Le Cinéma britannique

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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moonfleet
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Re: Le cinéma britannique

Message par moonfleet »

Profondo Rosso a écrit :J'en fais la pub aussi quelques posts au dessus :wink:
Bon, j'aurais du m'en douter :roll: ===> Just In, "The Beast with a Million Eyes" de la toile !! :D

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C'est difficile de savoir si un site est peu ou prou visité, mais je voulais juste lui faire un peu de pub :mrgreen:
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Hitchcock
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Re: Le cinéma britannique

Message par Hitchcock »

Très bon site, merci pour le lien.
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Profondo Rosso
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Re: Le cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

moonfleet a écrit : C'est difficile de savoir si un site est peu ou prou visité, mais je voulais juste lui faire un peu de pub :mrgreen:
Et tu as bien raison j'ai découvert plein de perles méconnues dessus, tant mieux si on est nombreux à lui ramener des lecteurs ! :D
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Profondo Rosso
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Re: Le cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

An Inspector Calls de Guy Hamilton (1954)

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En 1912, au sein de la riche famille des Birling, industriels opulents et condescendants, le père Arthur Birling, est fier de célébrer le mariage entre sa fille Sheila et Gerald Croft. Mais le passé douteux des Birling resurgit lorsque l'on découvre ses relations avec Eva Smith, une jeune fille retrouvée morte après avoir bu, en grande quantité, un fort désinfectant.

An Inspector Calls est une des premières réalisations de Guy Hamilton, surtout connu plus tard pour ses grosses production dont sa contribution à la série des James Bond (un excellent Goldinger (1964), un moyen Les Diamants sont éternels (1971) et des mauvais Vivre et laisser mourir (1973) et L''Homme au pistolet d'or (1974)) et d'autres titres connus comme Mes funérailles à Berlin (1966) dans la série des Harry Palmer ou encore le film de guerre La Bataille d'Angleterre. Hamilton se montre un peu plus digne d'intérêt en dehors de ces mastodontes comme le prouverait l'excellent et plus intimiste The Party's Over (1964) ou encore ce An Inspector Calls. Le film est l'adaptation (par le futur cinéaste Desmond Davis) de la pièce de théâtre éponyme de John Boynton Priestley écrite en 1945 et jouée pour la première cette même année en URSS. Un détail étonnant mais pas anodin (la pièce sera jouée en Angleterre à partir de 1946) puisque l'on peut imaginer que le propos social cinglant du film parle autant au régime communiste qu'à une Angleterre en proie constante à la lutte des classes.

Le film s'ouvre sur un dîner joyeux de la famille Bilding, industriels richissimes qui fêtent ce soir-là les fiançailles de la fille aînée Sheila (Eileen Moore) avec le distingué Gerald Croft (Brian Worth). Sous l'atmosphère légère, la condescendance et les dysfonctionnements de cette famille se révèle en filigrane. Ainsi lors d'une discussion le père (Arthur Young) affirme avec aplomb (l'intrigue se déroule en 1912) qu'aucune guerre n'est prochainement à craindre en Europe et certainement pas des Allemands (la pièce en rajoutait une couche sur la "clairvoyance" du personnage puisqu'il vantait en plus les mérites du Titanic). Le fils aîné affiche également un penchant certain pour l'alcool tandis que sa mère (Olga Lindo) ne semble pas s'en apercevoir et le traite encore comme un enfant. Des travers simplement vu en surface et qui vont se révéler en détail lorsqu'arrive l'élément perturbateur en la personne de l'Inspecteur Poole (Alastair Sim). Ce dernier vient évoquer aux Bilding la mort de Eva Smith (Jane Wenham), jeune femme s'étant suicidée par empoisonnement cette même soirée. Stupeur parmi l'assemblée qui n'a jamais entendu parler de cette personne mais Poole va la rappeler à leur bon souvenir et leur faire comprendre la terrible responsabilité qu'ils ont dans cette mort tragique.

L'origine théâtrale du matériau originel se devine pour le meilleur à travers les joutes verbales brillantes où Poole perce à jour chacun des membres de la famille par son bagout, sa froide détermination et une quasi omniscience sur le passé douteux de chacun. Alastair Sim s'était déjà plusieurs fois essayé à ce type de rôle de policier roublard et excentrique (notamment dans le thriller Green for danger (1946) de Sidney Gilliat) mais ajoute à cette truculence une dimension mystérieuse et solennelle à Pool qui n'est pas loin de la figure surnaturelle comme le montre son apparition subite dans le salon des Bilding. L'histoire est en fait un cruel mélodrame qui se révèlera au fil des flashbacks où chacun à leur tour l'indifférence de ces nantis causera la déchéance et la misère d'une jeune femme fragile. L'indépendance et l'esprit de Eva Smith causera ainsi chaque fois sa perte dès qu'elle croisera le chemin d'un des Bildings. Ayant eu le culot de réclamer une rémunération plus élevée, elle est renvoyée en dépit de ses compétences de l'usine de Bildings père puis perdra son second emploi de vendeuse de vêtement par le seul caprice de Sheila. Gerald fera office dans un premier temps de bienfaiteur et amant avant de l'abandonner à son sort pour un meilleur parti (la fille Bilding dont on célèbre les fiançailles donc), la mère par une morale victorienne bienpensante lui refusera l'aide de son œuvre de charité et enfin Eric qui l'aime sincèrement s'avérera trop faible de caractère pour l'aider et la sortir de la fange. On oublie cette narration alambiquée et cette science du rebondissement pour ne plus retenir que le visage paisible d’Eva Smith, toujours digne et touchante dans sa détresse et ses désillusions. Jane Wenham incarne une figure de bonté sincère noble dans son dénuement à l'opposé de l'hypocrisie des Bildings n'assumant pas leurs actes révoltant envers elle. Guy Hamilton lui ménage ces moments les plus inspirés, offrant une imagerie plus recherchée dans ses compositions de plan voyant défiler sa silhouette frêle dans ce Londres des bas-fonds tandis que la mise en scène est bien anonyme dans le huis-clos du présent. Le réalisateur évite cependant les effets trop voyants notamment dans l'introduction des flashbacks simplissimes car plutôt attendu dans un film noir. Hors ce n'est pas l'argument criminel qui guide ici le récit mais moral et qui se doit de nous introduire à ce passé douloureux avec sobriété.

