Le Cinéma britannique

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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The Long Memory de Robert Hamer (1953)

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Phillip Davidson (John Mills) sort de prison après avoir purgé une peine de douze ans. Accusé de meurtre à tort, il compte bien aller demander des explications à deux des témoins (dont son ex fiancée) qui ont fourni un faux témoignage.


Surtout connu pour ses classiques signés au sein du studio Ealing (Au cœur de la nuit (1945) où il signe le mémorable sketch du miroir hanté, Noblesse oblige (1949), Il pleut toujours e dimanche (1947)), Robert Hamer aura dans sa courte filmographie exercé son talent également hors Ealing à l'image de cet excellent polar. Hamer adapte ici un roman de Howard Clewes pour récit de vengeance surprenant. Philip Davidson sort de prison la rage au ventre après avoir purgé une peine de douze ans. On découvre d'abord un John Mills à l'allure inquiétante trouvant une demeure de fortune dans un cimetière de bateau avant qu'un flashback nous révèle les raisons de ce sort. Cherchant à couvrir les activités frauduleuses de son père alcoolique, Fay (Elizabeth Sellars) aura avec un autre acolyte fourni le faux témoignage qui condamna Davidson en faisant de lui le coupable d'un meurtre. Le vrai assassin, l'inquiétant Boyd (John Chandos) s'est volatilisé et a laissé un cadavre dans l'épave d'un bateau et la responsabilité du crime à Davidson. John Mills, le regard glacial et la mine taciturne semble tout entier dédié à sa revanche, sans un regard sur les témoignages d'amitié et les possibilités de rédemption qui s'offre à lui avec la belle Illse (Eva Bergh) autre âme blessée ou le vieillard bienveillant Jackson (Michael Martin Harvey).

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Visuellement, Hamer fait de l'atmosphère du film une sorte de reflet de l'âme sèche et meurtrie de Davidson. On alterne ainsi entre des paysages ruraux désertiques où ne surnagent que des carcasses de bateau rongées par la rouille (et où l'on aperçoit jamais la mer dans cet horizon fermé t sans avenir) et une tonalité plus urbaine et nocturne oppressante offrant des vues inquiétantes des quais voisinant Tower Bridge. Hamer fait véritablement de Davidson une silhouette maléfique à travers les cadrages et la photo d'Harry Waxman, le visage dur et impassible de Mills amenant la dernière touche de tension. On pense grandement aux ambiances inquiétantes qu'il parvenait à mettre en place dans Il pleut toujours le dimanche et le lien avec le film Ealing n'est pas qu'esthétique.

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On retrouve cette approche de film choral ainsi que l'humanité dont sait faire preuve Hamer envers ses personnages, complexes et jamais manichéens en dépit de leurs actions discutables. On pense à l'ex fiancée jouée par Elizabeth Sellars, qui a depuis refait sa vie avec le chef de la police (John McCallum) et est mère d'un petit garçon. Rongée par le remord de sa trahison passée, elle craint également de tout perdre à travers la vengeance de Davidson ou la découverte de son parjure, Hamer orchestrant de subtiles scènes de dialogues avec son époux où chacun devine l'angoisse de l'autre sans oser aborder le sujet. La dimension sociale fréquente chez le réalisateur (même pour rire jaune comme dans Noblesse Oblige) se retrouve également en liant Davidson à la jeune serveuse Ills, tous deux sont des meurtris de la vie pouvant se sauver l'un l'autre. Ills (Eva Berg très touchante) trouvant enfin un homme sincère et protecteur et Davidson trouvant dans cet amour un autre futur que la vengeance. Le ton très dur et très noir vacille ainsi constamment à l'aune des hésitations du héros, Hamer alternant constamment mélodrame intimiste et polar haletant.

