Joseph Losey (1909-1984)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Phnom&Penh
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Phnom&Penh »

homerwell a écrit :Cependant ce deuxième visionnage me souligne un aspect que je subodorais la première fois. Je trouve qu'il y a un petit problème de rythme. L'entêtement de Monsieur Klein finit par nous engourdir aussi.
Il n'a pas le choix parce qu'il joue un jeu différent de celui qu'on veut lui imposer.
Au début, tu as un personnage qui vis impunément. Il n'est pas entêté, il est protégé, il est libre de faire ce qu'il veut. Un régime totalitaire ne produit pas seulement des victimes, il produit aussi des personnes qui ont tous les droits. Voir à ce sujet le récent et excellent El secreto de sus ojos de Juan José Campanella, qui traite justement du passage d'un fragile état de droit à ce qui n'est pas encore une dictature mais le devient de façon inexorable.

La scène première du film est très explicite. On fait passer un examen médical infect, certes, mais aussi idiot, qui souligne l'arbitraire du régime. Le personnage de Klein, au départ, même s'il était réellement juif, pourrait très bien ne rien risquer. Il a assez de relations et de pouvoir pour cela (les exemples réels ne manquent pas). Comme Klein n'est pas vraie crapule, mais un simple profiteur, il s'inquiète quand surgit cette curieuse affaire et surtout, se pose des problèmes d'identité. Qui est-il et quelle est son identité? Ce sont des questions qu'il ne s'était jamais posé et que le régime l'oblige à se poser. Ne pas oublier là-dessus, que Losey est un apatride, un communiste internationaliste qui avait travaillé en Russie, et un ancien américain devenu européen par force.

Plus que juif, il se découvre sans identité. Il est incapable de préciser sa lignée. Il ne rentre pas dans le jeu du régime puisqu'il lui suffirait de s'en inventer une - après tout, il est du côté de l'arbitraire, il a un certain pouvoir. Mais on n'est pas dans un polar, à se demander si Klein va s'en sortir ou pas. On est dans un système où rentrer dans le jeu est automatiquement jouer avec le pouvoir. Voir l'histoire de Marius Klein, racontée dans l'article mis en lien, Senses of cinema (venant du Chagrin et la Pitié): une famille est l'objet de rumeurs et Marius Klein cherche à prouver son identité en publiant ses "états de service" dans la presse locale. Il est sauvé, il a accepté le jeu.
Ici, Klein ne comprend pas qu'il doit jouer le jeu du régime et il finit broyé: il n'y a pas d'innocence sous un régime totalitaire.
Dernière modification par Phnom&Penh le 5 août 10, 12:19, modifié 1 fois.
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Strum
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Strum »

homerwell a écrit :Cependant ce deuxième visionnage me souligne un aspect que je subodorais la première fois. Je trouve qu'il y a un petit problème de rythme. L'entêtement de Monsieur Klein finit par nous engourdir aussi.
Spoiler (cliquez pour afficher)
C'est comme une lente descente en enfer, Robert Klein n'attrape pas les branches qui pourraient lui permettre de stopper sa chute. Il se dit tout le long du film, "Non, ça ne peut pas m'arriver à moi, on ne peut pas me confondre avec... pas moi ! La préfecture ne peut pas faire une erreur pareille..." Mais comme on se fout royalement de ce qui peut arriver à Robert Klein (la première scène du film semble là pour ça), cela ne provoque pas la moindre angoisse, à peine une interrogation sur le destin de ce personnage.
L'atmosphère du film soulignée par Strum même si elle est un parfait écrin à l'histoire, me fait assister au destin de klein avec deux pas de recul.
Bref, je vais surement sortir un grand film de mon top 100 ! :mrgreen:
Ce recul dont tu parles je l'ai ressenti dans les autres films de Losey, mais pas ici. Je me suis laissé "engourdir" justement par cette atmosphère d'angoisse, de paranoïa du film, bref de crise d'identité. L'angoisse passe par les décors, la mise en scène, ces silences pesants, mais aussi par les yeux constamment interrogateurs de Delon, qui est formidable dans ce film. On finit par s'identifier à Delon, et comme il s'interroge justement sur sa propre identité, par partager son angoisse. Car ce n'est pas seulement Klein qui doute de son identité dans le film. Tout devient perméable, friable, tout est envahi par ce sentiment d'une crise d'identité : la France de l'occupation, la plupart des personnages du film, dont les motivations ne sont pas toujours claires, et cette atmosphère qui tangue telle un bateau balloté par les flots de l'Histoire entre le réalisme, la reconstitution historique et le fantastique bunuelien (les scènes du chateau). Je trouve que cela rend bien compte de ce que se disaient peut-être beaucoup de français pendant la débacle et l'occupation : tout cela est-il possible, est-il bien vrai ? L'identité n'est peut-être qu'un masque qu'on se donne et qu'il ne faut pas trop creuser si l'on veut vivre en paix.
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Strum »