On pense accéder à une possible rédemption, un possible regret et rachat pour les protagonistes placés face à leur responsabilité. Un ultime rebondissement vient contredire cela avec un pessimisme terrible où le rachat n se mesure qu'à l'aune d'un possible scandale public. La punition finale ne s'en avère que plus puissante, sa nature fantastique (et divine ?) se révélant au grand jour dans une chute mémorable. Un vrai petit classique assez mémorable et captivant de bout en bout. Dommage que Guy Hamilton n'ait pas aussi souvent fait montre de personnalité. 5/6
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Profondo Rosso
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Re: Le cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

The Belles of St. Trinian's de Frank Launder (1954)

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A St. Trinian, un pensionnat de jeunes filles britannique où les jeunes élèves sont plus intéressées par les courses que par les livres, en même temps qu'elles essayent de trouver le meilleur moyen pour devenir riches rapidement.

Les pensionnats de jeunes filles anglaises, leurs uniformes, leurs discipline et soucis des bonnes manières préparant des jeunes filles à devenir des Lady, toute cette imagerie bien connue se voit balayée avec fracas dans The Belles of St. Trinian's qui reste la plus grosse réussite commerciale du duo Frank Launder/ Sidney Gilliat. A l'origine on trouve une série de comic strip du célèbre dessinateur anglais Ronald Searle qui publierait les premiers dessins dépeignant les péripéties du pensionnat imaginaire de St. Trinian's en 1941 dans la revue Lilliput. L'auteur est mobilisé peu de temps après, officiant à Singapour durant la Deuxième Guerre Mondiale où il sera fait prisonnier et subira nombre de privations dans les camps japonais. A son retour en 1946 forcément sa vision du monde a changée et lorsqu'il revient à l'univers de St. Trinians le ton change radicalement pour se faire plus sombre avec des adolescentes rétives à l'autorité, délinquantes et à la sexualité précoce. L'humour noir et la cruauté sont plus prononcés, certaines jeunes filles mourant dans d'horribles tourments suite à leurs mauvais penchants et fréquentations douteuse. Tout cela baignerait dans une imagerie esthétiquement respectueuses des collèges anglais tout en la dynamitant, Searle s'inspirant des célèbres Perse School for Girls et St Mary's School de Cambridge, ville d'origine de l'auteur où il a donc eu l'occasion de voir les passages bruyant des élèves. Searle tire donc son pastiche d'une vraie réalité, le nom de l'établissement imaginaire détournant d'ailleurs celui de la St. Trinnean's Girls' School d'Edimbourg où il fit ses classes en 1941 et croisa deux élèves particulièrement effrontées qui l'inspireront.

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Le succès de la bd devait rapidement intéresser le cinéma et en 1954, Frank Launder et Sidney Gilliat en acquièrent les droits, les deux signant le scénario tandis que Launder s'attèle à la réalisation. Le matériau original se voit parfaitement respecté et le film s'avère aussi drôle qu'irrévérencieux, le changement principal étant de faire passer tous les outrages par l'humour et en atténuant la noirceur. Symbole de ce virage, le double rôle absolument génial d'Alastair Sim qui joue à la fois la directrice Millicent Fritton ainsi que son frère et parent d'élève escrocs Clarence Fritton. Tout comme le village d'Astérix dans l'empire romain, le pensionnat de St. Trinians nous apparait comme un îlot de rébellion irrépressible et source de tourment pour le Ministère de l'éducation et plus généralement pour une Angleterre paisible. Avant de voir les élèves en action, on va d'abord les entendre dans une mémorable scène d'ouverture où elle font figure de ruche bourdonnante et terrifiant les quidams sur leurs passage, ces derniers se rendant compte après coup d'un de leur mauvais tour comme cet agent de gare attaché à un chariot de bagage. Launder détourne aussi les codes du film d'horreur pour figurer l'épouvante que suscite les school girls en usant de la vision subjective pour le bus les transportant et avançant comme une menace indicible tandis que les commerçant du village voisin de la pension ferment boutique en panique comme avant un duel de western. Et une fois qu'elles apparaissent, c'est le chaos absolu, un ouragan de couettes, socquettes et jupettes qui transforment l'espace calme du pensionnat en véritable champ de bataille. On apprendra que le projet initial de la directrice Millicent Fritton était de créer un modèle d'éducation original et novateur et comme le soulignera un dialogue, d'ordinaire les jeunes filles issues de pensionnat ne sont pas préparées au monde extérieur et là au contraire ce sera le monde extérieur qui ne sera pas préparé aux furies de St. Trinians.

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La description du quotidien de l'école est tout aussi tordant : on fabrique du gin de contrebande en cours de chimie, le cours d'histoire-géographie consiste à désigner les meilleures années et régions pour ce qui est des crus de champagne :lol: . Les professeurs sans salaires depuis des mois et coincés dans cette galère ont abandonnés la partie et l'école est au bord de la faillite. Le salut viendra avec l'arrivée d'une élève étrangère, la princesse Fatima (Lorna Anderson) dont le père souhaitait offrir le meilleur de l'éducation occidentale. Cette nouvelle élève va attirer les vautours et notamment Clarence Fritton (Alastair Sim) ayant un cheval en compétition dans le même challenge que celui du père de Fatima et qui tentera de soutirer des informations par sa propre fille Arabella (Vivienne Martin). Parallèlement le Ministère de l'éducation (dont les deux inspecteurs dépêchés ne sont jamais revenus, on découvrira leur sort) tentera enfin de faire fermer St. Trinians en envoyant un policier infiltré en professeur pour mettre à jour les agissements douteux de l'établissement. Parmi les élèves va également se mener une redoutable partie d'échec entre les élèves, les plus jeunes et amis de Fatima ayant pariés sur la victoire du cheval de son père alors que les plus âgées soutiennent Arabella et les manigances de son père.

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Le scénario est parfaitement équilibré pour entremêler ses différentes sus-intrigues tout en réservant son lot de dérapages et gags délirants. On aura entre autre une partie de hockey très particulière avec une école extérieure où nos teignes ont un lot d'astuces pour ne pas gagner dans les règles comme réduire la taille de leurs cages ou assommer l'arbitre. Alastair Sim est grandiose dans son double emploi, roublard et carnassier en père de famille gangster et hilarant avec cette Millicent Fritton à l'attitude précieuse et délicate mais ne manquant pas de pragmatisme pour exploiter à merveille les mauvais penchants de ses élèves. Le seul défaut pourrait être le manque de caractérisation spécifique d'élève mais là encore Launder joue à fond de l'origine comic-strip de St. Trinians. Sans forcément retenir leur nom, on s'attache aux personnages à travers les vignettes de leur méfaits les plus mémorable, les bouilles enfantines se retenant plus vite par le gag et faisant ainsi filer l'intrigue à toute vitesse. Dans l'opposition même de caractère et de génération on constate même une grande fidélité aux cases de Ronald Searle. Les plus jeunes (The Four Form, préadolescente et toute jeunes fillettes) sont les plus mignonnes et attachantes et se rapproche le plus du dessin originel de Searle dans sa première mouture de 1941 tandis que les plus âgées (The Six Form déjà femmes et pour certaines trop vieilles pour être encore accueillies dans le pensionnat) s'avèrent les plus dépravées, néfastes et dangereuses et correspondent à la seconde vision plus noire que donna le dessinateur de sa création durant l'après-guerre.