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Tout cela se confond idéalement dans la trépidante course poursuite finale où le réalisateur allie suspense virtuose et vraie émotion. Un très beau film noir à l'ambiance assez unique. 5/6
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Profondo Rosso a écrit :The Long Memory de Robert Hamer (1953)
Tout cela se confond idéalement dans la trépidante course poursuite finale où le réalisateur allie suspense virtuose et vraie émotion. Un très beau film noir à l'ambiance assez unique. 5/6
çà donne envie ! Tu l'as vu comment ? C'est le coffret John Mills paru en GB ? et si oui, est ce que tu peux confirmer les st anglais sur tous les films ?
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Profondo Rosso
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C'est dans le coffret John Mills oui je ne l'ai pas mais ce genre de coffret ITV normalement il y a des sous-titres anglais, moi j'ai le dvd zone 1 et là oui c'est VOSTA. Si tu aimes son Il pleut toujours le dimanche chez Ealing tu devrais vraiment apprécier celui là c'est dans la droite lignée avec le côté policier plus prononcé.

edit : Ben c'est confirmé le coffret John Mills est bien VOSTA aussi http://www.amazon.co.uk/John-Mills-Cent ... john+mills
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Profondo Rosso a écrit :C'est dans le coffret John Mills oui je ne l'ai pas mais ce genre de coffret ITV normalement il y a des sous-titres anglais, moi j'ai le dvd zone 1 et là oui c'est VOSTA. Si tu aimes son Il pleut toujours le dimanche chez Ealing tu devrais vraiment apprécier celui là c'est dans la droite lignée avec le côté policier plus prononcé.

edit : Ben c'est confirmé le coffret John Mills est bien VOSTA aussi http://www.amazon.co.uk/John-Mills-Cent ... john+mills
OK, merci. J'ignorais que ce film avait également été édité en zone 1 avec là aussi les st anglais, on a donc le choix. Je viens d'ailleurs de m'apercevoir que j'ai tous les films du coffret sauf celui là, je vais donc faire autrement. Oui, j'aime beaucoup aussi Il pleut toujours le dimanche édité jadis par Studio Canal dans sa collection Ealing dont on attend d'ailleurs la suite...même s'il y en a une mais plutôt de l'autre coté de la Manche. J'aime aussi un autre thriller pas vu depuis longtemps mais qui a été vu à la TV en France, Le bouc émissaire (The Scapegoat). En revanche, un autre Hamer (Robert) fait envie mais je ne l'ai jamais vu, c'est Détective du bon dieu (Father Brown), sa 3ème collaboration avec Guinness (l'acteur) après le sublime Noblesse oblige. Il parait d'ailleurs que c'est aussi de la faute à Guinness si l'on doit se contenter de cette toute petite filmographie mais pas seulement, Robert Hamer ayant fini comme l'un des D'Ascoyne, noyé dans le whisky. Or, on a pas le droit de gâcher du 15 ans d'âge...et encore moins son talent. Ce qui est regrettable pour lui, l'est aussi pour nous car 10 ou 20 Robert Hamer en moins, c'est dur, c'est un peu comme si Jean Vigo était mort à 30 ans.
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Re: Le cinéma britannique

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Oui Hamer meilleur réalisateur Ealing avec McKendrick et Cavalcanti. Je note pour Le bouc émissaire, sinon pareil j'ai la moitié des films dans le coffret Stewart Granger donc j'ai préféré prendre le zone 1. D'ailleurs si tu aimes bien ce genre d'ambiance de polar anglais urbain 50's je recommande vivement celui là j'en avais parlé sur le topic Ealing http://chroniqueducinephilestakhanovist ... -1958.html
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Profondo Rosso a écrit :Oui Hamer meilleur réalisateur Ealing avec McKendrick et Cavalcanti. Je note pour Le bouc émissaire, sinon pareil j'ai la moitié des films dans le coffret Stewart Granger donc j'ai préféré prendre le zone 1. D'ailleurs si tu aimes bien ce genre d'ambiance de polar anglais urbain 50's je recommande vivement celui là j'en avais parlé sur le topic Ealing http://chroniqueducinephilestakhanovist ... -1958.html
Bien vu, je ne le connais pas non plus et il est aussi tentant que le précédent. Je découvre encore une parution britannique qui m'avait échappé. Je n'ai pas trop investigué de ce coté là. J'ai beaucoup de films anglais parfois pas passés à la télévision depuis très longtemps mais en revanche j'ai très peu de DVD anglais. Comme tu sembles être beaucoup plus que moi à l'affut des éditions anglaises, il faudrait que je te soumette une (courte) liste de films anglais dont j'ai noté les titres au fur et à mesure de mes lectures mais sans pousser plus loin les recherches, faute de temps…S'emmerde pas lui :mrgreen: OK, tu peux me dire : "mais il y a des topics pour çà". Oui, mais je gagnerais un temps précieux :wink: (çà a plus sa place sur ton blog, peut-être à l'occasion d'un commentaire sur l'un des derniers noirs dont tu as pu parler…mais de toute façon, j'ai vécu sans les supposées pépites britanniques depuis assez longtemps pour tenir le coup encore quelques temps :wink: ). Par contre, je n'ai encore jamais posté dans ce topic mais çà ne va plus durer trop longtemps. Sûr, çà risque de surprendre ceux qui avaient pris l'habitude de lire des chroniques écrites tout du long !!! en vrai français mais je vais craquer...
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Re: Le cinéma britannique

