blaisdell a écrit :En revanche, j'aimerais beaucoup voir l'autre film que Gian maria Volonté a fait en France : L'ATTENTAT de Yves Boisset, rare comme tous les autres films politiques français, ou GMV tenait le rôle clé de Sadiel, personnage inspiré de Ben Barka et de l'affaire du même nom, au milieu d'un casting phénoménal. Quelqu'un aurait-il vu ce film ?
Ah certes, je l'ai sur VHS. Une heureuse surprise, d'ailleurs, qui m'a un peu réconcilié avec
Yves Boisset (tout comme l'introuvable
Taxi mauve). C'est une tragédie politique dans la lignée de Rosi et Costa-Gavras, avec toute une brochette de comédiens d'où ressortent particulièrement
Jean-Louis Trintignant dans le rôle d'un traître travaillé par sa conscience et
the mesmerizing Gian Maria Volontè dans le rôle du charismatique leader de gauche visé par
L'Attentat.
L'idée de faire de l'Indio un fumeur de marijuana dans
Et pour quelques dollars de plus fut introduite par Sergio Leone pour justifier les outrances du jeu de Gian Maria Volontè. Avec le passage du temps - pour qui a vu le cabotinage inspiré de
Jack Nicholson dans
Batman ou d'
Alan Rickman dans
Robin Hood - on se dit qu'il était juste un peu en avance sur son époque ! Mais c'est vrai qu'il ne faisait pas dans la dentelle, alors.
Gian Maria Volontè a les trois talents qu'on trouve le plus souvent séparés, ou alors inégalement développés, chez d'autres acteurs : un magnétisme naturel, une virtuosité technique hors du commun et une conviction sans faille. Ce qu'on voit dans ses westerns - comme
El Chuncho,
Le Dernier face à face et quelques autres - c'est cette incroyable énergie qui n'est pas encore contrôlée, canalisée.
Un don pareil ne se maîtrise pas en criant ciseau. Jeune, Volontè ne comprenait pas toujours qu'il lui suffisait de se planter dans un écran pour attirer tous les regards, comme dans
Lucky Luciano (selon moi son plus grand rôle). Mais cela se voit surtout dans ses westerns parce que là, il se
lâchait lousse, comme on dit au Québec : de ce que je connais du bonhomme, je ne suis pas sûr qu'il prenait ces films très au sérieux - ce qu'on peut d'ailleurs lui reprocher. Mais voyez-le dans
Le Terroriste : Volontè est déjà Volontè, une bête d'écran comme il s'en est peu vu. Notons aussi que la même année que
Et pour quelques dollars de plus, il a une de ses très rares occasions de déployer ses dons comiques, de faire le clown : il est l'hypocrite prince byzantin déchu Teofilio di Leoncia, qui - image fugace et inoubliable - bat la mesure à grands coups de cymbales et en bonnet phrygien mauve dans le cortège grotesque de
L'Armée Brancaleone.
En passant, l'année du
o de Melville, il a tourné un autre film français :
Vent d'Est, de
Jean-Luc Godard. Et là aussi, semble-t-il, il a eu des prises de bec politiques avec le réalisateur. La légende raconte que Godard houspillait sans cesse Volontè en lui demandant :
« Alors? Qui en a fait le plus contre le capitalisme? Staline ou Mao? » Et Volontè répondait chaque fois :
« Arlequino... Arlequino... »
Quand il devient une star, au tournant des années 70, Volontè sélectionne souvent ses rôles selon des critères politiques. Mais heureusement, le cinéma politique italien est un
lose cannon on the deck qui préfère asséner des questions que des réponses : ainsi la rencontre avec
Elio Petri donnera les trois meilleurs films de cet auteur,
À chacun son dû,
Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon et
La Classe ouvrière va au paradis. Le premier est un brillant récit policier sur la Mafia dans une clé à la fois réaliste et d'une ironie cinglante (adaptation fidèle d'un roman de Leonardo Sciascia), les deux suivants sont des satires vitrioliques conçues pour secouer le spectateur et où l'acteur est littéralement branché sur le 100 000 volts. (Il faut leur ajouter
Todo modo, un introuvable que je n'ai jamais vu et où Volontè partage l'écran avec Mastroianni).
La rencontre en 1971 avec
Francesco Rosi est l'occasion pour Volontè d'inaugurer une série de rôles de composition qui l'ont rendu célèbre : Mattei, Vanzetti, Ben Barka/"Sadiel", Lucky Luciano, Giordano Bruno, Carlo Levi, Aldo Moro... Il se montre alors un phénoménal caméléon et un perfectionniste qui travaille sans relâche l'allure, la silhouette, la présence, le débit, la démarche... Pour
Lucky Luciano par exemple, il s'est fait un sourire spécifique, qu'il utilise deux ou trois fois dans le film et qui n'appartient qu'à ce personnage.
La seule limite de Volontè, c'est qu'il pouvait difficilement jouer un homme ordinaire. C'était quelqu'un qui traînait ce charisme partout avec lui et donc on lui donnait des personnages qui avaient cette caractéristique : si
Miguel Littin va le chercher pour
Actes de Marusia (1975) où il joue le rôle d'un paysan, mais c'est évidemment le paysan qui va révéler des qualités de leader naturel et se retrouver à la tête de la révolte. On a déjà dit de lui :
« Un guerillero dans l'uniforme d'un comédien ». C'est ma foi assez juste ! Mais il était bien capable en revanche de faire passer le côté dangereux, le côté sombre de ce genre de personnage : ainsi dans
Ogro, de
Gillo Pontecorvo (1980), où il incarne Izarra, un chef de l'ETA qui organisa en décembre 1973 un attentat contre le no. 2 du régime franquiste, Carrero Blanco. C'est encore un sacré film, un thriller électrisant mais aussi ambigu, car si l'assassinat de Blanco est présenté comme une nécessité historique dans un contexte totalitaire, en même temps Izarra est un fanatique, le grand-prêtre d'une secte... encore du très grand Volontè.
Ses prestations des années 80-90 sont plus rares - crise du cinéma italien oblige - mais il est vraiment d'une conviction extraordinaire, par exemple, dans L'Affaire Aldo Moro (1986). Le dernier Volontè que j'ai vu, c'est l'excellent
Portes ouvertes (1990), de
Gianni Amelio, où il incarne un juge d'instruction, sous le fascisme, qui cherche à éviter la peine de mort à un assassin qui, lui,
veut être condamné (récit tiré par
Leonardo Sciascia d'un fait réel de la chronique judiciaire sicilienne). Et l'année suivante :
Une Histoire simple de
Emidio Greco, encore d'après Sciascia... Mais celui-là, je ne l'ai pas vu, car il est devenu très difficile à notre époque de voir des films italiens.
« Les films d'une seule couleur ne sont pas bons. » - Dino Risi, entertainer