L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Tutut
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Tutut »

Phnom&Penh a écrit : Mais dire que ceux qui résistaient et ceux qui collaboraient l’ont fait en fonction des imprévus de la vie, c’est nier le choix volontaire que ces personnes ont effectué de profiter du système ou de risquer leur vie. Sans parler bien sûr de ceux qui ont collaboré par idéologie.
Sur plusieurs générations on a eu droit au fait que "la France" résistait, bref à la négation de la collaboration pour la simple et bonne raison que De Gaulle n'aurait pu remettre la machine de l'état en route sans les fonctionnaires plus ou moins zélés qui avaient aidé l'occupant. Les résistants de la première heure et les collabos par idéologie étaient une minorité.
Shin Cyberlapinou a écrit :
surtout dans un pays qui a longtemps eu du mal à regarder son passé en face,

Ce n’est pas une spécificité française. Il suffit de parler avec des hollandais du fait que 75% des juifs hollandais ont disparu pendant l’occupation pour comprendre qu’il y a des malaises nationaux dans toute l’Europe sur certains sujets..
La différence, c'est que l'administration française anticipait les demandes des nazis, comme envoyer des femmes et des enfants dans les camps sans que les allemands l'aie demandé.
C’est une bonne lecture sur le courage et, accessoirement, cela peut donner une idée des dangers du relativisme, surtout dans les périodes troubles. Et puis quand on tient à regarder son passé en face, on n'est pas obligé d'en rester aux fonds de poubelle et au linge sale, on peut aussi y trouver des exemples.
Que ce soit sur la résistance, la guerre d'Algérie et d'autres périodes de l'histoire de France, on sent une auto censure vivace.
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Shin Cyberlapinou
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Shin Cyberlapinou »

Phnom&Penh évoque la question du relativisme, et c'est intéressant car on s'est tous demandés ce que l'on aurait fait à cette période. Personnellement je n'en sais rien. Rien du tout au sens le plus strict du terme, il m'est déjà arrivé de me mettre sciemment en danger physique par pur altruisme, c'est ce qu'on appelle techniquement du courage, mais de là à prendre les armes et risquer d'être torturé à mort ou de balancer les copains... Pour le coup mon sentiment ne pourra être que tristement relatif.

Revenons au cinéma: en tant que récit, L'armée des ombres présente un idéal de courage et d'engagement. C'est son droit le plus strict, mais ce n'est pas le rapport à l'Histoire auquel j'adhère le plus. Encore aujourd'hui on a des films sur l'Occupation alors que des points d'Histoire plus récents et aux conséquences plus concrètes attendent leur tour pour être traités, à croire qu'on a toujours pas digéré cet épisode que désormais seuls nos grand parents (parents pour certains) ont connu. Et je crois sincèrement que cette approche mythologique (et donc "fausse") a contribué à brouiller les cartes, entretenir les fantasmes et ralentir le travail d'analyse à froid. Les intentions de Melville étaient louables, reste que ce n'est pas tellement "sain" (un peu à l'image du "mensonge bienveillant" qui a fait fait passer la France de 45 dans le camp des vainqueurs, j'espère ne pas balancer là une énormité). C'est pour ça que je me retrouve plus dans le travail de Verhoeven qui a pour lui le recul de l'analyste, peut-être plus valable sur la durée que les impressions de première main(par ailleurs indispensables) du mec qui est monté au créneau. Faudrait vraiment que la Cinémathèque fasse un double programme Armée des ombres/Soldiers of Orange...
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cinephage
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par cinephage »

Shin Cyberlapinou a écrit :Et je crois sincèrement que cette approche mythologique (et donc "fausse") a contribué à brouiller les cartes, entretenir les fantasmes et ralentir le travail d'analyse à froid. Les intentions de Melville étaient louables, reste que ce n'est pas tellement "sain" (un peu à l'image du "mensonge bienveillant" qui a fait fait passer la France de 45 dans le camp des vainqueurs, j'espère ne pas balancer là une énormité).
Un film, quel qu'il soit, est un très mauvais support pour tout travail historique "à froid" : c'est une fiction, sur la base d'une reconstruction. Sauf à étudier le film comme document relatif à l'époque à laquelle il a été tourné, indiquant une certaine vision de l'histoire à cette époque précise, ce n'est pas un document historique. Arbitraire, il propose un point de vue, a une ambition artistico-commerciale qui n'est pas celle de l'historien.