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Pas de problème si j'ai ça sous la main je te dis pour les éditions existantes (en survolant aussi amazon UK il y a moyen de pas mal se tenir au courant :wink: le topic est bien garni aussi pour découvrir ) je suis loin de tout connaître mais c'est vrai quand j'en ai ingurgité un certain nombre ces derniers temps :mrgreen:
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Profondo Rosso a écrit :Pas de problème si j'ai ça sous la main je tiens dis pour les éditions existantes (en survolant aussi amazon UK il y a moyen de pas mal se tenir au courant :wink: le topic est bien garni aussi pour découvrir ) je suis loin de tout connaître mais c'est vrai quand j'en ai ingurgité un certain nombre ces derniers temps :mrgreen:

…et d'ailleurs en revenant loin en arrière sur ce topic, je viens de m'apercevoir que tu as déjà parlé d'un certain nombre de films que j'envisageais d'évoquer à mon tour dans ce topic. Pour ce qui est des parutions anglaises, c'est vrai que diverses ressources sont disponibles mais jamais complètes (il manque parfois des infos ou elles sont parfois erronées) et sur notre forum préféré il y en a partout sur le sujet, des " plannings naphtas " à celui sur les " Classiques British " en passant par les différents topics consacrés aux principaux cinéastes anglais…et bien sûr celui ci. Tu usurperais moins ta place à la rédac du site et tu justifierais davantage ton statut de grand spécialiste du cinéma anglais si tu nous concoctais un topic dédié spécifiquement aux éditeurs anglais :shock: ou si tu nous faisais du feb : les ressources pour les acteurs/trices ! De Adams (Dawn) à Wilding (Michael), j'ai une cinquantaine de nom en tête :P . Commence quand même pas tout de suite :wink: . Plus sérieusement, j'avais envisagé de faire la même chose avec les Naphtas américains inédits en France (et même parfois ailleurs) édités en Espagne mais je n'ai pas beaucoup avancé…et toujours rien posté…NB : Je vais quand même caser quelques noirs anglais dans ce topic.
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Alors je m'y intéresse pas mal mais bon je n'irais pas jusqu'à me proclamer "grand spécialiste du cinéma anglais" :mrgreen: sinon vu que les découvertes se font au fil de l'eau sans particulièremet suivre un acteur, un réalisateur ou un genre je serais bien incapable de faire l'impressionnant travail de Feb :shock: Après j'avais créé quelques topic plus ciblés sur les films Gainsborough ici http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... insborough , en acteur Margaret Lockwood http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... d#p2355519 ou en réalisateur les frères Boulting http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... t=boulting

Pour les éditeurs il y a le topic de Commissaire Juve http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 11&t=29254

Et hors forum je l'avais déjà mis ici mais ce site spécialisé sur le cinéma anglais est excellent plein de découvertes rares par ce biais et il cause pas mal de noir anglais justement. http://www.cinemaderien.fr/ Voilà il y a quand même pas mal moyen de se tenir au courant :wink:
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Profondo Rosso a écrit :Alors je m'y intéresse pas mal mais bon je n'irais pas jusqu'à me proclamer "grand spécialiste du cinéma anglais" :mrgreen: sinon vu que les découvertes se font au fil de l'eau sans particulièremet suivre un acteur, un réalisateur ou un genre je serais bien incapable de faire l'impressionnant travail de Feb :shock: Après j'avais créé quelques topic plus ciblés sur les films Gainsborough ici http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... insborough , en acteur Margaret Lockwood http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... d#p2355519 ou en réalisateur les frères Boulting http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... t=boulting

Pour les éditeurs il y a le topic de Commissaire Juve http://www.dvdclassik.com/forum/viewtop ... 11&t=29254