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Frank Launder trouve ainsi un prolongement amusé à certaines thématiques de ses films plus sérieux où il s'interrogeait sur le devenir de la société anglaise face aux conséquences de la guerre, que ce soit avec la jeune femme mobilisée de Ceux de chez nous (1943) ou le couple de Waterloo Road (1945). Ici c'est un questionnement sur la jeunesse pervertie par une enfance vécue sous l'ère du marché noir et des privations et qui prolongent cet état d'esprit des adultes dans le monde l'enfance. Le constat pourrait être très noir d'autant que Launder ne censure guère la bd, les Six Form n'hésitant pas à jouer de leurs charmes pour parvenir à leur fin et la sexualité précoce et agressive étant bien appuyée dans leur attitude et poses lascives. C'est cependant la débrouillardise et le bagout des Six Form qu'on retient et c'est elles que l'on souhaite voir sortir gagnante, Launder parvenant à susciter tendresse et empathie notamment grâce à Alastair Sim reflétant ces deux facettes (la perversion et la tendresse "pratique") avec ses deux personnages, la plus mémorable étant bien sûr celles travestie en Millicent Fritton.

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Courses-poursuites, rebondissements inattendus et trouvailles géniales peuvent donc exploser dans une dernière partie de haut vol où le pensionnat devient un véritable champ de bataille où circulent les individus louches en tout genre. L'équilibre parfait du film lui évitera les mailles de la censure anglaise malgré les multiples outrages et The Belles of St. Trinians sera le troisième plus gros succès de 1954 au box-office. Trois suites verront le jour (Blue Murder at St Trinian's (1957), The Pure Hell of St Trinian's (1960), The Great St Trinian's Train Robbery (1966)) toutes signées Frank Launder et Sidney Gilliat et contribuant à installer St. Trinian dans la culture populaire anglaise au point de générer deux tentative de revival récent avec St Trinian's (2007 et où Rupert Everet reprend le flambeau de Alastair Sim) et St Trinian's 2: The Legend of Fritton's Gold (2009). Un classique de la comédie anglaise toujours aussi drôle en tout cas et très tenté d'attaquer toutes les suites. 5/6
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Re: Le cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

The Chalk Garden de Ronald Neame (1964)

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Une grand-mère cherche une préceptrice pour sa petite fille de 16 ans, Laurel, qui fait fuir tout le monde en révélant leur passé. Lorsqu'une postulante se présente avec un passé mystérieux, Laurel décide de découvrir ses secrets à tout prix. Dans le même temps, la mère de Laurel, mariée, divorcée, remariée, séparée... refait surface.

The Chalk Garden est un superbe mélodrame produit en Angleterre par Universal et plus précisément Ross Hunter dont on retrouve la patine des productions américaines dans le croisement d'esthétique chatoyante et de fonds torturé dans le propos. Le film est adaptée de la pièce éponyme d'Enid Bagnold écrite en 1956 et sera l'occasion d'offrir un de ses grands rôle à la star Disney et désormais adolescente Hayley Mills, ici bien entourée au casting avec son père John Mills, Deborah Kerr et Edith Evans. Elle incarne la jeune Laurel, adolescente vivant avec sa grand-mère (Edith Evans) et dont le caractère tempétueux a déjà épuisé nombre de gouvernante. Elle va trouver plus de résistance avec la mystérieuse Miss Madrigal (Deborah Kerr), nouvelle venue qui va se montrer d'une patience sans faille et afficher un répondant narquois qui va déstabiliser Laurel. La nature excentrique et l'attitude exécrable de Laurel tout comme la retenue de Miss Madrigal semblent pourtant être pour chacune une armure dissimulant des douleurs plus secrète. Ce seront d'abord celles de Laurel qui se révèleront. Hors des cadres proprets de Disney, Hayley Mills fut un des enfants acteurs au talent le plus manifeste et aux rôles les plus risqués comme dans le formidable Tiger Bay (1959). Elle le confirme ici avec cette Laurel complètement torturée, brassant des idées noires et capable par son bagout de déstabiliser n'importe quel adulte dont elle se délecte à repérer les faiblesses, déterrer les secrets en fouillant dans son intimité. Elle va pourtant tomber sur un mur avec Miss Madrigal, jeune femme sans passé, peu diserte mais dont le stoïcisme est trahit par quelques habitudes étranges comme de toujours laisser la porte de sa chambre ouverte. Miss Madrigal retrouve ainsi beaucoup de l'adolescente qu'elle était en Laurel, sait ainsi en parer tous les coups et devine les raisons de son comportement.

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Ronald Neame offre une mise en scène au lyrisme feutré, la beauté du cadre portuaire, du luxueux domaine et de son jardin étant toujours au service de l'angoisse sourde habitant les personnages. Une atmosphère tendue et pesante règne constamment sous le semblant de légèreté, symbolisant l'emprise de la grand-mère incarnée par une Edith Evans incarnant un être bien plus complexe que sa bonhomie affable laisse entendre. La nature destructrice de Laurel lui doit beaucoup car elle a littéralement façonné le caractère de l'adolescente à l'aune de ses propres déceptions et rancœur, celle-ci représentant un trophée lui permettant de se venger de sa propre fille qui n'a pas suivi le parcours qu'elle lui destinait. Elle garde ainsi jalousement près d'elle Laurel, l'empêchant de retourner avec sa mère et la montant contre elle. Hayley Mills est fabuleuse pour illustrer ce mélange de dureté adulte et de recherche d'affection inavouée, chaque ouverture possible étant tempérée par une réaction violente où une répartie acerbe. Neame s'appuie sur son jeu expressif, son bagout et sa malice qui la rendent tour à tour fragile et menaçante selon les lieux dépeint. Hors de l'influence néfaste de la maison, elle se montre plus avenante et capable d'exprimer ses douleurs même si elle se referme très vite (la scène de dessin sur la falaise, les retrouvailles nocturnes sur la plage) tandis que dans les scènes d'intérieurs c'est un vrai démon cherchant toujours à faire vaciller l'interlocuteur. L'amusante scène de début où elle fait fuir une gouvernante venue postuler semble placer le récit dans un ton guilleret mais une saisissante noirceur s'installe très vite. Cela passe par les réplique crues et brutales de Laurel (tournant toujours autour de la mort ou du sexe) et les moments où elle s'abandonne, plus inquiétants que vraiment charmant comme lorsqu'elle adoptera en cachette des attitudes tendres et maternelle envers a poupée comme pur exprimer celle qu'elle n'a pas eu.