Phnom&Penh a écrit :[Voir l'histoire de Marius Klein, racontée dans l'article mis en lien, Senses of cinema (venant du Chagrin et la Pitié): une famille est l'objet de rumeurs et Marius Klein cherche à prouver son identité en publiant ses "états de service" dans la presse locale. Il est sauvé, il a accepté le jeu.
Oui, très intéressant cet article d'ailleurs, merci pour le lien ! :)
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

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Strum a écrit :L'angoisse passe par les décors, la mise en scène, ces silences pesants, mais aussi par les yeux constamment interrogateurs de Delon, qui est formidable dans ce film.
La composition d'Egisto Machi contribue beaucoup aussi je trouve à cette atmosphère de profonde angoisse qu'il y a tout au long du film. Sinon Delon, je trouve que ça lui correspond bien ce genre de films. Dans les comédies en général il est mauvais comme un cochon ; là il est formidable. Delon il est surtout bon dans des rôles un peu ambigus, pas forcément sympathiques de prime abord où la plupart du temps il ferme sa gueule. Dans Le Samouraï ou Attention les Enfants Regardent il était très bon aussi.
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Strum »

julien a écrit :La composition d'Egisto Machi contribue beaucoup aussi je trouve à cette atmosphère de profonde angoisse qu'il y a tout au long du film.
Oui, c'est vrai, la musique est parfaite.
homerwell
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par homerwell »

Phnom&Penh a écrit :
homerwell a écrit :Cependant ce deuxième visionnage me souligne un aspect que je subodorais la première fois. Je trouve qu'il y a un petit problème de rythme. L'entêtement de Monsieur Klein finit par nous engourdir aussi.
Il n'a pas le choix parce qu'il joue un jeu différent de celui qu'on veut lui imposer.
Au début, tu as un personnage qui vis impunément. Il n'est pas entêté, il est protégé, il est libre de faire ce qu'il veut. Un régime totalitaire ne produit pas seulement des victimes, il produit aussi des personnes qui ont tous les droits. Voir à ce sujet le récent et excellent El secreto de sus ojos de Juan José Campanella, qui traite justement du passage d'un fragile état de droit à ce qui n'est pas encore une dictature mais le devient de façon inexorable.
N'est ce pas exactement l'inverse ? Monsieur Klein ne veut-il pas au contraire jouer à la perfection la partition qu'on lui propose ?
Monsieur Klein s'estime du bon côté du sérail. Dans un système qui ne peut se retourner contre lui puisque il en fait partie. Il s'estime tellement inattaquable qu'il n'hésite pas à profiter de la situation.
Spoiler (cliquez pour afficher)
On le voit marchander à la moitié de sa valeur un tableau qu'un père de famille juif vend pour s'assurer une entrée d'argent.
Le régime totalitaire apporte l'impunité aux pourri. Monsieur Klein est un pourri, un "petit" mais un pourri quand même. Et quand la machine préfectorale se retourne contre lui, il n'est pas question d'utiliser des artifices ou des faux-semblant pour s'en sortir. Il refuse les manigances de son avocat. Il veut laver tous soupçons, tête haute parce que tout de même, on le confond avec un juif !
Monsieur Klein m'apparait comme un entêté qui ne réagit pas comme il le faudrait parce qu'il est sûr de son fait alors que le totalitarisme tape sur tout le monde à tort et à travers.