Et hors forum je l'avais déjà mis ici mais ce site spécialisé sur le cinéma anglais est excellent plein de découvertes rares par ce biais et il cause pas mal de noir anglais justement. http://www.cinemaderien.fr/ Voilà il y a quand même pas mal moyen de se tenir au courant :wink:
Encore une fois bien vu car 2 topics au moins m'avait échappé dont celui sur les Boulting brothers. 2 films signés par l'un ou l'autre des frangins sont visibles et n'ont pas encore été chroniqués : The Magic Box (excellent) et Sailor of the king (à voir aussi). Par contre, j'ai encore un achat programmé à plus ou moins long terme avec Thunder Rock.
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Message par Profondo Rosso »

Georgy Girl de Silvio Narizzano (1966)

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Georgy, la fille d'un valet de chambre, a reçu, par la grâce de maître de maison James Leamington, une éducation de demoiselle. Mais elle est restée, à vingt ans, une adolescente effrontée, et partage un studio avec son amie Meredith. James lui propose de devenir sa maîtresse. Georgy l'évite soigneusement, mais profite de ses bonnes dispositions pour lui soutirer tout ce qui est nécessaire pour accueillir le bébé que Meredith attend de son ami Jos.

Georgy Girl est un des films cultes du cinéma anglais des 60's, qui rencontrera un succès local et international immense avec notamment quatre nominations aux Oscars. Le film adapte le roman éponyme de Margaret Foster (qui en signe elle-même le scénario) et participe en fait au mouvement d'œuvres de l'époque qui remettaient quelque peu en cause l'hédonisme et l'attrait du Swinging London avec le célèbre Darling (1965) de John Schlesinger ou les plus méconnus The Party's Over (1965) et The Pleasure Girls (1965) de Gerry O'Hara. Contrairement à l'ironie de Schlesinger ou à la tonalité moralisatrice des autres films cités, Georgy Girl fait reposer toute la force de son propos par l'immense capital sympathie véhiculée par son héroïne incarnée par une charmante Lynn Redgrave.

Georgy (Lynn Redgrave) est une jeune femme au physique ingrat dissimulant son mal-être dans une fantaisie qui en dépit de ses 22 ans fait d'elle une éternelle adolescente. Elle désespère son père (Bill Owen) par sa gaucherie et sa féminité aux abonnés absent, préférant s'amuser avec son amie et colocataire Meredith (Charlotte Rampling). Le générique nous fait découvrir toute la joyeuse insouciance du personnage qui s'extasie sur une perruque, se fait faire la même coiffure farfelue avant de s'en débarrassée à peine sortie du salon et dans un grand éclat de rire. Toute cette énergie n'empêche pas Georgy d'être profondément complexée, totalement inexpérimentée avec les hommes et ayant pour seul prétendant le patron libidineux (James Mason) de son père. Elle se sent surtout inférieure à Meredith, séduisante et libre courant d'aventures en aventures au désespoir de son petit ami Jos (Alan Bates). Georgy va nouer une vraie complicité avec ce dernier qui s'avère avoir un caractère tout aussi excentrique. Une amitié qui pourrait muer peu à peu en autre chose mais Georgy a un défaut : son âme est trop pure, trop sensible dans ce monde de l'égoïsme et du paraitre où sa sensibilité n'a pas sa place comme le lui fera remarquer Jos. Charlotte Rampling par sa prestation hautaine et glaciale incarne donc une Meredith parfaitement opposée à la bonhomie de Georgy. Silvio Narizzano (réalisateur québécois exilé à Londres comme son nom ne l'indique pas) caractérise son égoïsme et égocentrisme de façon progressive. D'abord de façon furtive, en montrant sa silhouette élégante s'engouffrer ou sortir d'une voiture avec un garçon toujours différent au volant, par son désintérêt pour Georgy qu'elle est prête à abandonner au moindre appel d'un prétendant puis en situation lorsqu'elle se montrera indifférente à l'enfant qu'elle a mis au monde. Tombée enceinte de Jos, Meredith se mariera ainsi par défaut et ne cessera de regretter son ancienne vie dissolue.

