Le Cinéma britannique

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Le Cinéma britannique

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P'tang, Yang, Kipperbang de Michael Apted (1982)

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P'tang, Yang, Kipperbang est à l'origine une production télévisée s'inscrivant dans cycle "First Love" initié par le scénariste Jack Rosenthal. Le film est un charmant coming of age se situant en 1948, cet immédiat après-guerre constituant un contexte essentiel dans la personnalité de son jeune héros. Alan (John Albasiny) est un écolier doux-rêveur en constant décalage avec son environnement. Le film s'ouvre sur une scène de rêve interrompue qui réunit ses deux passions, le cricket où se dispute une joute entre l'Angleterre et l'Australie puis un baiser avec Ann Lawton (Abigail Cruttenden) la fille de sa classe dont il est fou amoureux. La personnalité lunaire d'Alan est dépeinte avec tendresse à travers diverses idées narratives et formelles jouant sur une tonalité comique ou plus mélancolique.

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Alan est ainsi capable de voir un signe du destin en observant des insectes, ses errances qui le mettent systématiquement en retard à l'école étant observée sous l'œil sarcastique d'ouvriers dans la rue - Est-ce pour générer une future génération aussi ahurie qu'ils ont combattus durant la guerre ?. Alan idéalise ce fameux baiser qu'il rêve de donner à Ann, cet élan romantique lui faisant rejeter les choses du sexe qui titillent déjà ses camarades, les nommant avec pudeur "the other things". Cette vision fantasmée et romantique du monde se prolonge également dans l'amitié qu'il noue avec Tommy (Garry Cooper) le jardinier de l'école et ancien vétéran de guerre. Alan peut ainsi s'enflammer avec lui en vantant la manière dont ses actions ont changé la face du monde et partir dans des tirades naïves et grandiloquentes sur les changements sociaux que provoquera cette victoire des Alliés. Pourtant au quotidien rien ne change pour Alan, invisible pour les autres (poignante scène où il constate n'avoir même pas été comptabilisé dans un jeu des filles classant les garçons les plus séduisant de la classe) et surtout pour sa Ann bien-aimée.

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Ce décalage entre aspirations rêvées et réalité se prolonge subtilement aux personnages adultes, que ce soit l'institutrice Miss Land (Alison Steadman) amante d'un homme mûr puis d'un soldat américain durant la guerre pour possiblement être enceinte du jardinier Tommy dans l'immédiat. Ce dernier vit également dans le souvenir (qui s'avèreront être des fantasmes) de ses campagnes de guerre pour être ramené à sa modeste condition dans le présent - la différence de classe sociale étant en germe dans les romances adultes comme enfantines. Alan n'en est pas encore à ces désillusions et les espoirs comme les désagréments amoureux qu'il rencontre se vivent au rythme des envolées du vrai commentateur de cricket de la BBC John Arlott, les clameurs de la foule ou ses huées guidant saluant ses timides avancées.

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Les prières de notre héros sont pourtant exaucées lorsqu'il est engagé malgré lui dans la pièce de l'école dont le clou est une scène où il donnera ce fameux baiser à Ann qui y joue aussi. La candeur de l'ensemble est des plus touchantes, notamment grâce au charme des jeunes interprètes avec en tête la bouille attachante de John Albasiny. On retrouve la finesse d'observation qu'a rôdé Michael Apted sur sa série documentaire Up, le réalisme cédant à une veine plus surannée qui fonctionne parfaitement tout en ne négligeant pas une relative noirceur. Le cheminement de l'enfance vers l'âge adulte se joue dans cette hésitation entre rêverie innocente et retour au réel. La conclusion offre un bel entre-deux où les visions d'Alan vacillent à la fois dans son grand moment attendu (le baiser tant espéré) et le fantasme qu'il se faisait du passé glorieux de l'exemple de l'héroïsme anglais. Une belle réussite qui deviendra un vrai film culte (notamment le monologue final de la déclaration d'amour d'Alan assez inoubliable) qui aura finalement droit à une sortie salle en Angleterre et aux Etats-Unis, et régulièrement rediffusé depuis. 4,5/6