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Deborah Kerr est tout aussi captivante dans un registre plus retenu où sa présence dégage une sentiment de force et de fébrilité, à l'image des rôles de mentor/victimes qu'elle a pu tenir dans Le Narcisse Noir, Bonjour Tristesse ou Les Innocents. Comme dans chacune de ces œuvres, un tumulte intérieur et un passé douloureux se devine sous le masque impassible.t La sensation d'avoir un pendant adulte et une image future Laurel se fera de plus en plus fort, un élément du passé de Miss Madrigal expliquant ainsi son attachement et sa crainte de voir la jeune fille prendre le même chemin. Neame l'exprime subtilement dans sa mise en scène où lorsque les deux personnages sont ensemble à l'image, le plus instable apparait toujours en amorce sur la droite de l'écran. C'est le plus souvent Laurel, mais le réalisateur perturbe de nombreuse fois ce repère en donnant cette place à Deborah Kerr comme pour nous montrer le mimétisme et le même trouble entre les héroïnes.

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Le cadrage d'une des dernières scènes plus apaisée les voit même occuper ensemble cette place à l'image. Son secret se distillera au fil de moments ludiques où Laurel l'épie, la questionne et fouille ses affaires, laissant poindre quelques indices qui trouveront leur explication dans un moment saisissant où Deborah Kerr brille par l'intensité de son jeu. On est jamais loin de basculer dans la pur noirceur et le quasi thriller, notamment par le score inquiétant (un thème au piano vraiment entêtant pour exprimer les fêlures) de Malcolm Arnold mais sous cette facette le film (et certainement la pièce) pose un regard finalement bienveillant. Edith Evans paraîtra ainsi plus comme une femme craintive de la solitude et de la vieillesse. Le final résout ainsi les conflits, tout en y laissant une part de mystère (le passé de Deborah Kerr omettant un détail essentiel). Une belle découverte. 5/6

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Re: Le cinéma britannique

Message par Commissaire Juve »

Profondo Rosso a écrit :Excellent Take a girl like you j'avais adoré ce film moi génial et très audacieux j'avais dû poster un avis quelque part par ici aussi.
Take a girl like you de Jonathan Miller (1969)

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Jenny Bunn (Hayley Mills) est une ravissante jeune femme ayant fraichement quitté son nord de l'Angleterre natal pour poursuivre sa carrière d'institutrice. Rapidement courtisée par les mâle les plus attirants du coin, elle jette son dévolu sur le séducteur Patrick Wilson (Oliver Reed). Seulement Jenny a un secret, elle est toujours vierge...

http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 5#p2062138
Je me le suis repassé avant-hier... et je ne suis pas trop d'accord avec ta présentation. Jenny Bunn est bien courtisée par Patrick "Standish" (et pas Wilson), mais elle ne jette absolument pas son dévolu sur lui (c'est lui qui lui saute carrément dessus... il l'invite à dîner, la fait boire et l'entraîne chez lui pour la tripoter... et plus si affinités). Elle déclare même -- lors de leur premier échange -- qu'elle n'est pas du genre à piquer les mecs des autres filles.

Plus tard, elle se dit effectivement "pourquoi pas lui ?", mais elle comprend vite qu'elle fait fausse route.

Et surtout : "les mâles les plus attirants"... argl ! Comme je le disais dans ma fiche (voir "le pour et le contre"), Oliver Reed est tout sauf séduisant, c'est un vrai gorille ! Beuh ! :mrgreen:

Sinon, en rejetant également un coup d'œil à The family way, j'ai découvert qu'Hayley Mills avait épousé Roy Boulting ! :shock: Pouaarh ! 33 ans d'écart ! Le vieux cochon ! :x


EDIT : merci d'avoir testé The Chalk Garden... je vois que c'est une édition 4.3e à deux balles ! :x
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Re: Le cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

Oui à la rigueur pour Jenny plus que jeter son dévolu Patrick est le seul du moins qu'elle laisse l'approcher, ce qui est quand même un grand effort pour elle et qu'elle va vite déchanter. Pour Oliver Reed il a un physique particulier mais mine de rien c'était un genre de jeune premier dans les 60's et un sex-symbol aux nombreuses conquêtes dans les années 60/70 (même si le côté un peu retors et louche de ses persos joue souvent de ce physique particulier). En gros c'est une période où les canons de beauté différaient pas mal du lissage actuel, pour les stars masculine en tout cas. Tu pouvais être une pop star avec une tronche comme ça par exemple :mrgreen:





J'ai dégainé les plus laids de l'époque là Oliver Reed c'est James Dean à côté :lol:

Je savais pour Hayley Mills et Roy Boulting ça avait fait un petit scandale en Angleterre apparemment et ça a l'air d'avoir ralenti sa carrière sa filmo est nettement moins intéressante après que des téléfilms et des série tv genre La Croisière s'amuse :| Dommage pour le 4/3 de The Chalk Garden oui alors que la copie est plutôt bonne en plus et que le film vaut vraiment le coup d'oeil. On va finir par créer un topic Hayley Mills :mrgreen:
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Re: Le cinéma britannique

Message par Commissaire Juve »

Profondo Rosso a écrit :
J'ai dégainé les plus laids de l'époque là Oliver Reed c'est James Dean à côté :lol:
Oh la vache ! Et les fringues !
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Ça m'évoque une réplique de Dick : les coulisses de la présidence (avec K.Dunst et M.Williams... c'est censé se passer de 1972 à 1974) : quand les deux écervelées sortent du collège et que Michelle Williams dit :
You know who else I think is sexy ?
Robert Plant, from Led Zeppelin.
Kirsten Dunst fait "beuah" en précisant :
He reminds me of my brother.
J'ai cherché des photos d'époque, je n'ai pas su quoi en penser... Mais Oliver Reed, oh my god ! :lol:

précision : le script du film Dick est accessible en ligne... c'est pour ça que je suis si "précis".
On va finir par créer un topic Hayley Mills :mrgreen:
Quand je pense qu'elle a pratiquement l'âge de ma mère. On est des vieux "Roy Boulting". :mrgreen:
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Re: Le cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

Swallows and Amazons de Claude Whatham (1974)

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1929, un groupe d'enfants qui constituent l'équipage de deux voiliers, le "Swallow" et "l'Amazon" jouent à la "bataille navale" dans le Lake District. Pendant l'été, les enfants laissent libre cours à leur imagination, jusqu'à ce que survienne un véritable drame. Le bateau habité par l'Oncle Jim de l'Amazon est cambriolé et son coffre volé. Il soupçonne immédiatement les Swallow. Ils devront retrouver le coffre volé et le rendre à Oncle Jim avant qu'il ne décide d'agir...