Je crains que tu ne confères à ce film une responsabilité et une portée qu'il n'a jamais eues.
Ou alors (et c'est sans doute un peu vrai), tu peux reprocher au cinéma dans son ensemble de donner une image "déformée" de la réalité, historique ou autre. Auquel cas tu attends du cinéma quelque chose qu'il n'a pas vocation à donner (et ne donne pour ainsi dire jamais), à savoir une exacte représentation historique.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Phnom&Penh
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Phnom&Penh »

Tutut a écrit :Sur plusieurs générations on a eu droit au fait que "la France" résistait, bref à la négation de la collaboration pour la simple et bonne raison que De Gaulle n'aurait pu remettre la machine de l'état en route sans les fonctionnaires plus ou moins zélés qui avaient aidé l'occupant.
C'est aussi un peu plus compliqué que cela et comme souvent chez de Gaulle, il y avait "la grandeur de la France", dont on pense ce qu'on veut, mais aussi beaucoup de pragmatisme, quelquefois un peu cynique.
Son objectif était surtout d'éviter une insurrection communiste d'une part, une administration américaine d'autre part. Pour cela il avait besoin d'une administration très rapidement efficace et il a globalement sauvegardé les services administratifs, la police et la gendarmerie (l'armée, elle, a été assez vite "épurée" même si c'est surtout par des mises au placard).
Je comprend que ça laisse une impression désagréable mais cela se justifie aussi un peu, même si c'est cynique. D'autre part, les excès de l'épuration, et surtout le fait qu'ils ont donné lieu à bon nombre de réglements de compte laisse penser que l'idée de laisser un peu de temps avant d'épurer à tout va n'était pas mauvaise en soi non plus.
Je n'ai pas vu Lacombe Lucien depuis très longtemps mais je crois que le film parle un peu de ça sur la fin.
Tutut a écrit :Les résistants de la première heure et les collabos par idéologie étaient une minorité.
En pourcentage de la population française, oui. En nombre de personnes, la Résistance française a été assez importante quand même. Il suffit d'ailleurs de voir le nombre de personnes particulièrement remarquables dont on conserve les noms en mémoire.
Tutut a écrit :La différence, c'est que l'administration française anticipait les demandes des nazis, comme envoyer des femmes et des enfants dans les camps sans que les allemands l'aie demandé.
Pas au début, ce qui explique aussi que beaucoup de gens aient mis du temps à comprendre.
Tutut a écrit :Que ce soit sur la résistance, la guerre d'Algérie et d'autres périodes de l'histoire de France, on sent une auto censure vivace.
Et pas mal d'idéologie aussi. J'étais enfant dans les 70' et je n'ai vraiment pas l'impression d'avoir fait des découvertes fondamentales ces dernières années par rapport à ce qu'on m'enseignait à l'école alors. La résistance minoritaire, la collaboration, le Vel d'Hiv, les camps et j'en passe, on apprenait tout ça à l'école et les parents et grands-parents en parlaient sans se cacher de n'avoir la plupart du temps pas fait grand chose d'autre que faire vivre leur famille et acheté un peu de beurre au marché noir.
On a surtout beaucoup demandé à la République française de faire des excuses officielles pour ceci ou cela et, personnellement, je suis plutôt de l'avis que l'Etat Français n'était pas la France. J'aime beaucoup le Chagrin et la Pitié mais je préfère ce genre de films aux excuses officielles. C'est juste ma position, cela dit. Et je comprends très bien les positions différentes sur ce sujet.
Shin Cyberlapinou a écrit :Phnom&Penh évoque la question du relativisme, et c'est intéressant car on s'est tous demandés ce que l'on aurait fait à cette période. Personnellement je n'en sais rien. Rien du tout au sens le plus strict du terme, il m'est déjà arrivé de me mettre sciemment en danger physique par pur altruisme, c'est ce qu'on appelle techniquement du courage, mais de là à prendre les armes et risquer d'être torturé à mort ou de balancer les copains...
Perso, même si je n'en sais heureusement pas plus que toi là-dessus, c'est justement pour cela que je trouve qu'il faut un peu de ce que Henri Frenay appelait de la "légende".
J'édite pour mettre le texte de Frenay qui est plus parlant que ce que j'avais écrit (et plus précis par rapport avec le topic):
"Dans mes souvenirs sont étroitement liés l'héroisme et la lâcheté, l'ambition et le désintéressement, la médiocrité et la grandeur. Bien que nous ayons été haussés par les évènements au-dessus de nous-mêmes, nous n'étions cependant que des êtres de chair et de sang avec leurs faiblesses et leurs erreurs.
Fallait-il impitoyablement passer au microscope ces actions dont l'ensemble fut une épopée, mais dont le détail était parfois fait de petitesse et de mesquinerie? Fallait-il montrer que des hommes qui furent courageux devant la mort comme ils l'avaient été dans notre existence clandestine, ne surent pas élever leur esprit au niveau des graves évènements que nous avons connus? Je n'en ai pas eu le courage.
C'eut été peut-être une mauvaise action. La force des peuples repose souvent sur des légendes. Je n'ai pas voulu dissiper, même partiellement, celle dont je fus à la fois l'acteur et le témoin. Et puis la Résistance, la vraie, celle des premières années, celle que peu d'hommes ont connue, est pour moi comme un jardin secret où parfois, seul, je pénètre. On ne m'en voudra pas de n'y pas faire entrer sur mes traces la foule des dimanches. je n'aime pas les profanations."

