Joan Bennett (1910-1990)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Supfiction
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Re: Joan Bennett (1910-1990)

Message par Supfiction »

kiemavel a écrit :
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Destins dans la nuit - The House Across the Bay (1940)
Réalisation : Archie Mayo / Production : Walter Wanger / Distribution : United Artists /Scénario : Myles Connolly, Kathryn Scola / Photographie : Merritt B. Gerstad / Musique : Walter Janssen

Avec George Raft (Steve Larwitt), Joan Bennett (Brenda Bentley), Lloyd Nolan (Slant Kolma), Walter Pidgeon (Tim Nolan) et Gladys George (Mary Bogel)
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Steve Larwitt (George Raft) est le propriétaire d'une boîte de nuit de New-York possédant en son sein une salle de jeu privé qui lui rapporte très gros, tout comme ses autres affaires plus ou moins légales. Amoureux de la star de sa boite, la chanteuse Brenda Bentley (Joan Bennett), il finit par la conquérir et se marier avec elle ce qui décuple son ambition. Il poursuit son ascension sociale, diversifiant ses affaires en allant jusqu'à racheter une écurie de courses. Son bonheur est de courte durée car son empire est menacé par des gangsters rivaux qui cherchent à l'évincer et Larwitt échappe même de peu à un assassinat. C'est pour le protéger que Brenda monte une opération avec l'avocat de son époux, Slant Kolma (Lloyd Nolan) afin de le faire enfermer pour une courte durée mais l'avocat plaide volontairement si mal la cause de l'accusé que celui ci écope d'une peine de 10 ans de prison. Parce que son mari est enfermé à Alcatraz, Brenda loue une maison en face à la prison, de l'autre coté de la baie : The House Across The Bay ...
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Retour à George Raft pour ce drame criminel - plutôt que film noir - qui est une production indépendante de Walter Wanger pour sa femme Joan Bennett (épousée juste après le tournage). Le 1er grand tournant du scénario est fumeux : une femme qui dénonce son mari en révélant au fisc qu'il fraude pour qu'il soit gardé au chaud en prison, c'est dur à encaisser. Passé ce premier outrage commis à l'encontre du public, la suite promet d'être mouvementée car l'avocat de Larwitt, lorgnant à la fois sur les affaires de son employeur et sur sa belle épouse, trahit le premier et même la seconde puisque c'est à son insu que l'avocat agit, même si Glenda était avec lui à l'origine de l'initiative fatale à son mari… Bien plus tard, on a même un Double Cross dans le Double Cross puisque l'avocat - par dépit amoureux - va aussi trahir Glenda auprès de son époux ; lequel va légitimement vouloir se venger en tuant la traitresse …
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Les premières impressions n'étaient pourtant pas mauvaises du tout. George Raft - déjà pratiquement à la fin de sa période de gloire - est très bien dans un rôle qui le montre davantage en amoureux transi de sa vedette qu'en dur même si l'on sait d'emblée ce qu'il en est de ses "affaires" (on lui voit commettre un coup de force contre un rival). Même si Larwitt est enfermé à Alcatraz pendant une bonne moitié du métrage, c'est le personnage qui reste le plus marquant, celui auquel on s'attache le plus et qui est le mieux dessiné. On découvre George Raft tiré à 4 épingles déambulant dans sa salle de jeux, semblant sûr de lui mais très vite on le sent perdre de sa superbe et de son assurance face à la femme qui se dérobe puis qu'il redoute de perdre, manifestant à son égard une jalousie quasi maladive. C'est pour cette femme ambitieuse qu'il prend encore davantage de risque pour s'enrichir, acquérant une autre boite, une distillerie, des chevaux de course puis une écurie en se montrant impitoyable avec ses concurrents. Ce qui est intéressant, c'est que cette histoire d'amour avec Glenda est le véritable déclencheur de l'ambition et de l'ascension de Larwitt sans pour autant que Glenda ne soit montrée comme une femme fatale. Mais tout ce que fait Larwitt, il est évident que c'est pour elle, pour la garder. Quels qu'en soient les fondements, c'est la profondeur des sentiments de Larwitt qui nous le rend sympathique et qui fait que la plupart des spectateurs seront probablement avec lui jusqu'au bout, quoiqu'il fasse.