La scène première du film est très explicite. On fait passer un examen médical infect, certes, mais aussi idiot, qui souligne l'arbitraire du régime. Le personnage de Klein, au départ, même s'il était réellement juif, pourrait très bien ne rien risquer. Il a assez de relations et de pouvoir pour cela (les exemples réels ne manquent pas). Comme Klein n'est pas vraie une crapule, mais un simple profiteur, il s'inquiète quand surgit cette curieuse affaire et surtout, se pose des problèmes d'identité. Qui est-il et quelle est son identité? Ce sont des questions qu'il ne s'était jamais posé et que le régime l'oblige à se poser. Ne pas oublier là-dessus, que Losey est un apatride, un communiste internationaliste qui avait travaillé en Russie, et un ancien américain devenu européen par force.
Les profiteurs en temps de guerre peuvent être de vrais crapules. Monsieur Klein m'apparait surtout comme un homme qui a la bêtise de croire qu'il lui suffit de mener sa petite enquête pour faire la lumière sur cet homonyme. Il a la faiblesse de croire qu'un état totalitaire n'agira pas avec lui comme il l'a fait avec le juif qui vend son tableau.
Losey s'est arc-bouté contre la commission, il aurait pu finir en tôle, il a préféré changer de continent et continuer à faire des films. Klein va se perdre en allant au bout de sa logique. Il retourne dans l'appartement, refuse les papiers que lui tend l'avocat.
Plus que juif, il se découvre sans identité. Il est incapable de préciser sa lignée. Il ne rentre pas dans le jeu du régime puisqu'il lui suffirait de s'en inventer une - après tout, il est du côté de l'arbitraire, il a un certain pouvoir. Mais on n'est pas dans un polar, à se demander si Klein va s'en sortir ou pas. On est dans un système où rentrer dans le jeu est automatiquement jouer avec le pouvoir. Voir l'histoire de Marius Klein, racontée dans l'article mis en lien, Senses of cinema (venant du Chagrin et la Pitié): une famille est l'objet de rumeurs et Marius Klein cherche à prouver son identité en publiant ses "états de service" dans la presse locale. Il est sauvé, il a accepté le jeu.
Spoiler (cliquez pour afficher)
Quant Klein est dans le train, il retourne sur ses pas, terminer son enquête. Sans faire le jeu du régime, il aurait pu se mettre hors de danger en se cachant, en prenant le bateau.
Ici, Klein ne comprend pas qu'il doit jouer le jeu du régime et il finit broyé: il n'y a pas d'innocence sous un régime totalitaire.
Ici, Klein comprend qu'il doit jouer le jeu du régime et il finit broyé : Personne n'est à l'abri dans un régime totalitaire.
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Phnom&Penh
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Phnom&Penh »