Henri Frenay, préface au troisième tome des mémoires du colonel Rémy, 1951.
En 1971, il est revenu sur sa décision d'alors pour faire le livre de mémoires que j'ai cité plus haut. Mais, s'il rentre dans le détail historique, il conte aussi une histoire exemplaire.

Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'il a abandonné la politique vers 1948, dégoûté de voir, avec la IVe république, toute une classe politique d'avant-guerre revenir au pouvoir alors qu'il espérait qu'une république digne de l'esprit de la résistance voit le jour. Je précise qu'il n'était pas gaulliste.
(et qu'il n'a abandonné la politique que plus tardivement, mes souvenirs n'étaient pas tout à fait justes)
On a souvent reproché à de Gaulle d'avoir mis un couvercle sur Vichy et la collaboration. Le couvercle est peut être plus à chercher du côté des hommes de la IVe.

L'Armée des Ombres est sorti en 1968/69, c'est vrai que vu le contexte, on peut dire que c'est un film "gaulliste". Mais on est en 2009, et comme c'est un film très beau et très pur, je trouve que c'est un point très négligeable. Mais pas faux, c'est vrai :wink:
Shin Cyberlapinou a écrit :un peu à l'image du "mensonge bienveillant" qui a fait fait passer la France de 45 dans le camp des vainqueurs, j'espère ne pas balancer là une énormité
Le talent politique de de Gaulle. Si notre contribution à la victoire avait été symbolique, inutile de dire qu'entre autre beaucoup de choses, notre siège à l'ONU n'aurait jamais existé. Certes, notre contribution à la victoire était symbolique en nombre, au regard du nombre de combattants anglais et américains. Mais il était suffisant pour que la 2e DB de Leclerc et la 1ere Armée de de Lattre, sans parler des bataillons français des SAS, aient été autre chose qu'un régiment supplétif. Le talent de de Gaulle a été d'en user pour donner à la France une place qui faisait peut-être rigoler (jaune, parce que le pauvre, à ce moment là, n'avait plus grand chose à demander) le Maréchal Keitel, mais une place suffisante pour que la France soit considérée comme l'un des alliés importants.
Et il n'y a pas que le pragmatisme. Le fait que ce soit les français (au sens large) qui aient permis la victoire de Monte Cassino, a sans doute joué (entre autre), sachant la détestation de Roosevelt pour de Gaulle.
Les français libres étaient peu nombreux (quoique, les armées d'Afrique ont permis quand même d'atteindre un nombre de combattants élevé) mais entre El Alamein, Monte Cassino et les Vosges, notre présence n'a pas été anecdotique.
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maitenant, je reconnais qu'à chaque fois que je dis à des allemands que nous serons férié le 8 mai et qu'ils me demandent pourquoi, je les fait bien rigoler. Mais nous sommes en 2009 :)
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Nomorereasons
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Nomorereasons »

Respect Phnom&Penh. Je finissais par n'être plus capable d'envisager l'histoire que sur des périodes de cent ans, des groupes de cent millions de personnes et (pour contrebalancer ces gros chiffres) par une lecture des évènements en base deux.

Edit: et ça je garde:
Dans mes souvenirs sont étroitement liés l'héroisme et la lâcheté, l'ambition et le désintéressement, la médiocrité et la grandeur. Bien que nous ayons été haussés par les évènements au-dessus de nous-mêmes, nous n'étions cependant que des êtres de chair et de sang avec leurs faiblesses et leurs erreurs.
Fallait-il impitoyablement passer au microscope ces actions dont l'ensemble fut une épopée, mais dont le détail était parfois fait de petitesse et de mesquinerie? Fallait-il montrer que des hommes qui furent courageux devant la mort comme ils l'avaient été dans notre existence clandestine, ne surent pas élever leur esprit au niveau des graves évènements que nous avons connus? Je n'en ai pas eu le courage.
C'eut été peut-être une mauvaise action. La force des peuples repose souvent sur des légendes.
Une petite entorse au matérialisme ne fait pas de mal.
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Shin Cyberlapinou
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Shin Cyberlapinou »

Mmm, je n'avais pas prévu que l'on partirait sur de telles considérations socio-historico-philosophiques, mais pour l'heure ce n'est pas désagréable. Espérons qu'on ne parte pas dans les limbes du hors sujet total...

cinephage a écrit :Un film, quel qu'il soit, est un très mauvais support pour tout travail historique "à froid" : c'est une fiction, sur la base d'une reconstruction. (...) Arbitraire, il propose un point de vue, a une ambition artistico-commerciale qui n'est pas celle de l'historien.