Un classique de la littérature enfantine anglaise donne son équivalent cinématographique avec cette belle adaptation de la série de roman d'Arthur Ransome. Swallows and Amazons fut publié en 1930 et comporte une grande part d'autobiographie pour Arthur Ransome. L'auteur s'inspire de l'été qu'il passa avec les enfants de ses amis les Altounyan et durant lequel il leur enseigna la navigation avec deux barques nommées Swallow and Mavis. Se souvenant de ce beau moment quelques années plus tard, il s'en inspirera pour écrire la série de romans qui le rendra célèbre et où l'on retrouve nombre d'éléments du contexte réel comme le cadre du récit de Lake District (fictif mais reprenant toute la topographie des lieux), les prénoms des enfants Altounyan repris pour le héros des livres et bien sûr le nom des barques à peine modifiée en Swallow and Amazons. Sur cette base il brodera une trame originale et un univers qui enchantera plusieurs générations de lecteurs à travers une série de treize romans. Une première adaptation fut produite à la télévision pour la BBC en 1962 mais c'est bien celle en couleur réalisée par Claude Whatam qui gagnera ses galons de classique.

C'est l'été, les enfants Walker John (Simon West), Susan (Suzanna Hamilton) pour les aînés et Titty (Sophie Neville) et Roger (Stephen Grendon) viennent passer l'été dans la campagne de Lake District. S'ils sont seulement accompagnés de leur mère, l'esprit de leur père capitaine à la Royal Navy les imprègne indéniablement puisqu'après autorisation, ils pourront naviguer à bord de leur petit voilier le Swallow ainsi qu'explorer et camper dans l'île voisine durant ces vacances. Dès l'expédition lancée les adultes et en tout cas toutes les contraintes qui s'y rattachent s’estompent pour se lancer dans le vrai film d'ouverture en culotte courte. Le caractère et l'âge différents des quatre enfants permet l'attachement, l'identification et des émotions variées grâce au charmant interprète juvénile. John est ainsi l'aîné et fin stratège ne se démontant jamais dans l'adversité, Titty (la plus attachante) la douce rêveuses prolongeant toujours ses lectures dépaysantes dans les péripéties et le benjamin Roger, naïf maladroit et fragile. La petite île au milieu du lac devient donc un immense terrain de jeu pour nos gamins débrouillards et as de la vie en plein air. La traversée contemplative du lac, puis l'exploration de l'île se font donc avec une énergie communicative mais bientôt la menace guette : nos héros ne sont pas seul sur l'île. Claude Watham amène le mystère avec un premier degré réjouissant ramenant à son échelle l'anxiété de L'île mystérieuse de Jules Verne. Point de Capitaine Nemo ici, mais seulement deux gamines de la région Peggy (Lesley Bennett) et Nancy (Kit Seymour) qui à bord de leur barque Amazon vont disputer la propriété de l'île aux Walker/Swallows. Tout se jouera à celui qui réussira à s'emparer du bateau de l'autre dans un pur duel stratégique de pirate. Le réalisateur offre une réjouissante partie d'échec où le vrai film de pirate se place à hauteur d'enfant, les péripéties classiques du swashbuckler se mariant parfaitement à la jeunesse des protagonistes. Ainsi, s'il est facile de constituer un stratagème pour dérober le navire ennemi la nuit venue, la concrétisation est plus compliquée quand il s'agira de faire le guet seule dans le noir pour la pauvre Titty, les autres Swallows vont perdre leur chemin l'obscurité d'une eau calme et sans vent et les Amazons seront piégées sur l'île alors qu'elles ont fait le mur. On se surprend à ressentir de nouveaux de vraies terreurs enfantines, le suspense fonctionne réellement bataille reste captivante.

Si les enfants se plaisent à réaliser des prouesses d'adultes, ils sauront ramener certains "grands" à leur insouciance enfantine. Ce sera le cas pour Jim (Ronald Fraser), ancien grand voyageur et oncle des Amazons auquel il a transmis son gout de l'aventure. Seulement, occupé à écrire un livre, il vit reclus sur son bateau, acariâtre et devenant ainsi l'ennemi commun des enfants qui le renomment Capitaine Flint. Une animosité qui ne durera pas bien longtemps, le script désamorçant toutes les sous-intrigues trop dramatique (la résolution du cambriolage du bateau expédiée alors qu'il y avait matière à un petit suspense policier, l'absence du père qui ne pèse jamais vraiment) pour privilégier le charme suranné de l'aventure. Du coup le film n'égale pas tout à fait la merveille absolue du genre The Railway Children (1970 et influence claire notamment car issue des mêmes producteurs) qui maniait avec brio mélodrame et enchantement enfantin. Une petite perle néanmoins qui ramènera tout spectateur à la belle époque où il se prenait pour Robinson Crusoé. Le film sera d'ailleurs si marquant (faisant exploser une industrie touristique autour de Windermere et Coniston Water dans le nord de l'Angleterre où se situe l'intrigue) qu'aucune autre tentative d'adaptation ne verra le jour au cinéma ou à la télévision mais seulement à la radio et aussi sous forme de comédie musicale dont la partition sera signée (excusez du peu) Neil Hannon. 4,5/6
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Sunday Bloody Sunday de John Schlesinger (1971)

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Bob Elkin, un jeune sculpteur œuvrant dans l’art contemporain, a une relation amoureuse avec une femme divorcée plus âgée, Alex Greville, une fonctionnaire... Parallèlement, Bob, qui est bisexuel, a aussi une liaison avec le docteur Daniel Hirsh, un quinquagénaire BCBG… Bob vit sereinement ses histoires d’amour bien plus qu’Alex et Daniel, au fait de la situation et pressentant confusément qu’aucun d’eux n’aura jamais sa préférence…

Après le succès mondial et les Oscars de Macadam Cowboy (1969), retour en Angleterre pour John Schlesinger avec ce Sunday Bloody Sunday. On retrouve donc des préoccupations sociales plus typiquement britannique dans ce qui semble être une continuité de deux de ses plus beaux films, l'inaugural Un amour pas comme les autres (1962) et Darling (1965). Dans le premier, Schlesinger montrait les déboires d'un jeune couple lié presque par la force des choses et voyant se profiler une morne existence dans une cité ouvrière grisâtre. Darling était une des premières œuvres à porter un regard critique sur le Swinging London qui sous la légèreté et l'hédonisme était un nid d'égoïste narcissique rêvant de célébrité. Sunday Bloody Sunday fait une sorte de bilan entrecroisant ces deux univers quelques années plus tard. Chaque dimanche, Bob Elkin (Murray Head) jeune et séduisant artiste contemporain se partage entre les bras d’Alex (Glenda Jackson) jeune femme divorcée et Daniel (Peter Finch) médecin quinquagénaire. Tous deux sont les victimes consentantes de ce ménage à trois où leur bel amant mène le jeu avec indifférence.