Le film pourrait tomber dans une morale malvenue, mais la futilité des aspirations de son entourage (s'amuser, faire l'amour et absolument rien d'autre) s'oppose au monde intérieur enjoué de Georgy et de son constant souci des autres. Elle rêve autant qu'elle craint de s'abandonner à un homme, évitant les relations (l'insistant James Mason) ou les vivants par procuration lorsqu'elle accompagnera les premiers pas laborieux du mariage entre Jos et Meredith. Sa fantaisie s'exprime toujours avec créativité (excellente scène où elle perturbe une soirée guindée en arborant une robe de diva et chantant à tue-tête, les cours de danse aux enfants) et contrebalance l'hédonisme vide de sens de Meredith pour qui son propre bébé ne sera qu'un obstacle pour l'empêcher de s'amuser (dont un dialogue glaçant de détachement évoque les multiples avortements qui ont précédés cette grossesse non désirée). Jos s'avère nettement plus sincère et son amour naissant pour Georgy donnera une des scènes les plus mémorables du film. Après un baiser échangé, il traquera ainsi dans toute la ville Georgy en hurlant I love you bondissant comme un farfadet énamouré. Seulement lui aussi s'avérera incapable malgré sa sincérité d'assumer cette romance dès lors qu'elle impliquera des responsabilités. Heureusement le sourire de Georgy, capable de tout surmonter illumine à chaque fois une toile de fond assez dramatique pour tirer l'ensemble vers le conte de fée revisité. On n'est ainsi pas loin de Cendrillon et du "ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants" pour conclure mais amené avec une péripétie assez discutable et difficile à refaire tel quelle aujourd'hui. Georgy se tournera ainsi vers celui qui a pensé à elle et rien qu'à elle tout au long du récit dans une chute inattendue. Ni kitchen sink drama ni objet pop sophistiqué, à mi-chemin en réalisme cru et atmosphère rêveuse, Georgy Girl ne choisit pas et s'avère tout aussi capable de nous faire rire aux éclats que pleurer. Lynn Redgrave (sœur de Vanessa) par son innocence, son enjouement et expressivité exprime merveilleusement ce contraste, trouvant sans doute là le rôle d'une vie. 5/6
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Message par Commissaire Juve »

Some People (1962)... trouvé en passant sur Amazon.uk ! ça doit être kek chose ! :lol:

voir la BA en couleur !
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Message par Profondo Rosso »

Here We Go Round the Mulberry Bush de Clive Donner (1968)

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Été 1967 dans la grande banlieue de Londres. Jamie McGregor, étudiant de terminale qui s'apprête à entrer à l'université, a du mal à perdre sa virginité, malgré l'atmosphère de permissivité du milieu des années 60. Après des tentatives aussi burlesques qu'infructueuses avec Linda, Paula, Caroline, il réussira avec la gentille Audrey puis surtout avec la fille de ses rêves, la belle Mary Gloucester dont il est romantiquement amoureux.

Here We Go Round the Mulberry Bush est des films les plus emblématiques de la jeunesse hédoniste des 60's. C'est une sorte de croisement idéal entre le réalisme du free cinema et la stylisation bariolée du cinéma pop alors en vogue, faisant le pont entre deux des grands courants de cette décennie. Clive Donner se montre même bien plus brillants sur des thèmes voisins que pas mal d'œuvres du surestimé Richard Lester (on pense un peu notamment à The Knack ...and How to Get It (1965) mais aussi à une version adolescente et positive d'Alfie (1966)). Le film est l'adaptation du roman éponyme de Hunter Davies (qui signe également le scénario) auteur emblématique des 60's et responsable entre autre de la première et controversée biographie des Beatles en 1968). Le film narre l'odyssée sexuelle et sentimentale de Jamie McGregor (Barry Evans), adolescent dont la frustration est mise à rude épreuve par le contexte hédoniste d'alors et une sexualité ouvertement affichée à tous les coins de rue.

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La scène d'ouverture voit notre héros traverser son quartier à vélo pour effectuer des livraisons, l'œil concupiscent et s'attardant sur toutes les mini jupes, pulls moulants et autres décolleté qui forment la garde-robe de la gent féminine croisée sur son parcours. Barry Evans est confondant de naturel, garçon maladroit et attachant dont la voix off à l'accent cockney blasé est le vrai fil conducteur d'un récit entièrement plié esthétiquement et narrativement aux émotions qui le traversent. Qu'il livre ses courses à une mère au foyer et Donner déploie un fantasme à la Somerset Maugham où Jamie fantasme d'être initié sexuellement par une avenante femme mûre. Le réalisateur fait preuve d'une grande inventivité dans l'illustration de ces rêveries (et une nouvelle fois de façon tellement plus forte qu'un Richard Lester) surgissant à tout moment et où sont convoqués le splapstick et le burlesque, où la photo d'Alex Thomson (premier film de celui qui allait faire des merveilles avec Excalibur (1981) et autres Legend (1985)) reproduit les teintes colorées du cinéma muet, laisse exploser l'arc en ciel pop psyché 60's ou désature l'image façon vidéo domestique en 16mm.