Je crains que tu ne confères à ce film une responsabilité et une portée qu'il n'a jamais eues.
Pas faux d'une certaine manière, mais c'est bien parce que je fais la part des choses et sais que je "chipote" que je continue à tenir L'armée des ombres pour un grand film et non un sombre instrument de propagande. Je suis bien conscient des arrangement qu'une histoire fait avec l'Histoire, mais force est de reconnaître que les Américains ont géré leur rapport au Vietnam de façon bien plus immédiate, frontale, honnête, et franchement saine. Alors ça peut nous donner un Rambo 2 de sombre mémoire, mais force est de reconnaître que le Vietnam a été encaissé et digéré (peut-être même trop bien quand on pense à ce qui se passe en Irak) alors que nous avons encore des films et des téléfilms pour nous dire qu'il y avait des résistants, des collabos et pleins de gens normaux. Il serait vraiment temps de passer à autre chose.
Fallait-il impitoyablement passer au microscope ces actions dont l'ensemble fut une épopée, mais dont le détail était parfois fait de petitesse et de mesquinerie? Fallait-il montrer que des hommes qui furent courageux devant la mort comme ils l'avaient été dans notre existence clandestine, ne surent pas élever leur esprit au niveau des graves évènements que nous avons connus? Je n'en ai pas eu le courage.
C'eut été peut-être une mauvaise action. La force des peuples repose souvent sur des légendes.
C'est un beau texte (et une belle phrase finale), qui défend un point de vue des plus valables, avec lequel je ne suis pas d'accord. Beaucoup de sociologues et de philosophes parlent de la fin des "grands récits", des grands concepts que furent au choix, le mariage, le religion, l'amour libre, l'amour de la patrie, la lutte contre le communisme, la science libératrice, le féminisme, le progrès social, l'antiracisme militant, toute une batterie "d'ismes" d'idéaux qui se sont écroulés les uns après les autres au cours du siècle dernier.

Certains (beaucoup?) trouvent ça triste et effrayant, je trouve ça honnête et libérateur, tel le jeune con gorgé de postmodernisme que je suis. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai du mal avec De Gaulle: ce n'est pas une affaire d'ancrage politique mais bien de la mythification de sa figure, qui fait qu'on aboutit à des raccourcis puérils à la "tous pourris, sauf De Gaulle". En cela L'armée des ombres est un film de "l'Ancien Monde", de la célébration d'un idéal, de la mythification d'une réalité, qui, on le saura, m'interpelle un poil. Il ne s'agit pas de déboulonner pour le simple plaisir de déboulonner, juste d'être aussi honnête que possible (et à défaut d'être "honnête" Melville est au moins 100% sincère dans sa démarche). Mais là je crois qu'on touche vraiment à des questions d'éthique personnelle qui demanderaient facilement 20 pages. Pourvu que ça ne tourne pas en vrille et qu'on ne m'accuse pas de jouer au troll...
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Nomorereasons »

Shin Cyberlapinou a écrit : Beaucoup de sociologues et de philosophes parlent de la fin des "grands récits", des grands concepts
Mais, entre nous, qu'est-ce que tu en as à secouer de ces charlots :D
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Shin Cyberlapinou »

Ca permet de briller en société... Je sais, je n'ai aucune fierté.
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Nomorereasons »

Shin Cyberlapinou a écrit :Ca permet de briller en société... Je sais, je n'ai aucune fierté.
Et j'en suis là aussi... C'est pour ça que j'aime le cinoche en général (et L'Armée des Ombres en particulier, même si c'est aussi un peu autre chose): pour une fois que je peux oublier tout le dégoût que le monde -à commencer par ma petite personne- m'inspire :mrgreen:
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Phnom&Penh »

Shin Cyberlapinou a écrit :toute une batterie "d'ismes" d'idéaux qui se sont écroulés les uns après les autres au cours du siècle dernier.

Certains (beaucoup?) trouvent ça triste et effrayant, je trouve ça honnête et libérateur
Pour moi, ce sont deux sujets complètement différents.
D'un côté (pour faire très bref), tu as le modernisme avec une remise en question des valeurs.

