William A. Wellman (1896-1975)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Ann Harding
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

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The Conquerors (Les conquérants, 1932) de William A. Wellman avec Ann Harding, Richard Dix, Edna May Oliver et Guy Kibbee

Peu après la Guerre de Sécession, Caroline Ogden (A. Harding) quitte New York avec son jeune époux Roger Standish (R. Dix) pour l'ouest et y faire leurs vies...

En 1932, David O. Selznick est producteur exécutif au sein de la RKO. Il trouve que les réalisateurs maison ne sont pas vraiment à la hauteur. Il emprunte donc à la Warner William Wellman et lui confit The Conquerors avec la star numéro 1 du studio Ann Harding. Le scénario rappelle le grand succès de la RKO de 1931 Cimarron de Wesley Ruggles avec déjà Richard Dix. Malheureusement, le résultat final n'est pas vraiment à la hauteur. A vouloir brasser des décennies et couvrir une bonne partie de l'histoire américaine, le fil de l'intrigue devient extrêmement ténu. Le génial monteur Slavko Vorkapich a été embauché pour réaliser des séquences de montage pour donner une liaison aux différents épisodes du film. Le nombre de ces séquences est d'ailleurs fort élevé et montre la virtuosité de Vorkapich qui dépeint le boum et le crash des actions qui ont affecté l'Amérique au cours de son histoire sous la forme d'une courbe qui monte telle une montagne qui semble atteindre le ciel avant de s'effondrer brutalement. Le couple de Richard Dix et Ann Harding sont deux 'pionniers' représentatifs de l'Amérique conquérante qui partent pour l'ouest et tenter leur chance. A leur arrivée, ils sont cueillis par un braquage général de la ville par une bande de hors-la-loi. La reconquête passe d'abord par le retour à l'ordre qui se fait brutalement par un lynchage et une série de pendaisons. Le développement de la banque de Dix va de pair avec le développement de la ville. Malgré la présence d'excellents seconds rôles comme la formidable Edna May Oliver et le chaleureux Guy Kibbee en médecin constamment éméché, le film reste une sorte de schéma rapide de la vie américaine de 1870 à 1929. Ann Harding et Richard Dix forment un couple très crédible, mais ils sont limités par un scénario schématique. Le film contient cependant quelques surprises comme cette séance d'images animées où la fille de Caroline emmène son jeune fils. On reconnaît soudain un film de Georges Mélies sur l'écran !
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magobei
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

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J'en suis à mi-chemin du coffret Forbidden Hollywood, et je dois dire que c'est du caviar. D'abord, il y a le charme un peu suranné de ces productions 30s, ce sentiment d'avoir des "documents" sous les yeux. Mais ce n'est pas tout: qualité des scénarios, des interprètes, de la mise en scène.

Other Men's Women (1931)
Il y a quelques idées géniales de mise en scène ici, très modernes: par exemple, cette première scène au timing serré, dont le rythme et la durée sont donnés par le passage d'un train. Sans doute le film le plus intéressant par sa forme de la triplette sous revue. Pour le fond, c'est assez joyeusement immoral: un cheminot tombe amoureux de la femme de son meilleur pote. Une histoire d'amour impossible, sauf que...
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le Destin s'en mêle, se chargeant de supprimer le mari gêneur.
Vive l'adultère! :lol:

The Purchase Price (1932)

Pour échapper à un petit ami insistant, une danseuse de cabaret (Barbara Stanwyck) épouse - par correspondance - un fermier mal dégrossi et se retrouve en plein territoire hillbilly. Il s'agit d'une comédie de moeurs plutôt légère, avec quelques moments slapstick, et la scène de mariage la moins romantique, la plus drôle, de l'histoire du 7e Art ! Mais la Grande Dépression rattrape le film pour lui donner une autre tonalité, plus dramatique. Au final, ce Purchase Price nous donne un aperçu de l'Amérique white trash, loin des clichés bucoliques ou "grands espaces", se payant aussi le luxe de se moquer de l'institution sacrée du mariage. Jolie étude de personnages aussi, montrant comment ce couple de complaisance va finir par s'aimer.