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Jeremy Fox
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Message par Jeremy Fox »

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Flol
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Re: Le Cinéma britannique

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Profondo Rosso a écrit :P'tang, Yang, Kipperbang de Michael Apted (1982)
*2 semaines plus tard*

Et tu l'as découvert comment, ce petit film qui a tout pour me plaire ?
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Profondo Rosso
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Re: Le Cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

Flol a écrit :
Profondo Rosso a écrit :P'tang, Yang, Kipperbang de Michael Apted (1982)
*2 semaines plus tard*

Et tu l'as découvert comment, ce petit film qui a tout pour me plaire ?
Dans cette édition UK VOSTA

https://www.amazon.co.uk/gp/product/B00 ... UTF8&psc=1

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Flol
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Re: Le Cinéma britannique

Message par Flol »

3£99 ?? C'est cadeau. :o
Merci !
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Alexandre Angel
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Re: Le Cinéma britannique

Message par Alexandre Angel »

A ne pas confondre avec Chitty Chitty Bang Bang (ni avec Kiss Kiss Bang Bang, d'ailleurs)
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
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Profondo Rosso
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Re: Le Cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

Local Hero de Bill Forsyth (1983)

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MacIntyre, américain célibataire vivant bien, avec une maison et une Porsche, doit aller en Écosse sur l'ordre de son patron, chef de Knox Oil qui veut construire une usine pétrochimique sur une plage du nord de l'Alba. Mac et un collègue doivent négocier avec les habitants qui, s'ils l'acceptent, n'auront plus rien mais seront riches. Mac sympathise petit à petit avec les habitants et apprécie de plus en plus les paysages, remettant ainsi en question la pertinence de sa mission.

Local hero sera l'œuvre de la reconnaissance internationale pour Bill Forsyth après le salut critique et le succès local de ses deux premiers films That sinking feeling (1979) et Gregory's Girl (1981). Dans ces deux films, Forsyth en abordant tour à tour le film de casse décalé ou la chronique adolescente amusée montrait par la truculence de ses protagonistes un autre visage d'une Ecosse à l'arrière-plan social et urbain sinistre. Avec Local hero, le réalisateur poursuit cette idée mais en adoptant le point de vue d'un personnage extérieur amené à être subjugué par l'Ecosse. Il s'agit de MacIntyre (Peter Riegert), agent d'une compagnie pétrolière envoyé dans un village qu'elle souhaite remplacer par une usine pétrochimique. Dans un premier temps le récit semble donner dans le cliché tant dans le cynisme de Mac en jeune yuppie arrogant que dans le cadre pittoresque du village (imaginaire) de Ferness. Cependant Forsyth distille dès le départ çà et là quelques éléments soulignant la solitude de cette vie de cadre dynamique (Mac célibataire et sans ami la veille de son départ) où la vacuité d'être en haut de la pyramide avec un Burt Lancaster délicieusement décalé.