homerwell a écrit :N'est ce pas exactement l'inverse ? Monsieur Klein ne veut-il pas au contraire jouer à la perfection la partition qu'on lui propose ?
Monsieur Klein s'estime du bon côté du sérail. Dans un système qui ne peut se retourner contre lui puisque il en fait partie. Il s'estime tellement inattaquable qu'il n'hésite pas à profiter de la situation.
Spoiler (cliquez pour afficher)
On le voit marchander à la moitié de sa valeur un tableau qu'un père de famille juif vend pour s'assurer une entrée d'argent
A ce stade, il n'est pas encore en danger. Il agit en homme d'affaires, au sein d'un système qui lui convient parfaitement. Il n'est pas innattaquable, il est simplement en position de force, il "rend service" et négocie ses services. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de juger de la moralité du personnage, mais plutôt de son inclusion dans un monde, et des raisons pour lesquelles il en sort et ne sait pas y rester.
homerwell a écrit :Le régime totalitaire apporte l'impunité aux pourri. Monsieur Klein est un pourri, un "petit" mais un pourri quand même. Et quand la machine préfectorale se retourne contre lui, il n'est pas question d'utiliser des artifices ou des faux-semblant pour s'en sortir. Il refuse les manigances de son avocat. Il veut laver tous soupçons, tête haute parce que tout de même, on le confond avec un juif !
Monsieur Klein m'apparait comme un entêté qui ne réagit pas comme il le faudrait parce qu'il est sûr de son fait alors que le totalitarisme tape sur tout le monde à tort et à travers.
Je ne pense pas que la problématique soit là. Il passe d'un système à un autre, qu'il ne comprend pas, parce qu'il s'estimait à l'abri. On lui pose un problème d'identité qu'il ne s'était jamais posé, cela le perturbe et le fait rentrer dans une quête, une recherche du double, qui est très poétique mais démontre encore plus son inadaptation à un nouveau système qui nie l'individu en tant que tel. Sa quête est absurde dans le contexte de l'époque mais pas sa démarche: il recherche une espèce de moi dans un monde où la personne est niée.
Losey indique lui-même que son personnage ne comprend rien au système. Il était adapté à un monde marchand et relationnel, il ne comprend rien à l'administration. Par contre, cette interrogation sur son identité l'amène à effectuer une quête qui est bien plus qu'une recherche pour répondre à l'administration. Il se cherche lui-même et découvre en même temps un autre qui est son contraire (il est assez clair que l'autre Klein est dans la résistance). En ce qui concerne le risque qu'il prend, Losey dit lui-même que Klein ne réalise qu'à la fermeture des portes du wagon.
homerwell a écrit :Losey s'est arc-bouté contre la commission, il aurait pu finir en tôle, il a préféré changer de continent et continuer à faire des films. Klein va se perdre en allant au bout de sa logique. Il retourne dans l'appartement, refuse les papiers que lui tend l'avocat.
Encore une fois, je ne pense pas que cela soit une question de morale / courage / bêtise. Losey était communiste, il est parti quand l'étau se resserrait. Klein ne comprend pas ce qu'on lui reproche, ni d'ailleurs ce qu'on attend de lui, il s'estime innocent.
homerwell a écrit :Ici, Klein comprend qu'il doit jouer le jeu du régime et il finit broyé : Personne n'est à l'abri dans un régime totalitaire.
Je crois qu'il comprend surtout qu'il est perdu, qu'il est trop tard.
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Message par Federico »

Phnom&Penh a écrit :
Boom (1968)
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Losey a réalisé des films grandioses mais Boom est vraiment plombé. La photo est splendide, il y a de grands comédiens dont quelques excentriques notables mais j'avais déjà souvent eu du mal avec les oeuvres tirées de Tennessee Williams et là, c'est un peu too much. Je ne vais pas me faire des potes mais il me rappelle certains excès du cinéma de Polanski comme le très sur-évalué Cul-de-sac. L'équipe n'a pas du sucer des glaçons pendant le tournage entre le duo de choc, Coward et les visites de Williams. Par contre, j'ai toujours la chair de poule lors du bref passage où face à la mer déchaînée, Burton prend sa pose shakespearienne favorite (un peu forcée elle aussi) en levant son verre pour marmonner le fameux "Boom". A cet instant précis, la musique de John Barry est un contrepoint absolument magique !
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Ann Harding
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Ann Harding »

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The Prowler (Le rôdeur, 1951) de Joseph Losey avec Van Heflin, Evelyn Keyes et John Maxwell

Webb Garewood (V. Heflin), un flic en patrouille nocturne, arrive avec son collègue Bud (John Maxwell) chez Susan Gilvray (E. Keyes) qui a été effrayée par un rôdeur. Garewood devient l'amant de Susan...

