernst a écrit :Je trouve cette poésie lourde, voilà.
Mais maintenant, imaginons comment aurait fait un metteur en scène de moindre stature pour évoquer la dimension historique de Rome, navire voguant sur diverses époques: il nous aurait sans doute montré une succession de plans du forum romain ou des églises baroques de la ville, à la manière d'un reportage. De ces images nous n'aurions rien retenus, rien compris, car aucune représentation picturale d'une ville italienne ne peut faire comprendre ce que ressent le voyageur qui la parcourt : le sentiment que le cours du temps s'est arrêté mais aussi la nostalgie du passé, car aucune ruine ne retrouvera jamais sa splendeur passée.
Fellini a su intuitivement qu'il fallait donc recourir à la métaphore, à un arrangement cinématographique. Platon distinguait le génie de l'invention du génie de l'arrangement. La scène des fresques de Roma n'invente rien en termes d'idées, de thèmes, mais elle a pour elle le génie de l'arrangement, qui nous fait passer de la construction du métro à la nostalgie du passé : j'étais totalement pris au dépourvu en découvrant ces fresques, à mille lieues de prévoir la surprise que Fellini me préparait. D'abord ému comme un enfant, on perçoit ensuite, émerveillé, le sens métaphorique que Fellini souhaitait probablement conférer à la scène. Chaque minute qui passe, chaque strate nouvelle, nous fait perdre quelque chose du passé. J'aime aussi beaucoup l'analyse de Sergius.
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Sergius, Strum, je suis d'accord avec votre analyse, mais il se trouve que je n'ai pas aimé cette façon d'évoquer un passé, une découverte, une philosophie de l'histoire, etc. C'est donc plus un problème de forme que de fond...
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Ne fais pas dans l'auto-censure. Surtout que ça doit valoir vraiment le coup.joe-ernst a écrit :J'ai trouvé ces fresques laides et kitschissimes au possible, et leur disparition faisait effet poétique forcé et peu naturel, ces "touristes" m'énervaient, Fellini ne m'apprenait rien en faisant dire au "guide" que Rome était construite sur une succession de strates, bref j'avais l'impression de me retrouver devant un Baedecker (ou autre) illustré. Un maniérisme que je n'aime guère...
@ odelay : ...
non, rien finalement, car je pourrais me montrer méchant...
Faudrait quand même pas pendre la mouche dès que qq'un met un peu d'ironie dans son post. Ce genre de remarques pas très constructives mais légèrement cinglantes (faut pas exagérer non plus), on en à la pelle toutes les semaines et les gens prennent généralement ça avec un certain détachement ou humour. Mais bon...
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De telles outrances montrent que Joe-Ernst est sous emprise. Qu'on le banisse du Forum et qu'on l'envoie en exil chez les Barbares ! SPQR.joe-ernst a écrit :J'ai trouvé ces fresques laides et kitschissimes au possible...
... and Barbara Stanwyck feels the same way !
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C'est vrai que vu leur legs à l'humanité, ce serait la honte :Tom Peeping a écrit :De telles outrances montrent que Joe-Ernst est sous emprise. Qu'on le banisse du Forum et qu'on l'envoie en exil chez les Barbares ! SPQR.joe-ernst a écrit :J'ai trouvé ces fresques laides et kitschissimes au possible...
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Re: Roma (Federico Fellini, 1972)
J'ai retrouvé dans ce Roma, tout ce que j'avais adoré dans le chef-d'œuvre absolu qu'est Amarcord bien qu'il s'agisse là d'un diamant moins poli, un poil moins abouti, sans que cela porte pourtant le moins du monde préjudice à ce que je considère être un petit miracle de film. Avant donc de s'attaquer l'année suivante à sa province natale et à toutes celles et ceux qui ont peuplé son enfance et son adolescence, Fellini s'était attaché à développer une imagerie complètement ubuesque, exubérante, truculente d'une Rome zig-zagant entre deux époques, la fin des années 30 et le début des années 70. Soit autant d'années séparant le jeune Fellini du maître connu et reconnu dans le monde entier depuis La strada, La dolce vita et Huit et demi. Au final, un peu moins de deux heures d'un film ambitieux tout en étant profondément accessible (Fellini étant à mon sens un de ces rares auteurs à pouvoir convaincre tout à la fois le cinéphile pointu et le profane) tant il respire l'amour immodéré pour ces figures patibulaires, ces petits macs, ces prostituées gargantuesques, tant son cinéma est synonyme de chaleur et de générosité (l'exact opposé d'un Visconti en ce sens). Au beau milieu de toute cette faune, Fellini assoit, s'il était permis d'en douter, sa réputation de faiseur d'images hors pair et signe quelques scènes proprement inoubliables: le music-hall, le métro, le bordel et -surtout- le défilé de mode religieux. Le tout au service d'une ville: Rome, splendide et éternelle. Comme le film.