Bill Forsyth n'invente pas avec Local hero le postulat du citadin confronté à un environnement atypique, et d'autant plus en Ecosse avec des classiques anglais comme The Maggie d'Alexander Mackendrick (1954) ou Je sais où je vais de Michael Powell et Emeric Pressburger (1946). Cependant le réalisateur sort des sentiers battus dans en évitant une attendue caractérisation pittoresques des habitants. Les quelques moments attendus sont certes bien là (comme une scène de beuverie au pub) mais sans une construction classique allant de la confrontation à l'acceptation. Les habitants sont en effets largement ouverts à la manne de la compagnie en échange de leur logis et notre héros mène tranquillement les négociations tout en s'imprégnant des lieux. C'est le décalage entre cette absence d'opposition avec l'attachement qu'il se découvre pour les lieux qui change peu à peu la perception. Mac se pose ainsi en observateur charmé par les mœurs locales (l'ardeur amoureuse de l'hôtelier Urquhart (Peter Lawson) et son épouse) et surtout par son cadre. Le paysage est le vrai personnage secondaire du film, dans lequel Forsyth fond son héros qui s'y déleste progressivement de ses atours et préoccupations citadines. Un somptueux panorama de plage en fin de jour perd sa silhouette dans le lointain avant de peu à peu la figer en plus grand comme pour illustrer sa connexion avec les lieux dans des séquences magiques comme une pluie de comètes ou une aurore boréale. Forsyth donne un contour quasi féérique à ces passages, à leur épiphanie nocturne répondant une humeur bucolique de jour - et une photo fabuleuse de Chris Menges dans les deux cas - lorsque son associé Oldsen (Peter Capaldi) tombera amoureux de la belle océanographe Marina (Jenny Seagrove). La majesté grandiose se conjugue à des détails plus anodins (l'insert sur la montre de Mac laissée dans l'eau, ce dernier anticipant les raids à moto du chauffard local...) pour nous signifier l'intégration à ces lieux et cette communauté.

Local hero est donc un film à l'équilibre parfait entre humanisme et pure atmosphère (qui évite l'autre cliché qui guettait, celui mythologique) dans une trame volontairement lâche qui laisse les choses se dérouler sans conflit. Ainsi le premier obstacle au projet intervient dans les dernières minutes (soit quand plus personne ne souhaite le voir se réaliser) et le potentiel rebondissement autour du mensonge amoureux entre Oldsen et Marina est désamorcé avant même d'avoir pu exister. Ce village, cette plage, ces récifs et ces attachants habitants sont un arrêt paisible (le personnage du pêcheur russe, le pasteur africain) dans un monde matérialiste voire même un appel pour ceux qui en sont las avec l'arrivée triomphale du personnage de Burt Lancaster lors du final. Une réussite qui sera un immense succès en Angleterre (où il raflera le BAFTA du meilleur réalisateur) et aux Etats-Unis où il sera distribué par la Warner. 5/6

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Candlelight in Algeria de George King (1944)

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1942. La sculptrice américaine Susan Foster (Carla Lehmann) en villégiature en Tunisie dissimule l'espion anglais Alan Thurston (James Mason) à ses poursuivants nazis. Elle décide d'assister Thurston dans sa mission, retrouver un appareil photo contenant les plans exacts du futur débarquement des Alliés en Afrique du Nord. Le Docteur Müller (Walter Rilla) est, quant à lui, sur les traces de la jeune femme, espérant qu'elle va le mener à l'espion et aux documents.

Candlelight in Algeria est une énième variation autour du Casablanca de Michael Curtiz avec ce jeu de dupe et d'espion en Afrique du nord. Les échanges piquants entre l'espion anglais Alan Thurston (James Mason) et l'américaine Susan Foster (Carla Lehman) notamment sur leurs origines respectives n'est pas sans rappeler aussi l'excellent L'Étrange aventurière de Frank Launder (1946) . Le scénario a pour prétexte la vraie Opération Torch, rencontre secrète entre Général Clark (envoyé par Eisenhower) et les anglais afin de planifier le débarquement des Alliés en Afrique du Nord. La sculptrice américaine se trouve embarqué malgré elle lorsqu'elle recueillera Thurston poursuivi par les nazis. Ce dernier la charge alors de récupérer l'appareil photo contenant les plans de cette future manœuvre.