VCI a publié récemment en DVD une excellente édition restaurée de ce superbe film noir. En effet, cette compagnie de DVD offre rarement des copies aussi belles que celle du Prowler. Le film a été méticuleusement restauré par la UCLA Film & TV Archive en 35mm. En effet, la Film Noir Foundation finance des restaurations de films noirs orphelins qui sont oubliés car n'étant pas produit par un grand studio. Ce fut donc une occasion de me replonger dans ce film que j'avais vu, il y des années au Cinéma de minuit. J'en ressors réellement emballée par ce superbe film de Losey qui s'est révélé passionnant. A priori, nous sommes face à un scénario de film noir bien rodé : le mari, la femme et l'amant. Mais, à partir ce triangle adultérin, Losey et son scénariste Dalton Trumbo nous donnent des personnages plus complexes qu'il n'y parait. Webb Garewood est un simple flic qui vit dans une chambre d'hôtel miteuse. Sa rencontre avec la belle Susan va éveiller des désirs qui étaient certainement latents chez lui. Susan, de son côté, est une actrice ratée qui a épousée un homme plus âgé qu'elle simplement pour avoir un confort matériel. Elle passe ses soirées à écouter son mari qui est DJ sur une station de radio. Elle est aussi solitaire que Webb. Mais, contrairement à lui, elle n'a pas de pulsions criminelles. Webb, lui, va finalement se décider à tuer le mari, en maquillant le meurtre en homicide involontaire. Le film essaime les petits indices qui vont nous indiquer les vraies intentions de Webb comme lorsqu'il tombe par hasard sur le testament de l'époux de Susan. C'est vraiment une idée formidable d'avoir confié le rôle du flic à Van Heflin qui a toujours respiré l'honnêteté dans tous ses films. A l'instar de Fred MacMurray dans Double Indemnity, il est l'honnête homme transformé en meurtrier froid et calculateur. Cependant, le spectateur garde une certaine sympathie pour le personnage quoi qu'il ait fait. Il sera rattrapé par son forfait dans un lieu désertique comme dans High Sierra ou Colorado Territory de Raoul Walsh. Dans le rôle de Susan, l'actrice Evelyn Keyes, alors mariée à John Huston, sort de ses rôles de douces créatures pour celui d'une femme insatisfaite et malheureuse. Elle sera la victime finale de cette histoire sans issue. Dalton Trumbo, qui dût écrire le scénario sans le signer car il était sur la Liste Noire, en profite pour justifier son héros. Il veut lui aussi faire partie de cette société de consommation hypocrite où les avocats prennent des pots-de-vin et les banquiers se servent dans la caisse. Il a donc utilisé son arme pour avancer dans la société. Une fois marié à Susan, il ne pourra pas profiter longtemps de son forfait à cause d'un événement inattendu. Ce film à petit budget tourné en 20 jours a été photographié superbement par Arthur Miller qui n'était pas un habitué des films noirs. Produit par Samuel Spiegel qui avait des hérissons dans les poches, les malheureux qui travaillèrent sur le film eurent beaucoup de mal à obtenir un chèque qui ne soit pas en bois. Le film est accompagné de plusieurs bonus intéressants avec des interviews d'Eddie Muller, la patron de la Film Noir Foundation et du fils de Dalton Trumbo. J'ai ainsi appris que le titre original du film était The Cost of Living, un titre ambigu aux significations multiples à l'image de ce très beau film.
Précision importante: il y a des ST anglais sur ce DVD VCI (et c'est vraiment rare pour cet éditeur).
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Jeremy Fox »