De l'autre, tu as l'histoire. Est-ce tant de Gaulle qui a mythifié la Résistance et a voulu faire de tous les français des résistants? Pour moi, pas du tout. Il a un style littéraire et des idées portant à la "légende". Mais le seul exemple de Frenay, pas gaulliste, montre que de Gaulle était loin d'être le seul à avoir ce style. C'était aussi l'époque.
De Gaulle voulait une épuration rapide, il a épargné une grande part de l'administration. Et surtout, de 1944 à 1945, on était encore en guerre. De 1944 à 1946, il a dirigé des gouvernements dans lesquels tous les partis étaient représentés.
De 1946 à 1958, il n'était plus au pouvoir. Et quand il y est revenu, près de quinze ans étaient passés.

En ce qui concerne les "ismes", il y a en a un qui caractérise bien la Résistance, c'est "idéalisme".
Une partie importante des hommes de la Résistance a tendue la main à l'Allemagne dès 1946 pour faire l'Europe. L'Europe, idée complétement idéaliste, surtout après-guerre, s'est faite.
Malheureusement, aux hommes issus de la Résistance, ont succédés des fonctionnaires, des politiques, bref, tout ceux qui ont estimé qu'il fallait avant tout faire une Europe économique et que le reste viendrait après.
Un certain Emmanuel Mounier, fondateur de la revue philosophique Esprit et très proche de tous ces milieux d'anciens résistants d'après guerre, expliquait que pour que l'Europe fonctionne dans l'avenir, il fallait avant tout faire une Europe de la Culture.
Il était bien pourri d'idéalisme ce Mounier. Heureusement qu'il y avait des gens un peu plus réalistes que lui.

Minorer l'importance de la Résistance française, c'est d'abord un manque de respect vis à vis de ces hommes. Et puis c'est historiquement faux. Ils ont failli bouleverser l'échiquier politique de l'après-guerre, changer radicalement la façon de gouverner. Oui, la pesanteur a gagné et on a préféré revenir à de la petite politique, oublier les sujets qui fâchent. Mais c'est quand même un peut fort de sous-entendre que de Gaulle est responsable de ça.

Il n'est pas anormal de considérer que l'Armée des Ombres flatte la légende gaullienne. Mais quand on parle de la mythologie de la résistance gaulliste, il serait peut-être honnête de la mettre au regard de la mythologie communiste que le PCF a mis en place à la Libération. Les résistants non communistes n'ont jamais minoré le rôle de la résistance communiste. Il suffit de jeter un coup d'oeil aux unes de l'Humanité de l'époque pour comprendre que les non communistes n'étaient ni les plus malhonnêtes ni les plus mythos.
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Shin Cyberlapinou
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Shin Cyberlapinou »

Comme prévu on s'éloigne du film et s'achemine vers des questions d'éthique personnelle. C'est moi qui ai ouvert la porte, j'espère juste qu'on ne va pas trop partir en vrille.

Je suis d'accord pour De Gaulle qui n'a pas sciemment construit sa mythologie et celle de la Résistance. Reste que cette mythologie *s'est* construite, et que ça fausse la donne (même pour de "bonnes" raisons) d'une manière qui ne me parle pas, et même me gêne. en outre je reproche moins à L'armée des ombres de flatter la légende gaullienne que de flatter la légende, tout court.

Je ne connaissais pas Emmanuel Mounier. Mais entre un gars qui parle d'une Europe des Cultures et un terne fonctionnaire qui parle d'accords économiques, j'ai bien peur que ce soit le premier que je regarde bizarrement, car je vais forcément me demander s'il est totalement naïf ou s'il cherche à m'entuber avec de beaux discours. Alors c'est le petit con cynique qui parle, mais la volonté de survie économique de pays bouffés par une crise financière majeure, je crois sincèrement que ça aide plus la construction de l'Europe qu'un bel idéal partagé par décidément trop peu de monde. Froid pragmatisme quand tu nous tiens...