On est donc entraîné dans un récit alerte et plein de rebondissements. L'Alger de studio charme par son aspect pittoresque et factice assumé, le réalisme du cadre important moins que la complicité du couple et des dangers qu'il rencontre. Les autochtones sont donc des silhouettes un peu clichés, tout comme les français vichyste et résistant, à l'exception de la serveuse amoureuse de Mason Yvette (Pamela Stirling) assez touchante (et pendant de la Yvonne amouraché de Bogart dans Casablanca). Ces raccourcis et simplification ne dérangent pas trop tant l'ensemble parvient à tenir en haleine, notamment grâce à un mémorable méchant nazi incarné par un Walter Rill sournois et glaçant. George King emballe l'ensemble avec énergie et offre quelques morceaux de bravoures bien sentis comme l'évasion d'un hôtel ou encore une poursuite en voiture rondement menée. La belle photo d'Otto Heller illustre bien le mélange des genres du film, les contrastes du film noir alternant avec une délicatesse plus romantique. Très plaisant donc à quelques incohérences près, notamment une narration en flashback que la conclusion de l'histoire ne justifie pas (pourquoi Susan se trouve-t-elle à l'hôpital ?). James Mason tout en distance et charme est parfait, pas le premier dans ce registre d'espion suave déjà incarné dans They met in the dark (1943) ou Service secret (1942).4/6
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Re: Le Cinéma britannique

Message par Flol »

Y en a-t-il parmi vous qui possède ce coffret ?

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Re: Le Cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

Flol a écrit :Y en a-t-il parmi vous qui possède ce coffret ?

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Je n'ai pas le coffret (rachat futur j'en ai une bonne partie en dvd) mais à part le Richard Lester qui a pris un coup de vieux (Richard Lester quoi) il n'y a que du bon, la crème du Free Cinema. Samedi soir dimanche matin, La Solitude du coureur de fond et Un gout de miel étaient ressortis en salle l'an dernier donc pour ceux là les copies sont certainement bonnes, pareil pour Look back in anger déjà sorti individuellement en BR.
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Re: Le Cinéma britannique

Message par Flol »

Merci, je savais que je pouvais compter sur toi.
Je connais ces films de réputation seulement, et ça fait un paquet de temps que j'ai envie de les découvrir. Je sens que ça va être mon dernier craquage avant longtemps...
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Re: Le Cinéma britannique

Message par El Dadal »

Profondo Rosso a écrit :Samedi soir dimanche matin, La Solitude du coureur de fond
Ces deux-là ne sont que des repacks des disques BFI d'il y a 10 ans, qui à l'époque étaient top, aujourd'hui un peu datés mais toujours corrects. Les films, eux, sont des pierres angulaires du free cinema.
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Profondo Rosso
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Re: Le Cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

Flol a écrit :Merci, je savais que je pouvais compter sur toi.
Je connais ces films de réputation seulement, et ça fait un paquet de temps que j'ai envie de les découvrir. Je sens que ça va être mon dernier craquage avant longtemps...
Et si tu apprécies les films ce sera à compléter par d'autres très bons titres du Free Cinema mais pas produit par Woodfall notamment les premiers films de John Schlesinger comme Un amour pas comme les autres, Billy Liar, Darling... De belles découvertes en perspectives !
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Jeremy Fox
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Re: Le Cinéma britannique

Message par Profondo Rosso »

The Night Digger de Alastair Reid (1971)

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La vie de célibataire d'âge mûre de Maura Prince prend une tournure inattendue lorsqu'elle rencontre le bricoleur Billy Jarvis, un homme étrange et émotionnellement instable. Pendant ce temps, un tueur en série est pris de folie dans la campagne, il viole et tue des femmes avant d'enterrer leur cadavre au bord de la route...