:D

Tu m'as fait remémorer ce film que j'avais du voir le même jour que toi chez Patrick Brion ; plus qu'à attendre le DVD Wild Side maintenant car ton avis confirme tout le bien que j'en pensais 8)
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Ann Harding »

Encore quelques infos, la copie restaurée de The Prowler va passer à la cinémathèque le 1er et 16 juillet prochain à 19h00.
Si vous êtes anglophones, pas la peine d'attendre le DVD Wild Side car VCI a fait un excellent travail (pour une fois!) avec de très bon bonus:
Audio Commentary by Film Noir Expert Eddie Muller
The Cost of Living: Creating The Prowler with James Ellroy, Christopher Trumbo, Denise Hamilton and Alan K. Rode Featurette
Masterpiece in the Margins Bertrand Tavernier on The Prowler
On the Prowl Restoring The Prowler
Photo Gallery
Original Theatrical Trailer
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par cinephage »

Pour ma part, dès lors que je sais qu'un dvd français de qualité va sortir, c'est celui-là qui a ma préférence, même si je suis grosso-modo anglophone.
Un dvd avec STF peut se prêter, se partager avec amis et enfants, c'est quand même un autre confort, je trouve.

Par ailleurs, tant qu'à faire, je préfère que mes sous encouragent l'édition dvd de patrimoine en France, dont on sait la fragilité. Aux States, c'est une goutte d'eau dans l'ocean, alors que les ventes de titres en France se comptent à l'unité (ça mont jusqu'à quelques milliers pour un succès, mais ça reste pas très lourd). En effet, en tant que consommateur, j'espère que des boites telles que Wild Side et Carlotta vont continuer à bien marcher pour les années à venir.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Jeremy Fox »

cinephage a écrit :Pour ma part, dès lors que je sais qu'un dvd français de qualité va sortir, c'est celui-là qui a ma préférence, même si je suis grosso-modo anglophone.
.
Surtout que la collection Classics Confidential est magnifique avec son livre d'accompagnement. Mais j'avoue que le VCI aurait eu les stf, j'aurais fait la même chose que Ann :oops:

Ceci dit
En effet, en tant que consommateur, j'espère que des boites telles que Wild Side et Carlotta vont continuer à bien marcher pour les années à venir.
Moi aussi ; c'est la meilleure chose qui puisse nous arriver, c'est la seule manière de pouvoir voir encore du naphta fleurir par ici : que ces éditeurs puissent vivre le plus longtemps possible !
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par daniel gregg »

Jeremy Fox a écrit :
cinephage a écrit :Pour ma part, dès lors que je sais qu'un dvd français de qualité va sortir, c'est celui-là qui a ma préférence, même si je suis grosso-modo anglophone.
.
Surtout que la collection Classics Confidential est magnifique avec son livre d'accompagnement. Mais j'avoue que le VCI aurait eu les stf, j'aurais fait la même chose que Ann :oops:

Ceci dit
En effet, en tant que consommateur, j'espère que des boites telles que Wild Side et Carlotta vont continuer à bien marcher pour les années à venir.
Moi aussi ; c'est la meilleure chose qui puisse nous arriver, c'est la seule manière de pouvoir voir encore du naphta fleurir par ici : que ces éditeurs puissent vivre le plus longtemps possible !
Oui et surtout de les encourager à sortir des films rares qui ne sont pas disponibles aux USA.
Sinon entièrement d'accord avec Cinephage concernant la commodité de pouvoir les partager avec les amis et surtout les enfants.
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Jeremy Fox
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Re: Joseph Losey (1909-1984)

Message par Jeremy Fox »

daniel gregg a écrit : Oui et surtout de les encourager à sortir des films rares qui ne sont pas disponibles aux USA.
.
Rares ou pas d'ailleurs car on ne peut pas dire que Deevil's Doorway ne soit pas célèbre par exemple. Et pourtant nous n'aurions jamais pu le voir avec sous titres si WS ne s'en était pas occupé.
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