Il fallait bien ça pour contrebalancer l'avis de Demi-Lune sur Satyricon (que je n'ai pas encore vu, à ma grande honte)
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Re: Roma (Federico Fellini, 1972)
Le film qui m'a fait découvrir Fellini, émerveillé ! En plus d'images inoubliables, la musique de Nino Rota m'a trotté dans la tête pendant une bonne semaine. La moitié des films de Fellini me ravit alors que l'autre me sort par les yeux ; celui-ci fait partie de la première catégorie.Père Jules a écrit :J'ai retrouvé dans ce Roma, tout ce que j'avais adoré dans le chef-d'œuvre absolu qu'est Amarcord bien qu'il s'agisse là d'un diamant moins poli, un poil moins abouti, sans que cela porte pourtant le moins du monde préjudice à ce que je considère être un petit miracle de film. Avant donc de s'attaquer l'année suivante à sa province natale et à toutes celles et ceux qui ont peuplé son enfance et son adolescence, Fellini s'était attaché à développer une imagerie complètement ubuesque, exubérante, truculente d'une Rome zig-zagant entre deux époques, la fin des années 30 et le début des années 70. Soit autant d'années séparant le jeune Fellini du maître connu et reconnu dans le monde entier depuis La strada, La dolce vita et Huit et demi. Au final, un peu moins de deux heures d'un film ambitieux tout en étant profondément accessible (Fellini étant à mon sens un de ces rares auteurs à pouvoir convaincre tout à la fois le cinéphile pointu et le profane) tant il respire l'amour immodéré pour ces figures patibulaires, ces petits macs, ces prostituées gargantuesques, tant son cinéma est synonyme de chaleur et de générosité (l'exact opposé d'un Visconti en ce sens). Au beau milieu de toute cette faune, Fellini assoit, s'il était permis d'en douter, sa réputation de faiseur d'images hors pair et signe quelques scènes proprement inoubliables: le music-hall, le métro, le bordel et -surtout- le défilé de mode religieux. Le tout au service d'une ville: Rome, splendide et éternelle. Comme le film.
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Re: Roma (Federico Fellini - 1972)
J'ai oublié de mentionner la musique de Nino Rota. Elle participe évidemment grandement à la réussite du film.
Durant la scène du défilé par exemple, c'est dingue à quel point elle parvient à transporter le spectateur et à faire corps avec les images de Fellini.
Bref, j'ai adoré tout, tout du long.
Durant la scène du défilé par exemple, c'est dingue à quel point elle parvient à transporter le spectateur et à faire corps avec les images de Fellini.
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Re: Roma (Federico Fellini - 1972)
Il y a, dans Roma, des ébauches (voire, carrément, des sortes de "répétitions générales") de certaines séquences d'Amarcord : je pense en particulier à la scène de repas en famille, où l'on voit bien que la figure du père, par exemple, annonce (en bien moins "fini") celle, ô combien truculente, du père de Titta dans Amarcord...Père Jules a écrit :J'ai retrouvé dans ce Roma, tout ce que j'avais adoré dans le chef-d'œuvre absolu qu'est Amarcord bien qu'il s'agisse là d'un diamant moins poli, un poil moins abouti,
J'aime beaucoup Roma, moins qu'Amarcord, bien sûr, mais c'est un très grand film, un peu "foutraque" (à l'image de son tournage apparemment : à un journaliste qui lui demandait "Quand donc terminerez-vous le tournage ?", Fellini avait répondu : "Quand il n'y aura plus d'argent" !), qui multiplie les séquences virtuoses (que tu as déjà citées). La scène sous le métro, en particulier, me bouleverse à chaque fois, dans sa simplicité même, et tout ce qu'elle parvient à dire avec poésie et intelligence, tout ça en quelques images seulement, du destin tragique qui est le lot de tout homme... Et l'apparition fantomatique de la Magnani, à la toute fin, est tout simplement magique.
Je sais qu'Alberto Sordi et Marcello Mastroianni ont tourné également des scènes : je me demande si on pourra les voir un jour...
Ce Roma est pour moi un sommet dans la filmographie de Fellini (avec Amarcord, Satyricon, 8 1/2, La Dolce Vita, Juliette des Esprits...), joyau d'une époque bénie où le Maestro multipliait les tours de force.