Frisco Jenny (1932)

Peut-être celui que j'ai préféré: après l'adultère cautionné de Other Men's Women, Frisco Jenny s'attaque à un autre tabou, le matricide, à travers cette histoire poignante de Jenny Sandoval (Ruth Chatteron), mère maquerelle, bootlegger...
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condamnée à mort par son propre fils, procureur de l'Etat (qui ignore qu'elle est sa mère). Ou comment le parangon de la Justice, un enfant extrait de l'influence néfaste d'une mère criminelle, élevé par des gens "bien", devient coupable du crime le plus monstrueux qui soit. Où est le Bien, où est le Mal?
On notera aussi une spectaculaire reproduction du tremblement de terre qui a ravagé San Francisco en 1906.
"In a sense, making movies is itself a quest. A quest for an alternative world, a world that is more satisfactory than the one we live in. That's what first appealed to me about making films. It seemed to me a wonderful idea that you could remake the world, hopefully a bit better, braver, and more beautiful than it was presented to us." John Boorman
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

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Cool, les deux derniers sont ceux que je n'ai pas encore vus. Ca ne devrait pas trainer du coup, tu me donnes bien envie d'accéleler le mouvement !
J'ai vu les autres, tu ne devrais pas être déçu.
Wellman, sacrée découverte en tout cas ! 8)
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magobei
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

Message par magobei »

monk a écrit :Cool, les deux derniers sont ceux que je n'ai pas encore vus. Ca ne devrait pas trainer du coup, tu me donnes bien envie d'accéleler le mouvement !
J'ai vu les autres, tu ne devrais pas être déçu.
Wellman, sacrée découverte en tout cas ! 8)
Ford a été ma révélation (tardive :oops:) de 2011, Wellman sera celle de 2012!
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

Message par monk »

magobei a écrit : Ford a été ma révélation (tardive :oops:) de 2011
"Mieux vaut tard que jamais" hein, je suis dans le même cas ! Et j'ai pas honte :wink: Mann aura été une sacrée révélation aussi l'année dernière, sans doute plus importante pour moi...
Mais 2012 est l'année Wellman, sans aucun doute.
feb
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

Message par feb »

magobei a écrit :J'en suis à mi-chemin du coffret Forbidden Hollywood, et je dois dire que c'est du caviar. D'abord, il y a le charme un peu suranné de ces productions 30s, ce sentiment d'avoir des "documents" sous les yeux. Mais ce n'est pas tout: qualité des scénarios, des interprètes, de la mise en scène.
(...)
Je n'avais pas fait attention à ton message magobei et je dois dire que cela fait bien plaisir à lire. :wink: J'attends ton retour sur Wild Boys of the Road qui est presque le film du coffret....et très heureux de ton avis sur Other Men's Women que je partage à 100%. Plus que l'histoire c'est avant tout le travail de Wellman qui est à mettre en avant.
Wellman est décidément un réalisateur que je place très haut dans ma liste et ses films des années 30 sont de purs moments de plaisir cinéphile.
Julien Léonard
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

Message par Julien Léonard »

Je viens plussoyer à ce concert de louanges. Je dois avoir une trentaine de films de Wellman en DVD ou blu-ray, et aucun ne m'a jamais vraiment paru mauvais (excepté Ecrit dans le ciel... dur celui-là).

Durant l'époque pré-code, ses films sont parmi les meilleurs, avec de vrais petits chefs-d'oeuvre : Wild boys of the road, Heroes for sale, Safe in hell ou Other men's women (moins facile à appréhender que d'autres, mais techniquement très impressionnant). Entre 1930 et 1934, lui, Mervyn LeRoy et bien sûr Michael Curtiz font la plupart des meilleurs films produits par la Warner, ou en tout cas la plupart des plus inventifs.