Schlesinger montre d'abord le dispositif à la fois tendre et cruel de cette relation. Tendre car Bob est un partenaire aimant, sensible et prévenant pour chacun de ses partenaires, les scènes sensuelles alternant avec d'autres montrant un plus paisible quotidien à deux. Cruel parce que Bob est aussi inconstant et égoïste, un(e) amant(e) ne lui manquant jamais plus que quand il est en compagnie de l'autre et il n'hésitera jamais à se volatiliser pour le rejoindre. Dès que l'ennui et l'ordinaire qui cimente aussi une relation de couple daigne se manifester, Bob s'évapore car il ne souhaite que les bons moments. Ainsi chaque apparition du personnage est synonyme de plaisir et l'histoire dévoilera progressivement le désert qu'est l'existence d’Alex et Daniel en son absence. Le préhistorique système de messagerie téléphonique que l'on voit dans le film est une sorte de fil rouge narratif de l'attente constante d'Alex et Daniel loin de Bob. Les entraves se révèlent peu à peu entre emploi administratif ennuyeux pour Alex, sexe fugace pour Daniel mais aussi pression sociale et religieuse. Comme dans Un amour pas comme les autres, les personnages aspirent à autres chose, à un amour sincère et passionné mais devront se contenter des miettes que daigne leur offrir Bob. On retrouve ce thème de Schlesinger de héros refusant de se plier à une réalité terne et rêvant de plus (la superbe scène entre Glenda Jackson et Peggy Ashcroft jouant sa mère qui lui reproche de trop attendre de la vie et de ne pas accepter le peu qu'elle lui offre) mais toujours amené à rester cloué au sol par les circonstances (là on pense aussi bien sûr à son Billy Liar (1963)). Bob est lui un pendant de la Julie Christie de Darling un jeune homme moderne et dont l'évolution dans un milieu "hype" a nourri l'indifférence et l'égo. On ne s'étonnera pas de la séparation finale terriblement amère et désinvolte. Le constat est assez désespéré d'ailleurs, Schlesinger renvoyant dos à dos la tradition (le mariage silencieux et malheureux de la mère d'Alex) comme la modernité (la famille d'amis hippies tout à son libre arbitre un peu vain) et admettant presque ainsi l'acceptation résignée que l'on doit avoir des maigres instants d'amour qui peuvent s'offrir à nous, la tirade final face caméra de Peter Finch allant dans ce sens.

L'atmosphère du film est à la fois éthérée et austère, alternant d'étonnantes séquences de rêverie (dont une superbe traduisant le sentiment d'insécurité de Glenda Jackson) et un réalisme gris, dépressif dans lequel nous baigne la magnifique photo de Bill Williams. Glenda Jackson est comme souvent magnifique, représentant la facette émotionnelle la plus expressive. A l'inverse Peter Finch tout en désespoir contenu allie sobriété et fragilité et prend de sacré risque avec ce qui est un des premiers films grand public à représenter avec autant de normalité un personnage gay. Sa performance est d'autant plus à saluer que Ian Bannen initialement choisit manifesta tant de gêne à tourner des scènes d'amour entre homme que Schlesinger le remplaça après deux semaines de tournages. Un très beau film donc qui témoigne tout de même du pessimisme de Schlesinger puisqu'il faut qu'il se plonge dans le passé (la magnifique adaptation de Thomas Hardy Loin de la foule déchaînée (1967)) pour que ses héros puissent inverser leur destin dans ses œuvres sociales. 5/6
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Re: Le cinéma britannique

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Noose de Edmond T. Greville (1948)

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Sugiani est un truand qui s’enrichit illégalement dans l'après-guerre, semant la terreur dans un quartier de Londres. La journaliste américaine Linda Medbury décide de s'opposer à lui pour dénoncer le meurtre d'une danseuse. Avec son fiancé, Jumbo Hyde, Linda entre dans une guerre des gangs.

Un film noir très original et déroutant qui nous plonge dans le Londres de l'après-guerre. L'identité anglaise du film se fond dans d'autres plus inattendues et offre un mélange des genres détonant tout au long du récit. Cela essentiellement due à la présence du réalisateur français Edmond T. Greville fils d'un couple franco-britannique dont la carrière aura justement navigué entre les deux pays. Assistant de René Clair (après avoir été critique) pour Sur les toits de Paris (1930) ou encore sur Napoléon (1927) d'Abel Gance il débutera sa carrière de réalisateur au début des années 30 et signera plusieurs œuvres remarquées comme Menaces (1939). Noose sera l'un de ses films de reprise après un arrêt d'activité durant l'Occupation et démontre largement son style singulier.

La trame est assez classique avec une journaliste décidant de dénoncer les méfaits d'un duo de truands semant la terreur dans le quartier de Soho à Londres. Le saut entre les genres suit en fait le côté cosmopolite des protagonistes semblant chacun s'être trompé de film. Linda Medbury (Carole Landis) est ainsi une journaliste américaine émigré à Londres dont le bagout et l'énergie en fait plutôt une héroïne de screwball comedy. Son fiancé vétéran de la Deuxième Guerre Mondiale (et première apparition en uniforme à la clé) évoque lui encore un autre genre dans ses attitudes tandis que le témoin gênant Annie Foss (Ruth Nixon) par sa gouaille toute parisienne et son accent français prononcé semble échappée du réalisme poétique français. Le meilleur reste le duo de malfrats où les attitudes de dandy charmeur de l'anglais Bar Gorman (Nigel Patrick surprenant alors qu'il se spécialisera plus tard dans les rôles de flics) contrastent la brutalité de l'émigrant italien Sugiani (Joseph Calleia). Le premier mise sur la séduction, s'occupera plus du business et de la corruption en tout genre quand le second est en charge des basses œuvres, balançant les témoins gênant dans les profondeurs de la Tamise. C'est précisément la victime de trop qui va leur attirer la curiosité de la journaliste.