Dit comme ça on pourrait croire que je suis un pur produit décadent qui se serait planqué dans son trou au premier claquement de bottes, mais en fait je crois qu'on oublie le caractère absolument exceptionnel du nazisme et des forces de l'Axe. De tous temps il y a eu des guerres, des conflits, des horreurs, mais l'Axe c'est un peu le Marc Dutroux de l'Histoire, il a même fallu s'allier à Staline pour en venir à bout. Car c'est une chose d'avoir une politique brutale, une logique de conquête et un muselage complet des opposants, c'en est une autre de se balader avec des têtes de mort sur la casquette, de massacrer des civils (en l'occurrence juifs, homosexuels ou tsiganes) par millions et prioritairement par rapport aux questions militaires, de bouffer des prisonniers de guerre (comme ça s'est vu dans le Pacifique) ou de mener des expérimentations sur l'humain au mépris de toute déontologie et parfois de tout bon sens. Dans l'inconscient collectif le nazi n'est pas un "méchant" (comme a pu l'être un sniper serbe en son temps), il est carrément maléfique, limite sorti d'un comic-book. C'est d'ailleurs pour ça je crois qu'on a eu des films "fun" sur la Deuxième Guerre façon Quand les aigles attaquent ou le prochain Inglorious Basterds (je ne parle même pas des Indiana Jones, de Hellboy ou même d'Ilsa) alors que je vois mal une comédie, même noire, dans l'univers des tranchées. Justement parce que dans un cas on peut se permettre le coup du "un bon nazi c'est un nazi mort" et que dans l'autre il s'agit de pauvres types plongés dans la même galère par des pays aux intérêts différents mais aux méthodes pas si éloignées. Comme dans une guerre classique quoi, là où dans les années 40 il y avait un Méchant, un vrai. C'est parce qu'on a continué à croire à cette mythologie du Méchant (qui dans l'Histoire récente s'est vérifiée selon ma thèse une seule fois) qu'on a eu le Vietnam ou l'Irak. Voilà entre autres pourquoi j'ai du mal avec les "mythologies", qui à mon sens devraient justement rester mythiques.

Alors on pourra parler des horreurs du Cambodge, du Darfour, du Congo, des "méchants" qui y sévissent en toute impunité. Sauf que géographiquement parlant, ces horreurs ne m'atteignent pas. Lutter contre le nazisme en 42, c'était une question de survie. Que des enfants soldats s'égorgent dans l'Afrique subsaharienne, c'est terrible mais ça n'a aucune conséquence concrète sur ma vie quotidienne. A bientôt 30 ans je ne serai jamais amené à prendre les armes pour défendre mon pays. Jamais. Ses frontières sont finies, son aura internationale est raisonnablement assise, en cas de problème il y a des professionnels pour s'occuper de la question. Je n'aurai jamais à prendre les décisions qu'a eu à prendre un Guy Mocquet. Et j'en suis assez content, même si ce n'est pas très classe. Les règles ont changé, et il faut se rappeler à quel point celles qui avaient cours en 42 étaient, heureusement, exceptionnelles et n'excluaient de toute façon pas lâchetés et mesquineries.

A ce titre L'armée des ombres (parce qu'il faut bien y revenir) rend parfaitement compte d'une façon de penser, et du chemin parcouru depuis, en bien et en mal. Ah je viens de trouver une nouvelle raison d'aimer ce film, justement parce que je ne suis pas d'accord avec tout qu'il expose. Il est fort ce Jean-Pierre.
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Nomorereasons »