Il y a des films moins forts chez lui, comme The purchase price par exemple, mais cela reste suffisamment beau et original pour que l'on reste vraiment scotché à l'écran. Et puis, il sait superbement diriger ses acteurs et actrices. Je pense notamment à Dorothy Coonan, la jeune fille de Wild boys of the road. Elle est d'ailleurs devenue la femme de Wellman par la suite. Il l'avait vue pour la première fois quand elle traversait les studios en patins à roulettes avec son look de garçon manqué : coup de foudre. On la reverra entre autres rapidement dans The story of G.I. Joe.
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magobei
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

Message par magobei »

Suite et fin du coffret Forbidden Hollywood, avec trois films qui partagent le même arrière-plan (la crise de 29) et la même structure, implacable: des personnages qui cherchent à s'en sortir mais à qui le Destin (ou la société, la bienséance) vient mettre des bâtons dans les roues. Une vision très naturaliste, "zolienne": difficile de sortir de sa condition.

Il y a d'abord Midnight Mary (1933). Mary Martin, c'est une jeune femme à la moralité indiscutable mais aux mauvaises fréquentations: elle veut toujours revenir dans le droit chemin, mais une société pleine de préjugés va s'évertuer à la déporter dans l'ornière. Un film un peu en deçà des autres, je trouve, qui doit beaucoup au charisme de Loretta Young.

Heroes for Sale (1933) est d'une autre trempe: il y a d'abord ce début magnifique, dans les tranchées de 14-18, qui résume toute l'hypocrisie du système. Alors que son chef se terre dans un trou d'obus, Tom (excellent Richard Barthelmess) va nettoyer un nid de mitrailleuses boche. Il est gravement touché, laissé pour mort, et c'est son supérieur qui récolte les lauriers. Revenu parmi les vivants, blessé, dépendant à la morphine, Tom va avoir toutes les peines du monde à se remettre de ce faux départ: sur la voie de la Rédemption, le Destin - et les préjugés - va se charger de lui remettre la tête dans la boue.

Alors que les émeutes "luddites" et la chasse aux Rouges forment la toile de fond de Heroes for Sale, Wild Boys of the Road (1933) aborde une autre facette de la Grande Dépression: les milliers d'ados jetés sur les routes (et sur les rails, littéralement), quand leurs parents deviennent incapables de subvenir à leurs besoins. Un film d'abord primesautier - l'énergie de la jeunesse - qui s'assombrit peu à peu, au fil de péripéties souvent violentes.

A noter, dans Midnight Mary et Wild Boys of the Road, un happy end bienvenu dû dans les deux cas à une justice bienveillante - Wellman avait à l'évidence confiance dans le système judiciaire de son pays. Mais ça n'empêche pas ces films, et particulièrement les deux derniers, d'être des oeuvres extrêmement critiques, engagées: des quasi-manifestes.
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

Message par Julien Léonard »

magobei a écrit :A noter, dans Midnight Mary et Wild Boys of the Road, un happy end bienvenu dû dans les deux cas à une justice bienveillante - Wellman avait à l'évidence confiance dans le système judiciaire de son pays. Mais ça n'empêche pas ces films, et particulièrement les deux derniers, d'être des oeuvres extrêmement critiques, engagées: des quasi-manifestes.
Concernant Wild boys of the road surtout, je ne pense pas vraiment que Wellman croyait fondamentalement aux dernières minutes, avec ce discours plein d'espoir. :wink: N'oublions surtout pas que c'est un film Warner (Wellman étant à ce moment-là sous contrat chez eux), et que Harry Warner (par exemple) disait grosso-modo "J'ai deux buts dans la vie : faire de bons films et être un bon citoyen". On est en 1933, la crise économique qui frappe le pays depuis 1929 est gigantesque... Roosevelt vient d'arriver au pouvoir, avec des promesses fortes (le new deal, entre autres), et un vent d'espoir renaît dans le pays. A cette époque, la Warner est probablement la firme hollywoodienne la plus patriotique qui soit (cela se confirmera durant la WW2 avec une importante production de films de guerre destinés à soutenir l'effort du pays), or les frères Warner n'hésitent pas à glisser quelques élucubrations et autres détails visuels au sein de quelques films afin de promouvoir cette confiance qu'ils ont dans leur nouveau président. Ce sera le discours final dans Wild boys of the road, ce sera la portrait de Roosevelt monté au pinacle durant le morceau Shanghaï Lil clôturant le film Footlight parade... et d'autres bien sûr.