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Son couple avec Joan Bennett fonctionne très bien et elle aussi donne une solide performance. Elle était alors au sommet de sa beauté mais, pour autant, les producteurs n'avaient pas lésiné sur les moyens déployés pour la mettre en valeur puisque les notes de production montrent que Miss Bennett avait porté 26 costumes différents sur ce tournage. Au moins 3 étaient utilisés pour ses prestations sur scène puisque Joan Bennet chante 3 chansons dont un numéro exotique qui rappelle Carmen Miranda (et elle n'était pas doublée, comme toujours semble t-il). Le sentiment de culpabilité éprouvé par Glenda suite à son mauvais calcul (dont son mari évidemment ne sait rien) fait que l'on décroche un peu tant la ficelle est grosse. Si l'ascension de Larwitt avait été plutôt bien montrée, par contre sa chute est donc amenée de manière absurde. Mais on reste dans une certaine logique du personnage qui éloigne toutefois de plus en plus le film de l'univers du film noir. Etant donné que Glenda - bien qu'originaire des bas-fonds comme la plupart de ses consoeurs - n'avait pas été montrée comme la petite amie classique du gangster et n'était en rien une femme fatale, autant continuer sur la lancée et en faire une sainte. Glenda déménage donc à San Francisco dans une maison d'où elle peut voir les lumières d'Alcatraz de sa fenêtre et d'où elle peut prendre un ferry pour visiter son mari autant que possible. Même séparé par les murs de la prison, le couple semble donc incassable.
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Jusque là le spectateur tenait aussi le coup mais la suite s'avère plus douteuse et surtout assez ennuyeuse. Ce sont tous les développements du scénario liés aux rivaux de Larwitt. Le premier prétendant est l'avocat véreux interprété par Lloyd Nolan qui revient périodiquement pour retenter sa chance auprès de Glenda en utilisant des moyens de plus en plus dégueulasses : d'abord la manipulation puis les menaces voilées, avant le chantage et enfin la dénonciation. Le bon Lloyd Nolan fait ce qu'il peut mais les scénaristes ne l'ont pas beaucoup aidé. Reste qu'il est gai comme un cimetière mais lui au moins c'était volontaire. Ce n'est rien à coté de ce que les scénaristes ont fait de l'arrivée dans l'histoire du vrai rival interprété par un Walter Pidgeon plus soporifique que jamais. Lorsque Glenda attire l'oeil de Tim Nolan, un constructeur d'avion honnête, propre et tout ; elle est toujours la femme amoureuse de son époux et elle se dérobe. Puis elle devient progressivement plus scrupuleuse qu'autre chose car on sent bien que la belle est lassée de passer une partie de sa jeunesse à l'ombre et les années de parloir ont épuisés son amour pour un homme abandonné de tous (il ne faut pas oublier qu'à l'époque les parloirs sexuels n'existaient pas encore :o ). C'est l'avocat, toujours dans les bons coups, qui force bien involontairement la décision en révélant à l'avionneur que Glenda est mariée ce qu'elle lui avait caché. C'est le 1er événement qui va entrainer toutes les péripéties de la dernière partie du film .. dont je ne dis rien. Le soucis c'est qu'on ne croit pas beaucoup au point de départ puisque Glenda a l'air aussi emballée à l'idée de convoler avec l'excitant Tim Nolan que de se jeter du haut d'une falaise (1).
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Dans un film assez languissant et manquant singulièrement de flamme (sauf le couple Raft-Bennett), deux seconds rôles sympathiques amènent un peu de personnalité et de fantaisie au moment où le film en manque le plus, c'est à dire dans la partie "Alcatraz" ; ce sont Gladys George qui joue une des femmes de prisonniers que rencontre Glenda dans le ferry les menant à Alcatraz. Et Joe Sawyer, un brave type porté sur la boisson, amusant et colérique qui devient l'ami des deux femmes. Pour finir, d'après ce qui a été rapporté par différents témoins - dont Joan Bennett - durant le tournage il y eu des accrochages entre Archie Mayo et George Raft. Ce serait pourquoi le metteur en scène aurait quitté le tournage et aurait refusé de terminer le film. D'ailleurs certaines séquences sont réputées avoir été tournées par Alfred Hitchcock pour rendre service à Walter Wanger (on aurait d'ailleurs du mal à identifier sa griffe dans la seule séquence qui serait assurément de lui : le survol de San Francisco dans l'avion de Nolan). Bilan : Je m'étonnais un peu de la rareté de ce film eu égard au casting 1ère classe. Je m'étonne moins maintenant que je l'ai vu. Dès sa sortie, le film fut mal accueilli. Les critiques furent mauvaises et le film enregistra une perte de plus de 100 000 $. 4/10

(1) En revanche, dès l'année suivante, le couple Joan Bennett / Walter Pidgeon fonctionnait très bien dans le formidable Chasse à l'homme (Man Hunt) de Fritz Lang … A la fin de cette même année 1941, Lang fut d'ailleurs remplacé par Archie Mayo sur La péniche de l'amour (Moontide)
kiemavel a écrit :
Supfiction a écrit :
Pas très bien dans Vertige (1930) ou dans La cuisine des anges pendant que Bogart est planqué dans la cuisine.
J'aurais juré qu'elle était chanteuse dans un autre film mais je ne retrouve pas … si c'est bien réel.
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