Dingue et ravagé. Je suis en pleine découverte du cinéma de Bergman, et ce qui me surprends le plus, c'est sa violence. On explore les âmes, mais on reste toujours très près des corps et des visages (magnifiquement filmés): on se regarde, on se repousse, on s'étreint, on se mord, on se bat, parfois jusqu'à la mort.
C'est vrai que l'on ne le dit pas assez, mais le cinéma de Bergman (et peut-être encore plus certains de ses écrits) est souvent particulièrement cru et violent. Quand j'ai découvert cette facette du monsieur, j'en ai été tout retourné, c'était à milles lieues de ce que j'imaginais de son oeuvre.
Ce matin, je pensais justement à l'incroyable longévité du cinéaste et j'étais stupéfait à l'idée qu'il ait traversé 60 années de cinéma. Et à 87 ans, il tourne en numérique haute définition...
Les films sont à notre civilisation ce que les rêves sont à nos vies individuelles : ils en expriment le mystère et aident à définir la nature de ce que nous sommes et de ce que nous devenons. (Frank Pierson)
phylute a écrit :Et à 87 ans, il tourne en numérique haute définition...
Rohmer l'a fait aussi, et à 80 balais passés itou, avec L'Anglaise et le Duc. Et j'ai entendu dire que Jeremy Fox préparait lui-même un film dans ce même format. Ils sont trop forts, ces papys
Une jeune infirmière (Andersson), affectée au service exclusif d'une actrice mutique (Ullmann), manque de se perdre dans le silence (bienveillant? scrutateur? manipulateur?) de celle-ci.
J'ai rarement vu aussi bien explorée la mise en place d'une relation "toxique" entre deux personnes. On interprète de travers les réactions (ou l'absence de réactions) de l'autre, et on se bâtit des châteaux en Espagne, on se croit compris, sinon aimé.... Fragile construction fondée sur des illusions auto-entretenues, et qui ne demande qu'à s'ècrouler. Comme on est chez Bergman, les actrices sont renversantes (ma préférence va à Bibi Andersson, dont le personnage change du tout au tout au cours du film). 10/10.
Première plongée dans l'univers du super-héros suédois, L'heure du loup m'aura à la fois inquiété (de m'emmerder pendant 1h20), effrayé, fasciné et lessivé.
J'ai débuté le film, intrigué de découvrir l'univers de ce réalisateur si renommé, avec beaucoup d'appréhensions. Le monologue d'introduction n'aidant pas à plonger directement dans le film, on suit, l'oeil fatigué, les instants de vie de ce couple qui s'est isolé sur cette île. Le début est d'ailleurs plutôt laborieux. Mais progressivement, on sent que quelque chose d'étrange, d'inattendu, est en passe de se produire. Ne sachant pas du tout à quoi m'attendre (car ne connaissant pas du tout l'histoire), j'ai été à la fois surpris et enthousiasmé de voir le film basculer dans un surréalisme inquiétant lors de cette scène du dîner au château, moment qui nous fait plonger dans les cauchemars de Johan. A moins que la transition ait déjà eue lieu avant. Difficile, après une première vision du film, de bien comprendre où se trouve la frontière entre le réel et le monde cauchemardesque de Johan, puis, par extension, de Alma. Des personnages apparaissent, disparaissent, sympathisent puis agressent, effectuent des tâches étranges (l'homme qui amène le revolver, le curateur d'âmes), créant une ambiance continuellement oppressante et dérangeante. Certaines scènes dépassent le soutenable (l'enfant sur les rochers) mais le mystère reste opaque, l'incompréhension réside et le malaise croît de plus en plus. Quelle est cette fin ? Est-ce qu'Alma a réussit à revenir à la raison ? Qu'est-il advenu véritablement de Johan ?
Bergman nous présente ici la carte des cauchemars d'un esprit malade, incapable de dissocier le réel de l'imaginaire, hanté par des fantômes terrifiants qui finiront par l'amener à sa perte. Comme j'ai déjà pu le lire, la parenté avec le cinéma de Lynch n'est pas innocente et ici déjà (en 1967) on se retrouve confronté à de véritables cauchemars éveillés, où l'esprit humain est mis à mal, tout autant que la compréhension du spectateur, qui ressortira groggy et désemparé de ce funeste spectacle.
Je serais en tout cas bien incapable de dire si j'ai aimé ou non ce film, tant je me suis senti à plusieurs reprises agressé par ses situations, ses images, ses sons et ses personnages. Mais la fascination est belle et bien présente.
Hier soir, avant la diffusion sur Arte de Persona, est passé un captivant documentaire d'une petite heure consacré à la genèse du film. C'est toujours fascinant (et émouvant) de découvrir ce genre d'émissions sur les oeuvres que l'on adore. Avis aux intéressés, il est disponible (pour encore combien du temps ?) ici.