Cette fin n'est à l'évidence pas tellement désirée par Wellman, surtout si l'on se réfère au reste du film, plus austère, plus noir, bien plus juste aussi. Cet optimisme presque "de gauche" n'est pas tellement Wellmanien. D'ailleurs, Wellman n'avait pas tellement de bord politique, il croyait à des choses selon les périodes de sa vie, ce qui confirmait d'autant plus son attitude rebelle, presque insaisissable. Après, il eu pu très bien y croire, à cette issue pour son film, lui donner crédit... Mais à la base de cela, il y a l'attitude Warner, confiante, patriote (mais pas nationaliste non plus, hein, attention), et finalement très portée sur l'actualité en plus de son cinéma tourné vers le social. N'oublions pas non plus qu'en pleine période pré-code, la censure se fait les dents, accuse le système des studios de pervertir le média cinéma. Tout en faisant des films subversifs et frontaux, libérés et très durs, les studios se protègent parfois en apposant des fins morales à leurs films, tout au moins sur certains d'entre eux. Afin de calmer un peu les ardeurs. On fait Baby face, on fait Night nurse, on fait Three on a match, on fait Je suis un évadé... etc etc... Mais on essaye aussi d'arrondir les angles de temps à autres, notamment avec ce genre de presque "happy end" où le système est enfin montré dans son bon jour. :)

Autre chose, et là je sors un peu du sujet Wellman, mais le gouvernement collaborait parfois avec les Majors afin de produire un ou deux films de temps en temps qui démontreraient la bonne morale de la société, la bonne attitude à développer... Je pense notamment, pour la Warner, à G-Men de William Keighley (époustouflant film d'action fort bien maîtrisé, mais au départ commandé par le FBI), ou encore à Racket busters de Lloyd Bacon (approuvé par le comité de censure et par le gouvernement !). La MGM aussi a collaboré avec The beast of the city, film policier assez moderne, mais limité par sa conception très rigide de l'image des autorité policières. Et ce ne sont que des exemples...
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

Message par magobei »

Merci pour cet éclairage :wink:
"In a sense, making movies is itself a quest. A quest for an alternative world, a world that is more satisfactory than the one we live in. That's what first appealed to me about making films. It seemed to me a wonderful idea that you could remake the world, hopefully a bit better, braver, and more beautiful than it was presented to us." John Boorman
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

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Oui, merci !
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

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Frisco Jenny

Je vais éviter la redite avec l'avis de Magobei au dessus, juste enfoncer le clou pour ce film que j'ai trouvé vraiment formidable ! Ca commence léger, mais la vie fait son oeuvre et Wellman ne fait pas de compromis. L'histoire est terrible, aux allures de tragédie grèque. Ruth Chatteron y est magnifique, forte, déterminée, mais touchante et triste. Le tremblement de terre est effectivement très impressionnant.
Un très beau film, encore une très belle réussite.
feb
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

Message par feb »

Donc tu gardes 8)
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

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feb a écrit :Donc tu gardes 8)
Un peu mon n'veu ! De toute façon, le film est dans un coffret dont j'ai déjà aimé 3 films, je pourrais ne pas aimer les autres que je garderais le coffret :wink:
feb
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Re: William A. Wellman (1896-1975)

Message par feb »

Il doit te rester The Purchase Price qui n'est pas le meilleur film du monsieur, ni du coffret mais comme il y a Barbara ça se laisse regarder :mrgreen:
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