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Re: Roma (Federico Fellini, 1972)
Pas d'accord, il y a de la générosité chez Visconti, beaucoup même (comme avec Kubrick, le perfectionnisme princier de sa mise en scène ne doit pas pour moi être confondu avec de la froideur, il fait corps symphoniquement avec les sentiments et les tourments de ses personnages), sinon comment expliquer que tous ses films soient si beaux et déchirants.Père Jules a écrit :son cinéma est synonyme de chaleur et de générosité (l'exact opposé d'un Visconti en ce sens).
Mais là n'est pas la question de toute façon.
Je venais simplement me joindre à ton admiration concernant Roma. Mon rapport à l’œuvre de Fellini est décidément bien complexe. A priori, son exubérance avait de quoi me rebuter mais j'ai été franchement cueilli par tant de brio et d'imagination. Moi qui attends du Cinéma qu'il me surprenne et/ou qu'il m'émeuve, j'ai été servi. C'est sans doute un film que j'aurais pas autant savouré avant de connaître Rome, car la fascination que m'inspire le film provient en partie du souvenir, provoqué par Fellini, des impressions/sensations que j'ai pu tirer de la Ville éternelle. Les parallèles qui ont pu être faits avec La grande bellezza récemment me sont plus clairs maintenant : c'est vrai que les deux films s'attachent à formaliser l'âme de cette ville, dans toute sa démesure. Idée géniale que d'avoir mêlé les temporalités dans la narration, comme les vestiges d'époques différentes se côtoient à Rome. L'idée de la "balade" filmique et onirique est vraiment excellente même si le morcellement des scènes conduira sans doute les spectateurs à avoir des préférences différentes. Perso, j'ai notamment peu aimé les scènes au bordel où les fantasmes de Fellini pour la laideur me laissent toujours de marbre. En revanche, les vignettes d'enfance, le resto au bord du tramway, le périph' apocalyptique, la séquence dans le métro et la découverte des fresques peintes (y voir l'une des plus belles scènes du Cinéma n'est pas galvaudé) ou l'ambiance si particulière du Trastevere... formidable.
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Re: Roma (Federico Fellini - 1972)
J'ai été totalement conquis par la première partie. Le banquet nocturne, le périphérique infernal, le music-hall et bien entendu la visite de la Rome sous-terraine : de grandes scènes urbaines, belles et décadentes. Il y a de la vie, du mouvement, des dizaines de petites histoires racontées à l'écran.
Moins convaincu par la suite par contre, en gros à partir des scènes de bordel. Même le fameux défilé ecclésiastique m'a moins impressionné que les séquences précitées : trop ostensiblement grotesque, peut être ?
Malgré cette impression mitigée, je le reverrai avec plaisir en HD. La puissance visuelle de l'ensemble mérite clairement mieux que le rachitique DVD édité par MGM !
Moins convaincu par la suite par contre, en gros à partir des scènes de bordel. Même le fameux défilé ecclésiastique m'a moins impressionné que les séquences précitées : trop ostensiblement grotesque, peut être ?
Malgré cette impression mitigée, je le reverrai avec plaisir en HD. La puissance visuelle de l'ensemble mérite clairement mieux que le rachitique DVD édité par MGM !
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Re: Roma (Federico Fellini - 1972)
Jean Gili était venu en février dernier évoquer la vision fellinienne de Rome à travers La dolce vita et Roma dans l'émission Les nouveaux chemins de la connaissance.
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Re: Roma (Federico Fellini - 1972)
Si vous voulez être dégoûté du film, regardez le juste 5 minutes par l'intermédiaire de la copie diffusée en ce moment sur OCS géant (je l'avais programmé, je l'ai effacé aussi sec). Ensuite allez jeter un œil sur Le Limier de Mankiewicz dans une copie totalement dégueulasse et pan et scannée sur Paramount Channel (on ne voit la plupart du temps que les mains des comédiens ; je préfère encore voir un épisode de Derrick). De quoi perdre la passion du cinéma !
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Re: Roma (Federico Fellini - 1972)
Je viens de zyeuter vite fait Roma, et c'est tres moche en effet, j'aurai pensé qu'OCS aurait diffusé une copie HD et en fait ,non, ça doit etre le vieux dvd MGMJeremy Fox a écrit :Si vous voulez être dégoûté du film, regardez le juste 5 minutes par l'intermédiaire de la copie diffusée en ce moment sur OCS géant (je l'avais programmé, je l'ai effacé aussi sec). Ensuite allez jeter un œil sur Le Limier de Mankiewicz dans une copie totalement dégueulasse et pan et scannée sur Paramount Channel ; on dirait presque un épisode de Derrick. De quoi perdre la passion du cinéma !
The Life and Death of Colonel Blimp (Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943)