Shin Cyberlapinou a écrit :Je suis d'accord pour De Gaulle qui n'a pas sciemment construit sa mythologie et celle de la Résistance. Reste que cette mythologie *s'est* construite,
J'avoue qu'en règle générale j'entends moins parler de la France résistante comme un seul homme, que de la "mythologie" de cette France résistante comme un seul homme: en clair, que je suis la victime consentante et complice d'un perpétuel mensonge collectif depuis la fin de la guerre. J'ajoute par pur mauvais esprit qu'il s'en faudrait de peu, au vu des origines de Jean-Pierre Melville ou de Kessel (et pourquoi pas de l'infâme réalisateur de La Grande Vadrouille, exaltation forcenée de ce que les français aiment s'imaginer d'eux-même en tant que français: débrouillardise, courage indéfectible déguisé en chauvinisme burlesque, etc.) que l'on y voie encore un énième quoique paradoxal complot juif en tant qu'élément moteur de ce mensonge collectif; mais au fond, que Melville soit juif comme tu l'aies rappelé ne prouve rien et ne prive pas l'historien d'accomplir son devoir en démêlant le vrai du faux.
Maintenant traiter systématiquement les gens de menteurs est une chose malhonnête et surtout commode en ce qu'elle permet une alchimie redoutable: un fantôme à pourfendre est infiniment plus douillet et exploitable sur un plan idéologique et pragmatique qu'un traumatisme, une vérité à tête de Janus sur des plaies ouvertes. Tu parles de Staline un peu plus loin dans ton post: par coïncidence il était dans l'intérêt de la propagande marxiste de l'époque de créer cet épouvantail mythologique.
mais en fait je crois qu'on oublie le caractère absolument exceptionnel du nazisme et des forces de l'Axe. De tous temps il y a eu des guerres, des conflits, des horreurs, mais l'Axe c'est un peu le Marc Dutroux de l'Histoire, il a même fallu s'allier à Staline pour en venir à bout. Car c'est une chose d'avoir une politique brutale, une logique de conquête et un muselage complet des opposants, c'en est une autre de se balader avec des têtes de mort sur la casquette, de massacrer des civils (en l'occurrence juifs, homosexuels ou tsiganes) par millions et prioritairement par rapport aux questions militaires, de bouffer des prisonniers de guerre (comme ça s'est vu dans le Pacifique) ou de mener des expérimentations sur l'humain au mépris de toute déontologie et parfois de tout bon sens.
Tu vois bien que tu es plus romantique que tu veux bien t'en donner l'air, je t'assure que les communistes ne sont pas en reste dans tous ces domaines.
Dans l'inconscient collectif le nazi n'est pas un "méchant" (comme a pu l'être un sniper serbe en son temps), il est carrément maléfique, limite sorti d'un comic-book. C'est d'ailleurs pour ça je crois qu'on a eu des films "fun" sur la Deuxième Guerre façon Quand les aigles attaquent ou le prochain Inglorious Basterds (je ne parle même pas des Indiana Jones, de Hellboy ou même d'Ilsa) alors que je vois mal une comédie, même noire, dans l'univers des tranchées. Justement parce que dans un cas on peut se permettre le coup du "un bon nazi c'est un nazi mort" et que dans l'autre il s'agit de pauvres types plongés dans la même galère par des pays aux intérêts différents mais aux méthodes pas si éloignées. Comme dans une guerre classique quoi, là où dans les années 40 il y avait un Méchant, un vrai. C'est parce qu'on a continué à croire à cette mythologie du Méchant (qui dans l'Histoire récente s'est vérifiée selon ma thèse une seule fois) qu'on a eu le Vietnam ou l'Irak. Voilà entre autres pourquoi j'ai du mal avec les "mythologies", qui à mon sens devraient justement rester mythiques.
Là, je suis carrément largué. D'abord tu relèves le caractère exceptionnel du nazisme, et ensuite tu attribues à l'inconscient collectif actuel la paternité de ce caractère exceptionnel.
A bientôt 30 ans je ne serai jamais amené à prendre les armes pour défendre mon pays. Jamais. Ses frontières sont finies, son aura internationale est raisonnablement assise, en cas de problème il y a des professionnels pour s'occuper de la question. Je n'aurai jamais à prendre les décisions qu'a eu à prendre un Guy Mocquet. Et j'en suis assez content, même si ce n'est pas très classe. Les règles ont changé, et il faut se rappeler à quel point celles qui avaient cours en 42 étaient, heureusement, exceptionnelles et n'excluaient de toute façon pas lâchetés et mesquineries.
Mouwais. Cette idée de fin de l'Histoire vaut ce qu'elle vaut, mais enfin que le Ciel t'entende.
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Shin Cyberlapinou
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Shin Cyberlapinou »

On continue à s'éloigner du sujet mais bon, on reste en bonne compagnie.

Je me suis peut-être mal exprimé sur le caractère historiquement exceptionnel du nazisme. Ma théorie est la suivante: nous avons à la base l'Axe, une force conquérante ultrabrutale dans son discours et ses actions, qui a donné lieu à des crimes infâmes et particulièrement bien documentés (en tout cas en Europe). Ce "bad guy" déjà bien chargé s'est ensuite développé dans l'inconscient collectif sous une forme authentiquement maléfique (au sens vraiment démoniaque du terme), en comparaison de laquelle même Staline passe pour "gentil", ce qui a permis la naissance (somme toute compréhensible) d'une mythologie manichéenne faite de résistants vertueux, de soldats dignes et de politiciens visionnaires. Une vision que j'ai spontanément tendance à nuancer et relativiser (je ne conteste pas en soi) au regard des excès et simplifications que cela peut engendrer (du romantisme un peu béat jusqu'à un Bush qui utilise en parfaite connaissance de cause le terme "Axis of evil").

Concernant le communisme, je suis quand même au courant des crimes causés en son nom. Mais quand on prononce le mot "génocide", on pensera plus spontanément à Auschwitz qu'aux purges staliniennes. Et à l'inverse du nazisme, le communisme se présente au fond comme une idéologie "bonne", soucieuse de justice sociale, et les 20 millions de mort dûs à Staline relèvent pour la plupart du calcul politique et de l'élimination de l'opposition politique, une démarche plus pragmatique et "sensée" que les convois de déportés prioritaires sur les trains de ravitaillement pour le front russe. A ce titre, oui, le communisme est moins "voyant", plus "traditionnel", et même ses applications les plus effroyablement aberrantes comme les khmers rouges sont restées circonscrites à un pays. Quand on veut faire saloperies à grande échelle il vaut mieux rester chez soi, sinon les gens remarquent...