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Les écarts de ton sont ainsi constant avec pareil galerie de personnages. L'atmosphère pesante et l'urbanité inquiétante de la mise en image de Greville contraste ainsi constamment avec la légèreté des personnages dans un équilibre ténu, surtout pour les méchants qui prêteraient presque à rire avant qu'un éclair de violence viennent rapidement nous rappeler leur dangerosité. On pense à ce moment faussement décalé où ils viennent intimider Linda chez elle, la discussion badine prenant un tour plus menaçant face à la résistance de la journaliste. Autre moment glaçant quand Sugiani tuera une jeune femme dans un gymnase, où le montage accentue la férocité de la scène la contre plongée sur la silhouette imposante du truand alterne avec la chute brutale de sa victime puis un plan d'ensemble sur l'ombre de ses acolytes face au corps inanimé. Une pure séquence expressionniste (magnifique photo de Otto Heller) mais Greville sait aussi faire naître la tension par l'ellipse avec le terrifiant personnage du barbier (Hay Petrie au physique évoquant aussi une créature échappée de l'expressionnisme allemand) adepte de la torture et de l'étranglement dont la seule évocation des méfaits jette un voile funèbre.

Le film parvient néanmoins à garder une profonde identité anglaise. Il revient plusieurs fois que le mal que les soldats sont parti affronter au front a été retrouvé à leur retour à travers ce grand banditisme. Tout comme le peuple anglais avait su faire front face à la menace nazie, on retrouve à petite échelle cette solidarité lorsque les clubs de boxe s'unissent pour faire tomber minutieusement les affaires de Sugiani et Gorman. Une belle idée mais traitée assez naïvement, d'autant que par son mélange des genres et son accent sur les personnages le film fait un peu trop passer le tout par le dialogue (c'est à l'origine une pièce de théâtre de Richard Llewellyn qui en signe l'adaptation également). Le brio de Greville et les fulgurances visuelles ne compensent pas complètement le côté un peu statique dû au matériau originel notamment le final. Là le gros morceau de bravoure (l'assaut du peuple dans le repère des truands) tombe à plat car penchant trop sur la comédie, les changements de ton qui auront fait le sel du reste du film enlève cette fois toute la tension espérée en dépit de quelques moments amusants (l'actrice perdant ses vêtements au fil des péripéties). A défaut d'être convaincant jusqu'au bout, une tentative très originale et singulière en tout cas. 4/6
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Jet Storm

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Jet Storm de Cy Endfield
A l'aéroport de Londres, les passagers montent à bord du jet qui doit les mener à New-York. Peu après le décollage, l'un des passagers, Ernest Tilley reprend avec sa femme une conversation semble t'il ancienne au sujet de la mort accidentelle de leur fillette quelques années plus tôt, proférant d'abord de vagues menaces, puis des menaces bien plus précises contre un passager et enfin lui annonce que le vol n'ira pas à son terme. Ses divagations sont entendus par deux autres passagers qui alertent l'équipage et l'inquiétude monte parmi les passagers. Les menaces se font encore plus précises quand Tilley se dirige vers un couple de passagers assis quelques sièges en arrière et accuse l'homme, James Brock, d'être responsable de l'accident qui avait provoqué la mort de sa petite fille quelques années plus tôt et lui promet qu'il ne verra pas la fin du voyage. Les passagers s'interrogent, le prennent pour un fou. Quand il réitère ses accusations, le commandant de bord interrogeant l'homme s'aperçoit qu'il s'agit d'un ingénieur chimiste spécialiste en explosifs et qu'il a sans doute posé une bombe à bord de l'appareil…
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Dans le film d'aviation, voici un représentant du genre "avion en détresse", sous genre "bombe à bord". Ce (faux) film catastrophe est donc un ancêtre direct de Airport…en largement meilleur. C'est tout de même un thriller et le suspense y a évidemment sa part mais le 1er soucis de Cy Endfield n'est pas de broder sur le basique sauvetage de l'avion, ce qui consiste ici à amadouer le dingue ou réussir à faire atterrir l'avion sans dommages, avant le grand boum. Manifestement ce qui l'intéresse, ce sont les réactions de cette micro société humaine face au danger et même face à l'imminente de la mort qui semble inéluctable. Si notre homme a déjà réalisé des films plus personnels, il trouve quand même le moyen de glisser une critique sociale assez virulente sans en avoir l'air et de faire passer plus ou moins discrètement ses idées politiques (très à gauche) dans un thriller. Ça commence avec ce Ernest Tilley qui veut venger sa fille morte écrasée par un homme qui avait pris la fuite. On ne sait pas si cela fait partie de son délire mais en tout cas il considère que c'est en raison de sa réputation, de sa richesse et de ses relations que Brock a pu échapper à la justice. Il n'est d'ailleurs même pas dit qu'il y ai eu un procès mais il semble plutôt que les enquêteurs ai écarté les soupçons qui pesaient sur le suspect au cours de l'enquête. Quoiqu'il en soit, Tilley a suivi cet homme parce qu'il le croit responsable de la mort de sa fille et il est prêt à faire sauter l'avion avec tous ses passagers pour assouvir sa vengeance…: Heu…j'y suis pour rien moi monsieur ! - Je hais l'humanité toute entière !!! - Bon, bon, faut pas s'énerver, hein…

Ce qui intéresse le plus Endield, c'est cette vingtaine de passagers, presque tous des représentants de la High Society British, mais qui ne vont pas tous garder une classe…correspondante à leur classe sociale d'origine. Une femme ayant entendu la conversation entre le commandant de bord et Ernest Tilley, elle va révéler aux autres passagers la réalité de leur situation provoquant un vent de panique mais tant que l'équipage et les passagers n'auront pas épuisés tous les recours rationnels pour faire face à la situation, le premier étant la fouille méthodique des moindres recoins de l'appareil, le film restera dans les basiques du genre. Mais lorsque la fouille ne donnera rien ; lorsque les efforts des premières personnes qui vont tenter de convaincre Tilley de renoncer à son projet insensé resteront vains, Endfield va à partir de là écarter pour une grande part, toute la partie suspense qui de toute façon ne le passionnait visiblement pas et se pencher encore davantage sur ses personnages et livrer une formidable galerie de portraits évolutives, livrant au passage quelques réflexions sur la condition humaine et un débat moral passionnant.