The Night Digger est une œuvre oppressante à souhait mais dont les prémisses relèvent pourtant des meilleures intentions. Demeurée célèbre pour son rôle dans Le Rebelle de King Vidor (1949), Patricia Neal poursuit par la suite une solide carrière hollywoodienne qui connaîtra un nouveau pic avec un Oscar de la meilleure actrice pour Le Plus sauvage d'entre tous de Martin Ritt (1963). C'est peu après que le destin la frappe lorsqu'elle subit une rupture d'anévrisme en 1965 alors qu'elle est enceinte de son cinquième enfant. Après trois semaines de coma elle en ressort vivante mais grandement handicapée, boitant et incapable d'apprendre un texte ce qui assombrit son avenir d'actrice. C'est sans compter la détermination de son époux d'alors, l'écrivain anglais Roald Dahl qui la soumet à un régime d'exercice sévère qui lui permet de retrouver peu à peu ses facultés. Le point d'orgue de cette volonté de Roald Dahl sera l'écriture du scénario qui signera le retour à l'écran de Patricia Neal. Il adapte donc le roman Nest in a Fallen Tree de Joy Cowley dont il refaçonne l'intrigue et les personnages afin d'en faire un écrin sur mesure pour son épouse.

Maura Prince (Patricia Neal) est une vieille fille vivant avec une mère abusive (Pamela Brown pourtant seulement 11 ans d'écart avec Patricia Neal) et aveugle dont elle est obligée de s'occuper dans leur demeure délabrée au cœur d'une campagne sinistre. Une rupture d'anévrisme passée aura façonnée la prison de Maura puisque c'est suite à cet incident qu'elle est revenue vivre auprès de sa mère qui l'a soignée, et désormais les rôles s'inversent sans qu'elle puisse mener sa propre vie. La rupture d'anévrisme est ainsi le prétexte à une relation abusive métaphore de la soumission et dépendance dans laquelle nous place la maladie. Le récit s'éclaircit pourtant légèrement lorsque Maura embauche le jeune Billy (Nicholas Clay le futur Lancelot d'Excalibur) comme homme à tout faire au sein de la maison. La candeur et la bonne volonté du jeune homme égaient la vie de Maura et laisse croire à une possible romance malgré leur différence d'âge. Seulement Billy dissimule lui aussi un terrible secret.

Le personnage de Billy constitue l'autre versant du handicap, cette fois mental, qu'on ne pourra jamais surmonter. L'existence morne de Maura s'illustre dans une ambiance mortifère et statique, la photo d'Alex Thomson faisant de la demeure un mausolée grisâtre tandis que les extérieurs font dans le filtre terne et l'atmosphère pluvieuse pour prolonger la sinistrose - pas sans rappeler The Offence (1972) ou La Panthère Noire (1977) autres fleurons du polar britannique glauque. Le malaise qui se dégage avec Billy s'exprime autrement, d'abord quand il conserve son mystère avec des contre-plongées, des gros plans saisissant où sa bonhomie juvénile s'estompe pour laisser place à une expression inquiétante. Nicholas Clay excelle à exprimer cette dualité ange-démon qui ne rend que plus inquiétants ses élans criminels. La mise en scène d'Alastair évite tout effet choc pour jouer sur la longueur dans sa manière de faire basculer Billy, notamment la scène où il s'introduit dans la chambre d'une jeune femme. La grammaire filmique change avec l'attitude de Billy, les cadrages, compositions de plan et jeux sur la profondeur de champ s'amorçant tandis qu'il observe sa victime puis se rapproche d'elle en se déshabillant. Une fois les pulsions du personnage ainsi illustrées, toutes les autres manifestations de sa nature passent par l'ellipse sèche et un "après" glacial (dans le filmage neutre comme le jeu détaché de Clay) sur les conséquences.

Aucun jugement cependant, le scénario faisant se rejoindre les deux handicaps (reposant sur un abus et un manque d'amour) possiblement guérissable à travers la romance entre Maura et Billy. On y croit jusqu'à un épilogue ravivant les vieux démons et un ultime face à face déchirant. Les vrais monstres restent cependant les vieux bigots hypocrites pour lesquels on n'a aucune compassion et qui servent l'ironie mordante de Roald Dahl (qui sorti de ses livres pour enfants était capable d'une vraie noirceur notamment dans ses nouvelles). Si l'on est pas certain que le film aura réussi à ressouder le couple Patricia Neal/Roald Dahl (qui divorceront en 1983), il aura au moins permis l'existence de ce thriller assez unique. 5/6
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