Quant à la théorie de la fin de l'Histoire je m'y retrouve un peu, sans y adhérer à fond. Mais bon là c'est de l'éthique personnelle...
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Ouf Je Respire
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Ouf Je Respire »

yaplusdsaisons a écrit :
Shin Cyberlapinou a écrit :Ca permet de briller en société... Je sais, je n'ai aucune fierté.
Et j'en suis là aussi... C'est pour ça que j'aime le cinoche en général (et L'Armée des Ombres en particulier, même si c'est aussi un peu autre chose): pour une fois que je peux oublier tout le dégoût que le monde -à commencer par ma petite personne- m'inspire :mrgreen:
J'aurais pu écrire cette phrase. Sans le mrgreen.
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Phnom&Penh
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Re: L'Armée des ombres (Jean Pierre Melville - 1969)

Message par Phnom&Penh »

Shin Cyberlapinou a écrit : Je ne connaissais pas Emmanuel Mounier. Mais entre un gars qui parle d'une Europe des Cultures et un terne fonctionnaire qui parle d'accords économiques, j'ai bien peur que ce soit le premier que je regarde bizarrement, car je vais forcément me demander s'il est totalement naïf ou s'il cherche à m'entuber avec de beaux discours. Alors c'est le petit con cynique qui parle, mais la volonté de survie économique de pays bouffés par une crise financière majeure, je crois sincèrement que ça aide plus la construction de l'Europe qu'un bel idéal partagé par décidément trop peu de monde. Froid pragmatisme quand tu nous tiens...
Emmanuel Mounier est une des grandes figures intellectuelles du milieu du XXe siècle, philosophe de formation et fondateur d'Esprit. Il a beaucoup inspiré les milieux modérés avant et après guerre. Edgar Morin, avec sa "politique de civilisation", par exemple, s'en inspire beaucoup (je parle d'Edgar Morin, hein, pas de ceux qui le citent). Le philosophe Paul Ricoeur était aussi très proche de lui, et, du reste, il a inspiré beaucoup de monde.
L'Europe s'est construite après, mais, à la base, elle est sortie de la tête d'intellectuels et de résistants proches de lui, dont Henri Frenay, et ce dès 1946. Bien sûr Robert Schuman, lui aussi grand résistant, en est le principal artisan.

Comme tu parles de la crise financière, je ne peux m'empêcher de citer ce petit extrait de Mounier sur son idée à propos de la culture (attention, il n'était pas communiste et il parle de rationalisation de la production, pas de collectivisation):
"Les techniciens pourront alors substituer une économie dirigée ou mieux orientée, avec toute la souplesse nécessaire, sur le canon des besoins, à l'économie anarchique et productiviste dirigée par le profit et l'intérêt particulier, et résorber le parasitisme des intermédiaires par leur réduction à l'espace minimum nécessaire aux échanges.
Toutes ces mesures supposent une éducation parallèle des hommes; pour arracher de leur coeur, en même temps que de leurs appareils sociaux le règne de l'argent, de ses cupidités, de ses violences, de ses petitesses, et de la médiocrité où il abaisse toute vie spirituelle. Cette oeuvre peut commencer dès aujourd'hui, avant tout embryon de réforme sociale".

Emmanuel Mounier, Révolution personnaliste et communautaire, juin 1934

A la fin de la seconde guerre mondiale, ils ont inventé l'Europe en se disant que le désastre était suffisant pour que les gens comprennent, et ont tendu les premiers la main aux allemands, ce qui, en 1946, était quand même assez fort.
Effectivement, l'économie a primé. Mais on a quand même l'Europe et ce ne sont pas de ternes fonctionnaires qui en ont eu l'idée.
C'est pour ça que je trouve triste et faux de minorer la Résistance française. C'est une des plus belle page de notre histoire et si on y ajoute la France Libre, en nombre de personnes, c'était quand même pas une poignée, loin de là. Ils étaient d'ailleurs beaucoup plus nombreux que les vrais collaborateurs si on n'y inclut pas ceux qui ont attendu que la guerre passe.
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Si Mounier t'intéresse, on trouve facilement ce recueil d'articles:
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Mais méfies-toi, rien qu'au titre tu auras compris que ce n'est pas un type sérieux :wink:
"pour cet enfant devenu grand, le cinéma et la femme sont restés deux notions absolument inséparables", Chris Marker

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