Mama Grande! a écrit :
Une autre chose qui me frappe est l'impact ideologique des séries. Récemment, j'écoutais encore le podcast de l'Association des Critiques de Séries "Un épisode et j'arrete!", dont les intervenants ont tous autour de 30-35 ans (c'est à dire de ma tranche d'age). J'ai été frappé par le fait que leurs critiques tournent a 90% autour de l'idéologie d'une série, pour savoir si elle est idéologiquement valide ou pas selon eux (assez #metoo, assez inclusive des minorités etc...), et presque jamais autour de la forme. Le probleme ici n'est absolument pas de savoir si leur idéologie est "bonne" ou pas (ya déja l'autre topic
), je m'en fiche completement, mais plutot l'importance qui y est donnée.
Ces habitudes nous viennent de la presse anglo-saxonne, qui passe désormais toute production culturelle au prisme de la conformité idéologique. C'est ainsi pour des raisons essentiellement politiques que les critiques locaux ont crié au chef-d'oeuvre devant Wonder Woman ou Black Panther, et qu'ils accueillent chaque nouvel album de Beyoncé comme si c'était un inédit de Beethoven. La forme on s'en fout - aucun des critiques qui voient en Patty Jenkins la nouvelle Ida Lupino (non je rigole, ils n'ont jamais entendu parler de Lupino) n'est capable d'expliquer en quoi son boulot est supérieur à celui de, mettons, Zack Snyder. C'est une femme et son film est "féministe", donc elle a du talent. Je ne raffole pas outre-mesure de la critique française, mais elle a su jusqu'ici rester un peu lucide sur ces questions; mais si les gens dont tu parles sont l'avenir, eh bien je dis aïe aïe aïe.
Je n'ai que tres rarement entendu de critiques ciné sérieux jeter un film aux ordures sur des motifs politiques.
On voit que tu es trop jeune pour te souvenir de l'accueil critique des films de Clint Eastwood avant
Bird.
Ca arrive bien sur, mais ils parlent quand meme en priorité de la forme visuelle, de l'écriture, de la lisibilite des scenes d'action, de l'inventivité de la mise en scene, de l'interprétation etc... Comme si dans la plupart des séries tv (j'insiste sur le "la plupart"), la forme impersonnelle et fonctionnelle faisait qu'on ne s'intéressait plus qu'a des choses tres terre a terre, a l'idéologie vehiculée, et plus du tout a l'execution artistique. Voir que des critiques de séries professionnels travaillant pour Telerama ou le Monde étaient incapables de dissocier réussite artistique et (dés)accord ideologique m'a rendu assez triste finalement.
Je crois que cela tient surtout à ce que la plupart des critiques n'ont pas les outils nécessaires pour parler de la forme ou l'analyser. Je ne dis pas qu'il faut avoir fait la Femis pour critiquer un film - bien au contraire - mais avoir une connaissance minimum de la technique et du langage cinématographiques devrait être un pré-requis. L'ennui avec les séries c'est que, souvent, il n'y a pas grand-chose voire rien à analyser sous cet angle. Reste donc le fond, et faire de l'idéologie ça vous pose davantage votre homme (ou votre femme) que de simplement dire "Ouais, Tyrion Lannister il éclate sa race".