Ce n'est pas dans le cadre d'un huit clos que se révèlent les tensions mais dans deux univers (presque) séparés. Profitant du fait que l'avion (ou plutôt le décor :wink: ) possède un étage inférieur, Endfield va nous montrer deux univers et il va basculer de l'un à l'autre nous montrant l'évolution de la situation. C'est en bas, au bar et au salon du bord, où Tilley est maintenu isolé des passagers, que vont défiler les plus raisonnables ou les plus susceptibles de le faire changer d'avis… sous le regard narquois du dingo muré dans son mutisme. Il serait criminel de développer mais les personnalités choisies de manière réfléchie vont révéler leur lot de surprise, le secret d'un des passagers va notamment créer une vraie émotion. Dans l'autre univers, en haut, le huit clos, la tension grandissante, le danger de mort imminent va révéler les caractères et les réactions vont être parfois extrêmes. Encore une fois, ce n'est pas leurs angoisses en tant que telles qui intéressent Endfield mais ce qu'ils révèlent en tant qu'être humain derrière la façade sociale. Le film ne nous demande pas de nous préoccuper pour ses gens ou pour savoir s'ils vont mourir et comment, mais il nous montre comment il faudrait essayer de vivre. On voit toutes sortes de réactions.
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Il y a ceux qui ne vont pas se départir de leur humour. C'est le cas d'une vieille dame, Emma Morgan (interprétée par Sybil Thorndike) et de son jeune voisin (interprété par Harry Secombe) avec lequel elle va se livrer à un faux marivaudage. Ceux qui vont s'efforcer de rester indifférents, tels le co-pilote et la jeune hôtesse du vol qui avaient prévu de se marier et qui vont sembler faire abstraction de la menace qui pèse. Un couple en instance de divorce, qui ne pouvait plus se supporter et se disputait pour des riens, va finir par ne plus attacher aucune importance à leurs biens, soulignant leur dérisoire en jouant leurs biens aux cartes et se les partageant ainsi. Une jeune femme du monde arrogante et ironique, qu'un homme d'affaires genre "nouveaux riches" tentaient en vain de séduire, vont mesurer le monde qui les sépare. Un jeune chanteur à la mode et son entourage, dont sa femme, vont expérimenter que la jeunesse et l'inexpérience peuvent faire commettre des erreurs de jugement "sous influence" (le pop singer était interprété par Marty Wilde, un chanteur populaire de l'époque. Il avait aussi composé et chanté la chanson du générique, Jet Storm…et il est bien sûr le père de la chanteuse Kim Wilde qui n'a pas accompagné que les nuits de Laurent Voulzy dans les années 80. Comme chantait machin du groupe Il était une fois : Je l'ai aimé si fort que les draps s'en souviennent… )…Il y en a encore quelques autres plus ou moins marquants : Un couple désuni avec leur jeune garçon. Un vieux médecin (ancien de l'Onu et pacifiste). Un retraité de l'armée (forcément plus va-t'en-guerre), etc...

Parmi ceux là, certains vont devenir hystériques. On peut les scinder en deux : les hystériques pleurnichards (une veuve interprétée par Hermione Baddeley est un superbe personnage pathétique mais touchant, en apparence une ancienne cocotte qui avait fait un riche mariage et qui est devenu veuve récemment. Alors elle ne veut pas ça se termine. Non ! Pas maintenant !) et les hystériques dangereux, ceux qui voyant que la méthode douce soutenue par le comandant de bord, la persuasion et les tentatives d'autres passagers pour faire abandonner à Tilley sont projet insensé ne semblent pas fonctionner, vont être tenté d'agir et d'employer des méthodes plus fermes. Entre la torture pour faire parler Tilley et lui donner Brock en pâture ou lui porter son cadavre, leurs coeurs balancent…Je m'arrête là mais je signale que jusqu'au bout la finesse est au RDV, les personnages étant tous scrutés par Endfield avec beaucoup de justesse jusque dans le final : certains des ennemis "idéologiques" les plus "centristes" (en gros, les plus vieux) vont finir par se serrer la main ; le couple tout nouvellement réconcilié va se trouver un nouveau motif d'angoisse en se demandant ce que leurs amis vont penser de leur reniement, etc…

Comme les amateurs de ciné anglais auront pu le remarquer, on retrouve dans le casting de nombreuses pointures made in UK. Même si tous les interprètes sont très biens, certains sont plus remarquables que d'autres à commencer par Richard Attenborough, encore une fois prodigieux. Stanley Baker est parfait en commandant de bord serein, sage mais ferme, tentant de contenir les excès de ses passagers. Il est parfait mais c'est moins spectaculaire. Ensuite, on remarque plus particulièrement Dame Sybil, magnifique ; Hermione Baddeley, très voyante mais formidable. La même année, Richard Attenborough jouera encore le méchant dans un autre film dont la première partie se passait sur un avion en péril : SOS Pacific de Guy Green. Jet Storm a déjà été diffusé sur une chaine française mais pas hier…et c'est juste incroyable. Vu en vost. Puisque je joue à l'extérieur et qu'un peu de fayotage ne peut pas faire de mal (surtout quand c'est fait discrètement), j'adopte le barème du grand mamamouchi du cinéma britannique, Profondo Rosso : 5/6
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Quelques années avant l'accouchement sans douleurs (Rillington Place), Attenborough expérimentait l'atterrissage en douceur…et c'est presque aussi bon
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Commissaire Juve
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Re: Le cinéma britannique

Message par Commissaire Juve »

Première lecture en diagonale... Dis donc, tu l'as vu comment ? Je viens de passer sur Amazon.uk et il n'est pas vraiment dispo. Un DVD de contrebande ? :mrgreen:
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Re: Le cinéma britannique

Message par kiemavel »

Commissaire Juve a écrit :Première lecture en diagonale... Dis donc, tu l'as vu comment ? Je viens de passer sur Amazon.uk et il n'est pas vraiment dispo. Un DVD de contrebande ? :mrgreen:
On reconnait bien la police :evil: :P
Non, mon cher commissaire. J'ai apporté cette précision : diffusion TV en vost. A priori Il y a une quinzaine d'années. J'ai d'autres films d'Endfield assez rares sous le coude mais pareil déjà passés à la TV chez nous, sans doute à la même époque. Je vais en causer ici quand j'aurais le temps.

Edit : Finalement si, il semble qu'il y ai quand même un DVD (vu sur mamazon uk)...Pas donné, certes mais il y a un DVD le proposant en double programme avec Escape by Night de John Gilling
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