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Jamie cherchera donc durant tout le film à perdre sa virginité auprès de différentes jeunes filles, tout en observant de loin l'inaccessible Mary (Judy Gleeson) dont il est réellement amoureux. Le scénario ne fait d'ailleurs pas de Jamie un timide empoté, mais plutôt un jeune homme dont le manque d'envergure et de maturité le voit toujours se faire dépasser par d'autres ayant de meilleurs arguments à faire valoir pour une adolescente, son vélo ne pouvant faire le poids face aux prétendants motorisés de Mary. On aura dans la quête de Jamie une savoureuse satire sociale à travers ses déconvenues amoureuses et le caractère singulier de chacune des filles qu'il va tenter de conquérir. Toute les petites amies seront l'illustration de cette libération sexuelle et de cette morale disparue de cette Angleterre décomplexée. La blonde écervelée et revêche Linda (Adrienne Posta) se montre ainsi hermétique aux tentatives de baiser de Jamie mais s'excite toute seule et attends l'assaut de ce dernier quand il la fera involontairement basculer au sol à l'horizontale. La ravissante brune à frange et pieuse Paula (Sheila White) l'incitera même à consacrer du temps aux animations de l'église tout en l'éconduisant pour flirter avec un jeune prêtre. Cela donne d'ailleurs une des scènes les plus mémorables du film avec le Spencer Davis Group donnant un concert dans une église (le titre du film est d'ailleurs celui d'une chanson de Traffic, nouveau groupe de Steve Winwood qui quitta le Spencer Davis Group durant le tournage) où symbole de cette hypocrisie le slow chaste se mue en roulage de pelle furieux à chaque break de la chanson où les jeunes gens profite de la brève obscurité pour se sauter dessus. La farce sera encore plus drôle quand Jamie tentera sa chance avec Caroline (Angela Scoular), fille de la haute dont la famille s'avérera bien dépravée le temps d'un week-end où notre héros aura plus de chance de conclure avec la mère que la fille passablement éméchée. On rit beaucoup tout en étant consterné pour Jamie dont chaque tentative est vouée à l'échec par les circonstances défavorables, la mine dépitée de Barry Evans contrebalançant l'extravagance et la drôlerie des situations.

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Barry Evans dont c'était le premier rôle est si authentique que le personnage suscite toujours l'empathie et ne passe jamais pour un obsédé en rut. On devine une certaine mélancolie dans sa présence à l'écran qui fait comprendre que la quête n'est pas seulement d'ordre sexuelle mais surtout affective. Ainsi le dépucelage sans amour avec une camarade peu farouche intervient par une ellipse au terme d'une gigantesque séquence de batifolage collectif témoignant de cette jeunesse sans tabous et échangeant joyeusement ses partenaires de flirt et plus si affinité. Jamie se voit ainsi confronté aux limites de ce contexte quand il réussira enfin à conquérir Mary, son romantisme naïf se brisant dans la quête d'expériences de son aimée.

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Avant cette déconvenue, Donner ose enfin puisque l'amour est enfin là déployer des scènes sexuelles plus osées (où l'on appréciera la plastique parfaite de Judy Gleeson sous tous les angles) dans une esthétique chatoyante et où Jamie parait enfin heureux et épanoui. Cela pourrait donner une conclusion plus pessimiste mais c'est la fougue juvénile qui prédomine dans cette œuvre ouvertement optimiste et la splendide dernière scène nous montre bien le désir charnel toujours bien là sera désormais au service d'un sentiment plus profond. Une belle réussite trépidante et bariolée filant le sourire et un portrait juste et très universel des émois adolescents. 5/6
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Message par moonfleet »

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Re: Le cinéma britannique

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J'en fais la pub aussi quelques posts au dessus :wink:
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